Chapitre 21

PDV Siyeon, deux semaines plus tard

Concentrée sur le mannequin, je mis la dernière touche de paillettes sur ma tenue pour la Fête des Etoiles. J'avais encore deux heures avant que Rio et Kaede me rejoignent afin qu'on se prépare ensemble.

La compagnie de la blonde et de la verte m'aidait beaucoup à aller mieux, au même titre que celle d'Andréa. Elles faisaient sans cesse des allusions sur mes sentiments pour Karma mais elles arrivaient facilement à me changer les idées. C'étaient de très bonnes amies et je me trouvais vraiment chanceuse que le rouge m'ait forcé à socialiser avec sa bande. Elles me faisaient du bien, je n'avais plus l'impression d'être seule quand Andréa n'était pas là. Je savais désormais que je pouvais compter sur deux amies supplémentaires en cas de soucis.

Ce qui m'aidait à guérir aussi, c'était discuter avec Irina et Koro. Je ne l'avais pas vraiment remarqué avant mais notre professeur principal était quelqu'un de très paternel, j'avais presque l'impression de revenir à l'époque où Halabeoji était vivant. Je me sentais vraiment bien à ses côtés, c'était étrange comme sensation. Quant à Irina, elle me donnait des tonnes de conseils et d'astuces pour éviter que cela se reproduise, que je reste paralysée par la terreur. Evidemment, le système d'urgence pour contacter Karma était un bon début, mais il nécessitait que je puisse parler, que j'arrive à surmonter suffisamment ma terreur pour crier son prénom. J'avais eu énormément de chance, je n'en aurais certainement pas la prochaine fois. Si jamais il y avait une prochaine fois, ce que je n'espérais pas. Avec son corps voluptueux, Irina avait échappé à ce genre de choses plus d'une fois, en appliquant à la lettre ses conseils et astuces, alors c'était toujours bien d'en avoir connaissance. 

Il fallait aussi que j'arrive à aller au-delà du blocage mental qui m'empêchait de donner des coups à un être humain. Sous le coup de la fureur, j'avais réussi mais le lendemain, j'ai manqué de me faire violer. Il fallait que j'arrive à donner des coups quand c'était nécessaire, Karma ne serait pas toujours là pour me tirer d'affaire. Et ma poêle à frire n'était certainement pas ce qui allait me sauver de ce genre de dangers.

Je me relevai de mon mannequin et m'éloignai pour observer le résultat final. Je souris de ravissement. Elle était encore plus parfaite que sur mon carnet de croquis.

"Karma va l'adorer, c'est certain !", murmurai-je inconsciemment.

Je rougis brusquement en m'entendant prononcer ces mots et secouai la tête pour remettre de l'ordre dans ma tête. J'en pinçais pour Karma, c'était une réalité pour moi, mais qu'était-on censé ressentir quand on était amoureux ? Et puis, je n'étais pas autant de cran que Karma, je serais incapable de lui avouer franchement que j'en pinçais pour lui. Et je savais qu'il ne me dirait pas de nouveau qu'il m'aimait tant que je ne lui aurais pas fait part des sentiments que j'avais à son égard, donc aucune chance que je puisse lui répondre "moi aussi". 

Je lâchai un grognement de frustration. Je devais lui dire, mais je n'en avais pas le courage. Dire que c'était à cause de mon presque viol, ce serait mentir. C'était vrai qu'il me faudrait encore beaucoup de temps pour être de nouveau pleinement à l'aise avec mon corps, pour que Karma mette ses mains sur mes hanches sans que je ne me crispe instinctivement de peur ou pour que Nagisa m'enlace sans que je ne me fige de la même manière. C'était vrai qu'il me faudrait du temps, mais ce n'était pas à cause de ça que je n'arrivais pas à lui dire. Non, j'étais juste un peu trop timide, ou un peu trop lâche, ou les deux. J'avais peur de m'engager, c'était la première fois qu'un garçon s'intéressait comme ça à moi. Pourtant, je savais que Karma ne me ferait jamais le moindre mal, il avait encore du mal à digérer ce qui était arrivé il y a un mois de cela, même s'il ne me le montrait pas. Je le savais, parce que ses mains sur les miennes se crispaient quand je mettais sur le sujet sur le tapis. C'était généralement la nuit, quand je me réveillais d'un énième cauchemar, mais même quand quelqu'un en parlait durant la journée, il se crispait et son regard s'assombrissait.

Quelqu'un toqua à la porte de mon atelier, ce qui me fit sortir brusquement de mes pensées. Je poussai le mannequin dans un coin où on ne pourrait pas le voir malgré la porte ouverte et allai ouvrir à mon visiteur. C'était Karma. Ce dernier m'adressa son caractéristique sourire en coin qui, de mon point de vue, était séduisant. Je sortis de la pièce en refermant la porte derrière moi.

"Tu as fini Rayon de Soleil ? 

- Oui, mais tu ne la verras pas avant ce soir, à la fête. Tu auras la surprise.

- Pffff...

- Ne râles pas, je suis certaine qu'elle va te plaire."

Il se pencha légèrement en avant pour venir me murmurer à l'oreille.

"C'est celle qui va la porter qui me plaît.", ronronna-t-il, son souffle caressant mon oreille.

Je rougis jusqu'aux oreilles alors qu'il se redressait, visiblement très fier de son petit effet. J'ouvris la bouche pour répondre, mais il vint me redresser la tête avec ses doigts sous mon menton et caressa du pouce mes lèvres. La caresse était douce, légère, à peine perceptible, mais elle suffit pour que la phrase que j'allais sortir meure dans ma gorge. Et qu'est-ce-que j'allais lui dire d'ailleurs ?

"Peu importe ce que tu portes, tu me plais toujours autant. Tâche de ne pas l'oublier Rayon de Soleil.", murmura-t-il, me souriant tendrement mais le regard sérieux.

Il m'enlaça avec toute la douceur du monde et je me réfugiai volontiers dans son étreinte tendre, chaude, où je me sentais plus en sécurité et à ma place que n'importe où ailleurs. Si seulement j'arrivais à lui dire à quel point je tenais à lui, à quel point j'en pinçais pour lui... mais les mots n'avaient jamais été mon fort. La preuve : j'avais toujours préféré mentir plutôt que d'exprimer mon mal-être avant de rencontrer Karma. Je n'étais pas douée avec les mots, je ne l'avais jamais été.

Rapidement, il me plaqua contre la porte fermée, me surplombant de sa hauteur, son menton posé contre le mien, me faisant lâcher un léger cri de surprise. Je me figeai, une vague de terreur intense montant en moi brusquement. Des flashs de souvenirs me revenaient et instinctivement, je repoussai le rouge de toutes mes forces et mis plusieurs mètres entre nous. J'avais le souffle court et mes mains tremblaient, alors je les fourrai dans le sweat que j'avais emprunté à Karma ce matin. Cela ne changeait rien, mon corps entier tremblait comme une feuille. 

Je revins soudainement à la réalité et, si je ne tremblais pas autant, je me serais frappée le front avec la paume de ma main. C'était Karma bon sang ! Je n'avais rien à craindre ! Ce n'était pas normal que j'ai peur avec lui, tout d'un coup... 

Quelques larmes s'échappèrent de mes yeux et une main douce et chaude se posa sur ma tête, me faisant lever le visage. Karma me regardait avec tendresse, tout en gardant une certaine distance, comme s'il avait compris ce qu'il venait de se passer.

"Ne pleure pas Rayon de Soleil, ça en vaut pas la peine. C'est ma faute, j'ai pas su me contenir suffisamment cette fois, désolé... je t'en veux pas, d'accord ? Alors... ne pleures pas.

- K-Karma... je... ce n'est pas normal... je n'ai jamais peur avec toi d'habitude..."

Le rouge me fit un petit sourire d'excuse.

"Mais ça fait un mois que j'ai arrêté de te plaquer contre un mur pour te faire des baisers dans le cou ou ce genre de choses. Je voulais pas te brusquer, c'est pour ça...", marmonna-t-il, le visage aussi rouge que sa tignasse. "Désolé... je vais faire attention, je te le promet."

Il avait vraiment l'air désolé, et cela me fendait le coeur. Il n'avait rien fait de mal, il était d'un naturel impulsif et en plus, il réfrénait ses sentiments pour moi. Il ne pouvait pas contenir sa véritable manière d'être indéfiniment. Karma avait toujours été doux avec moi, mais depuis un mois, il l'était encore plus, comme si j'étais en porcelaine et que je pouvais me casser à tout moment. Mais Karma était un garçon impulsif, qui ne faisait généralement pas preuve de délicatesse (sauf avec moi, même avant) et qui était amoureux de moi. Je lui en demandai vraiment beaucoup trop...

Alors, tout doucement, je sortis mes mains du sweat, l'une allant caresser sa joue. Il me regarda, surpris, alors que je lui faisais un sourire tendre. Je me mis sur la pointe des pieds et déposai un baiser sur sa joue alors que la main qui la caressait juste avant allait se nicher dans son cou. Ma deuxième main rejoignit l'autre derrière la tête de Karma et je le rapprochai de moi, plongeant mon visage dans son cou.

"Non, c'est moi qui suis désolée Petit Démon, je t'en demande déjà beaucoup. Je ne peux pas t'en vouloir parce que tu as dérapé... 

- Rayon de Soleil... dis pas n'importe quoi. J'aurais dû faire attention...

- Je ne peux pas t'empêcher de laisser libre court à tes sentiments, c'est déjà assez cruel de te faire patienter comme ça...

- Je t'ai déjà dit que ça me dérangeait pas. Je veux pas qu'on sorte ensemble sans que tu sois certaine de tes sentiments, et je ne veux pas que tu m'offres une partie de ton coeur. Je veux ton coeur tout entier Rayon de Soleil."

Je me détachai et attrapai doucement ses poignets pour poser ses mains sur mes hanches. Il écarquilla les yeux, surpris. Il voulut retirer ses mains, sachant très bien que cela me mettait mal à l'aise, mais je l'en empêchai en les maintenant avec les miennes.

"Je ressens quelque chose de très fort pour toi Petit Démon. Tu vois ? Je te fais confiance, j'ai tellement plus confiance en toi qu'en n'importe qui d'autre en ce monde. Je ne veux pas que tu retiennes tes sentiments comme ça...

- Siyeon, arrives-tu seulement à mettre un mot sur ce "quelque chose de très fort" ?", me demanda-t-il doucement.

Je me mordis la lèvre inférieure. Non, je n'arrivais pas à mettre un doigt dessus. Tout était flou dans ma tête. C'était évident que je ressentais quelque chose de spécial pour lui, mais je ne savais pas ce que c'était.

"Rayon de Soleil, que veux-tu que je fasse si même toi tu ne sais pas ce que tu ressens ? Je veux pas te brusquer, ni te faire peur ou même profiter de toi... alors tu veux que je fasse quoi ? Je sais que je suis brusque et impulsif, même quand j'essaie de ne pas l'être, alors tu veux que je fasse quoi ? Je ne peux pas laisser aller mes sentiments pour toi, regarde ce qu'il vient de se passer...

- Tu pourrais peut-être juste... ne pas me prendre par surprise comme tu l'as fait ? Je ne vais pas t'empêcher de me faire tes..."

Je rougis brusquement et un sourire en coin apparut sur les lèvres de Karma.

"... mes attentions ?

- Oui... je ne vais pas t'en empêcher parce que... eum... enfin peu importe. Ne me prends juste pas par surprise et ça ira. Qu'est-ce-que tu en dis ?", murmurai-je timidement, les joues rouges.

Il se pencha et déposa un baiser au coin de mes lèvres.

"J'en dis que ça me va Rayon de Soleil..."

Je lui offris un sourire gêné et il rigola légèrement.

"Décidément, t'es trop mignonne quand tu rougis."

Je rougis encore plus et il finit par s'éloigner de quelque pas, choisissant de ne pas me taquiner plus longtemps pour aujourd'hui. Je jouai avec une mèche de mes cheveux pour éviter son regard, que je sentais malicieux.

"Dis, t'es sûre que ça ira ? demanda-t-il soudainement avec une voix inquiète.

- Je serai avec Rio et Kaede, tu n'as pas à t'en faire. Tout ira bien. Je veux absolument que tu ais la surprise jusqu'au dernier moment, donc tu peux aller rejoindre Nagisa sans crainte, le rassurai-je.

- Tu promets de m'appeler si t'en ressens le besoin ?

- Oui, je te le promet Petit Démon."

Il me sourit, nettement rassuré, mais le pli sur son front m'indiqua qu'il était tout de même inquiet de me laisser toute seule plus de cinq minutes sans qu'il ne soit dans la même pièce ou, à la rigueur, le même bâtiment.

"Je t'attendrai devant le portail.

- Petit Démon...

- C'est pas négociable, je veux pas que tu affrontes ces gosses privilégiés sans moi. Séducteur comme il est, Sakakibara va pas hésiter à venir te draguer. Donc on se rejoint devant le collège.

- Tu es impossible Petit Démon... tu es pourtant le mieux placé pour savoir que je ne me laisse pas séduire par des gens qui ne cherchent même pas à me connaître.

- Même.

- Bon... je cède pour cette fois, mais ne t'attend à contrôler la moindre de mes actions. 

- Ca, c'est la preuve que tu vas beaucoup mieux ! J'en prend note.

- Hein ?

- Tu te souviens ? Je t'avais dit que je prendrais les choses en main pour t'aider à guérir. Je t'aurais dit de faire le poirier ou de te jeter du haut d'une falaise, tu l'aurais fait sans discuter. Donc si tu ne veux plus que je te dise quoi faire, ça veut dire que tu vas nettement mieux par rapport à il y a quatre semaines. Et c'est rassurant. Tu vas de mieux en mieux chaque jour, tu n'as pas remarqué ? 

- Petit Démon, arrête de gagner du temps et va rejoindre Nagisa. Les filles arrivent dans dix minutes."

Il rit légèrement, pris la main dans le sac. Il m'adressa un "ok, ok, c'est bon, j'y vais" avant de déposer un baiser sur ma tempe et d'aller récupérer ses affaires. Juste avant de descendre au rez-de-chaussée, il me fit un tendre sourire et me salua. Je le lui rendis puis retournai dans mon atelier en attendant les filles.

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