Chapitre 13

PDV Siyeon

Les examens étaient arrivés à une vitesse affolante, et ils étaient passés encore plus vite. Malgré l'aide de Karma, je n'arrivais pas à me détendre. Je me rongeais le sang à l'idée d'avoir tout raté malgré mon travail intensif.

A part cette ombre au tableau, tout allait bien. Je m'étais étonnement vite intégrée dans la classe, particulièrement dans la bande que formaient Nakamura, Nagisa, Kayano et Nagisa. Koro avait félicité notre tentative réussie d'assassinat, m'affirmant qu'il ne s'était absolument pas douté que j'userais de mon talent de styliste pour le tromper. 

Une constatation m'avait alors frappé. En cours de sport, que ce soit au combat ou avec des armes inoffensives, j'étais nulle quand il s'agissait de s'attaquer à un humain alors que j'avais presque un don contre des mannequins, d'après Karasuma. Selon lui, j'aurais une excellente technique de combat naturelle ainsi qu'une aisance déconcertante quant à l'usage d'armes mais je perdais tous mes moyens quand il s'agissait de combattre un être humain. Cette tentative réussie d'assassinat contre Koro m'avait donc fait comprendre que j'allais plus être un soutien pour la classe qu'une attaquante dans les tentatives futures (parce que, oui, le défi était relancé jusqu'à la fin de l'année).

Il y avait une autre ombre au tableau, pas mal plus gênante et sur laquelle j'avais bien moins de prise que pour les examens, mais je n'avais ni la force ni la volonté de m'y pencher tout de suite...

Je lâchai un soupir d'inquiétude et une main chaude se posa sur ma tête. Je levai le regard et vis Karma, qui me faisait son éternel sourire en coin. De l'autre main, il me fit glisser une tasse de chocolat chaud.

Je lui rendis timidement son sourire et fermai les yeux quand ses doigts quittèrent le haut de ma tête pour rejoindre mon menton dans une douce caresse, aussi légère qu'une plume. Mes joues sa parèrent de rouge au passage, mais je commençais à être habituée maintenant. Cela faisait presque un mois que Karma se montrait à la fois plus tendre et toujours aussi... aussi lui avec moi. Je ne savais pas trop ce qui avait changé le jour de Noël, mais j'appréciai beaucoup ce changement. Est-ce-que je comptais lui dire ? Non, il a déjà une assez grosse tête comme ça.

"Rassure-toi Rayon de Soleil, tu auras des résultats lumineux aux examens, tu verras.", me souffla le rouge.

Je rougis sous le surnom. Cela aussi, c'était assez nouveau. S'il m'appelait désormais Raiponce quand on se parlait normalement, c'était une toute autre histoire quand on était seuls et qu'il avait des gestes tendres envers moi. Dans ces moments-là, il m'appelait Rayon de Soleil. C'était adorable... et tellement pas Karma ! Je ne comprenais toujours pas ce qu'il se passait, mais je n'allais pas m'en plaindre. Il comptait énormément pour moi. Il était mon ami, celui sur lequel je pourrais toujours compter, quoiqu'il arrive, mon confident.

"Et peut-être plus...", me souffla perfidement ma conscience, accentuant le rouge sur mes joues.

Je me mordis la lèvre inférieure alors qu'il ramenait sa main vers lui pour saisir une brique de lait à la fraise.

"Comment tu peux en être aussi sûr ?

- C'est moi ton prof, nan ? Fais-moi confiance, je sais de quoi tu es capable et je sais que tu as tout explosé à ces examens. Tu te rends pas compte mais tu as quasiment mon niveau en fait. Tu raisonnes différemment, mais tu as un niveau exceptionnel malgré tout. Et puis, je sais pas si tu t'en es rendue compte mais...

- Mais ?

- Mais au fur et à mesure que tu prends confiance en toi, tu progresses à pas de géant. Je l'ai remarqué : depuis que tu t'es confié à moi puis à Andréa, tes progrès sont d'autant plus visibles. Je pense que tes lacunes sont surtout mentales. Tu te voyais comme une menteuse, comme quelqu'un que personne n'accepterait avec un pareil bagage familial et ça a fini par se répercuter sur ta scolarité dès que la difficulté a été légèrement trop élevée. Mais maintenant, tu es apaisée, tu as pris confiance en toi, tu as réussi à t'intégrer sans avoir à mentir sur ta famille et cela s'est fait ressentir. Les profs l'ont remarqué ces derniers temps. Koro pense que j'y suis pour quelque chose dans tout ça."

Il haussa les épaules, l'air de dire "alors que je n'ai rien fait de particulier", et prit une gorgée de son lait à la fraise.

Je m'installai un peu mieux sur le siège de la cuisine de Karma. Il m'avait invité chez lui après les cours, histoire que je vois que sa maison, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur, sentait le fric. Sa maison était grande, froide, presque austère. Cela me faisait penser à la maison des Agreste dans Miraculous. Il y avait de quoi se sentir seul dans cette maison... je préférai vraiment ma maison. Et ma famille.

"Il a raison, c'est grâce à toi que j'ai progressé autant. Avant que tu ne t'y mettes sérieusement, mes efforts étaient vains, tu te souviens ? Si tu ne m'avais pas mis un coup de pied dans le derrière, je n'aurais pas évolué, je serais restée la même.

- Je suis assez doué pour donner des claques aux gens ! rigola Karma.

- Je suis sérieuse ! Tu étais la première personne à avoir compris mon secret du premier coup, et le seul à m'avoir accepté quand même, à m'avoir aidé. Tu n'imagines même pas ce que cela signifie pour moi. Je tiens vraiment à toi, Petit Démon. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi.", dis-je avec tendresse.

Ses joues rougirent de concert avec les miennes et il détourna la tête, toussotant pour masquer son embarras. Je baissai le nez vers ma tasse de chocolat chaud avant d'en prendre une gorgée, histoire de le laisser reprendre contenance.

"Je tiens beaucoup à toi aussi.", murmura-t-il en japonais, sans me regarder.

Mon coeur rata un battement mais je l'ignorai. Karma est un ami ! Un ami bordel ! Un ami attentionné à sa manière et canon, un ami qui me mettait dans tous mes états mais un ami !! 

Ou peut-être plus ?

Je ne sais pas trop. Avant Noël, il était un ami auquel je tenais énormément mais notre relation avait subtilement changé et je ne savais pas vraiment comment la qualifier... je tenais à lui, c'était une évidence. Je tenais tellement à lui que mon monde s'écroulerait sans lui. 

Karma avait un certain charme, c'était certain. Et il était aussi certain que j'y étais très réceptive. Peut-être un peu trop réceptive pour être honnête : un petit sourire sur les lèvres et la tête légèrement penchée sur le côté et boum ! je devenais incapable d'aligner deux mots. Est-ce-qu'il se rendait compte du charme naturel qu'il avait ? Est-ce-qu'il se rendait compte que, d'un sourire, il pouvait avoir toutes les filles à ses pieds (perspective qui ne m'étais absolument pas attrayante tout de même) ?

"Eh, Raiponce ! Pourquoi t'es songeuse ?"

Je sursautai et rougis légèrement.

"Tu pensais à moi ? Je comprends, je suis tellement parfait !!", déclara-t-il dans un parfait enterrement de la modestie.

Je sentis ma température corporelle monter de quelques degrés, comme prise sur le fait. Je me mordis une nouvelle fois la lèvre inférieure, cherchant à organiser mes pensées.

"Et en quoi ce serait dérangeant ?", dis-je doucement, sur un ton hésitant.

J'écarquillai les yeux en prenant soudain conscience que j'avais dit tout haut ce que je pensais, quelque chose que je ne voulais pas dire devant Karma afin de sauvegarder ma santé mentale. Je rougis encore plus et le rouge me fit un sourire en coin séducteur. Il posa sa brique, contourna le meuble de bar qui nous séparait sans me quitter des yeux. Je délaissai ma tasse en déglutissant.

Incapable de me soustraire à son regard, je levai la tête lorsqu'il me surplomba de sa hauteur. J'ouvris légèrement la bouche pour faire parvenir plus d'air à mes poumons. Il rompit le contact visuel en se penchant délicatement à mon oreille.

"En rien du tout Rayon de Soleil, bien au contraire. J'aime savoir que j'occupe tes pensées."

Il mordilla tendrement le lobe de mon oreille et je me mordis la lèvre alors qu'un délicieux frisson me parcourait. Je devais être plus rouge que n'importe quoi sur cette Terre...

PDV Karma

Lorsque je commençai à taquiner son lobe d'oreille, je la sentis frissonner. Inquiet qu'elle ait froid, je me relevai pour observer son visage. Le rouge coccinelle qui parait ses joues offrait un contraste saisissant avec ses yeux plus bleus que le ciel. Je pourrais m'y perdre des jours entiers, mais j'avais plus important à faire. 

Constatant sans peine que son frisson n'était en rien dû au froid, je la pris dans mes bras pour la remettre sur ses pieds, lui arrachant un cri de surprise qui mourut quand je lui embrassai tendrement la tempe. Siyeon se cala contre moi et je posai ma tête sur la sienne, fermant les yeux pour profiter de ce moment de plénitude. La noiraude avait lové son visage dans mon torse. On devait tous les deux être aussi rouges que des cerises mais je n'en avais que faire. Rien ne comptait plus que cette adolescente que j'avais juré de protéger envers et contre tout.

C'était humainement possible d'aimer quelqu'un comme ça ?

On passa un moment dans cette position, avant que son téléphone ne la ramène à la réalité. Elle ne pouvait pas s'attarder plus longtemps, nous avions cours demain. A contrecoeur, je la relâchai après avoir déposé un dernier baiser sur sa tempe. Elle me fit un sourire solaire mêlant gêne, tendresse et affection avant de se mettre sur la pointe des pieds pour m'embrasser la joue. Je rougis, peu habitué à cette marque d'affection, mais elle ne le vit pas car elle s'était retournée pour finir d'une traite sa tasse de chocolat.

J'allai malgré tout lui chercher son manteau et son écharpe cirres-d'Evelynn, que je lui avais rendu entre temps. Elle s'emmitoufla de bon coeur et je la suivis jusqu'à la porte pour enfiler nos chaussures.

"Il fait déjà très sombre, tu es sûre que tu veux pas rester dormir ? J'ai une chambre d'ami.

- Cupidémon, je te remercie mais ce ne sera pas nécessaire.

- Je te raccompagne jusque chez toi alors, c'est pas négociable. Il fait trop sombre pour que tu rentres seule sans danger."

Elle soupira mais ses lèvres esquissaient un sourire en même temps. Je souris légèrement à mon tour, sachant parfaitement qu'elle réagissait comme ça quand elle était sur le point d'abdiquer en ma faveur.

"Très bien, merci Petit Démon !"

Elle m'offrit un sourire doux qui me fit rougir légèrement. Se rendait-elle compte de l'effet que le moindre de ses sourires avaient sur moi ?! Ca devrait même pas être permis !

Je lui rendis malgré tout son sourire, ayant pleinement compris le sens caché de son "merci Petit Démon". Il voulait dire "je me sentirai plus en sécurité". Ce petit surnom n'était pas anodin, elle l'utilisait à la même fréquence que moi avec Rayon de Soleil, je l'avais assez facilement remarqué. J'avais aussi remarqué qu'elle avait de plus en plus d'emprise sur moi au fil des jours, et ça me faisait peur. Mes sentiments pour elle devenaient lentement mais sûrement trop intenses pour que je puisse le gérer seul.

Une fois habillés, on se rendit à l'arrêt de bus en silence. Les longs cheveux noirs de Siyeon claquaient dans le vent, remplissant le silence paisible qu'il y avait entre nous et qui se poursuivit jusque chez elle. On profitait juste de la présence de l'autre, et c'était quelque chose de cool selon moi. On avait pas besoin de se parler pour passer du temps avec l'autre.

Arrivés devant son portail, je fus (presque) surpris d'y voir un gars de notre âge adossé. Quand il se redressa, se mettant à la lueur des réverbères, mon intuition quant à son identité se confirma. 

"Asano... dis-je de concert avec Siyeon.

- Lee, bien le bonsoir. La nuit ne te rend que plus belle encore.", lui sourit-il, séducteur.

Je serrai la mâchoire pour me retenir de lui mettre mon poing dans la figure. Cette carotte avait vite compris que je ne laisserais passer aucune occasion où il pourrait flirter tranquille avec elle, sans moi dans les parages. Du coup, il le faisait obstinément devant moi, se délectant de mon visage ravagé par la colère. Cela me rendait dingue !!

Avec l'obscurité, je ne pouvais voir le visage de Siyeon avec précision mais je n'avais aucun mal à l'imaginer. Elle devait être sur ses gardes, comme à chaque fois.

Asano lui prit la main pour y déposer un baiser mais elle la retira vivement pour la plonger dans la poche de son manteau.

"Fiche-moi la paix Asano. Tu crois vraiment que je vais m'intéresser à quelqu'un comme toi ?

- Tu t'intéresses bien à Akabane, alors je pense avoir ma chance.

- Tu te trompes, et ce n'est pas la première fois que je te le dis. Karma ne prend pas les gens de haut comme tu le fais toi. Si tu n'es même pas capable de respecter les autres, tu n'auras aucune chance avec les filles. A titre de comparaison, ta chère petite soeur est une sainte comparée à toi. Alors tu vas me faire le plaisir de déguerpir de chez moi et d'arrêter de t'y pointer quand tu es persuadé que Karma n'est pas avec moi ! C'est lourd à la fin !! Je ne m'intéresse pas et je ne m'intéresserai jamais à toi !"

Sa voix avait claqué dans le vent, aussi claire que le plus pur des cristaux, aussi tranchante que le plus affûté des couteaux, aussi sèche que le Sahara. Une voix annonciatrice d'un déluge de rage qui faisait écho à la mienne...

"Arrêtes de l'approcher Asano, c'est du harcèlement moral. Elle pourrait porter plainte contre toi et, si tu continues, je pense qu'elle n'hésitera pas. Tout comme je pense que je n'hésiterai pas à te refaire le portrait si tu continues à la faire chier ! menaçai-je en le fusillant du regard.

- Je ne la harcèle pas, c'est de l'exagération pure et simple. Une fille extraordinaire comme elle mérite d'être courtisée comme je le fais."

J'entendis un léger bruit métallique quand Siyeon glissa une de ses mains dans son sac de classe, pendu à son bras. Je souris sadiquement alors qu'elle dégainait sa poêle à frire. Avant même qu'Asano ne puisse réagir, elle se glissa à la vitesse de la lumière dans son angle mort et lui asséna un puissant coup de casserole qui le fit tomber à terre. Je tendis mon poing à la noiraude et elle y cogna le sien joyeusement.

"Au moins, j'aurais la paix pendant quelques temps, enfin j'espère. N'hésite pas à lui faire une tête au carré la prochaine fois, il ne mérite pas de se faire frapper par ma poêle !"

Je ris légèrement en percevant la lueur de malice dans son regard céruléen, malgré l'obscurité. Cette fille était décidément parfaite !

"Je ne sais même pas comment il a pu croire une seconde que je prendrais ses avances au sérieux vu le mépris qu'il a pour notre classe. Il veut juste profiter de moi, mais il devrait se lasser de se prendre tant de râteaux quand même...

- Asano me ressemble sur certains points, il n'arrêtera que lorsqu'il aura eu ce qu'il veut ou qu'il sera tombé sur plus fort que lui.

- Si semblables mais si différents à la fois... c'est hallucinant. Enfin bon, je lui donnerai autant de coup de poêle que nécessaire !"

Elle rangea ladite poêle puis me fit face.

"On se voit demain, en cours ?

- Affirmatif Raiponce. Et ne stresse pas, je sais que tu t'en es sortie admirablement aux examens."

Elle me sourit, reconnaissante. Je déposai un baiser sur son front puis la laissai rentrer chez elle. Elle me salua une dernière fois et passa le portail de chez elle. J'attendis qu'elle soit bien rentrée à l'intérieur de la maison pour retourner chez moi.

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