Chapitre 28

PDV Karma

Quatre jours que Siyeon était portée disparue. Nous n'avions toujours pas reçu de demande de rançon, ce qui amena notre classe à réfléchir sur la raison de son enlèvement à la place de notre cours de maths. Andréa nous avait rejoint mais elle n'avait rien dit à Dana pour ne pas l'inquiéter.

"Karma aurait reçu une demande de rançon si Siyeon avait été enlevée pour l'argent, non ? fit Nagisa.

- Après, je vous rappelle que Siyeon est orpheline. On ne sait donc rien de ses origines, rappela Andréa.

- C'est vrai. Ses parents pourraient être n'importe qui, des gens lambdas, célèbres ou vraiment pas fréquentables. Et malheureusement, dans ce dernier cas, il est possible que ses origines l'aient rattrapé, soupirai-je.

- Pourquoi partirais-tu sur l'hypothèse que ses parents ne sont pas fréquentables ? me demanda Rio.

- Je suis assez d'accord avec Karma.", renchérit Karasuma. "Après l'hypothèse de la rançon, c'est certainement l'hypothèse la plus logique au vu de ce qu'on sait.

- Sans compter que Siyeon a un don pour l'assassinat, comme Nagisa. Le truc, c'est qu'elle a horreur de s'en prendre à des gens et que, du coup, elle a une sorte de blocage mental qui l'empêche d'en faire usage. Ce blocage se lève sous certaines conditions, notamment une forte fureur.

- C'est peut-être juste un hasard. Tu viens justement de dire que j'avais un don pour l'assassinat Karma, mais je n'ai pas de parent assassin.

- Ouais, mais la probabilité qu'on est deux génies de l'assassinat dans la même classe, sans qu'aucun des deux n'en ait hérité, est quasiment inexistante.", marmonna Terasaka. "Déjà que un...

- Exactement. Mais on ne peut que faire des suppositions pour le moment, des suppositions qui n'aident pas forcément à la retrouver.", fit Koro.

Je réfléchis. Il n'y avait rien chez Siyeon qui nous permettait de la relier au monde obscur qu'est l'assassinat. C'était vrai que sa marque en forme de poulpe était bizarre et qu'elle avait sans doute un lien avec ses origines mais...

"Mais oui ! Evidemment ! Pourquoi je n'y ai pas pensé ?!", percutai-je, les yeux écarquillés.

Dans un dessin animé, j'aurais sans doute eu une ampoule qui se serait allumé au-dessus de ma tête.

"Pensé à quoi Karma ? me demanda Madame Pouffe.

- Siyeon a une marque, sur la hanche droite.", révéla Karma, en pointant sa propre hanche droite pour illustrer ses propos. "Ce n'est pas un tatouage, on dirait qu'elle a été faite au fer rouge en fait. Elle m'a dit l'avoir toujours eu.

- Mais oui, c'est vrai.", se rappela Andréa. "J'ai toujours été persuadée que cela avait un rapport avec ses parents. 

- Oui, et elle trouvait sa forme plutôt ironique depuis cette année... songeai-je, en me souvenant de cette conversation.

- Karma, Andréa, à quoi ressemble cette marque ?"

Je tournai la tête vers Koro. Bizarrement, il semblait tendu, mais vraiment tendu, bien plus qu'il ne l'était il y a une poignée de minutes. Il avait aussi pâli et ses yeux s'étaient écarquillés, comme s'il venait d'apprendre un truc qui allait chambouler sa vie.

"C'était un poulpe, c'est pour ça qu'elle la trouvait ironique puisque vous en êtes complètement dingue.", répondis-je. "Je trouvais ça bien plus qu'ironique, au point que je m'étais demandé une seconde si vous aviez un quelconque lien tous les deux..."

Je me figeai au moment même où je prononçais ces mots. Je m'étais effectivement posé la question brièvement en voyant sa marque, mais jamais je ne m'étais vraiment penché dessus. Jamais je ne m'étais posé la question à voix haute. Et le faire me faisait me rendre compte que, effectivement, il y avait certainement un lien.

"Une marque en forme de poulpe... sur la hanche droite ?", répéta lentement Koro en se passant la main sur la nuque. "Alors je sais exactement où elle est. Enfin, pas où mais je sais qui l'a enlevé."

Il regarda Karasuma et ils semblèrent entretenir une conversation silencieuse. D'accord...

"Tu devrais leur dire Koro, cela pourrait nous porter préjudice après sinon. Et puis, tu en as trop dit ou pas assez donc... fit Karasuma.

- Tu as raison... les enfants, Irina, à la lumière de cette information, je dois vous révéler certaines choses importantes."

On le regarda, attentifs. Il porta les mains à ses yeux et retira ce qui semblait être des lentilles. Il les mit dans une boîte, révélant ainsi des yeux bleus, aussi bleu que ceux de ma copine. 

Je penchai la tête, lui trouvant soudainement une étrange ressemblance avec Siyeon. A la réflexion, j'avais toujours trouvé qu'ils se ressemblaient mais c'était le bleu des yeux de Koro qui faisait que cela me frappait désormais. Je connaissais par coeur chaque nuance du regard de la styliste, et c'était les mêmes que celui de Koro. Avec la peau plus foncée, il pourrait presque passer pour...

"... le père de Siyeon.", dis-je inconsciemment.

Sentencieusement, Koro hocha la tête.

"Vous le saviez ? demanda Kayano.

- Non, mais j'admets m'être posé des questions depuis ce qu'il s'est passé à Kyoto. Avant, non, parce qu'elle n'est certainement pas la seule jeune fille de treize ans aux cheveux noirs et aux yeux bleus... mais depuis Kyoto, j'ai remarqué qu'elle ressemblait vraiment beaucoup à ma défunte femme au niveau de la personnalité. J'imagine que la révélation de sa marque a été le déclic pour que je comprenne...

- Bon Koro, vous nous raconterez ça une autre fois. Le plus important, c'est Siyeon ! rappelai-je.

- Karma a raison. Si vous savez qui l'a enlevé, alors il faut prévenir la police ! approuva Rio.

- Les enfants, cela ne fera qu'empirer les choses. Il ne faut surtout pas prévenir la police parce que ceux qui l'ont enlevé font partie de l'ordre Shinigami, la mafia japonaise. Ils ont des personnes infiltrées partout, sauf au gouvernement et dans les agences gouvernementales. Si seulement on avait réussi à le démanteler il y a plus de quatorze ans...

- Tu as fait tout ton possible.", lui répondit Karasuma. "Il faut savoir que je suis un ancien agent du gouvernement et Koro est l'ancien Shinigami, le chef de la mafia, mais il l'a quitté peu après la naissance de Lee et nous a fourni des informations pour démanteler l'organisation, si on le laissait reprendre une vie totalement normale. Sauf que quelqu'un l'a découvert et toutes les activités et les membres démasqués ont été déplacés, de sorte que les informations qu'il nous restait étaient erronées. On a donc mis en scène la mort de Shinigami et on lui a donné une nouvelle identité : Akihiko Koro, professeur. 

- D'accord, mais Siyeon ? insista Rio.

- Je l'ai abandonné bien avant de m'allier avec le gouvernement. J'avais fait une promesse à sa mère, celle de ne jamais la mêler à l'organisation. Comme j'étais en fuite et un traître, il valait mieux que je me sépare d'elle. Je l'ai donc laissé dans un parc, que je savais non fréquenté par les membres de l'ordre Shinigami. Les Lee ont ensuite dû la recueillir le temps que la police essaie de retrouver ses parents, puis ils l'ont adopté. Il y a bien plus d'enfants abandonnés à la naissance que ce que vous pensez, c'est donc passé inaperçu.

- Et sa marque ? demanda Andréa.

- Elle a été marquée avant que je ne parte avec elle. Ma famille a toujours été dans les activités illégales, depuis des siècles, c'est pourquoi nous sommes reconnaissables par une marque que nous avons tous au niveau de la hanche. Une marque en forme de poulpe. Elle nous est faite quelque jours après la naissance, au fer rouge. Je ne l'ai pas abandonné de gaieté de coeur, bien au contraire. Mais pour qu'elle n'ait rien à voir avec l'organisation, il fallait qu'elle n'ait rien à voir avec moi, qu'elle grandisse loin de moi. C'était le seul moyen pour la préserver d'une vie que ni sa mère ni moi ne voulions pour elle. Sa mère est morte en lui donnant naissance, et elle m'a fait promettre de quitter l'organisation et de l'élever comme une enfant normale, avant qu'elle ne rende son dernier souffle. Mais l'ordre Shinigami n'allait pas me laisser emmener la légitime héritière comme ça, donc la seule solution était de fuir. Jamais je n'aurais cru qu'elle était si proche..."

La voix de Koro tremblait de plus en plus. Sur son visage, la culpabilité et la tristesse se disputaient et ses épaules semblaient s'être alourdies sous le poids de son passé. 

"Evidemment, même si c'était volontaire, la perte de ma fille m'a considérablement affectée et je me suis rapidement rendu au gouvernement, promettant des informations sur la mafia japonaise s'ils me laissaient changer de vie et tout recommencer à zéro. Ils ont accepté sous certaines conditions, notamment la réalisation de travaux d'intérêt pendant dix ans, à la place de la prison et sous l'oeil vigilant de Karasuma qui surveillait mes moindres faits et gestes. Au bout de dix ans, comme je m'étais comporté irréprochablement et que mes informations avaient permis de démanteler une grande partie du réseau, ils m'ont laissé complètement libre. Je suis devenu professeur sous ma nouvelle identité et j'ai essayé de retrouver ma fille mais... j'avais bien moins de moyens que lorsque j'étais Shinigami, donc je ne l'ai jamais retrouvé. 

- Maintenant, vous l'avez retrouvé, enfin si on veut. Si vous voulez vraiment la retrouver, il va falloir la tirer de là. Si elle a vraiment été enlevée par la mafia japonaise, elle doit être dans de beaux draps, surtout qu'ils ont sûrement dû lui comprendre qui elle était s'ils ont vu sa marque. Ils pourraient la retourner contre nous, s'inquiéta Kataoka.

- Ou alors, elle s'est déjà échappée. Siyeon est une pro pour changer d'apparence et, justement, elle a des capacités d'assassin. Elle n'est pas idiote, elle doit certainement être en train d'essayer de revenir. Il faudrait juste qu'on sache où elle est, mais c'est une autre paire de manches. On est sûrs, au moins, que ce sont eux qui l'ont ? interrogea Madame Pouffe.

- Si elle avait été enlevée pour faire chanter quelqu'un, on aurait déjà des nouvelles des ravisseurs.", fit remarquer Karasuma. "Donc, c'est ce qui semble le plus logique. Je vais faire de mon mieux pour nous procurer des armes, y compris pour les élèves. Je ne suis plus un agent du gouvernement, mais j'ai caché plusieurs de mes armes à plusieurs endroits. Qu'on soit bien clairs les enfants, vous n'utiliserez ces armes pour tuer dans aucun cas. Vous ne les utiliserez que pour handicaper votre adversaire et vous défendre, pas pour autre chose. C'est une opération pour secourir Lee, pas une tuerie de masse. C'est valable pour toi aussi Koro.

- Bien entendu. Irina, êtes-vous de la partie ?

- Evidemment. Je suis une ancienne chasseuse de primes, je sais me battre et me servir des armes.

- Mais vous êtes tous des anciens utilisateurs d'armes ou ça se passe comment ?! fit Rio.

- Pourquoi crois-tu que nous avons accepté la manière d'enseigner étrange de Koro ? Et pourquoi crois-tu que nous l'y aidons ?", rétorqua la voluptueuse blonde.

Bon point.

"Bon, et sinon, c'est bien beau de monter une opération, mais on ne sait toujours pas où elle est et Ritsu ne peut pas la tracer. Où se trouve le QG de la mafia, Monsieur Koro ? demandai-je.

- Avant, il était ici même, à Tokyo. Mais j'imagine qu'ils ont dû le déplacer ailleurs, dans une de nos nombreuses résidences secondaires. On en avait bien une cinquantaine à travers le Japon, mais toutes situées dans des endroits où le gouvernement ne pouvait pas intervenir, au risque de provoquer une guerre. Cela nous prendrait des mois pour toutes les vérifier, répondit notre professeur.

- Il faudrait juste qu'on ait un signe. Le nom d'une ville, d'une rue, des coordonnées GPS, n'importe quoi...", réfléchit Karasuma.

Mon téléphone vibra, alors je le sortis, perplexe. Je déverrouillai précipitamment mon téléphone quand je vis que c'était un message de Siyeon. Comme la première fois, il y avait des indications sur sa position avec un "SOS !". Cependant, je n'avais pas reçu les coordonnées GPS de son téléphone, non. Si cela se trouvait, elle avait utilisé le système d'urgence installé par Ritsu mais, comme il était brouillé par un truc, sa position ne pouvait pas être aussi précise. A la place, on avait le nom d'une ville.

Je tournai l'écran vers notre classe avec un petit sourire en coin.

"Tout le monde, on part pour Kyoto."

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