Chapitre 7
DEUXIÈME PARTIE : Les interrogatoires
Leonardo partit aussitôt et revint quelques minutes plus tard accompagné de Pierre Duval.
« ...inouï, disait ce dernier. Je le connaissait bien, M. Marchand ; il me disait bonjour tous les matins ! C'était un garçon tout à fait charmant, je ne comprends pas qui aurait eu envie de le tuer.
En entendant ces mots, une bouffée de ressentiment monta en Charles, sans qu'il ne sache vraiment d'où elle vienne. «Oh, je ne sais pas, pensa-t-il férocement. Peut-être le mari de la femme qu'il aimait ! » Horrifié par où le menaient ses propres pensées, il s'efforça de masquer son trouble.
- Monsieur Duval, dit-il d'une voix forte, asseyez-vous s'il vous plaît. Merci Leonardo, ajouta-t-il à l'intention de celui-ci alors qu'il faisait le tour de la table pour venir s'asseoir à côté du détective et face au concierge.
- Bien, commença le premier. Nous allons vous poser des questions et vous y répondrez clairement et simplement, sans vous éloigner du sujet. D'accord ?
- D'accord.
- Parfait, Leonardo, je pose les questions, tu notes les réponses ?
- Sì, répondit le jeune policier dans sa langue maternelle.
- Alors allons-y, déclara Charles. Parlons d'hier soir. A 19h30, vous étiez ?
- Dans ma loge, comme d'habitude.
- Ça concorde avec mon arrivée, se marmonna le détective à lui-même, avant de continuer plus haut. Très bien. Vous êtes parti à...
- A 20h30, monsieur.
- Personne d'autre qu'un résident n'est entré dans l'immeuble au cours de la journée ?
- Non, répondit très vite le concierge.
Après un instant de réflexion, il ajouta avec un petit sourire tendu.
- A moins que cette personne ne soit entré sans que je m'en aperçoive, bien sûr.
- Et cette probabilité est...
- Très faible, assura aussitôt l'employé d'un ton professionnel.
- J'espère bien, rétorqua Charles O'Kolmes avec un regard pointu, que Pierre Duval soutint tant bien que mal.
Après une courte pause durant laquelle le détective observa intensément chaque centimètre carré du visage du concierge comme s'il l'analysait, il dut déduire qu'il n'y avait rien de suspect dans l'attitude de l'homme et continua :
- Vous rappelez-vous de chacun de vos gestes à partir de l'heure à laquelle vous avez quitté votre poste - il regarda la note que tenait Leonardo - 20h30 ?
- Euh... Je... oui, je pense. A huit heure et demie, donc, j'ai fermé le rideau de fer de la loge et je me suis fait un café.
- A 20h30 ? ne put s'empêcher d'intervenir Leonardo. Vous buviez du café à 20h30 ?
Charles lui lança un regard sévère.
- Un déca, oui, répondit Pierre Duval d'une voix qui avait perdu un peu d'assurance.
Le jeune homme fit une moue dédaigneuse, l'air de dire « Ah, d'accord, je comprends mieux. Et vous osez appeler ça un café ? » puis il se replongea dans ses papiers sous l'œil réprobateur de son supérieur.
- C'est dans vos habitudes ? demanda ce dernier.
- Hein ?
- De boire un café avant de partir, s'impatienta Charles.
- Oh non, vraiment pas. Mais j'avais eu une grosse journée donc je me suis dit...
Mais ils ne surent jamais ce qu'il s'était dit car Charles enchaîna très vite, au risque de paraître impoli.
- Combien cela a-t-il pris de temps ?
- Pas plus d'une dizaine de minutes. C'est si important ? s'étonna le concierge qui de toute évidence commençait à douter de la santé mentale des deux enquêteurs qui faisaient tout un plat de son café.
- Qui sait ? fut la réponse sibylline de Charles. Et après ?
- J'ai fermé le portail à clef et je suis rentré chez moi.
- Votre épouse était-elle à la maison ?
- Comment diable savez-vous que... ?
Sa question resta en suspens.
- Votre alliance, répliqua son interlocuteur sur le ton de l'évidence.
- Aah...
- Et donc, elle était là ? insista-t-il.
- Oui, oui, elle m'attendait, comme d'habitude.
- Ça sera vite vérifié, murmura Charles du coin des lèvres à l'adresse de Leonardo, qui hocha imperceptiblement la tête : il avait reçu le message et s'occuperait d'appeler Mme Duval.
Le détective reprit tout haut :
- D'accord. Et ce matin ?
- A six heures je suis arrivé, j'ai ouvert la grille...
- Aucune trace étrange autour de la serrure, comme si on l'avait forcée ?
L'employé fronça ses sourcils broussailleux.
- Non, finit-il par répondre avec conviction. Mais pourquoi aurait-elle été...
- Peu importe, continuez.
- Je me suis installé dans ma loge et environ une demi-heure plus tard, j'ai salué Alice, la femme de ménage, qui a commencé à nettoyer le hall. Encore un peu après, j'ai vu la vieille Monique, euh, Mme de Froncendré - il eut un sourire d'excuse mais Charles lui indiqua d'un geste de la main de poursuivre sans s'arrêter - avec son horrible petit chien. Elle avait d'ailleurs l'air un peu fatigué, et elle était un peu bizarre.
- Vous voulez dire plus bizarre que d'habitude ? demanda aussitôt le détective irlandais avec circonspection.
- Eh bien, je ne l'avais encore jamais vue parler à son chien, répondit le gardien de l'immeuble en toute franchise.
- Ça lui arrive tout le temps, affirma Charles, un peu déçu que ce ne soit que ça.
- Ah bon.
- Et ensuite ?
- Un peu après qu'elle soit remontée, j'ai entendu le cri.
Il s'apprêtait à continuer mes Charles le retint en l'interrompant avec gravité.
- Oui, nous savons bien ce qui s'est passé après. Bon, bon, c'est bien. Encore une chose : que pensiez-vous de M. Marchand ?
- Oh, vous savez, moi je...
- C'est très important, insista-t-il.
- Eh bien, fit Pierre Duval, un peu gêné en se tortillant sur sa chaise, comme je le disais à votre collègue tout à l'heure, il était tout à fait charmant. Il n'oubliait jamais de me souhaiter une bonne journée en partant le matin.
- Et hier matin ne faisait pas exception ?
- Oh il était comme d'habitude. Mon Dieu, je n'aurais jamais pensé que...
- Bien sûr, bien sûr, le tranquillisa l'enquêteur. Pensez vous qu'il y ait quelqu'un qui aurait eu une raison de lui vouloir du mal ? Dans l'immeuble, précisa-t-il.
- Non, assura le concierge en secouant frénétiquement la tête. Non, vraiment, je ne vois pas.
- Savez-vous, demanda Charles suspicieusement en baissant brusquement la voix, qu'il vous a laissé une partie de ses biens ?
Leonardo se tourna vers le détective avec un air surpris alors que l'employé écarquillait les yeux avec incrédulité.
- Vraiment ? s'étonna le second, abasourdi.
- Bien sûr que non, répondit Charles en reprenant son ton normal et en lui adressant un petit sourire.
Pierre Duval et Leonardo étaient toujours tournés vers lui avec stupéfaction.
- Simple vérification, se justifia-t-il d'un ton dégagé comme s'il était tout à fait normal de faire croire qu'un mort vous avait légué de l'argent juste pour évaluer votre réaction. Sur-ce, notre entretien est terminé, monsieur Duval. Merci d'avoir répondu à nos questions ! Oh, et, pouvez-vous penser à nous envoyer Alice Delamare, s'il vous plaît ?
Le concierge acquiesça. Quand il fut sortit, Charles se tourna vers le jeune homme à sa gauche.
- Qu'en penses-tu ?
- Nous aurions dû lui poser une ou deux autres questions, répondit aussitôt Leonardo.
- Tu crois ? Lesquelles ?
- Uno : sa pointure. Secondo : est-ce qu'il a bien dormi.
- Très judicieux, mais tu oublies son alliance.
- Euh... répondit Leonardo qui ne voyait pas où le détective voulait en venir.
- Donc il est marié, l'aida Charles.
- Et alors ?
- Et alors aucune femme ne laisserait sortir son époux aux environs de trois heures du matin !
Anticipant l'objection qui venait aux lèvres du stagiaire, il ajouta :
- Et elle se serait réveillée, crois-moi. Les femmes ont un sixième sens.
- Alors il n'est pas coupable, s'inclina Leonardo.
- Mieux que ça, nous avons maintenant une certitude : le meurtrier est un résident des Hortensias. »
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