Chapitre 4

Au lycée Victoria London, personne n'avait jamais su raser les murs aussi bien que lui. Invisible, de lui disait-on.

Mais Il comprenait parfaitement qu'étant donné le fait qu'il était le garçon le plus nerd de l'établissement, doublé d'un caractère ennuyeux irréfutable, the perfect nobody  en quelque sorte, il fallait qu'un jour il se fasse persécuter par ses congénères. On pourrait même dire par la dure-loi-toute-fabriquée-du-lycée,   ̶  en le voyant lire ses gros livres compliqués sans image ou rendre ces devoirs bien avant la date d'échéance  ̶  ,qu'il le réclamait. 

Et c'était bien sa veine que récemment, il avait rencontré le démoniaque Michaelis sur son passage. Encore heureux qu'en dehors du boulot, personne ne connaissait son identité sexuelle. Mais il pouvait, enfin il pensait, pouvoir sortir des mailles de ce calvaire incessant. Cependant c'était peine perdue, surtout qu'assis présentement à la cantine, un des gorilles de Monsieur Michaelis lui renversa du jus de pomme sur ces vêtements. En disant même un petit '' Oups désolé'' avant de s'éloigner, un rire de hyène entre les dents. Comme il les détestait...

Jurer était peu dire. Ciel crachait sa colère dans les toilettes. Nettoyant avec force son tee-shirt collant et se moquant de savoir que tout le monde pouvait l'entendre objecter des insanités sur Sebastian Michaelis. Il n'en avait rien à foutre d'avoir une belle image à la con. Il était tout sauf, commun et con.

Il ressortit des toilettes en claquant la porte d'un grand bang et avant qu'il ne puisse finir de prendre ses affaires dans son casier pour le prochain cours, Doll le rejoignit.

- On dit quoi ? lui demanda-t-elle.

- On dit que dalle.

- Allez... Dis m'en un peu plus. Qu'est-ce qu'il te voulait Sebastian?, Cria-t-elle surexcitée.

Ouais, elle craquait toujours sur lui, venait de se rendre compte Ciel. Dégoûtant.

Sebastian Michaelis n'était pas juste que méchant. N'allez pas penser que son domaine de prédilection ne se résumait qu'à des enfermements dans des milieux confits. Il était bien plus ingénieux que ça. Il savait faire bien pire. Et Ciel l'apprendra malheureusement à ces dépends.

Comme ce Jeudi d'ailleurs où un jeune homme moche et obèse qu'il n'avait jamais vu de sa vie, lui fit un croche pied et qu'il tomba la tête au sol. Du sang perla de son nez et il se retrouva malgré lui à l'infirmerie se faire rabibocher ce qu'il y 'avait à rabibocher.

- On se voit souvent ces derniers temps, lui rappela son infirmière...

Ohh ! C'était peu dire...

- Oui, je sais, répondit Ciel. J'aime l'atmosphère qui règne ici, très calme et tout.

- Est-ce que tu veux me dire quelque chose ?

- Quoi par exemple ?

- Est-ce vraiment des accidents ?

- Bien sûr que s'en est, ironisa-t-il. J'adore me faire mal.

Il n'attendait qu'une chose : s'enfuir de ces murs pour aller au moins gagner sa vie en tant que serveur. Ce qui en soit était une première. Il était clair que revoir Maylinn, ou même ce blond de neveu du boss, n'était pas ce qui l'y poussait. Mais il savait au moins que là, il pourrait souffler tranquillement.

- Oh ! Regardez qui voit là ? Monsieur grincheux en personne, nous fait fit de sa présence... Tu es en retard.

Ouais. Elle connaisait Red.

Ciel la dévisagea, arquant un sourcil, prêt à lui répondre. Mais se ravisa, en se demandant pourquoi est-ce qu'il devrait l'écouter elle et ses faux cheveux, ses grosses lunettes et son maquillage mal fait?

Il se dirigea rapidement aux vestiaires et se changea dans sa chemise blanche et son pantalon noir. Un petit tablier de la même couleur attachée autour de sa fine taille. Il jeta un rapide coup d'œil à sa tenue dans le miroir et se précipita rejoindre les autres.

Mais ce répit ne dura qu'une seconde.

- Tu étais où hier ?, Le patron a demandé d'après toi.

- Il était là ?

- Comme si tu ne savais pas qu'il serait là un jour où toi tu étais censé être là.

- J'étais,... j'étais malade.

- Ouais dis ça à mon cul.

Ciel roula des yeux et l'ignora complètement. Il se précipita prendre les commandes des tables qu'il était censé servir et afficha son faux sourire de serveur entraîné. Ce qui ne manqua pas de charmer les vieilles clientes qui le trouvaient trop mignon, avec sa petite taille et ses mèches noires qui lui barraient un œil et lui donnaient un air d'emo heureux de l'être.

Il continua ainsi ses prestations de charme jusqu'à ce que Maylinn revienne à la charge en lui disant que le patron le convoquait à l'arrière-boutique.

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- Bonsoir Monsieur.

Bardloy Rivers était penché contre un mur, les bras croisés et dévisageant Ciel qui venait de passer la porte.

- Bonsoir Ciel. T'aurais une explication à donner pour ton absence de mercredi ?

Une explication ? Il en avait une oui. Et était embarrassé rien qu'en y repensant. Avoir été enfermé la moitié de la nuit dans une salle du lycée en attendant que le concierge qui faisait le ménage nocturne le retrouve ?

Ciel regardait ses jambes alors que Monsieur Rivers avait commencé doucement- sûrement dans le but de le mettre à l'aise- en lui rappelant les règles de l'établissement qu'il fallait impérativement respecter pour tout employé du café ; et qu'il n'y faisait en aucun cas exception.

Devant un Ciel toujours silencieux alors qu'il réitérait une nouvelle fois la question sur la raison de son absence, Bardloy souffla et s'approcha du petit brun. 

- Vu que tu ne veux pas me répondre, je vais devoir te renvoyer.

- Non, monsieur.

- Tu ne me donnes aucune explication et tu t'attends à ce que je te laisse t'en sortir ainsi ? Je n'aurais jamais autant réussi dans les affaires si je n'avais pas été radical dans mes choix. C'est tout ou rien, à mes yeux. Donne-moi ton badge.

- Euh.... J'ai été enfermé dans une salle de classe au lycée et je n'ai pu être libérée qu'à vingt-deux heures. Je ne pouvais joindre personne parce que je n'avais plus de batterie, avoua-t-il d'une traite.

- Enfermer ? Mais comment ?

C'était gênant de le dire mais au point où il en était et vu ce qu'il risquait, il préférait encore l'argent à la honte.

- Je devais rester derrière pour un travail. Et je me suis assoupie sur une table. Le temps que je me réveille, tout le monde avait déserté le lycée et j'ai été enfermé à l'intérieur.

Un petit mensonge pour garder sa dignité. Et heureusement, car avant que le patron ne puisse s'approfondir sur la question, le bruit habituel d'objets mourants retentit dans la boutique et Bard souffla exaspérer avant de sortir dehors, Ciel sur ces traces.

Monsieur Bardloy savait se montrer compréhensif, tant qu'on n'enfreignait pas les règles établies. Car il détestait cela. Cela rappelait à Ciel la première semaine où Maylinn avait commencé par travailler au café. Il l'avait réprimandé si fort parce qu'elle avait confondue la commande d'une cliente avec une autre qu'elle avait pleuré. Et Ciel s'en rappelait encore comme le moment le plus divertissant de sa vie de travailleur.

Alors pour être honnête, quand il a entendu les verres se casser, peu importe celui qui était derrière cette incroyable œuvre d'art, Ciel espérait une rivière de larmes et peut être même un employé qui courrait s'enfuir en claquant la porte derrière lui, comme dans un film dramatiquement hollywoodien. Peu importe qui c'était, il lui remerciait intérieurement du petit répit qu'il lui faisait gagner avec son patron.

- Finnie ?

Quand le jeune homme entendu ce nom, tous ses espoirs tombèrent à l'eau. Le neveu du boss. Et on ne renvoyait pas le neveu du boss. Il n'y avait qu'à voir la tête de Bard quand il s'est approché de celle tremblante de son neveu, les yeux baissés. Ce qui fit noter à Ciel qu'il n'avait jamais vraiment porter attention au visage du jeune homme. Ni même remarqué qu'il avait des yeux verts. Il semblait jeune, peut être du même âge que lui,  mais Ciel ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ressemblait à un gamin. Il lui donnait  seize ans au bas mot.

Bard s'approcha de lui, passa les mains sur ses épaules avant de lui murmurer un truc à l'oreille, et ils se dirigèrent tous les deux à l'arrière-boutique. Mais avant de dépasser Ciel le boss lui ordonna, ce qui rendit pâle le neveu maladroit :

- Ciel. Nettoie tout ça.

L'emo jura sous sa barbe, prêt à lancer les milliards de gros mots que l'éducation récente de sa tante lui avait inculqués, mais il s'en ravisa, car si le boss était prêt à  lui donner encore du travail à faire, cela voulait en quelque sorte dire qu'il ne serait pas renvoyé ce soir. Ce qui plus tard, fut le cas.

N'empêche qu'il a frappé le sol assez fort du pied quand la porte s'est rabattue sur les deux Rivers, devenant par conséquent la nouvelle attraction des clients du lieu.

- Pour une surprise ?, S'étonna Maylinn. Il n'a même pas grondé son neveu. Tu ne trouves pas leur relation quelque peu bizarre ?

Ciel l'ignora comme d'habitude et se mis à nettoyer le désastre au sol. Mais Maylinn ne le lâcha pas d'une semelle en le suivant partout où il allait.

- J'ai entendu dire qu'ils ne vivaient ensemble que depuis quelque mois. Et qu'ils n'étaient pas lier par le sang.

Elle se tut et regarda au dessus de ses binocles rondes, signe qu'elle et ses suppositions à deux balles refaisaient surface. 

- Où est-ce que tu veux en venir au juste ?, la questionna Ciel exaspéré.

Il ne voulait pas l'entendre, mais il préférait faire autant semblant de l'écouter pour se débarrasser d'elle au plus vite.

- Tu sais, Comme il est attiré par toi, et tout ? Cela suppose en soit qu'il est gay. Et s'il est gay et attiré par un ado de dix-sept ans, on peut aussi supposer qu'il les aime jeunes. Et s'il les aime jeune, on peut aussi supposer qu'il pourrait s'intéresser à lui. Et vu qu'il habite chez lui, on peut supposer qu'ils ne font pas que dîner quand ils rentrent. Et s'ils ne font pas que dîner quand ils rentrent, ils...

Il le regrettait déjà. 

Et il ne s'est pas fait prier quand il a claqué la porte des toilettes devant Maylinn, ayant marre de l'entendre déblatérer sur ses maudites déductions.

Ciel savait désormais que s'il gardait son boulot ce soir, il allait rabattre toute sa colère sur le blond de service.

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