14-Jeu de piste

Le bateau sur lequel les recrues avaient passé les cinq dernières heures accosta enfin. Pike sortit de la cabine de pilotage et détacha les verrous rouillés qui retenaient la passerelle. Celle-ci s'écrasa sur la sable dans un fracas métallique. Si les agents n'avaient pas été aussi éreintés, ils auraient pu sursauter, mais ils étaient désormais insensibles aux éléments extérieurs ne concernant pas directement leur survie.

-On débarque ! hurla l'instructeur.

Les recrues avancèrent précautionneusement. Les sept agents étaient attachés entre eux par une corde au niveau de la taille pour que les instructeurs "n'en perde pas un".

-Vous pouvez vous détacher ! ordonna Pike quand toutes les recrues eurent mis pied à terre.

Aussitôt les agents tentèrent de défaire les nœuds mais ceux-ci étaient trop serrés.

-Nous sommes aujourd'hui au 50ème jour du programme d'entrainement initial. Vous avez donc fait la moitié mais rassurez-vous c'était la plus facile. Et pour vous convaincre de ne pas vous relâcher, nous allons vous laisser quelques jours sur cette île. Votre objectif sera de trouver la radio pour nous contacter et pour cela Miss Smoke va vous distribuer des ordres de mission.

L'instructrice jeta des enveloppes au pied des agents qui étaient toujours en train de se tordre les ongles sur les nœuds.

-Des vivres, des armes et des ustensiles en tout genre sont disposés un peu partout sur l'île, il y a aussi des animaux vivants et des plantes mais aucun être humain. Des caméras vous surveilleront 24h/24. informa Pike avant de se détourner.

Les trois instructeurs retournèrent tranquillement dans le bateau et remontèrent la passerelle tout doucement. Ils poussèrent le sadisme jusqu'à faire des gestes de la main aux recrues. Puis, l'embarcation fendit les flots pour rejoindre un poste d'observation en pleine mer.

-Putain de nœuds ! pesta Tom une fois le bateau hors de vue.

-Vous croyez qu'on va devoir rester attachés pendant tout l'exercice ? questionna Carla.

Ses camarades lui jetèrent un regard interdit. Aucun n'avait envisagé cette solution.

-Il y a bien un truc tranchant sur cette île. grommela Charlie. Il suffit de le trouver.

-On devrait lire nos ordres de mission. proposa Anna.

Les sept recrues s'assirent sur le sol et déchirèrent leurs enveloppes.

-Hey, c'est écrit en grec ! s'exclama Yann.

-Moi, c'est en arabe. renchérit Anna.

-Moi aussi. répliqua Carla.

Tous les ordres de mission étaient rédigés en langues étrangères. Chacun tenta de déchiffrer le sien. En mettant en commun leurs connaissances, ils parvinrent à en traduire une partie et conclurent que tous les ordres donnaient les mêmes informations.

-On doit trouver un arbre qui ressemble à une maison et la radio est cachée dedans apparemment. résuma Charlie.

-Attends en 20 lignes, il doit y avoir plein d'autres infos importantes. l'interrompit Vanessa.

-Mais on arrive pas à les déchiffrer et on a pas le temps. répliqua Tom.

-Il y a marqué que c'est vers le Sud. intervint Anna.

-On a qu'à suivre le soleil. Il faut qu'on se dépêche de trouver quelque chose de tranchant pour pouvoir se séparer. pressa Charlie.

Les recrues se levèrent doucement et se mirent en marche. Marcher enchaînés se révélait extrêmement compliqué. Anna, la numéro 8, était devant, suivie par Yann et Vanessa, ses binômes, puis Charlie mais en réalité c'est ce dernier qui menait la marche, guidant ses camarades par la voix. Depuis plusieurs semaines, Charlie s'impliquait sérieusement dans le travail de groupe même si il restait incapable de parler de lui.

-Vous croyez pas qu'en aiguisant une branche... commença Alison alors qu'elle tombait pour la troisième fois.

-Ca prendrait des heures. opposa Vanessa.

-Mais il FAUT qu'on trouve quelque chose. insista la jeune blonde.

-C'est ce qu'on cherche figure-toi alors debout ! s'impatienta l'autre.

-Vous disputez pas. coupa Anna. Qui pense que c'est faisable d'aiguiser un bout de bois ?

Les recrues restèrent pensives.

-On peut toujours essayer. proposa timidement Carla en jetant un regard à son binôme.

Charlie haussa les épaules. La jeune fille ramassa une branche et commença à la frotter contre une souche. Ses camarades les plus proches vinrent l'aider tandis que les autres essayaient encore de desserrer les nœuds.

Après plusieurs minutes à se retourner les ongles, Anna, Vanessa et Tom furent soulagés de ne plus entendre le bruit du bois. Charlie avait déclaré que la branche était assez aiguisée. Il la passa à Tom.

-Ecartez-vous ! ordonna ce dernier.

Charlie et Vanessa tendirent la corde entre eux au maximum tandis que Tom levait l'épée improvisée au-dessus de sa tête. Il l'abaissa violemment sur la corde.

-Ca ne marche pas ! se plaignit Vanessa.

-C'est un peu abîmé, remarqua Tom, il faut que je tape au même endroit.

***

Après plus de dix coups acharnés et deux "réaiguisement", la corde n'avait toujours pas cédée même si elle était bien abîmée.

-Essaie de la scier. proposa Alison.

Aussitôt, son frère s'exécuta. Il scia pendant plus d'un quart d'heure. Il avait les bras en compote et le ventre endolori par la corde qui le serrait toujours. Les recrues étaient épuisées mais il restait encore un mince filet de corde. Avec l'énergie du désespoir, Tom abattit une dernière fois l'épée sur la corde, qui trancha net.

Les agents tombèrent au sol, soulagés. Il y avait désormais deux groupes. Le premier composé du trinôme Anna, Yann et Vanessa et le deuxième composé des deux autres binômes.

-T'as plus qu'à recommencer Tom. s'exclama Carla.

-On a pas le temps. contredit Charlie. Yann, Anna et Vanessa, essayez de trouver la radio. Nous quatre on va chercher de quoi manger et faire un abri. Je suis sûr qu'on aura besoin de dormir ici.

-Mais comment on fait pour vous retrouver ? questionna Vanessa.

Les recrues examinèrent la question.

-On a qu'à faire un feu. répondit Charlie après quelques minutes de réflexion.

-Ok, mais avant la nuit alors.

Les agents se mirent en marche. Anna, Yann et Vanessa suivirent la direction du Sud.

-Comment on sait quand on est assez au Sud ? demanda Yann.

-Il faudrait relire les ordres de mission. dit Vanessa en triturant nerveusement le bout de la corde tranchée.

Anna lui tendit les documents. La jeune fille tenta de lire en marchant mais elle ne cessait de se prendre les pieds dans des branches et d'emmêler la corde.

-Il faudrait qu'on s'arrête.

-On a pas le temps. martela Yann, les yeux fixés devant lui.

Anna se retourna :

-Il faudrait commencer à regarder les arbres.

Les trois agents scrutèrent les végétaux le long du chemin, en vain. Aucun arbre ne ressemblait à une maison.

-Ca ne veut rien dire, un arbre qui ressemble à une maison ! s'énerva Yann.

Les filles acquiescèrent, épuisées par leurs recherches.

-On doit s'arrêter. soupira Anna.

Yann ne protesta pas et se laissa tomber au sol. Les agents saisirent leurs ordres de mission respectifs et les scrutèrent dans l'espoir d'obtenir de nouveaux indices.

-J'ai plusieurs fois le mot "île" au début et je crois qu'il y a les quatre points cardinaux, c'est sûrement une description de l'île. Ensuite, j'ai les mots "arbres", "abri", "sud" et "lac". J'ai aussi un chiffre : 62 mais il n'y a pas de notion de distance derrière. Il y a le verbe "marcher" et pas mal de phrases avec "être". Ca parle aussi de la couleur "jaune". énuméra Anna.

-Moi j'ai trouvé le mot "oiseau" aussi mais je penses pas que ça peut nous être utile. déclara Yann en haussant les épaules.

-Moi j'ai quelques négations mais je ne sais pas de quoi elles parlent.fit Vanessa, visiblement désespérée.

-Il faut qu'on trouve comment la zone de recherche est délimitée.lança Yann en se levant. On trouvera rien de plus dans les ordres de mission.

-La forêt recouvre la partie sud de l'île, je pense que c'est là qu'il faut chercher. répondit Anna en se relevant pour ne pas être trop serrée par la corde.

-Tu rigoles, elle est immense cette forêt ! opposa Vanessa.

-Et alors, tu connais les instructeurs... répliqua Yann. Je penses qu'Anna a raison, il faut qu'on se mette au travail. Un "arbre abri" à votre avis, ça ressemble à quoi ?

Les filles haussèrent les épaules.

-Peut-être un Saul pleureur avec les branches qui retombent pour former une cachette ou un arbre avec des racines étranges. avança Vanessa en triturant le bout de la corde.

-Ca ne peut pas être un arbre avec des racines étranges. contesta Yann. Dans une forêt, il n'y a pas de places pour que les racines grandissent autant. On a pas vu de Saul pleureur mais il y en a peut-être. T'en penses quoi Anna ?

La jeune fille semblait perdue dans ses pensées. Elle fronçait les sourcils les yeux fixés sur le bout de la corde, que triturait toujours sa coéquipière.

-Anna ? interrogea Vanessa.

-Tire sur la corde. ordonna la fillette.

-Quoi ? s'étonnèrent les deux agents.

-Tu m'as fait penser à un truc Vanessa. expliqua la numéro 8. Peut-être que si on effiloche la corde, on finira par se libérer. Essaie de tirer sur un bout qui dépasse.

Vanessa s'exécuta. Elle tira sur un filin de la corde et celle-ci réagit comme un vêtement cassé : elle commença à se réduire doucement. Les trois amis sourirent. Vanessa atteignit le premier nœud. Le bout de la corde n'était déjà plus que d'innombrables petits filaments qui pendaient, détachés les uns des autres. Malheureusement, le nœud résista.

-Et si on essaye de défaire le nœud, ce sera peut-être plus facile maintenant. argumenta Yann.

Vanessa s'attela à la tâche. La corde fragilisée était plus facile à manipuler et au bout de quelques minutes, le nœud céda. Un sourire éclaira le visage des trois agents.

-J'y crois pas, on a réussi ! s'exclama Yann tandis que sa coéquipière se débarrassait de la corde qui l'enserrait.

Vanessa s'empressa d'effilocher le reste de la corde jusqu'à atteindre le nœud de Yann. Ensemble, ils le dénouèrent puis ils recommencèrent l'opération avec Anna. Bientôt les trois agents furent libres de leurs mouvements. Yann se mit à courir.

-Te fatigue pas ! rit Anna en regardant la marque rouge sur son ventre.

Mais la joie fut de courte durée. Les agents durent se remettre au travail. Ils pouvaient désormais observer chacun un arbre différent, ce qui leur facilitait la tâche. Cependant, ils cherchèrent encore pendant une heure sans plus de résultat. Un coup de feu les fit sursauter alors qu'ils inspectaient une énième partie de la forêt.

-Les autres ont dû trouver une arme. réagit Anna.

Le bruit avait fait s'envoler des dizaines d'oiseaux. Les agents les observèrent, les yeux dans le vague.

-C'est bizarre, j'ai l'impression qu'ils étaient tous perchés au même endroit. dit Yann.

A grands pas, il se dirigea vers la provenance des oiseaux. Ceux-ci avaient oublié ce qui les avaient effrayés et étaient déjà revenus se poser sur les arbres. Le garçon fronça les sourcils alors que ses coéquipières le rejoignaient en courant.

-Peut-être que le mot "oiseau" dans mon ordre de mission n'était pas un hasard, finalement.

Sur ces mots, l'agent se mit à grimper à un arbre. Les filles s'approchèrent, celui-ci ne ressemblait pas à une maison mais en se mettant en-dessous, on pouvait voir une tache jaune entre les branches. C'était un abri pour oiseaux plein de graines. Yann l'atteignit rapidement. Il passa sa main à l'intérieur et en sortit un ordre de mission roulé en tube.

-Oh non, c'est pas vrai ! C'est un jeu de piste ! fulmina le garçon.

Il monta un peu plus haut dans les branchages mais ne trouva rien d'autre. Arrivé en haut de l'arbre, il regarda autour de lui avant de redescendre. C'est alors qu'il aperçut une colonne de fumée.

-Il faut qu'on rejoigne les autres ! cria t'il.

***

Salut !

Je voulais juste vous dire qu'en ce moment j'ai des problèmes avec Internet alors si je disparaît de la circulation c'est normal désolé je vais encore prendre du retard.

J'espère que le chapitre vous a plu. Je ne sais pas si ça se fait de séparer les recrues des instructeurs en plein milieu du programme mais tant pis. Sinon, que pensez-vous de cette histoire de nœuds ? Plus généralement, dans les chapitres parlant du programme d'entrainement, on est moins centré sur Anna et plutôt sur tout le groupe. Comme ils sont tout le temps ensemble et que le programme d'entrainement est aussi basé sur cette solidarité je ne trouve pas ça très dérangeant. Ca vous gêne vous ? En revanche, c'est vrai que la psychologie des autres personnages n'est pas assez développée.

Bref, voilà, c'est fini pour mon monologue ! Je vous souhaite une bonne journée !

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