Chapitre 17

Maylinn était une vraie casse-couilles.

Actuellement, elle avait toujours été une emmerdeuse. C'était juste qu'aujourd'hui plus qu'hier, elle était une chieuse de première. Et Ciel était prêt à l'égorger avec un couteau à beurre ou même une soucoupe à café, s'il devait en arriver à là.

Maylinn les observait tous les deux. Lui et Finnian. Et sentait clairement, grâce à ces lunettes infra rouges et ses yeux capteurs-de-mouvements, les petits gestes inhabituels de ces collègues - les regards en coin de Finnian, et le ras-le-bol très commun de Ciel qui faisait semblant de ne pas voir que l'autre là le voyait. Ça sentait le drama bollywoodien à plein nez, pensa-t-elle en réajustant une des branches de ses lunettes, sans les danses et la musique évidemment.

Surtout que les deux étaient marqués d'un tatouage de guerre au visage. Finnian au nez et Ciel à la lèvre.

Alors elle suivit Ciel partout, de la cave au grenier, en passant par les toilettes, à la recherche du moindre petit indice. Et celui-ci fidèle à lui-même, s'éloignait d'elle, la traitant comme si elle avait la peste.

Mais Maylinn ne s'en démordit pas. S'il pensait que si peu pouvait la faire fuir face à un nouveau commérage, c'était mal la connaître. Après tout, il y avait besoin de deux personnes dans une histoire pour créer une dispute. Alors si l'un ne voulait pas répondre, l'autre pourrait être soudoyer... Surtout qu'il était quand même très influençable comparé à Ciel.

Pourquoi est-ce qu'elle n'y avait pas pensé plus tôt?

Toutefois, c'était tout aussi mal connaître Finnian. Parce que sous ces airs de chien battu, se cachait un homme incroyablement silencieux, fidèle, qui savait garder les secrets. Et plus que d'avouer à Maylinn qu'il avait le cœur brisé, ce qui l'empêchait de parler, était le fait que cela mènerait à énoncer Red dans la conversation et il ne voulait pas.

Pourquoi?

Parce que même dans les pires moments, Finnian était content de savoir qu'il partageait une chose avec le beau petit brun aux yeux bleus de ses rêves. Un secret qu'aucun autre collègue ne savait. Même si cela lui a valu une belle engueulade de celui-ci. Mais n'empêche que comme un con, à observer Ciel de temps en temps en se demandant ce qui avait bien pu lui arriver à la lèvre, il ne pouvait empêcher ses sentiments de grandir plus.

C'était con, combien il l'aimait.

Et l'intéressé ne se doutait même pas à quel point. N'empêche qu'il n'était pas indifférent aux petits regards de Finnian. Comme il l'avait dit dans le chapitre 14, il regrettait la façon dont il l'avait dit. Pas ce qu'il avait dit.

Mais le problème pour le moment, c'était que Ciel avait le cœur lourd. Et ne pouvait pas vraiment s'attarder sur Finnian. Ou sur le baiser de Sebastian. Même quand il finit sa longue journée de travail et attendait devant une façade de boutique que la pluie qui l'avait surpris sur le chemin du retour cesse de tomber. Il ne voudra jamais l'avouer à personne, mais sa tante lui manquait horriblement. Elle n'était pas rentrée depuis leur accrochage à l'hôpital, et elle ne l'avait pas appelé non plus. Non pas que Ciel l'avait également fait. Alors qu'il en avait si envie. Mais il hésitait toujours, parce qu'à chaque fois qu'un mélodrame les éloignait, il se disait que c'était peut être la chance de la belle rousse. En s'éloignant de lui, qui sait, elle pourrait avoir une vie tout à fait normale ? Parce que même si Ciel avait disparu pendant toute une année quand il avait douze ans, et qu'on l'avait retrouvé dans une forêt, personne ne savait exactement ce qui lui était arrivé... Il était revenu borgne et tatoué d'une marque dans le dos. Il avait dit à tous qu'il avait oublié ce qui lui était arrivé.

Alors que ce n'était que mensonges.

Il se rappelait des pleurs. Des cris. Des hurlements. Des peurs de la mort. Le visage de ses parents. La douleur. De ses horribles coups le brisant un peu plus chaque jours. Et de tous ses rires qui l'ont tant humilié. Il sentait encore la lame transpercer sa peau, ainsi que l'horrible brûlure dans son dos.

À chaque pensée, à chaque souvenir, à chacun de ses pas sous cette pluie tonitruante, il sentait son cœur se noyer un peu plus. Et ces larmes couler, se confondant à l'eau. Son corps, tout comme son âme étaient trempés à jamais par tout ce malheur. Et il essayait d'avancer comme il le pouvait. Protéger ceux qui l'aimaient et tenter de tout oublier pour ne pas finir par craquer.

Cependant, il n'avait pas prévu qu'il craquerait quand il arriverait chez lui et y verrait Red.

Il resta figé sur place. Tout comme elle, un lot de vêtements sous les bras. Un long silence régna et Ciel sans trop savoir comment laissa échapper une larme. C'est la voix enrouillée qu'il dit:

- Tu m'as manqué Red. Tu étais où?

- Je suis désolé.

Et sur ces mots, ils se pardonnèrent. Il avait beau tout dire, il ne pouvait se résigner à la laisser partir.

Ils passèrent la nuit entière debout à se raconter ce qui avait pu se passer dans leur vie ces quelques jours. Comme s'il ne s'était pas revu depuis trois milles ans. Et très vite l'humeur bon enfant qui était née, a été remplacée par du dégoût quand Red s'est proposée de faire à bouffer pour fêter leur retrouvaille.

Ciel commençait par les regretter.

- Il semble très gentil. Et physiquement, je dirai qu'il correspond à tes critères non?, disait-elle trente minutes plus tard, la bouche pleine de pizzas.

Ils avaient fini par en commander quand ses pâtes collaient au plat plus qu'elles ne devraient. Et maintenant, ils causaient de Finnian parce que Maylinn avait déjà fait sa commère en faisant part de l'histoire à Red, pensant que celle-ci était au courant d'un truc - Et pouvait remplir sa jauge de cancans. Oui, elles se connaissaient... Quand on disait que c'était une méga chieuse, le qualificatif était faible.

- Ce n'est pas ça. C'est juste, je ne sais pas... Et je n'arrive pas à croire que tu sois au courant, fit Ciel indigné. Cependant Red l'ignora, ajoutant :  

- Vous vous êtes disputés?

Ça ne servait à rien de lutter, se résigna l'emo.

- Non. Pas vraiment.

- Tu l'aimes bien? 

- Oui... Je ne sais pas... Enfin... Je crois que je l'aime bien. Mais pas sexuellement, se corrigea-t-il vite.

- ça c'est nouveau! Un blond ne t'intéresse pas sexuellement?! Cria t-elle à en faire saigner les tympans de l'emo.

- Tu ne peux pas comprendre, souffla-t-il à la recherche d'une quelconque excuse. Le mec..., il n' a pas de couilles.

Un sourire malicieux se placarda immédiatement sur le visage de Red et Ciel savait qu'il regretterait déjà la suite de la conversation.

- Laisse moi deviner. Tu les préfères bruns maintenant.

- Non, non et non, se leva-t-il brusquement. Je ne jure que par la blondeur.

- Ok! Arrête d'hurler comme ça, dit-elle en se bouchant les oreilles. Et puis assieds-toi. Ne sois pas si dramatique non plus. Il fait nuit. Tu vas réveiller les voisins. Un peu de respect quand même !

Ciel leva les yeux au plafond. C'était l'hôpital qui se foutait de la charité maintenant.

Les rousses avaient toujours été dramatiques. Y'avait qu'à voir Maylinn. Et elle, elle avait les cheveux roses. Alors imaginez quand on avait la version foncée de ses mèches?

- Et c'est quoi cette expression comme quoi un mec n'avait pas de couilles?

- C'est une façon de dire qu'il est mou. Pas assez solide. Pas assez masculin.

- Pas assez dur quoi, rigola la sans-gêne en faisant allusion à vous savez-quoi. Ce qui valut un autre roulement d'yeux de notre emo préféré.

- Mais pour revenir aux choses sérieuses, continua-t-elle sans se préoccuper de la sanité  des pensées de son neveu, je ne pense pas que cette expression soit fidèle à la réalité.

- En quoi n'est-elle pas fidèle? demanda l'emo curieux.

- Je ne vois pas en quoi avoir des couilles définiraient si une personne est forte ou pas.

Elle prit une énième bouchée de pizza et continua la bouche pleine :

- Un vagin est plus solide. Ça ne devrait pas être avoir "des couilles en béton" mais "un vagin en béton".

- Comprends pas.

- Ben, donne un coup à ces petites coucougnettes et à un vagin de fille, et tu verras lequel est le plus solide. On supporte bien plus que vous, mon coco. C'est nous qui recevons vos coups de rein je te signale, pas l'inverse.

Puis regardant son neveu de haut en bas, un vicieux sourire aux lèvres, elle acheva : " Mais je dois dire que la porte arrière est assez solide également."

Ô mon Dieu. Ciel devint rouge tomate. Même si la logique de sa tante était...hmmm... logique, c'était également logiquement troublant.

Ciel était submergé. En une soirée, il avait reçu la dose de honte des trois jours où ils étaient séparés.

Alors quand il revit Finnian le lendemain au boulot, ( après que Maylinn ait tenté ses vaines attaques ) et que celui-ci s'est approché finalement de Ciel à l'heure de fermeture, lui disant d'une traite: " Je reconnais que je t'aime plus que je ne le voudrais. Je suis certainement amoureux. Et je comprends parfaitement que tu ne sois pas intéressé par moi. Je savais dès le départ que ça ne marcherait pas entre nous, mais dès le moment où j'ai su que tu étais gay, j'ai senti ce brin d'espoir pousser dans ma poitrine. Mais c'est un peu ta faute aussi. Tu savais que je t'aimais. Et tu m'as encouragé en acceptant mes invitations au café. Ce qui m'a fait énormément plaisir. Et puis même si je sais que rien ne se passera entre nous pour le moment, ce n'est pas une raison pour que je ne me batte pas pour toi. Je suis bien plus solide que tu ne le penses. Et tu ne me connais pas vraiment. Alors tout ce que je te demande, c'est d'apprendre à me connaître en acceptant mon invitation à nouveau. Et si tu ne m'apprécies toujours pas, je me ferai une raison"

Suite à ça, Ciel a senti métaphoriquement une troisième couille pousser au jeune blond. Ou était-ce un vagin?

Bref, tout cela pour dire que Finnian portait ces couilles enfin.

Maylinn laissa tomber son balais, la bouche grande ouverte. De même que la manager. Il faut dire que personne ne s'était attendue à cette subite déclaration sur leur lieu de travail. Même Ciel avait du mal à retrouver ces esprits.

- Tu veux dire par là que tu m'invites à dîner ? Et que tu paieras?

C'était au tour de Finnian d'être un peu surpris par ce que Ciel venait de lui demander.

-Euh... Oui ?

De tout ce qu'il avait dit, c'était ce qu'il avait retenu?

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An: Chapitre entièrement écrit sur mon phone (en prenant un vol hier nuit) et totalement inspirée par MissKitten64.( Elle m'a donné envie de parler de couilles.) Chapitre pas très long je vous l'accorde. Mais je me dis qu'en postant deux ou trois pages au lieu des cinq et plus habituels, je publierai beaucoup plus vite. Est-ce une bonne ou une mauvaise idée? Et que pensez-vous de ce chapitre ? 

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