Lorsque dort la foule:




Grand-mère n'avait jamais été très sensible aux caprices du temps.

Oh.

Pas physiquement.

Sur ce point ci elle était l'égale de tout un chacun.

Au fil des décennies ses cheveux avaient perdues leur belle couleur noir pour se teinter de gris et sa peau c'était retrouvée crevée de sillons.

Enfin bon.

Au bout de quatre-vingt-deux ans ce n'était plus le moment d'être belle.

Elle l'avait été, dans sa jeunesse avec ses cheveux fous se dressant sur sa tête et sa peau couverte de tatouage d'un marron juste un rien plus clair que sa peau.

La guerre l'avait-elle enlaidie?

Pas réellement.

Elle avait été une soldat, avec son crâne rasée et son lot de cicatrice.

Non.

La guerre l'avait changée mais c'était le temps qui avait gobé sa beauté.

Même après les combats les garçons et les filles avaient continués de se presser autour d'elle pour lui faire la cour. Au fil des années cela c'était atténué et puis, oh, ce n'était pas comme si elle avait eut besoin d'autres personnes qu'elles deux.

C'était peut être pour ça que le temps était aujourd'hui aussi clément.

Pour se faire pardonner de lui avoir mâché le visage et le corps de façon si brutal, de l'avoir transformé en cette espèce d'épouvantail maigre et dénué de charme.

En plus de soixante ans de caprice, le temps ne devait l'avoir figé que quoi? Certainement pas plus de dix fois. Une poignée, un rien du tout comparé aux autres qui parfois n'expérimentait jamais ce plaisir de bouger alors que le monde entier dors.

Grand-mère se leva de son fauteuil à bascule, l'heure était venue d'aller dire bonjour à ses compagnes. Avant, elle faisait le déplacement une fois par jour, mais ses articulations étaient douloureuses et la rue pleine de monde.

Parfois elle se demandait quand toutes ces maisons avaient poussées, quand est-ce que le petit quartier semblable à un village était devenu aussi exiguë.

Dehors.

La foule.

Jeune, Grand-Mère avait aimé les festivals de musiques, surtout de rock et encore plus quand cela tendait vers le punk, et ici c'était le même océan de personne.

Mais en muet et immobile.

Comme ce tombeau trouvé, où ça ?

Fichu mémoire.

Quelque part.

Un tombeau remplie d'une armée de statue.

Le rendu était le même ici, en moins ordonné.

C'était pour ça que Grand-mère n'aimait pas sortir.

On ne pouvait faire un pas sans être poussé, insulté de ne pas marcher assez vite et les plus faibles finissaient toujours par tomber.

Elle devait se hâter.

Vite.

Vite.

Se faufiler entre les corps.

Vite.

Vite.

Les déplacer un peu pour se faciliter la tâche.

Vite.

Vite.

Le temps pouvait repartir de suite ou dans un claquement de doigt.

Elle devait l'atteindre, cette petite sente, ce petit escalier presque invisible.

Finalement il fut là.

Et elle respira de nouveau.

Grand-mère réajusta son chapeau, une belle pièce en paille décoré d'un ruban, et son châle sur ses épaules. Elle aimait être impeccable quand elle allait les voir et la foule avait mit à mal les détails.

Elle défroissa son chemisier et se remis en route.

Ce n'était plus très loin et puis, même si le temps venait à recommencer, il n'y avait plus qu'une poignée de personne.

En descendant l'escalier elle songea à tout ce qu'elle avait à leur dire.

Les petits enfants qui n'arrêtaient pas de pousser, le fils un peu malade et la fille qui avait changé d'emploi. La boulangerie qui avait fermée, et puis le vieux chêne qu'on avait du abattre, sans oublier Jean qui était partie vadrouiller vers la mer.

Foutu temps.

Cela faisait bien quoi, un mois, oui, un bon mois qu'il ne c'était pas stoppé et cela ennuyait Grand-Mère, sa vieille caboche ne pouvait plus retenir un mois de petit rien.

Finalement elle arriva.

Poussa la grille et entra.

Elle se faufila à travers les chemins, fit un petit détour pour remplir un sceau d'eau puis s'arrêta.

Elle arrosa les fleurs avec un grand soin, et avec un petit sécateur coupa celles fanées, elle enleva la mousse des stèles de pierres avant de s'asseoir sur l'herbe.

«Je sais. Je sais. Ça fait longtemps mais justement, le temps! C'est à lui qu'il faut se plaindre! Ah...si vous saviez! »

Et elles surent.

Grand-mère leur raconta la vie, les joies, les tracas.

Comme elle le faisait depuis six ans pour l'une et huit pour l'autre.

Six et huit ans.

Que c'était long, et court.

Six et huit ans, face à plus d'un demi-siècle d'amour et de vie commune c'était quoi?

Rien.

Et tellement.

Grand-mère n'aurait jamais pensée partir la dernière, après tout, elle avait été la plus amochée par la guerre, la seule soldat des trois. Mais la maladie s'en était fiché visiblement et avait frappé deux fois, en l'épargnant toujours.

«Oh. C'est reparti.»

Grand-mère n'avait même pas à tendre l'oreille pour percevoir le brouhaha montant des rues.

Mais elle ne se leva pas.

Le retour dans ces conditions ?

Hors de question !

Elle allait attendre la nuit.

Ou un nouveau caprice du temps.

Cela ne la dérangeait pas.

Grand-mère s'installa entre les deux tombes, sortie un livre.

«Dépêche toi un peu le temps, j'ai un ragoût qui cuit à feu doux chez moi ».



Hello!

Une deuxième nouvelle avec un deuxième personnage très différent du premier!

Comme vous pouvez le voir les nouvelles seront toutes différentes au niveau du thème, du ton etc...

Sinon je voulais également vous dire que si vous êtes racisé/e et que vous remarquez des choses dérangeantes dans la manière dont je traite mes perso racisés n'hésitez pas à me le dire et je corrigerai le tir!

La prochaine se nommera L'Amant, j'espère que ça vous plaira!

Merci à celleux qui ont voté et commenté, ça me fait super plaisir!

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