Si le temps se fige:

(Tw: fétichisation des personnes trans, relation abusive, viol)


«Je mettrais mon argent dans mon sac.

J'attraperai mes godasses.

Je mettrai les voiles.»

Hydriss arrêta de gratter sa guitare imaginaire et de chanter dans son crâne.

C'était pas si bon que ça.

Il n'aimait pas tellement la musique, il préférait le théâtre et la poésie.

Mais il y avait pas longtemps il c'était dit que chanter, c'était la même chose que réciter, juste avec de la musique en plus. Alors il c'était fabriqué en guitare de pensée et avait commencé à composer.

Le résultat le laissé mitigé.

Il tendit l'oreille.

A côté de lui, des ronflements s'élevaient.

Il venait de s'endormir, à moins qu'il ne le fut depuis plusieurs minutes.

Qu'importe.

Hydriss se souvenait de lui, cinq ans auparavant.

Si beau sur son tabouret de bar avec sa bière à la main et sa barbe de trois jours.

Lui venait alors de débarquer à la capitale et c'était sa première sorti dans les bars, dans leurs bars, là où les hommes embrassent les hommes et il avait un peu paniqué. Il se souvenait de ses milles et une questions, ressemblait-il assez à un garçon, le regardait-on étrangement, et sa poitrine ?

Il avait vacillé.

Il n'aimait pas les bars.

Il aurait plus du aller au théâtre, ou à l'Opéra, ou rester chez lui à jouer aux jeux vidéos.

Mais il était sorti.

Et lui.

Avait-été si gentil.

«Tu sais, c'est pas grave, moi ça me plaît plutôt bien. »

C'était à ce moment là que Hydriss aurait du comprendre, mais l'idée lui avait plu, celle cela puisse plaire plutôt bien à quelqu'un.

Le jeune homme souffla.

Un peu trop fort.

Le corps à côté de lui remua.

Et son estomac se noua.

Pas trop bruyamment.

Doucement.

Sortir du lit.

Enfiler un T-shirt trop grand.

Et sortir.

Il avait le sommeil lourd.

Hydriss aurait pu partir.

Mais dehors il y avait quoi?

La campagne criblée des mines laissait par la guerre.

La boue des champs dans laquelle les pieds s'enfonçait.

Et presque pas de route.

Il n'avait jamais apprit à conduire.

Ado il c'était dit que c'était inutile, qu'il allait partir étudier dans une grande ville peuplée de bus et de métro. Aujourd'hui il aurait bien fichu des baffes à son ancien lui.

Il tourna la poignet de la porte.

Plus aucun bruit.

Dans le lit.

«Je...soif. J'avais soif. Je suis désolé. Pardon. S'il te plaît ne...»

Rien.

Normalement lorsque ses escapades échouées il était de suite ramené dans le lit.

Pourquoi?

Serait-il...

«Ta chatte est tellement serrée qu'un jour tu va me buter»

Il secoua vivement la tête de gauche à droite.

Non.

Il détestait ça.

De temps en temps sa voix retentissait sous son crâne.

Aussi claire que s'il avait hurlé dans son oreille.

Hydriss s'approcha du lit.

Il avait toujours ronflé.

Il ne ronflait plus.

Et son torse.

Le jeune homme cligna des yeux.

Et alluma la lampe de chevet.

Il n'avait pas rêvé.

Aucun soulèvement.

Et le réveil ?

Plus de tic tac.

Plus d'aiguille en mouvement.

Le temps.

C'était figé.

«Je lui tirerai ses clefs

Et je me tirerai

Je partirai

La où la mer
Joue avec les raies de lumière»

Hydriss secoua la tête à nouveau.

Non.

Il ne pouvait pas.

Le temps qui s'arrêtait avec lui en mouvement.

C'était un fantasme.

Un truc qui ne devait pas arriver.

Comme se dire, si un jour je gagne au loto je me paye un tueur à gage pour buter ce connard.

Ça aussi il ce l'était dit.

Son corps se balança, oscillant entre le lit et la porte.

La porte c'était.

Quoi ?

La liberté, la course éperdu dans la cambrousse et puis bordel, quoi ?

Se pointer chez sa mère, coucou maman, je t'ai pas vu depuis cinq ans, sinon ça va?

Trouver du travail, oui, j'ai fait trois mois d'une fac de théâtre, et sinon je n'ai aucune expérience, comment ça vous ne m'embauchez pas ?

Quelque part Hydriss savait.

Il aurait pu travailler au fast-food.

Expliquer à sa mère.

Reprendre toutes les briques de sa vie et se faire une jolie maison.

Loin.

Dans sa tête.

Il le savait.

Mais.

Cinq ans.

Son corps trembla.

La maison était infecte, il ne savait pas la tenir en ordre, et le jardin c'était du pareil au même, un dépotoir, les chemises étaient froissées, les pantalons pas bien pliés, même au lit il ne savait rien faire d'autre que se laisser baiser. Il ne savait rien, il avait de la chance, il aurait fait naufrage sans lui, personne n'aurait voulu de lui, c'était son amoureux.

Il.

«Je sais faire de la tarte aux pommes. »

Hydriss sanglota cette phrase.

Il avait remporté un concours de cuisine à onze ans avec la recette donnait par sa grand-mère.

Et souvent lorsqu'il se pensait nul, en dessous de tout, il se rappelait cela.

«Je sais faire la tarte aux pommes. »

C'était sa formule magique qui lui donnait un peu de force.

Il savait faire ça.

Il pourrait apprendre à faire autre chose.

Aider sa maman à tenir la boutique de fleur.

Retourner étudier le théâtre.

Aider sa petite sœur à faire ses math.

«Je sais faire la tarte aux pommes. »

Hydriss s'éloigna du lit.

«Je sais faire la tarte aux pommes. »

Il dégringola les escaliers.

«Je sais faire la tarte aux pommes. »

Il claqua la porte derrière lui.

«Je sais faire la tarte aux pommes. »


Un chapitre très dur tant à écrire qu'à relire pour moi.

La fétichisation est un risque qu'encoure toute personne trans quand elle commence une relation et j'avais envie d'aborder ce thème. J'espère que ça vous a plu malgré que ça soit très sombre  :/


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