Chapitre 17
Cette voix féminine était froide. Non glaciale. C‘était comme si un vent nordique s‘était engouffré dans la pièce. Même Marine paraissait aussi apeurée que moi. Il fallait trouver un moyen de sortir d‘ici pour récupérer Marie. Mais les possibilitéd étaient infimes. Nous devions faire face à celui qui allait détruire le monde : le Roi Démon.
Ma respiration se coupa lorsque le siège commença à tourner. Alors que j‘imaginais voir une bête semblable à celles vues jusqu'à maintenant, avec une voix étrange, apparaître devant moi... une fille qui avait l‘air d‘avoir mon âge apparut. J‘y retrouvais quelques traits de Sarah.
“Qui êtes-vous ?! lançais-je Et puis, pourquoi êtes-vous une fille ?“
Un sourire démoniaque déforma son visage.
“Je suis ta chère amie d‘enfance...
- Taisez-vous ! Je veux savoir la vérité !“
Elle s‘arrêta de sourire et son visage redevint froid et inexpressif. J‘avais des doutes et je voulais absolument être sûr.
“Oh ! Mais tu es bien insolent jeune homme ! Je devrais vous punir maintenant... Non. Pas maintenant.
Elle marqua une pose puis reprit : Pour te répondre, elle m‘a été très utile. Bon, maintenant je suis une femme mais tu ne rêves pas, je suis bel et bien le Roi Démon ! Ou plutôt Reine... En tout cas, ce nouveau corps me plaît bien.“
Ele me fit un clin d‘œil qui m‘irrita plus qu‘autres chose et passa sa main dans ses longs cheveux roux flamboyants pour les remettre en place. Ceux-ci tombaient en cascade sur une poitrine généreuse, mise en valeur dans une courte robe noire. Son visage était fin et ses yeux étaients tellements foncés que l‘on aurait dit un noir parfait. Mis à part son visage, je ne reconnaissais plus mon amie. Avait-elle disparue ? Était-elle morte ? Attendait-elle qu‘on la sauve ? Pleins de questions m‘assaillirent me donnant la migraine. En même temps, je ne pouvais m‘empêcher de penser à Marie. Que devais-je penser ? Je n‘arrivais plus à bouger et restais planté là, comme un idiot. Et comme si elle appréciait de me voir dans cet état, le Roi ou plutôt la Reine Démone insista.
“Mais on dirait qu‘il est troublé ? Viens-donc t‘asseoir pour te reposer.“
Pourquoi me proposait-elle ça ? Marine me fixait, inquiéte. Voyant que l‘on ne répondait rien, elle haussa le ton tout en étant plus direct.
“Venez vous asseoir !“
Nous nous regardâmes puis obéîmes. J‘essayais de paraître calme et détendu pourtant, j‘avais toujours plein de questions qui attendaient des réponses. Je pris place sur la chaise à sa gauche le plus près d‘elle et Marine s‘asseya en face de moi. Que comptait-elle faire ? Pourquoi nous inviter à table ? Ce serait idiot de partager un repas avec nous qui pouvions l‘attaquer n‘importe quand. Elle avait peut-être quelque chose de dissuasif. Mais quoi ?
Elle attendit quelques instants avant d‘ordonner à Agnor de partir et celui-ci quitta la pièce sans discussion. Puis, pour la première fois depuis notre entrée, elle se leva de son fauteuil. Une aura maléfique émanait d‘elle.
“Ah la la... J‘ai cru comprendre que vous vous étiez fait attaquer.
- Oui... commençais-je.“
Mais je me ravisais. Comment savait-elle ? Non, c‘était une question idiote. C‘était la maîtresse des lieux. Elle commença à s‘avancer en direction du messager, qui ne savait plus vraiment ce qu‘il faisait là.
“Et je crois aussi que vous avez pleins de questions à me poser, mais tout d‘abord... occupons-nous de ça !“
Elle n‘avait pas crié, mais presque, ces derniers mots en dirigeant sa main vers le recomposé. Je compris alors que cette reine était vraiment effrayante. Toujours la main tendue, elle se rapprocha de lui. Il avait l‘air d‘avoir enfin compris ce qui l‘attendait et tentai de s‘enfuir mais quelque chose d‘invisible le retint. Une fois qu‘elle fut à sa hauteur, elle l‘attrapa par le cou. Cette femme semblait se délecter des gémissements, mêlant peur et douleur, du petit démon. J‘avais mal pour lui. Marine observaita scène, bouche-bée. Elle était une démone elle aussi et pouvait se faire manipuler par l‘autre.
C‘est alors que l‘inévitable arriva. En un instant, le petit démon fut réduit en cendres dans un brasier étincelant, sans un cri. Je déglutis tandis que la reine des démons revint à sa place. Au moins il avait eu une mort rapide, c‘est tout ce que je pouvais lui souhaiter.
“Alors, maintenant, posez-moi vos questions. J‘y répondrai avec plaisir, dit-elle avec une voix où perçait un plaisir sadique.“
Personne ne répondit rien. Elle fit semblant de s‘étonner.
“Bah alors, vous n‘êtes pas très bavard !“
Elle remarqua alors que je fixais l‘endroit où elle avait froidement tué son messager. J‘avais peur. Vraiment peur.
“Ne vous inquiétez pas pour lui voyons... Il aurait dû mourir tout à l‘heure de toute façon.
-Comment ça ?“
C‘était Marine qui avait posé cette question. Tout comme moi, elle essayait de comprendre. Cela satisfait apparemment notre hôte.
“Ooh ! Vous avez enfin décidé d‘ouvrir la bouche ? Pour tout vous dire, vous auriez dû tous mourir dans cette ruelle. Pratique. Aucun témoins. Mais vous avez réussi à en sortir. Donc, j‘ai attendu que vous veniez. Je savais que vous viendriez.
- Oui mais pourquoi nous faire venir justement ? insistais-je.
- J‘avais juste des comptes à régler.“
Ses paroles étaient plutôt normales mais il y avait un truc qui me gênait. Elle “avait“ des comptes à régler ? Ça voudrait dire que c‘était déjà fait ? Alors que je m‘étais enfin calmé et déstressé, la peur refit surface. La peur de l‘inconnu.
Affichant un sourire satisfait, elle appela Agnor, qui était revenu entre temps sans un bruit, d‘un geste de la main. J‘entendis des bruits de pas s‘approcher de plus en plus derrière moi. Venait-il pour moi ? Je fermais les yeux, me préparant à l‘impact mais il me s‘arrêta pas à ma hauteur et continua pour aller voir sa maîtresse. Celle-ci reprit d‘une vois faussement douce.
“Admirez le spectacle.“
J‘hésitais à regarder. Mais poussé par la curiosité, je rouvris les yeux et manquais de tomber de ma chaise. Je sentais comme des picotements dans ma poitrine. À côté de son fauteuil, à sa gauche, un hologramme était apparut je ne sais comment. Sûrement Agnor. Mes yeux me piquaient à cause des larmes chaudes qui commençaient à couler le long de mes joues. Je pouvais la voir. Marie, enchaînée, les vêtements déchirés, en sueur et se débattant pour essayer de reprendre sa liberté. Je pouvais voir son visage déformé par la douleur et ses yeux dans lesquels brillaient la peur. Les larmes coulaient d‘elles-mêmes. Je n‘arrivais pas à les contrôler. Marine semblait tout aussi abattue que moi.
“Non. M... Marie.
- Et non, tu ne rêves pas ! C‘est bien elle, ta chère et tendre, souria mon ennemie.“
Oui. C‘était mon ennemie. Ma colère remplaça peu à peu la tristesse et la peur, avec une envie toute particulière. L‘envie de tuer. De tuer celle que j‘avais devant moi. La voir se vider de son sang sur le sol et me délecter ma vengeance. Voilà ce que je voulais.
“Stop ! criais-je en tapant du poing sur la table, fou de rage.“
Agnor sursauta et l‘hologramme disparut. Mais pas ma colère. Sa maîtresse semblait être au comble de la joie.
“Oh oh ! Monsieur s‘énerve ! Écoute, je te propose un marché. Là, je suis en train de pomper toute son énergie et elle n‘en a plus pour très longtemps. Je te laisse une chance de la sauver mais à une condition : elle reste ici, dit-elle en pointant Marine.
- Jamais !
- Alors tant pis pour toi.
Elle m‘énervait de plus en plus. Pourquoi ce dilemne ? Je ne pouvais en abandonner aucune ! Et puis si je le faisais, Marie m‘em voudrait énormément. À moins que... Oui, c‘était la seule solution. Il fallait que je la tue maintenant. Je commençais à m‘avancer vers elle quand Marine m‘interpella.
“Non Hugo ! Vas-y !
- M... Mais et toi ? demandais-je, ne sachant quoi faire.
- Ne t‘en fait pas idiot et vas-y ! Tu veux revoir Marie vivante non ?“
À ses mots s‘ajouta l‘image de celle qui occupait une place importante dans mon cœur, me souriant. Je la voyais ma saluer de grands gestes des bras et courir. Mais je ne parvenais pas à l‘atteindre. Elle était comme happée par les ténèbres.
Puis une voix résonna.
“Hugo ! Hugo !“
Je secouais la tête pour reprendre mes esprits. J‘étais perdu dans mes pensées et Marine me criais encore dessus.
“Hugo, vas-y ! Allez !“
Celle qui était auparavant mon amie d‘enfance riait sadiquement. Je lui jetais un regard noir puis regardais Marine. Je lui fis un signe de tête affirmatif et courus jusqu'à la porte. Je ne savais pas pourquoi, mais j‘avais l‘impression de pouvoir tout faire. Restant dans ma course, j‘ouvris la porte qui claqua tellement fort contre le mur que je n‘aurais pas donner cher de la personne qui se serait retrouvée derrière. Je déboulais dans le hall et alors que je m‘attendais à le voir vide comme à mon arrivée, une dizaine de démons environ se trouvait là, face à moi. Évidemment. Je me doutais bien que ça n‘allais pas être facile.
Sans même réfléchir, je fonçais dans le tas, n‘écoutant que mon courage. Jouant des mains et des pieds, je me frayais un chemin parmi ces bestioles qui en voulaient à ma vie. Alors que j‘avais presque réussi à tous les dépasser, une douleur fulgurante ma paralysa la jambe et je tombais au sol. Un des démons avait réussi à me toucher au mollet, là où je m‘étais blessé dans la ruelle. Moi qui avais voulu jouer les héros et qui avais cru pouvoir tout faire... J‘étais déjà à terre, encerclé. La respiration haletante, je tentais de me relever mais ma jambe me lança à nouveau. J‘étais si faible que ça ? Je ne pouvais donc rien faire ? Pitoyable quand même pour l‘Angémon...
Les démons se rapprochaient de plus en plus. Ils étaient vraiment lents !
Je n‘allais donc pouvoir sauver personne ? Cette pensée m‘agaça. Non. Je devais essayer. Je devais tout faire pour...
“La sauver !“
Je venais à peine de hurler ces mots traduisant toute ma haine, toute ma colère qu‘une lueur rouge foncé, augmentant de plus en plus, apparut. Allongé au sol, incapable de bouger, je regardais ma bague à mon index droit. Oui. Je pouvais m‘en servir. Bientôt, la lumière neutralisa mon champ de vision. Une forte et apaisante chaleur m‘entoura et un doux parfum de fleurs vint me chatouiller les narines. Marie.
Le décor revint aussi vite qu‘il avait disparu. Je pouvais voir mes ennemis qui s‘étaient décalés d‘un bon pas. On aurait dit qu‘ils avaient peur. Un, plus courageux que les autres, me chargea. Je ne savais pas quoi faire, je ne m‘étais jamais battu. Mais instinctivement, je l‘évitais de justesse et il s‘écrasa sur le sol. Moi-même, j‘étais surpris par mon geste, je me mis à regarder mes mains. Tout était normal. C‘est alors que je remarquais quelque chose au dos de ma main gauche. Un tatouage représentant des flammes ardentes y était dessinée. Les autres, toujours distants, je cherchais quelque chose pour me voir. Je baissais la tête et pu, sur le carrelage, distinguer mon reflet. La première chose qui me frappa fut la couleur de ma peau, sombre. Mes cheveux noirs de corbeaux et mes yeux complètements rouges pouvaient encore passer mais ma peau. Mes vêtements avaient également changés. Mon jean déchiré avait été changé en un pantalon lisse et noir et un t-shirt à manches longues noires avait remplacé mes vêtements habituels. Enfin. Je n‘étais plus faible maintenant. J‘avais réussi.
Marie, je vais venir te chercher, murmurais-je.
Alors que je relevai la tête, confiant, une douleur aiguë me transperça le dos.
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