20-Boue, insultes et exercices
Quand Anna entendit les grognements de ses camarades alors qu'elle s'extirpait difficilement de son lit elle ne put s'empêcher de penser que la journée s'annonçait très mal. Pourtant, chaque jour passé dans le camp d'entraînement était loin d'être plaisant mais ceux qui commençaient par une "blague" des instructeurs au saut du lit restaient les pires.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? bredouilla Anna, l'esprit tendu vers le sommeil auquel elle venait d'être arrachée.
-Va voir tes vêtements. lui répondit Yann.
La jeune fille tourna la tête vers ses vêtements qui reposait sur le bord de son lit. Elle fronça les sourcils en apercevant leur aspect et poussa le même gémissement que ses camarades en découvrant qu'ils étaient couverts de boue encore humide.
Les douches se mirent à fonctionner toutes seules. Les agents, étonnés, ne prirent pas le temps de s'interroger et se précipitèrent sous les trombes d'eau. Anna emporta ses vêtements sales et les passa rapidement sous l'eau pour les débarrasser de la boue. Elle saisit une serviette qui reposait sur un porte-manteau, luxe obtenu au 52ème jour du programme d'entrainement, et s'essuya sommairement avant d'enfiler ses vêtements. Le contact humide de la boue sur son corps la fit grimacer. Décidément la journée s'annonçait mal.
***
Les binômes s'élancèrent tour à tour sur le parcours-combat selon l'ordre établi : Tom et Alison suivis de Carla et Charlie et enfin Anna, Yann et Vanessa. Comme à leur habitude, les deux filles laissèrent Yann se hisser en haut du premier obstacle, elle grimpèrent ensuite chacune à leur tour, le garçon prêt à les aider si besoin. Cependant, elles se débrouillaient désormais très bien toutes seules pour atteindre le sommet du mur. Ils sautèrent simultanément en bas, effectuèrent une réception parfaite et se remirent à courir. Ils franchirent facilement le deuxième obstacle avant de s'engouffrer dans le tunnel. Il marchèrent précipitamment du côté le moins boueux et ressortirent à la lumière du jour. Les obstacles suivants ne leur posèrent aucun problème, ils avaient désormais l'habitude de ces difficultés qu'ils surmontaient deux fois par jour depuis presque deux mois. Mécaniquement, ils répétaient les même gestes de plus en plus facilement, en essayant toujours de gagner du temps. Pourtant, en saisissant la corde pour se balancer au-dessus du lac, Yann lâcha un juron dans sa langue natale :
-Merde !
Anna sourit, le garçon n'était pas vraiment vulgaire mais il avait gardé cette habitude de son ancienne vie et prononçait ce mot de temps en temps.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Vanessa.
-C'est la boue, avec la corde, c'est horrible. répondit Yann en faisant la grimace.
Anna se saisit de la corde et passa à son tour de l'autre côté du lac. Horrible n'était peut-être pas le mot mais la sensation était en effet désagréable.
-Vous vous rendez compte que les seuls mots français que je connais c'est bonjour, merci et merde ? soupira Vanessa quand elle fut passée à son tour de l'autre côté du lac.
-Je peux t'apprendre connard aussi si tu veux. plaisanta Yann.
-Ca veut dire quoi ? questionna Vanessa en sortant de la rivière.
-Ca veut dire instructeur. répondit Yann avec un sourire en coin malgré le froid que lui procuraient ses vêtements désormais trempés.
-C'est une insulte ? questionna l'anglaise en se tournant vers Anna.
Celle-ci hocha la tête en traduisant. Ses lèvres s'étiraient progressivement en un sourire joyeux. Les moments de répits étaient rares, il fallait en profiter.
Ils franchirent rapidement les haies qui se dressaient sur leur chemin puis coururent vers la tour de saut. Anna grimpa en premier, suivie de près par ses coéquipiers. Elle sauta et effectua une roulade. En un bond, elle fut sur ses pieds pour accueillir ses camarades. La jeune fille était fière de sa réception qu'elle avait beaucoup améliorée au cours de ces heures passées sur le parcours d'obstacles. Les trois recrues reprirent leur course.
-T'en as d'autres comme ça ? demanda Vanessa en tournant la tête vers Pike qui surveillait les recrues.
-Imbécile, débile, abruti.... avança Yann.
-Imbécile. répéta Vanessa.
Les deux français hochèrent la tête. Vanessa s'exerça à répéter les trois mots mais elle dû s'interrompre car les trois recrues arrivaient à la dernière partie du parcours.
-Vous voyez la zone là-bas ? montra Pike quand le trinôme termina le parcours. Vous allez faire comme vos camarades, vous courrez jusque là-bas et quand je siffle vous me faîtes cinq flexions/extensions à dix centimètres du sol. Miss Smoke surveille le parcours. Courrez !
Les agents se mirent à courir jusqu'à entendre un sifflement strident. Ils plièrent les genoux et sautèrent, Miss Smoke s'approcha d'eux alors qu'ils recommençaient l'opération. Elle avait un mètre dans les mains. Elle se pencha pendant que les recrues effectuaient leur quatrième saut et mesura la hauteur entre le sol et leur pieds. Malgré la fatigue, ils arrivaient facilement à effectuer un saut de 10 cm. Miss Smoke souleva les commissures de ses lèvres dans un semblant de sourire imperceptible pour les recrues. Les 10 derniers mètres furent les plus durs à parcourir car Pike n'arrêtait pas de siffler. Quand enfin ils arrivèrent, aucune pause ne leur fut accordée, ils commencèrent par faire 40 pompes puis s'immobilisèrent 8 minutes en hauteur. Quand l'instructeur leur ordonna de passer aux abdos un léger sourire orna les lèvres des recrues. L'exercice ne les réjouissait pas mais ils en profitaient toujours pour se reposer une dizaine de secondes allongés sur le dos. Cette micro-pause leur permettait de souffler entre deux exercices physiques. Les recrues travaillèrent les obliques, le grand droit mais aussi le transverse grâce à des exercices un peu moins intense qui avaient pour vocation de ménager leurs dos, encore jeunes. Ils enchainèrent encore une dizaine d'exercices pour travailler une grande partie des muscles de leurs corps. Depuis le début du programme d'entraînement les progrès de chacun étaient considérables mais les recrues n'en avaient pas vraiment conscience. Les instructeurs ne leur laissaient pas le temps de trouver un exercice facile, ils intensifiaient le rythme dès que les recrues réussissaient ce qui était demandé.
***
Anna se concentra, les yeux fixés sur la serrure en face d'elle. Elle actionna son pistolet à aiguille jusqu'à entendre un déclic. Avec un léger sourire, elle tourna la serrure et actionna la poignée. Elle adorait voir les portes s'ouvrir.
-Ne vous réjouissez pas trop vite ! la réprimanda le professeur. Cette serrure est extrêmement simple à ouvrir, vous n'êtes qu'une débutante !
Anna ravala son sourire et avisa son prochain objectif. Cinq petites portes, mesurant moins de 30 centimètres s'alignaient sur son bureau. Trois d'entre elles étaient déjà ouvertes. Anna saisit la quatrième et inspecta la serrure. L'exercice ne consistait pas seulement à ouvrir des portes, il fallait aussi être capable de déterminer le type de serrure auquel ils avaient à faire. Pour cela, les recrues devaient remplir une fiche de renseignement sur chaque porte. Anna hésita longuement sur plusieurs critères, le crayon suspendu au-dessus de sa feuille.
***
-Nous allons passer dans une mise en situation plus concrète. annonça le professeur d'espionnage quand toutes les portes miniatures furent ouvertes.
Les recrues restèrent impassibles mais tous jubilaient intérieurement : c'était la première fois qu'on leur proposait un exercice de mise en situation. Ils allaient enfin pouvoir effleurer leur but : le métier d'agent secret.
-C'est très simple, continua le professeur, vous allez sortir puis un par un vous retournerez dans la classe et placerez deux mouchards. A la moindre erreur, vous êtes éliminé. Si il reste des miraculés qui ont réussi à s'en sortir je compliquerais l'exercice. Mais comme vous êtes des incapables, je suis persuadé que vous n'arriverez même pas à ouvrir la porte.
Les élèves ne relevèrent pas et firent ce qu'on leur ordonnait : ils saisirent un pistolet à aiguille et deux mouchards chacun puis sortirent. Ils entendirent la clé tourner dans la serrure puis plus rien. Les sept recrues se regardèrent, hésitants, puis Vanessa, la numéro 1 prit l'initiative d'inspecter la serrure. Quand elle disparut derrière la porte, les autres retinrent leur respiration. Il ne se passa rien pendant 15 minutes qui durèrent une éternité. Tom se balançait d'un pied sur l'autre, hésitant.
-Vas-y. finit par lui souffler Charlie.
Aussitôt le garçon s'exécuta. Il eut du mal à ouvrir la porte, ses gestes étaient maladroits et précipités. Quand enfin il y parvint Alison se crispa : ce serait son tour la prochaine fois.
Pour passer le temps Anna commença à inspecter les micros. Après quelques minutes de réflexion elle parvint à les identifier et à dresser mentalement toutes les caractéristiques qu'elle devrait prendre en compte. Ce fut seulement quand Charlie entra à son tour qu'elle se demanda où elle devait placer les micros. Le professeur n'avait donné aucune indication ce qui semblait surprenant.
-Tu crois qu'il va nous dire où les mettre ou il faut se débrouiller tout seul ? questionna Anna en désignant les mouchards.
Yann haussa les épaules.
-Je pense qu'il va falloir qu'on choisisse. Ca me semble plus logique.
Anna hocha la tête, pensive.
-Bon j'y vais. lâcha Yann, visiblement stressé.
Anna acquiesça de nouveau. Quand son coéquipier disparut, elle se mit a maudire son numéro 8. Elle devait patienter seule, sans notion de temps et sans personne pour lui dire quand y aller. La jeune fille attendait dehors depuis trois quarts d'heure et l'impatience commençait à se faire sentir. Heureusement que Miss Smoke était venue, juste après l'entrée de Tom pour demander aux recrues d'accélérer le rythme de passage.
Deux minutes après la disparition de Yann, Anna s'approcha de l'entrée. Le bloc de béton n'avait aucune fenêtre alors la jeune fille colla son oreille contre la porte pour tenter de savoir si le champ était libre, mais elle n'entendit rien. Elle soupira, attendit encore quelques secondes puis s'accroupit face à la poignée. La serrure ne lui semblait pas compliquée, Anna compta trente secondes avant d'y introduire son pistolet à aiguille puis patienta encore avant de l'utiliser. Quand la serrure fut ouverte, elle hésita une dernière fois, de peur d'être allé trop vite. Enfin elle abaissa la poignée, fébrile, et jeta un œil à l'intérieur de la pièce. Celle-ci était plongée dans l'obscurité. Anna entra et referma la porte. Devait-elle allumer la lumière ? La jeune recrue réfléchit rapidement. Quand on entrait dans une pièce pour y mettre des mouchards il fallait vérifier qu'il n'y ait personne, ne pas se faire remarquer, trouver la meilleure cachette pour les micros, paraître crédible si on était découvert, ne rien déplacer. Certaines de ces consignes étaient contradictoires... Anna décida de poursuivre dans le noir. Elle effectua quelques pas, les bras en avant, toucha le bord d'une table, s'accroupit et colla un micro juste à côté de la peinture mal étalée à la base d'un pied. Puis elle se releva en visualisant mentalement la pièce. Cependant, Anna soupçonnait les instructeurs d'avoir modifié l'arrangement des tables. De peur de se cogner dans un objet elle retourna vers la porte et plaça son deuxième micro derrière la poignée. Les néons se mirent alors à grésiller et la lumière revint, éblouissant Anna. Elle cligna des yeux pour adapter sa vision et constata, ébahie, que ses camarades étaient éparpillés dans la pièce, tout aussi étonnés qu'elle. Anna se demanda ce qui était le mieux entre attendre près d'une heure dehors, avec les autres qui disparaissaient peu à peu, et attendre près d'une heure toute seule dans le noir. Finalement sa position n'était peut-être pas pire que celle de Vanessa.
-Aucun de vous n'a pensé à allumer la lumière. C'est quand même fou ! s'écria le professeur d'espionnage.
Les recrues tournèrent les yeux vers lui, prêts à recevoir les critiques.
-Bon, on reparlera de vos piètres performances plus tard sinon vous allez être en retard en cours de maniement des armes.
***
La détonation fit sursauter Anna. Ce n'était pas la première fois qu'elle utilisait un pistolet mais savoir que la balle partait grâce à elle lui faisait toujours bizarre. La jeune fille leva les yeux vers la cible. La balle s'était fichée dans l'avant-bras du mannequin alors qu'elle visait le bas-ventre. Sur les sept cibles rouges qui ornaient le pantin, seulement deux avaient été atteintes : une à la cuisse et l'autre à l'épaule droite.
-Entraînement au désarmement d'un adversaire ! annonça l'instructeur dans un porte-voix pour couvrir le bruit des armes. Les impairs au couteau !
Les agents nettoyèrent leurs armes et les rangèrent à leur place puis Vanessa, Tom, Carla et Yann saisirent des faux couteaux en plastique, entreposés dans une boîte, près des râteliers. Chacun d'eux se plaça face à son binôme. Vanessa laissa Yann combattre en premier. Au signal de l'instructeur, Yann avança son bras pour planter un coup de couteau dans le ventre d'Anna. La jeune fille lui attrapa le poignet et le tordit tout en faisant pivoter le garçon. Il se retrouva le dos collé au torse de la jeune fille qui maintenait toujours son bras tordu. Il finit par lâcher le couteau. Anna s'en empara aussitôt et le porta à la gorge de son coéquipier.
-Je te laisse une chance mais si tu reviens m'emmerder je te trancherais la gorge. gronda t'elle comme si elle s'adressait vraiment à un agresseur.
Anna s'apprêtait à donner un coup de pied dans les fesses de sa "victime" pour qu'il déguerpisse mais celui-ci saisit son poignet avec une rapidité extrême et, tout en maintenant le couteau éloigné de sa gorge, il se pencha en avant et fit basculer la jeune fille par-dessus son épaule. Anna se retrouva au sol, le poignet tordu par son coéquipier. Elle tenta de résister mais il lui arracha bien vite le couteau des mains et s'accroupit face à elle, le couteau pointé sur son ventre.
-N'importe qui t'aurais craché dessus puis embroché. murmura Yann.
La jeune fille haussa les sourcils et donna un coup de pied dans le bassin de son ami. Celui-ci perdit son équilibre précaire et bascula sur les fesses. Anna le rattrapa par le poignet puis se jeta sur lui pour lui cogner le coude au sol. Son adversaire ouvrit la main et la jeune fille put reprendre le couteau et l'appuyer contre la joue de Yann tout en pesant de tout son poids pour maintenir le garçon au sol.
-Je pourrais très facilement de reprendre ce fichu couteau en plastique et te mettre KO mais ça m'étonnerais qu'un pauvre petit racketteur en soit capable alors je vais te laisser gagner pour cette fois. déclara Yann.
Sa coéquipière lui sourit et se releva en lui tendant la main.
-Je t'ai pas fait trop mal. s'enquit t'elle.
-Bah non, qu'est-ce que tu crois. répondit Yann en frottant son coude et ses hanches. Et toi ?
-Pas du tout. mentit Anna en faisant lentement bouger son poignet.
Dans quelques minutes, leurs douleurs respectives auraient disparues. Ils n'avaient aucune raison de se plaindre.
***
Surprise ! Je poste ce chapitre plus tôt parce que je viens de terminer l'écriture du dernier chapitre ! Je vais donc accélérer mon rythme de poste avec un chapitre par semaine vu qu'il me reste plus que l'épilogue à écrire. Au total, ça nous fait donc 31 chapitres et un épilogue.
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre 20 ? La boue sur les vêtements, le parcours-combat, les insultes en français, les exercices physiques, les cours, l'exercice de simulation et le petit combat à la fin ?
Je souhaite bon courage à ceux qui passent le bac et à la semaine prochaine !
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