Sur cette plage de sable fin, le soleil commençait à disparaître derrière la mer, laissant les vagues se colorer d'un orange vif. Nous étions deux, nous étions seuls, nous étions perdus. Il se tourna vers moi, le poids d'une vie de solitude sur les épaules, un sourire incertain aux lèvres, une bouteille de rhum dans la main droite, son chapeau dans la main gauche.

Ses yeux reflétaient ses doutes.

Il n'était pas lui-même.

Je le devinais à son sourire.

C'était un sourire qui disait : "désolé".

Il s'excusait silencieusement, mais je ne savais pas encore pourquoi.

Était-ce à moi, ou à lui même qu'il demandait pardon ?

Ses cheveux étaient le prolongement de la nuit, aussi noirs qu'un ciel nocturne plein de nuages, une lune invisible.

Pourtant, ses yeux sombres brillaient comme deux étoiles perdues.

Sa bouche était un bourgeon de rose.

Le jeune homme à mes côtés s'assit sur le sable et allongea ses jambes pour tremper ses pieds nus dans l'eau salée.

Celui-ci se concentra de nouveau sur l'horizon après avoir posé son chapeau orange à sa droite.

Il ne laissa cependant pas sa bouteille, qu'il apporta à ses lèvres.

Je m'autorisai à m'installer à ses côtés.

Je murmurai, comme pour ne pas déranger le calme de notre environnement :

"À quoi tu penses, Ace ?"

Le dit Ace souffla du nez en ramenant ses genoux à son torse.

"À la famille."

À ce moment là, un gros crabe passa devant nous, suivit de deux autres un peu plus petits.

Les deux minuscules crustacés jouaient des pinces, se battaient.

Le crabe le plus imposant s'interposa entre eux.

"Ça, c'est nous, souffla-t-il en pointant les animaux comme si il était ailleurs.

_Et le gros, c'est père ?"

Il hocha la tête.

Un silence confortable s'installa.

Ace était absorbé par le spectacle des trois crabes.

Moi, je détaillais son visage.

Ses tâches de rousseur qui parsemaient ses joues comme des constellations éclatantes, ses pommettes rougies par l'alcool, ses mèches obsidienne qui volaient dans le vent, ses yeux...

Ses yeux...

"Pourquoi ?"

Sa voix me sortit de mes pensées.

Je penchai la tête.

"Pourquoi quoi ?"

Ace prit une autre gorgée de rhum.

"Pourquoi est-ce que tu ne comprends pas ?

_Je ne comprends pas ?

_Tu ne comprends pas que je dois y aller.

_Je refuses que tu y ailles.

_Pourquoi ?

_Parce que tu risques d'y laisser ta peau.

_Il a bien failli le tuer. C'est mon devoir d'y aller, Teach était sous ma responsabilité.

_Il a presque eu Satch. On ne sait pas de quoi il est capable maintenant qu'il a volé le fruit du démon.

_Tu ne me fais pas confiance ?

_Mais si ! C'est pas la question ! Est-ce qu'on va vraiment se battre encore une fois ?

_Ça fait déjà cinq jours qu'on est coincés sur cette île à se foutre sur la gueule. Un combat de plus ou de moins, ça ne me gène pas.

_Moi ça me gène. J'en ai marre de me battre contre toi.

_Alors arrêtes et laisses moi y aller.

_Non.

_Tu n'es pas Père ! Tu n'as aucune autorité sur moi, Marco.

_Père t'as bien dit qu'il avait un mauvais pressentiment.

_Père m'a prévenu, mais ne m'a pas interdit d'y aller. Alors ne le fais pas."

Son regard se porta de nouveau sur la mer, sur le Moby Dick, qui avait posé l'ancre il y a cinq jours au large de cette île déserte.

Tout ça pour qu'on puisse se battre.

Et nous aurions le droit de revenir une fois le conflit terminé.

C'était la règle imposée par père.

"Finissez en une bonne fois pour toute, vous nous emmerdez tous les deux avec vos embrouilles.", qu'il avait dit.

Oh, il avait bien dit à cette tête brûlée qu'il ne pensais pas qu'il était judicieux qu'il parte à la poursuite de Teach.

Mais il ne voulait pas priver Ace de sa liberté de choisir.

En soit, c'était louable.

Seulement...

J'avais peur, moi.

"Hey, Marco...

_Mmh...?

_Pourquoi tu insistes pour que je n'y aille pas, au juste ? Au pire, je meurs. Et alors ?

_Non mais tu t'entends ?

_Qu'est-ce que ça peut te faire, si je meurs ?

_Mais j'veux pas que tu meurs, moi ! C'est pourtant pas bien compliqué à intégrer, non ?

_Pourquoi tu ne veux pas que je meurs ?

_Parce que je t'aime."

Et voilà...

Je l'avais dit.

Ace baissa les yeux.

Il porta la bouteille à sa bouche et bu d'un coup la moitié de son contenu.

De quoi rendre saoul n'importe qui.

De ce fait, le jeune homme grimaça.

Et là, l'allumette ricana.

Puis, il explosa de rire.

"Quoi ? Toi ? Toi, tu m'aimes ? Moi ?

_Quoi, ça te surprends ?

_Non, je le savais, au fond."

Il reprit un minimum de sérieux et posa la bouteille dans le sable.

"Tu sais que je t'aime aussi, n'est-ce pas ?

_Ouais."

Je soupirai. C'était une drôle de situation.

"Tu ne devrais pas m'aimer.

_Pourquoi ?

_Parce que je ne suis pas celui que tu crois.

_Qui es-tu, dans ce cas ?"

Une légère pluie commença à tomber du ciel parsemé de quelques nuages.

"Un monstre. Quelqu'un qui n'a pas sa place ici. Pas avec l'équipage, pas sur cette planète, pas avec toi."

Goutte à goutte, les cheveux de Ace ainsi que les miens se retrouvèrent trempés quand l'averse s'intensifia.

"Un monstre ? Qu'est-ce que tu veux dire ? Bien-sûr que tu as ta place avec nous."

Il sourit.

La pluie se mêlait aux vagues qui s'écrasaient sur la plage.

"Si je te le dis, m'aimeras-tu toujours ?"

J'écartai une mèche mouillée de son visage.

"Sans aucun doute."

Ace soupira.

Il attrapa un coquillage qui trainait par terre.

Le pyromane me le tendit.

Je le pris et le portai à mon oreille.

"Entends-tu l'océan ?"

J'acquiesçai et sourire aux lèvres, je chuchotai :

"Les vagues sont enfermées dedans. J'aime bien ce son."

Il esquissa un sourire, et demanda :

"Sais-tu..."

Les crabes étaient partis se cacher sous un rocher.

Je lui redonnai le coquillage.

Le second commandant porta la conque à son oreille.

"Sais-tu pourquoi on entend la mer dans les coquillages ?"

Je secouai la tête négativement.

"En fait, c'est pas la mer qu'on entend. C'est le bruit du sang qui circule dans nos vaisseaux sanguins. Ça fait caisse de résonnance."

Je souris.

Il reprit :

"Moi, je n'aime pas ce son.

_Pourquoi ?"

_Parce que c'est la matérialisation de la chose que je déteste le plus chez moi."

Il caressait le morceau de nacre de ses doigts fins.

"Ton sang ?

_Ouais. Mon sang."

Ace souffla longuement.

"Père m'a dit..."

Il reporta son regard sur la mer.

"Père m'a dit qu'on était tous les enfants de l'océan."

Malgré la pluie qui battait contre nos corps, je n'avais pas froid.

La chaleur du corps d'Ace réchauffait l'atmosphère.

Un instant, ou peut-être depuis une éternité, j'avais envie de tenir sa main dans la mienne.

"Mais... Même si je sais que je n'ai pas ma place sur cette terre, même si je sais que je n'ai pas ma place dans cet équipage... Père m'a dit que oui, je pouvais vivre avec vous, que oui, j'étais à ma place ici."

Il inspira.

"Je sais que je n'ai pas le droit. Pourtant, je me sens à ma place, ici. Je me sens chez moi."

Ace posa le coquillage sur ses genoux.

"Excuses moi, je sens que l'alcool monte un peu.

_Continues.

_Une famille... Je n'avais jamais songé à avoir une famille. Luffy, mon p'tit frère, c'était déjà énorme pour moi. Là... Là, tous ces gens, tout cet équipage, ils m'ont tous accepté."

Il attrapa la bouteille de rhum et me la tendit.

Je l'acceptais et en pris une gorgée.

"Même si mon sang est souillé.

_Qu'est-ce que tu entends par là ?

_Père, c'est une chose. Tout l'équipage, c'est différent. Toi, m'accepteras-tu toujours si tu savais ?"

Il attrapa son chapeau et l'enfonça sur sa tête.

"Tu m'aimerais toujours, si je te disais que j'étais la progéniture de Roger ?

_Roger ? Comme dans «Roger, le roi des pirates» ?

_Ouais, Gol D. Roger, c'est mon géniteur.

_Bah, ça..."

Je repris deux ou trois gorgées de rhum, incrédule.

"Ça... C'est une surprise.

_Mmh...

_Mais, tu es toi, non ?"

Je souris.

"Toi, t'es Ace. Qu'est-ce que j'en ai à foutre de ton père ?

_Mon père, c'est Barbe Blanche. Le problème, c'est mon sang.

_J'm'en fiche, de ton sang. Puis, moins je le vois, mieux je me porte, de toutes façons.

_Qu'est-ce que tu veux dire ?

_Je veux dire que je ne veux pas que tu sois blessé, Ace."

Il ricana.

"Donc, toi non plus, t'en as strictement rien à foutre ?

_Ouais, t'as tout compris."

Je souris, et passai ma main sur sa tête, faisant tomber son chapeau qui tenait maintenant sur son dos grâce au cordon.

"Je t'aime toujours, c'est con, hein ?

_Grave.

_Et donc, qu'est-ce qu'on fait ?

_J'en sais rien."

J'attrapai sa main.

Une chaleur agréable me traversa.

"Je t'aime, tu m'aimes. On le sait tous les deux. Alors pourquoi est-ce qu'on devrait en rester là ?

_Alors là..."

Il souffla du nez.

"Si tu me laisses y aller, je ferais ce que tu attends de moi.

_Oh, mais je n'attends rien de toi.

_Vraiment ? Tu n'attends pas... plus ?

_J'attends rien de toi. Toi, tu veux quoi ?

_Moi ?

_Bah, oui. Toi.

_Moi... Ce que je veux... moi..."

Ses yeux...

...Deux étoiles éclatantes.

"Un câlin ?"

Je souris.

"Va pour un câlin."

Il poussa sur ses bras pour se redresser un peu et se blottir contre mon torse.

Mon cœur était les ricochets d'une pierre qu'on lance sur un étang.

"N'y va pas... S'il te plaît...

_Marco... C'est mon devoir.

_Père t'as dit que ce n'était pas la peine. C'est trop dangereux.

_C'est pour l'honneur de Barbe Blanche.

_Pour l'honneur de Barbe Blanche, reste auprès de te famille."

Il ferma les yeux.

La pluie s'était arrêtée.

Des gouttes glissaient le long de mes cheveux pour rejoindre le visage d'Ace.

"Satch veux que tu restes.

_Qu'est-ce que tu en sais ? Ça fait un moment qu'il dort, maintenant.

_Je le sais, c'est tout."

Il souffla.

"Il va se réveiller bientôt, va. C'est normal avec la blessure qu'il se tape. Si ça se trouve, il est même déjà debout. En cinq jours, je suis persuadé qu'il va mieux.

_Mmh...

_Eh, j'suis médecin, quand même.

_Je sais.

_Restes, s'il te plaît..."

Ace inspira profondément, mais ne répondit rien.

Sa bouche était un bourgeon de rose...

Je baissai mon visage vers le sien.

Le jeune commandant ouvrit les yeux.

Nos souffles s'entremêlaient, nous étions proches, si proches...

Il s'avança, rompant ainsi la faible distance qui nous séparait.

Et là, comme si cette action était tout ce qui manquait à ma vie depuis ma naissance, la rose s'épanouit contre moi, et je me sentis complet.

C'était magique.

C'était comme ça que ça devait être.

C'était destiné à être ainsi.

J'étais pris dans les filets d'un pêcheur, et j'adorais ça.

C'était la balle d'un pistolet qui traversait mon cœur, c'était terriblement intense.

Ace rompit notre baiser, et sourit légèrement.

"Je reste...

_Vraiment ?

_Vraiment."

Je passai une main dans ses cheveux trempés.

"On rentre ?"

Il hocha la tête et se redressa.

Je souris avant de me lever, de me transformer en phœnix et de l'inviter à monter sur mon dos.

Le soleil avait disparu derrière la ligne d'horizon, mais quelques membres de l'équipage nous attendait, un sourire aux lèvres, avec Père et tous les autre commandants, je pouvais les voir d'ici.

Y compris Satch, entouré de bandages, assis sur un tonneau.

Il allait bien.

À quelques mètres à peine du navire, Ace tira légèrement sur quelques unes de mes plumes bleues, ce qui me fit tourner la tête.

Le second commandant pointa le coquillage.

"Je l'ai gardé.

_Ah ?

_C'est un souvenir de la mer."

Je ricanai.

"Je crois que je l'aime un peu plus.

_Quoi ?

_Le son."

Il se pencha, colla la conque contre son oreille, et murmura :

"J'entends l'océan."

🐚 ~Fin~ 🐚

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Oui, oui, vous ne rêvez pas, c'est bien une histoire de LisaManga3 qui n'est pas triste, pas glauque, et qui finit bien. Incroyable, non ? HeyHeyReyDee  ne va pas y croire ! Je pense que cette pauvre petite avait arrêté d'espérer pouvoir lire une de mes histoires sans pleurer ! (Vous avez du bol, j'étais de bonne humeur...)

Ceci est un défi d'écriture que je me suis lancé. Un abonné (Massan_45) m'a donné une série de mots que je devais inclure dans ce one shot. J'espère qu'il vous a plu, essayez maintenant de retrouver les mots !

-Plage
-Solitude
-Orange
-Sourire
-Souvenir
-Coquillage
-Bouteille de rhum
-Chapeau
-Un crabe et deux petits
-Gouttes
-Pêcheur
-Pistolet
-Marco et Ace

Si ça vous dit, vous pouvez me proposer d'autres défis d'écriture ;)

Comme d'habitude, j'ai fait la couverture... Vous en dites quoi ?