1 : Chaque pas que je fais est une erreur pour eux.

https://youtu.be/5pKBIjRb3IY

Je comprends parfaitement que la différence, la nouveauté puisse effrayer les adolescents. À notre âge, la vie est déjà en elle-même bien trop difficile pour qu'on puisse librement accepter quelque chose de différent. Alors il vous suffit d'être un peu trop timide, un peu trop extravagant ou même un peu trop petit pour que les choses ne s'acharnent sur vous. Parce que vous êtes plus jeune, plus intelligent, plus franc ou tout simplement parce que vous aimez observer les autres sans raison... Il ne suffit que d'une seconde pour que toute votre scolarité ne soit qu'une suite d'événements martyrisant votre vie.

J'ai dix-sept ans. Et depuis deux ans, je suis l'une des plus grandes distractions de l'école. Je suis en dernière année de lycée à la Sungari High School. Et mon supplice n'a pas cessé depuis mon arrivée. Il se trouve que je suis le plus jeune de ma classe mais aussi le plus intelligent, je ne suis pas que l'un des meilleurs de ma promotion, je suis le meilleur. Ce qui n'arrange rien, bien évidement... Je ne fais rien pour, j'ai toujours eu facilité à apprendre et à comprendre. C'est presque comme si c'était naturel pour moi. Je n'ai jamais cherché à affirmer que mes bonnes notes traduisent une certaine intelligence ou une certaine supériorité. C'est eux qui se l'imaginent. Quand ils ont pris conscience de mes capacités intellectuelles, ils se sont acharnés. Comme si j'avais agi avec une certaine domination face à eux... C'était même plutôt tout l'inverse.

J'ai une vie plutôt banale en dehors du lycée. Je vais à mes tutorats du soir le mardi et le jeudi, je joue aux jeux vidéos quand j'en ai l'occasion, j'écoute de la musique et je passe du temps avec mes parents et mon grand-frère. Je ne suis pas du genre rebelle ou mauvais garçon. Je ne fume pas, je ne bois pas et je n'ai jamais eu aucune relation amoureuse. En réalité, j'ai toujours aimé ce côté « rangé » de ma vie. Je suis quelqu'un d'organisé, d'ordonné. Alors subir coup sur coup à l'école ne m'aide pas davantage à me détacher de cette espèce de sécurité aménagée. Je me sens en confiance à l'extérieur du lycée alors je ne cherche même pas à sortir sur mon temps libre... Je profite juste de ma solitude, de cette certaine liberté.

J'ai fini par prendre habitude à être traité comme ce garçon qu'ils m'obligent à être : le garçon que personne n'aime, celui qui se fait le plus discret dans la classe, celui qui rase les murs dans les couloirs, celui que tout le monde montre du doigt et regarde de travers, c'est moi désormais, c'est ce que je suis devenu par leur faute. Celui qui se fait frapper mais que personne n'aide, celui qui se retrouve presque toujours tout seul...oui, ce garçon, c'est moi. Je connais toutes sortes de rumeurs et d'imbécilités à mon sujet. Parfois, j'ai l'impression que ces idiots me connaissent même mieux que moi-même tellement ils semblent sûr d'eux face à chaque connerie qu'ils inventent... Ils pensent devenir plus fort en me jetant plus bas que terre, ils s'imaginent supérieur comme si rien ne pouvait les arrêter, et ils ont raison, ces enfoirés. Parce que personne ne prête attention à ce qu'ils me font, même pas les professeurs. Pourtant, tout le monde sait ce que je vis, ce que je subis en permanence. Nombreux sont ceux qui n'aimeraient sûrement pas être à ma place. Alors pourquoi leur demander d'avoir pitié ? Pourquoi leur demander la raison de cet acharnement ? Pourquoi leur demander de m'épargner ? Je sais que je n'ai rien fais, je sais que je ne mérite pas tout ça mais est-ce qu'ils en ont quelque chose à foutre, eux ? La réponse est non. Dans la crainte, je ne sais plus si c'est eux qui ont raison ou si c'est simplement moi qui ai tort. Le système éducatif coréen est un milieu de jugement social, salis par le pouvoir et tordu par l'argent. Ils ont été élevé comme ça, c'est dans cette putain d'optique à la con qu'ils ont été éduqué. Alors sont-ils réellement fautifs ? Le piètre destin de ma vie est d'être martyrisé par ces enfoirés parce que leurs parents leur ont appris à agir en connard fini pour traduire leur supériorité inexistante alors que les miens ne me souhaitent que de réussir à trouver un travail pouvant subvenir à mes besoins d'adulte. Dix-sept ans et voilà ce qu'est déjà ma vie : une foutue scolarité comparable à une saleté d'abattoir pour pauvres. Ce n'est pas comme si on me détestait réellement ou comme si on voulait vraiment que je mette fin à mes jours, bien qu'ils savent pertinemment que lorsque que je rentre chez moi le soir, je pense plus d'une fois à en finir. C'est juste qu'ils le font pour s'intégrer, pour être considéré, respecté et avoir un sentiment d'appartenance supérieur au mien. Parce que je suis plus jeune et parce que je suis plus intelligent, ils se sentent idiots et humiliés. Alors en m'assaillant de coups, en me bombardant d'injures et de blagues discriminatoires, ils me le font payer. Je me sens seul en permanence lorsqu'ils sont là, chaque jour que je vis ici est une nouvelle preuve de courage pour moi. Parce que même si je les laisse faire, même si je coopère avec eux pour éviter le plus de coups possible, jamais je ne leur donnerai ce qu'ils veulent. Jamais je ne les supplierai et jamais je ne quitterai ce monde pour qu'ils puissent avoir l'impression qu'ils ont réussi ce qu'ils avaient entrepris. Chaque pas que je fais est une erreur pour eux mais devenu si insensible et fatigué, je les laisse penser qu'ils ont raison. De toute façon, c'est comme si je ne ressentais plus leur méchanceté... Bientôt, tout ça sera fini. Dans six mois exactement. Même si à notre âge, il peut s'en passer des choses en six mois...

Pour avoir osé tenir le regard, Yunho me tire violemment par le col jusque dans les toilettes au fond de la cour, suivi par trois autres de nos camarades...sûrement pour filmer le spectacle, comme à leur habitude. C'est presque devenu un jeu pour eux. Filmer leur permet en quelque sorte de garder un petit souvenir de leurs années lycée mais aussi de leur rappeler qu'ils sont plus forts que moi sur cette terre si jamais ils ressentent une baisse extrême de confiance en eux. Allongé par terre, la lèvre en sang, mon adversaire quotidien s'installe sur moi pour me frapper avec plus de précision. Il m'offre un premier poing, puis un autre. Il se déchaîne brutalement contre ma joue, certainement trop contrarié par mon léger signe de rébellion. Puis, impatient, Yunho vient lentement déposer ses doigts tout autour de mon cou. Surpris par son geste, je commence à paniquer. Moi, qui jusque-là avait laissé faire sans protester, je commence à me débattre. Je secoue ardemment mes jambes dans tous les sens pour le faire cesser alors que mes mains repoussent son visage comme s'il m'était insupportable à regarder. Il est rare qu'il aille aussi loin mais je sais pourquoi cela lui arrive d'agir ainsi parfois. C'est pour me rappeler que je lui appartiens, que je suis sous son emprise totale et que c'est lui qui a le dessus sur absolument tout me concernant. C'est comme si j'étais son jouet personnel et qu'il marquait sa propriété au fer rouge seulement par peur de se le faire voler. C'est parce qu'il a peur que je me révolte qu'il fait ça, c'est parce qu'il est apeuré face à l'idée de perdre le contrôle. Sunwoo s'approche du spectacle pour venir tapoter l'épaule de son ami, signe que lui-même est stupéfait par la tournure sérieuse que prennent les choses. Yunho me libère avant que je ne puisse réellement plus respirer, me laissant tousser lourdement, le front contre le sol. Le brun se relève fièrement, ses yeux admirant son travail. Ses mains de nouveau enfouies dans ses poches, Yunho quitte silencieusement la pièce, amplement satisfait, sans se soucier de ce qu'il pourrait m'arriver ou non.

– « Pour te soigner. » bougonne Sunwoo avant de me lancer quelques billets à la figure. J'ai attendu d'être sûr qu'ils ne soient plus là pour ramper douloureusement jusqu'à l'une des cabines et rendre mon petit-déjeuner. Si ma mère savait ce qu'il devient la plupart du temps... Jibin débarque furieusement, totalement affolé. Essoufflé, il s'appuie sur ses genoux pour reprendre son souffle avant de me demander si tout va bien. Parce que j'ai peut-être l'air d'aller bien ? Sans répondre à cette question idiote, je lui fais signe de venir m'aider à me relever. Mon meilleur ami m'accompagne jusqu'au lavabo pour commencer à essuyer mon visage avec tendresse, comme il le fait à chaque fois...

Park Jibin est le seul qui comprenne ce que je vis. Tout simplement parce qu'il le vit aussi. La première fois que je l'ai vu, il marchait mollement, tête baissée. C'était le jour de la rentrée de l'année dernière. Autrefois très populaire dans son ancien lycée, il avait toujours réussi à se faire des amis et faire en sorte qu'on l'accepte, bien qu'il soit doué pour les études. Il disait que ça lui manquait... Qu'il regrettait le temps passé à Busan avec ses amis où tout venait à lui sans aucun effort ni aucun souci. Ici, à la Sungari High School, ils avaient mis le doigt sur ses défauts dès le premier jour, comme si lui-même ne les connaissait pas déjà. Ils l'avaient fait pleurer alors qu'à peine deux heures s'étaient écoulées. Avant même de l'avoir touché, ils l'avaient déjà blessé. Trop petit, trop mignon, trop jeune... Bien qu'il ait le même âge qu'eux, Jibin semblait en avoir deux de moins et alors ils s'en étaient servi contre lui, l'écorchant avec leurs poings et leurs pieds. Poussé dans les escaliers à la sortie du lycée, personne ne l'avait aidé à se relever, personne n'était venu lui tendre la main alors que sa journée avait déjà été la pire de toute sa vie. Je lui ai souri, j'ai compati et c'est comme ça que nous sommes devenus amis...et c'est comme ça que je lui ai sauvé la vie, m'avait-il dit.

– « Pourquoi tu lui as tenu tête, hein ? » demande-t-il d'un ton de reproche, comme irrité par mon comportement. Je lève les yeux vers lui, blasé par sa question dont il connaît déjà la réponse. Parce que j'en avais envie, parce que j'étais fatigué et épuisé et que je voulais simplement qu'ils me laissent seul, ne serait-ce qu'aujourd'hui. Je soupire longuement, abattu par cette journée qui ne fait que commencer. La fin, Hyunwoo...tu ne dois penser qu'à la fin de ton calvaire, elle est proche...

– « J'en sais rien... » susurrais-je simplement, pour ne pas avoir à m'expliquer. Il souffle lourdement, agacé de devoir revivre les mêmes conversations et les mêmes situations chaque jour que Dieu fait. Je m'appuie complètement contre le mur avant de tourner la tête pour pouvoir m'observer dans le miroir. La pommette et la lèvre supérieure enflée ne me surprennent pas plus que ça. Ce n'est pas la première fois que je me vois dans un tel état... Mais mon...mon cou rougie par les doigts de Yunho, il me donne envie de chialer jusqu'à en perdre connaissance. L'enfoiré...j'ai vraiment cru qu'il ne pourrait pas s'arrêter cette fois-ci... Qu'est-ce que je vais encore devoir inventer pour que mes parents me croient ? Parfois j'ai tellement peur qu'ils apprennent ce que je vis, ce que je les laisse faire de moi que j'en perds le sommeil. Jibin m'ordonne d'aller en classe avant que la cloche ne sonne mais c'est déjà trop tard. Lorsque j'arrive devant ma classe, je me vois obligé de frapper et de demander la permission pour entrer. Mon professeur s'énerve rapidement alors que Yunho et ses trois idiots rient en voyant l'état de mon visage. Je vous hais. Je vous hais tous pour votre ignorance...

– « Espèce de voyou, tu t'es encore battu ? » crie Mr Cho sur moi. Je sursaute légèrement ne m'attendant pas à ce qu'il élève la voix de la sorte alors que la victime ici, c'est clairement moi. Il me frappe sur la tête du bout de sa longue règle avant de m'ordonner d'aller rapidement m'asseoir à ma place. « Et tes cheveux ! Je t'ai déjà dit de les teindre, on est pas dans un lycée de truand ici ! » C'est sûrement pour détourner mon attention qu'il prend le soin de faire une remarque sur ma couleur de cheveux. Notre professeur d'Histoire et Géographie m'a toujours connu blond mais aujourd'hui, parce qu'il sait que je viens de me faire frapper dans l'enceinte du lycée et qu'il n'ose rien redire, il tente de me faire oublier qu'il ferme volontairement les yeux sur tout ça. Parce qu'il est simplement trop lâche. Comme tous les autres.

Je m'avance lentement vers mon bureau lorsque je remarque que ces enfoirés sont venu écrire des injures sur celui-ci. Putain, je vais devoir le nettoyer combien de fois cette année ? Je m'assois au fond de la classe et sors mes affaires avant de me rendre compte qu'un garçon est assis à côté de moi. C'est la première fois que je le vois. D'où est-ce qu'il sort, lui ? Il pose les yeux sur moi, ressentant certainement mon regard interrogateur. L'énergumène étire un large sourire avant de s'approcher un peu trop intimement de moi pour chuchoter près de mon oreille.

– « Moi, c'est Kim Minjae. Je viens d'arriver, j'ai été transféré. Et toi ? » Je me demande vraiment pourquoi c'est à cette place que cet imbécile a choisi de venir s'asseoir alors qu'une autre place était libre à côté de celle que les autres s'amusent à qualifier de la plus sexy du lycée. Personne n'ose s'approcher de Hwasa mais lui n'est pas censé le savoir alors, il aurait dû... Même les injures écrites sur mon bureau auraient dû lui faire comprendre que s'asseoir ici n'était pas la meilleure décision... « Hé... » me fait-il réagir alors que j'étais resté bizarrement à l'analyser. Surpris qu'il insiste, je me surprends à répondre tout bêtement.

– « Lee Hyunwoo. » Kim Minjae hoche la tête sans aucune raison apparente avant de reporter son attention sur moi, toujours un sourire au coin des lèvres. Je ne le connais pas mais il me semble un peu trop chaleureux à mon goût. Je n'ai vraiment pas besoin de le voir sourire stupidement alors que tout ce que je veux moi, c'est pleurer à n'en plus finir. Même si j'en serai certainement incapable tellement ma joue me fait souffrir.

– « T'as quel âge ? Ça fait longtemps que t'es ici ? » Il veut vraiment savoir ce genre de chose ? C'est presque agréable d'avoir quelqu'un qui s'adresse à moi sans rien savoir de ce que je suis. J'hoche la tête pour lui répondre. L'autre idiot rit. Je ne sais pas si c'est juste naturel d'être aussi enthousiaste pour lui ou s'il se moque de moi mais j'avoue trouver ça réconfortant...

– « Minjae, qu'est-ce que tu fous ? Tu sympathises avec l'ennemi ? » le questionne subitement Jeong Yunho, mon voisin, assis à la table d'à côté. Putain de bordel de merde... Jeong Yunho et Kim Minjae se connaissent ! Je baisse instinctivement les yeux en direction de mon cahier, les sourcils froncés. J'ose à peine imaginer ce qu'ils vont choisir de faire de moi pour fêter son arrivée. Yunho est tellement à cheval sur le bizutage, les départs, les arrivés des uns et des autres... Toute opportunité leur donnant une « réelle » excuse pour me martyriser est bonne à prendre selon lui...

– « Je t'emmerde ! Tu vois pas que j'essaye de m'faire des amis ? » ricane le nouveau, en me tapotant l'épaule de manière amicale. En réalité, son geste sonne plus comme un geste de supériorité, ce qui est assez déconcertant quand on sait que je viens tout juste de le rencontrer... Bordel, il ne manquerait plus qu'ils se chamaillent pour savoir qui aura le droit de me frapper ou non. Mais...ami ? L'enfoiré...il se fout de moi ? Toujours la tête baissée, j'imagine à quel point les six prochains mois vont être difficiles si Minjae prend part à leurs occupations quotidiennes. Avoir quatre enfoirés sur le dos, c'est déjà un boulot à temps plein. Je ne veux même pas essayer d'imaginer ce que ce sera s'il s'y met aussi. « Hyunwoo, te laisse pas impressionner par ces types. J'en fais qu'une bouchée... » avance-t-il fièrement avant de m'offrir un clin d'œil plus que suggestif. Un clin d'œil putain ! Il veut signer mon arrêt de mort ou c'est comment ?

– « Quoi ? Tu plaisantes j'espère... » s'esclaffe sarcastiquement Yunho, le chef de la classe, avant de venir frapper son cahier contre ma tête. « Te fais pas trop d'illusion, Hyunwoo... Minjae ne sera jamais un obstacle entre toi et moi. D'ailleurs, autant te l'dire tout de suite, Minjae... Hyunwoo n'a vraiment aucun intérêt particulier, inutile de perdre ton temps avec lui... La seule chose que sait faire cet enfoiré, c'est s'faire frapper. » ajoute-t-il malicieusement, un grand sourire sur les lèvres. Les voir parler de moi avec un visage aussi détendu et joyeux me rend anxieux... Je le sais déjà...je vais souffrir...

– « Vraiment ? » s'interroge mon nouveau voisin de classe. Je l'analyse discrètement se recoiffer les cheveux. Pour qui est-ce qu'il se prend lui ? Minjae s'installe confortablement dans le fond de sa chaise avant de venir croiser les bras contre son torse. « On verra bien, alors... » marmonne-t-il, son éternel sourire en coin.

– « J'attends que ça... » conclut promptement Yunho. Ces six derniers mois seront certainement les pires, ce qui ne fait que me démoraliser davantage. Minjae ne pouvait pas être un gars sympa, souriant et protecteur, défenseur des droits des hommes gringalets martyrisés par ceux qui ont été gâtés par la nature, non... Il fallait que ce soit une connaissance de Yunho et qu'en plus de ça, il sache visiblement comment frapper.

Jeong Yunho est grand, pour être plus précis, il fait douze centimètres de plus que moi soit un mètre quatre-vingt six. Pour ne pas casser le mythe du gros connard bien foutu, il est aussi très musclé et bien entretenu. Il a les cheveux d'un brun ténébreux et des lèvres dessinées, ce qui ne lui donne pas un air plus féminin pour autant.... Il court vite, frappe fort, fusille et refroidit les gens d'un simple regard noir. Et pour couronner le tout, il a également beaucoup de succès avec les filles. Son charisme en fait tomber plus d'une, effaçant complètement les autres élèves qui tenteraient de se démarquer. Autrement dit, mis à part le fait qu'il soit en possession d'un cerveau de la taille d'un pois chiche, Jeong Yunho est ce que la jeune génération d'aujourd'hui qualifierait de parfait et d'attirant. Quand je suis arrivé à la Sungari High School, il y a deux ans, je pensais continuer la petite vie tranquille que j'avais débutée à Daejun. Je n'étais déjà pas très bavard. J'avais quelques amis mais je préférais lire dans mon coin plutôt que de jouer à je ne sais quel jeu débile avec les autres. J'ai vite regretté en emménageant à Séoul. Je regrettais de ne pas avoir profité du peu de gens que j'avais autour de moi pour me forger un caractère et apprendre à me défendre correctement. Parce qu'ici, c'était comme la fosse aux tigres. Lorsque je suis tombé dans la classe de Jeong Yunho et des autres, j'ai compris que je ne pouvais plus m'échapper. J'étais la nouvelle proie, le nouveau gibier et j'allais souffrir pour être aussi appétissant à leurs yeux. La dégustation ne serait que plus douloureuse et mortelle pour moi tandis qu'eux prendraient goût à me déchiqueter par petit morceau, jour après jour.

Yunho et Minjae ont continué de discuter durant le reste de la matinée. Ils m'ont totalement ignoré, même si Yunho n'a pas manqué l'occasion de me frapper deux à trois fois avec son cahier pour me rappeler qu'il se souvenait de moi. Minjae semble différent de Yunho et des autres idiots, il paraît plus...amical. Il plaisante avec nos professeurs et les autres élèves de la classe, il blague et rit sans aucune retenue même s'il à l'air plus fier et plus entreprenant. C'est hallucinant... Les élèves de la classe l'apprécient déjà plus que moi. Cependant, je ne peux m'empêcher de flairer un air maléfique derrière cette sociabilité extrême. Kim Minjae est bon acteur, tout ce qu'il dit ou fait semble tout droit sorti d'une télénovela. C'est le genre de chose presque inaperçue et insignifiante qu'on finit par remarquer lorsqu'on passe énormément de temps seul. Les gens ne sont jamais ce qu'ils prétendent être...toute leur vie ne sont que de dramatiques comédies.

Heureusement pour moi, à l'heure du déjeuner, Yunho est tellement préoccupé par son nouveau membre qu'il me laisse gentiment partir manger après m'avoir volé mon argent, même s'il n'en a pas vraiment besoin. J'ai presque envie de dire « quel élan de générosité aujourd'hui »... Heureusement, j'ai appris à dissimuler quelques billets dans mes chaussettes pour pouvoir me payer à manger. Oui, parce que je peux tout supporter sauf un ventre vide. J'ai beau être mince et ne pas faire de sport, je mange toujours énormément comme si ma vie en dépendait et étrangement, je ne suis jamais rassasié. Je dévore mon riz à toute vitesse par peur que Yunho, Sunwoo, Myungsoo ou Junmyeon n'apparaissent pour me tyranniser une nouvelle fois, lorsque Jibin prend place face à moi. Tiens, visiblement il y en a un qui a tenu tête à Youngjae aujourd'hui...

– « Je sais... Me regarde pas comme ça. On dirait bien qu'ils sont tous à cran aujourd'hui... Ces enfoirés, si j'pouvais seulement les attraper par leurs couilles et les broyer jusqu'à ce qu'ils... »

– « Ferme-la et mange... » intervient Youngjae en passant derrière lui, après l'avoir rapidement frappé sur la tête. Choi Youngjae, ou autrement dit, le détraqué de Jibin, celui qui s'en prend généralement à lui, est un grand ami à Yunho. Il est dans la même classe que Jibin et tout comme Yunho, il se divertit en le frappant ou le martyrisant... Mon meilleur ami s'exécute sans rechigner, ce qui me fait légèrement sourire. Lui qui complotait contre les couilles de Youngjae il y a encore quelque secondes... Nous sommes pathétiques, complètement pathétiques, j'en ai parfaitement conscience. J'ai même pitié de nous parfois. En fait, j'ai pitié de devoir le regarder agir ainsi mais...que puis-je faire d'autre, à part l'écouter se plaindre et hocher la tête pour affirmer ses dires ? Nous ne sommes que des moins que rien, nous le savons et toute l'école le sait, elle aussi. On ne peut rien faire pour changer ça. C'est la triste réalité. La nôtre. 

– « Cet enfoiré....il... »

– « Mange. » répétais-je, d'un sourire moqueur. J'ai moi aussi de nombreuses envies de meurtre concernant Yunho et sa bande alors je n'ai en aucun cas besoin de l'entendre les prononcer de vive voix. Penser à ce genre de chose à mon âge me terrifie déjà bien assez comme ça pour que nous n'en faisions un thème récurrent lors de nos pauses déjeuner...

– « J'ai entendu dire que t'avais un nouveau dans ta classe. Youngjae le connaît apparemment. » Youngjae aussi ? Je suis foutu. Complètement foutu. Si Minjae connaît Youngjae et Yunho, alors ma vie scolaire ne peut qu'aller en empirant. Je lâche un lourd soupir avant de reposer mes baguettes sur la table. Il faut que je me calme. Je ne dois pas perdre espoir. Six mois, Hyunwoo. Un peu moins de six mois à tenir... Je n'ai même plus faim. La nouvelle a anéanti toutes mes envies de nourriture. Je déprime totalement.

– « C'est mon voisin de classe... Il connaît aussi Yunho. » avouais-je, la boule au ventre. Park Jibin me fait les yeux ronds, choqué. Je sais ce qu'il pense, il pense que je suis littéralement dans la merde et que ma fin d'année sera bien pire que tout ce que j'ai enduré jusqu'ici ces deux dernières années. Et...j'ai l'impression qu'il a raison. En réalité, Jibin ne se trompe que très rarement...

– « Tu...il...il t'as parlé ? » hésite-t-il à demander. Je secoue lentement la tête de bas en haut, d'un regard désespéré. Jibin se mord les lèvres en pensant à ce que je vais subir mais ne dit rien pour autant. Son expression en dit déjà assez long. Je ne veux pas en parler. C'est déjà assez dur à accepter... Je ne pouvais vraiment pas prévoir qu'une chose pareille me tomberait dessus. Mon portable vibre soudainement dans ma poche, m'empêchant d'imaginer mon futur comme j'en ai parfaitement l'habitude. En fait, ce n'est plus vraiment de l'imagination, c'est devenu de la prévention. J'essaie de prévoir mes actions dans les moindres détails afin d'éviter un maximum les ennuis... Je lis le message que mon frère vient de m'envoyer avec un léger sourire. Apparemment, il passe me chercher après les cours. Mon Dieu merci, pas de bus à prendre avec les autres... Mon frère sait toujours comment me remonter le moral, c'est un peu comme s'il pouvait sentir ma détresse et deviner lorsque j'ai le plus besoin de lui. « Tu vas lui dire quoi s'il te demande ? » s'interroge-t-il lorsque j'évoque mon frère. Il fait allusion aux marques sur mon cou et mon visage... Je déboutonne les deux premiers boutons de ma chemise et demande à Jibin de m'examiner. « C'est moins rouge que ce matin mais t'as quelques écorchures... Tu devrais peut-être en parler cette fois-ci... C'est grave et tu... »

– « J'vais bien. S'il avait vraiment voulu aller plus loin, il aurait attendu que je perde connaissance. Je vais m'en remettre... J'ai vomi un peu mais ma gorge ne me fait pas souffrir alors c'est sûrement rien de grave. » protestais-je. Je ne suis pas convaincu moi-même mais si je suis encore capable de parler sans douleur, c'est que ce n'était sûrement pas aussi sérieux que je l'imaginais. Jibin finit rapidement son repas sans insister davantage avant de disparaître en courant vers le gymnase. Il veut se changer avant que Youngjae ne se ramène. Ce que je peux comprendre... Quoi de mieux qu'un vestiaire rempli d'élèves qui se foutent de vous et d'un professeur absent pour se faire torturer ?! Le sport, je hais ça. Aussi. Heureusement pas de cours de sport pour moi aujourd'hui...

Je m'avance prudemment vers mon casier, toujours sur mes gardes. Qui sait ce que Yunho et son nouveau partenaire pourraient avoir envie de me faire pour célébrer son arrivée. Je déverrouille rapidement mon casier et cherche ce dont j'ai besoin dans le but d'aller me cacher dans les escaliers pour éviter quiconque. Je sursaute lorsqu'une main se pose brusquement sur mon épaule. Je lève les yeux, c'est Kim Minjae, mon nouveau voisin de classe, toujours accompagné de son incroyable sourire narquois. Il vient croiser ses bras et s'appuyer nonchalamment sur le mur comme si nous avions l'habitude de discuter ensemble lui et moi.

– « T'es tout seul ? » joue-t-il, en prenant le soin de saluer les filles qui l'épient juste derrière moi. Pourquoi est-ce qu'il joue au plus idiot avec moi ? Qu'est-ce qu'il me veut, bordel ?

– « Oui. » marmonnais-je. Je sais, je suis vraiment minable à lui répondre comme si je lui devais quelque chose mais je n'ai pas envie de connaître sa force et sa cruauté. Du moins, pas aujourd'hui, pas maintenant. Il faudra déjà que je me remette des bleus que Yunho m'a procuré ce matin. J'aimerai pouvoir me passer de coup pour le reste de la semaine s'ils me le permettent.

– « Ça t'embête de m'faire faire le tour du lycée ? Yunho et les autres sont trop occupés à draguer les filles. Et j'ai pas vraiment envie de m'perdre le reste de la semaine, tu vois... » Non, je n'en ai pas envie. Je n'ai pas la moindre envie de passer du temps seul avec lui en sachant qu'il est l'ami de mon pire ennemi mais...ai-je vraiment le choix ? Et si je refuse ? Bordel, son putain de sourire d'enfoiré me rend dingue...

– « Si tu veux... » bougonnais-je sans même croiser son regard. Minjae semble satisfait. Il avait visiblement prévu que ma réponse serait positive. Mon nouveau voisin de classe dépose naturellement son bras sur mes épaules, prêt à commencer la visite. Putain, pourquoi moi ? J'ai limite envie de pleurer tellement je sens que je vais regretter d'avoir accepté. Et s'il m'emmenait dans un endroit reculé pour me frapper avec les autres, du genre en collectivité ou quelque chose comme ça ? Je suis devenu tellement parano avec le temps...

– « Ils t'ont vraiment pas loupé, ces cons... » remarque-t-il, toujours collé à moi. Je sais qu'il m'analyse sans aucune gêne sans même avoir à détourner la tête, ce qui m'embarrasse légèrement. Il est si proche de moi... « Ça t'arrive souvent ? » continue-t-il aisément, son bras toujours sur mes épaules. Son petit jeu d'innocent me rend fou. Il sait, il sait tout, c'est évident. Alors pourquoi feindre le contraire ?

– « Là-bas, c'est le gymnase. » m'exclamais-je promptement en repoussant son bras. Minjae ne se retient pas de ricaner face à mon comportement. L'enfoiré, ça l'amuse sûrement de me voir dans cet état...

– « Et là-bas, c'est quoi ? » m'interroge-t-il en pointant son index vers le lieu concerné. Merde, non, je ne veux pas aller là-bas... Personne ne passe par ici, si jamais ils m'attendent là-bas, je suis foutu. Je pourrais tenter de crier autant que je veux, personne ne viendra à mon aide. En fait...même si quelqu'un me voyait me faire tabasser, personne n'oserait venir tenir tête à Yunho et sa clique. « Alors ? » insiste-t-il une seconde fois après avoir remarqué que je m'étais perdu dans mes pensées. J'ai bien envie de l'envoyer balader...si seulement j'en avais le courage...

– « Le local à poubelle. » bougonnais-je, honteusement. Et merde pourquoi est-ce qu'il ne cesse de me sourire de cette façon ? J'en ai presque des frissons dans le dos tellement il sonne faux. J'ai le profond sentiment que Minjae n'est généralement pas du genre à être aussi gentil, il a certainement quelque chose derrière la tête.

– « Y'a souvent du monde là-bas ? Histoire que j'sache où aller fumer... » ment-t-il avec facilité. Fumer, hein ? Il se fout vraiment de ma gueule...

– « Personne ne va là-bas. » murmurais-je en baissant les yeux. Minjae esquisse un énième sourire suffisant tout en hochant la tête. A quoi pense-t-il maintenant ? Je l'observe se diriger vers le local en question, les mains dans les poches. Minjae a cette aura, ce comportement je-m'en-foutiste qui lui donne un air décontracté et détaché de tout. Remarquant que je ne le suis pas, l'imbécile se retourne vers moi pour me faire signe de le rejoindre sans même avoir besoin d'ouvrir la bouche. D'abord déterminé à ne pas bouger, je finis par craquer. Je ne supporterai pas un autre coup aujourd'hui... Je risquerai d'abandonner. C'est en traînant des pieds que je m'avance entre les poubelles, regardant tout autour de moi par peur que quelqu'un ne m'attaque par surprise. Apparemment Yunho et les autres ne nous attendaient pas comme je l'avais imaginé... Minjae allume sa cigarette sans dire un mot tout en examinant le coin. Il compte s'y installer ou quoi ? Je joue nerveusement avec mes pieds, trop stressé par ce qui m'attend. Kim Minjae est bien trop différent de Yunho et des autres. Je ne sais vraiment pas comment les choses vont tourner... Le brun s'appuie sur le mur avant de venir me dévisager de haut en bas, sans aucune réserve. « Tu veux que j'te laisse, je... » J'avais pour but d'essayer de me défiler mais dès que j'ai ouvert la bouche, Minjae s'est approché pour m'interrompre. Est-ce qu'il va simplement me frapper, sans aucune raison ? Juste pour...le plaisir ? Pour...fêter son arrivée ? J'ai pourtant obéi sans rien y redire, j'ai vraiment essayé d'éviter cette fin... Je recule d'un pas puis de deux. Le souffle rapide, je n'ose même pas venir croiser son regard. Je serai presque capable de le supplier si j'osais. Minjae s'approche un peu plus m'obligeant à venir me coller complètement contre le rempart en bois du local à poubelle.

– « T'as une petite-amie, Hyunwoo ? » demande-t-il subitement alors que sa main droite prend place juste à côté de ma tête. Remarquant ma surprise, Minjae réduit de nouveau l'écart entre nous me déstabilisant davantage. Qu'est-ce que... Mon voisin de classe vient tirer sur sa cigarette avant de recracher sa fumée, toujours le sourire aux lèvres. « Je suppose que non... » s'amuse-t-il simplement. Je reste complètement tétanisé ne sachant à quoi il joue avec moi mais surtout où est-ce qu'il veut en venir. Je suis perdu. Yunho n'agit jamais comme ça avec moi, il n'est pas aussi...tactile. Il me plaque soudainement contre le mur, portant de nouveau sa cigarette à sa bouche. Putain, Hyunwoo, dis quelque chose...éloigne-le, bordel...

– « Q-Qu'est-ce que tu veux ? » finis-je par prononcer. Je n'ai certainement pas l'air sûr de moi dans cette position mais je ne peux pas me contenter de le laisser faire sans rien dire. Je suis en désaccord total avec la manière dont il agit en ce moment... Mon voisin de classe me rie au nez avant de me recracher la fumée de son mégot au visage, se moquant certainement du peu d'assurance dont je fais preuve. Il s'approche encore un peu plus pour venir me chuchoter contre l'oreille, de façon autoritaire, presque sexy...

– « Toi... » Je reste figé, sidéré. Je n'ai même pas les mots justes pour décrire ce que je ressens en ce moment. Est-ce que j'ai bien entendu ? Est-ce que... Putain... Je détourne la tête pour éloigner ses lèvres des miennes mais surtout pour ne plus avoir à fixer son regard suffisant. Je ne sais vraiment plus quoi faire. Mes joues rougissent, mon corps tout entier bouillonne d'embarras et de rage. Toute sorte de scénario se bousculent dans ma tête me rendant de plus en plus confus. Minjae est si imprévisible... Je m'attendais à tout sauf à ça.

– « Je crois que tu t'trompes... Il y a un malentendu... J'suis pas... » Sa main vient fermement se saisir de mon menton pour m'obliger à me replonger dans ses yeux sombres. Mon visage se crispe de douleur, son emprise me fait mal mais cela ne semble pas l'inciter à me relâcher. Bien au contraire, son visage sourit toujours à ma vue. Merde...qu'est-ce que je suis censé faire ? Je transpire à grosse goutte, je suppose même que Minjae a sûrement la chance d'entendre mon cœur battre tellement il tambourine lourdement contre ma poitrine.

– « Je sais que t'es pas comme moi mais...j'aime les défis. Tu finiras par céder, Lee Hyunwoo. » Son ton me fait entièrement frissonner. Est-ce qu'il va m'y forcer ? J'angoisse maintenant. Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Je le repousse brusquement et décampe à toute vitesse pour fuir loin de lui, loin de ce regard séducteur et de cette assurance énigmatique. Bordel... Pourquoi est-ce que mon corps réagit de cette façon ? Je suis rapidement retourné dans la classe pour étudier, tentant d'essayer d'oublier tout ça mais malgré moi, il préoccupait mon esprit. Il se fout de moi... Minjae se fout de moi, je ne vois pas d'autre raison à son comportement. Ce ne peut pas être ce que je crois, c'est impossible... La tête dans mon bouquin de maths, je tente de me concentrer sur mes cours universitaires. Comme je n'ai pas vraiment d'occupation extra-scolaire, je prends de l'avance sur le programme pour le plus grand plaisir de ma mère...

Yunho entre accompagné des trois autres idiots de ma classe. Il se contente de m'offrir une tape sur la tête avant de passer à autre chose, ne me portant pas plus d'intérêt. Ce qui est plutôt soulageant quand on pense à ce qu'il m'a déjà offert aujourd'hui... Minjae, lui, est réapparu quelques minutes après, chaperonné de trois filles. Les filles de ma classe sont visiblement déjà toutes en extase face à lui. Mon nouveau voisin s'installe à mes côtés après m'avoir discrètement fait part d'un clin d'œil plus que suggestif, me rappelant la proximité de nos deux visages quelques minutes plus tôt. A quoi est-ce qu'il joue, cet enfoiré ? Le reste de l'après-midi est passé rapidement, j'étais pressé de rejoindre mon frère et de penser à autre chose qu'à cette journée éprouvante et assez étrange pour le coup. Alors dès l'annonce de la fin des cours, j'ai presque couru jusqu'à mon casier pour prendre mes affaires et déguerpir au plus vite. Je voudrais éviter de tomber sur Yunho ou Minjae. Et dire que maintenant, il faut que j'évite deux personnes... Comme si ce n'était pas suffisant de fuir l'autre brute, il faut aussi que je me méfie de ce nouveau.

– « Hé, Hyunwoo ! Tu rentres en bus ? » cri-t-il justement derrière moi. Putain... Je soupire d'agacement et me précipite vers la sortie du bâtiment pour le fuir. Mais cet idiot insiste et accourt jusqu'à moi pour revenir poser son bras sur mes épaules. Pourquoi se doit-il d'être aussi tactile, bordel ? « Ne sois pas aussi expressif, idiot. Si j'veux, j'peux te frapper, tu sais ? » rit-il supérieurement. Je rêve... Il se fout de moi ? Je n'ai même pas la liberté de pouvoir froncer les sourcils comme je veux ?

– « J'dois y aller. Mon frère m'attend... » marmonnais-je en le repoussant délicatement. Je ne voudrais surtout pas le mettre en colère maintenant. Mon frère pourrait nous voir et intervenir s'il me voyait en mauvaise posture... « On...On parlera demain... » ajoutais-je en accélérant le pas vers l'entrée principale.

– « Hyunwoo ! » s'exclame mon hyung. Et merde...putain de bordel de merde... Minki me fait un grand signe de la main pour capter mon attention, un grand sourire expressif sur le visage. Désemparé mais surtout stressé à l'idée que Minjae ne continue de me suivre, je persiste à marcher le plus vite possible pour qu'il comprenne bien que je ne suis plus en mesure de jouer avec lui. Je jette un œil derrière moi et constate que Minjae, ses mains dans les poches, s'avance tranquillement vers moi et mon frère, l'air de rien. Cet enfoiré va vraiment venir jusqu'à nous ? « Putain, Hyunwoo...c'est quoi cette tête ? » s'écrit Minki, l'air furieux. Ça change radicalement du sourire qu'il arborait dix secondes plus tôt...

– « Oh, hum...j'me suis battu... Mais je t'assure que cette fois...c'était pas ma faute... » soufflais-je sans grande conviction. Il faut dire que je ressens la présence de Minjae juste derrière moi et que cela me préoccupe bien plus que le mensonge que je me dois d'inventer pour éviter les réprimandes.

– « Putain mais ton visage... Maman va t'tuer cette fois... » Minki examine mon visage sans porter grand intérêt à mon cou, ce qui me soulage déjà d'un poids. Malgré tout, je ne peux m'empêcher d'angoisser à l'idée que Minjae n'intervienne pour lui raconter toute la vérité. L'entendre lui expliquer que je ne suis qu'un pauvre minable qui ne cesse de se faire frapper me ferait bien trop de mal.

– « Ce n'est vraiment pas sa faute... » dit Kim Minjae, nous obligeant, mon frère et moi, à détourner le regard sur lui. Merde, pourquoi est-ce qu'il ouvre la bouche celui-là ? Pour qui il se prend à la fin ? Mon hyung m'interroge d'un rapide regard incitant mon voisin de classe à en dire davantage. « Oh, hum...j'suis Kim Minjae. J'suis arrivé aujourd'hui. J'suis dans la classe de Hyunwoo. À vrai dire, c'est d'ma faute s'il est dans cet état. Des gars ont voulu s'en prendre à moi pour mon premier jour mais Hyunwoo et trois autres types sont intervenus pour me défendre, alors une grosse bagarre a éclaté. Heureusement...aucun professeur ne nous a surpris sinon on aurait certainement été collé jusqu'à la fin de l'année... » plaisante-t-il avec aisance. D'où est-ce qu'il le sort, son mensonge ? Minki vient croiser les bras contre son torse avant de secouer négativement la tête. Il semble croire l'autre idiot... Même moi j'aurai pu le croire à sa place. Il était si convaincant. Tellement convaincant que c'en était effrayant. Minjae est bien plus dangereux que Yunho...ce type est si bon acteur...

– « Je t'avais dit d'arrêter de t'mêler des affaires des autres. J'te l'ai dit ou pas ? » me gronde Minki. J'acquiesce honteusement. Minjae doit vraiment me prendre pour un imbécile... Tout ça ne fait qu'empirer ma situation... « M'enfin... C'est quand même bien d'avoir voulu aider. J'pourrais essayer de calmer l'jeu avec maman... » conclu-t-il, plus relaxé. Minjae m'offre un sourire malicieux, toujours planté là, comme s'il attendait je ne sais quoi. En réalité, je sais ce qu'il fait. Il profite de ma faiblesse et de mes mensonges. « Tu veux qu'on t'dépose, Minjae ? » Quoi ? T'es sérieux ? Je fusille Minjae du regard pour l'en dissuader. Peu importe s'il me frappe demain, je lui interdis d'accepter sa proposition. Je ne veux pas que mon frère sympathise avec celui qui me martyrisera certainement pour le reste de l'année.

– « Non, c'est vraiment gentil mais j'ai des choses à faire avant de rentrer... Merci quand même... À demain, Hyunwoo. » finit-il par dire, toujours son putain de sourire espiègle aux lèvres. Je me contente d'hocher la tête, étonné qu'il abandonne si vite alors qu'il serait plutôt du genre à saisir une telle occasion... Son attitude est assez étrange. Pourquoi m'avoir aidé à inventer un mensonge ? Si Yunho en avait eu l'occasion, il m'aurait ridiculisé face à mon frère mais Minjae n'a même pas donné l'air d'en avoir envie... Je vais sûrement le regretter plus tard. Kim Minjae sera différent avec moi. Son comportement est insolite, totalement étonnant. Il est souriant, voire même amical pourtant j'ai le sentiment profond qu'il cherche à me faire souffrir. Il va certainement préférer me martyriser moralement plutôt que physiquement. Ce qui n'arrangera en rien mes soucis. Vu l'état psychologique dans lequel je suis déjà...

– « Monte, espèce de caïd... » se moque mon frère. Ce n'est pas la première fois qu'il m'appelle comme ça. En réalité, je mens beaucoup sur ce qui se trame au lycée depuis que j'ai débarqué à la Sungari. Je mens pour ne pas l'inquiéter, c'est surtout parce que je sais très bien quelle proportion prendraient les choses s'il s'en mêlait. Je n'ai pas envie d'attirer l'attention sur moi et d'empirer mon cas de mon plein gré. Ma vie scolaire est difficile mais je m'y suis fais maintenant, alors autant attendre encore quelques petits mois et après je serai enfin libre d'être qui je veux à la fac. « J'espère que l'état des autres est bien pire que le tien... » J'approuve d'un rire, comme à mon habitude. Pourquoi le contrarier ? Autant prétendre être bon dans ce que je suis censé faire...

Je me suis sérieusement fait sermonner par mes parents. Comme je pouvais m'y attendre, ma mère était folle. Hyung a tenté de calmer les choses mais bien sûr, puisque son plus jeune fils était blessé, elle n'a rien voulu entendre. Mon père est resté plus muet mais s'est malgré tout impliqué dans ma punition en me privant de mon ordinateur portable et de mes deux consoles de jeux. J'ai au moins pu conserver mon téléphone puisque ma mère le voit comme le seul et unique moyen de la contacter en cas d'extrême urgence... J'ai mal dormi cette nuit-là, pas parce que ma joue enflée et l'énorme bleu sur mon abdomen me faisaient souffrir. Mais parce que Kim Minjae hantait mes pensées. Mon cerveau a remué et retourné cette fameuse scène dans tous les sens. Et malgré tout, je ne pouvais me résigner à trouver une raison valable à sa conduite. Savoir qu'il avait très certainement prévu un plan détaillé pour m'humilier comme le font généralement l'autre bande de dégénérés m'a préoccupé à tel point que même lorsque je me suis endormi, j'ai rêvé de cet idiot.

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