Chapitre 9, Aria

9

Aria

« Flash Back »

Assis en terrasse, nous attendons patiemment notre commande. J'observe cet homme assis en face de moi, cet inconnu. Cet inconnu qui je dois bien l'avouer, m'intrigue au plus au point. J'aimerai comprendre, comprendre pourquoi une sensation si puissante m'a envahi lorsque j'ai croisé son regard la première fois, pourquoi j'ai ressentis exactement la même chose quand ses yeux se sont à nouveaux plongés au cœur des miens tout à l'heure. Je veux comprendre pourquoi je suis si mal à l'aise en sa présence. Elisabeth m'a toujours dit qu'il fallait que j'écoute mon instinct, mes ressentis, que c'est cela qui ferait de moi une danseuse pas comme les autres, une vraie artiste. Peut-être que ce malaise n'est pas bon signe, si ce gars était malsain ? S'il était bizarre ou fou ? Pourquoi ai-je acceptée ce verre ?

- Tu ne me demandes pas mon prénom ?

- Non.

- Pourquoi ça ?

- Ça me sert à quoi de connaître ton prénom ?

- Ça te sert à quoi de boire un verre avec moi ?

- Bonne question !

- Tu as tord, le prénom est très important pourtant.

- Ah oui ? Et pourquoi ?

- Nous ne portons pas notre prénom par hasard, chaque prénom à une signification, il nous définit en quelque sorte.

- Tu crois vraiment ces conneries ?

- Ce ne sont pas des conneries, regardes la signification de ton prénom, tu pourrais bien être étonnée d'y voir ta biographie.

- Bon, c'est quoi ton prénom ?

- Adam.

- J'irai voir la signification alors, histoire de voir si c'est bien écrit « homme étrange, surement un peu barge », je pourrai ainsi confirmer tes dires.

- Tu es toujours aussi désagréable ou c'est juste avec moi ?

- Juste avec toi.

- Je pense savoir pourquoi.

- Dis-moi ça.

- Tu es attirée par moi, comme je suis attirée par toi. C'est fort et c'est étrange. Ça te dérange.

- C'est officiel, tu es barge, nul besoin d'aller le confirmer en regardant ce que veut dire ton prénom.

- Dis-moi que c'est faux dans ce cas.

- Tu dis vraiment n'importe quoi ! Tu te prends pour qui au juste ? Un play boy qui pense mettre toutes les femmes à ses pieds ?

- Non, je pense juste être honnête et réaliste, contrairement à toi.

- Je n'ai plus très soif.

Je me lève brusquement et pars en direction de la station de métro. Ce type est vraiment imbus de sa personne, c'est à peine croyable ! Il se prend pour qui au juste ? Il pense vraiment qu'il lui suffit de débarquer à l'école et de me dire que je suis attirée par lui pour que je tombe dans ses bras ? C'est vraiment du grand n'importe quoi, je ne sais pas ce qu'il m'a pris d'accepter ce verre.

J'étais presque arrivée à la station de métro lorsque je fus arrêtée par une main qui emprisonnait mon poignet. Je fis immédiatement volte face. Une fois de plus, mes yeux tombèrent sur ceux d'Adam et une fois de plus nous restions ainsi quelques secondes, qui pourtant parurent plusieurs minutes, ainsi, à nous dévisager.

- Quand une femme part Adam, c'est qu'elle ne veut plus te voir, il est donc inutile de la rattraper. A part peut-être dans les films. Mais nous sommes dans la vrai vie il me semble ?

- Aria écoutes, je suis désolé je n'ai peut-être pas utiliser les bons mots, mais je ne suis pas le genre de type que tu sembles croire.

- Je me fiche de quel genre de type tu es en fait, je n'ai même pas pris le temps d'y réfléchir pour tout te dire. Je n'ai pas envie de parler avec toi, c'est tout.

- Tu mens.

- Je ne mens pas.

Violemment, sa bouche s'écrase contre la mienne. Mes mains se lèvent précipitamment, prêtes à le repousser, pourtant il n'en fut rien . Elles se posent sur ses épaules et sans aucune raison valable, sans aucun bon sens, j'intensifie son baiser. La douceur de ses lèvres, son odeur ensorcelante, la chaleur de sa main posée au creux de ma nuque me font perdre la raison. Tous mes sens sont décuplés, je sens tout, je le sens fort, si fort.
Au bout d'un instant qui me paru long, irréaliste, ma raison réussie à gagner du terrain et à reprendre le contrôle, je le pousse brusquement et fais-moi même un pas en arrière.

- Mais tu es complétement malade !

- Je... Je suis désolé, je ne sais pas ce qu'il m'a pris.

- Ne t'approches plus de moi !

- Aria attends, je t'ai dit que j'étais désolé ! Qui plus est, je crois pouvoir dire que toi aussi, tu m'as embrassé.

Il a raison et je le sais, mais je ne peux tolérer ça, je ne peux tolérer de m'être laissé aller à ce point, de m'être laisser faire ! Ça, ce n'est pas moi ! En une seule seconde ce type vient de me faire perdre tout contrôle et ça ne me ressemble pas du tout. Je prends brusquement la fuite en courant. Je sais, c'est stupide, mais je n'ai pas su quoi faire d'autre. Bouleversée par ce qu'il vient de se passer, je m'assois fébrilement dans le métro. Mais pourquoi est ce que j'ai fais ça ? Je ne connais même pas ce type ! J'entends les battements de mon cœur résonnés dans ma tête, ils sont rapides, saccadés, affolés. Ma respiration est de même augure. La gorge serrée, je sens cette angoisse se faufilée en moi, me mettant dans tous mes états, ce qui je crois, n'est jamais arrivé. Je déteste perdre le contrôle de mes émotions, je déteste subir, je déteste cette sensation d'être possédée par une autre que moi même, cette impression de ne plus rien décider, contrôler, diriger. Je déteste me sentir faible à ce point.

« Fin du Flash Back »

- Bonsoir, Aria.

- Bonsoir, Elisabeth...

Son ton glacial me fait immédiatement comprendre que mon lit devra attendre encore un peu. Je commence néanmoins à avancer, valise en main vers les escaliers, espérant qu'il soit trop tard pour qu'elle ai la force de discuter maintenant. Bien évidemment, Elisabeth avait toujours la force pour ça, à toutes heures du jour ou de la nuit.

- Aria attends, viens t'asseoir au salon avec moi, il faut qu'on parle.

- C'est bon Elisabeth, tout ce que tu vas me dire, tu me l'as déjà dit, tu peux économiser ta salive pour une fois. Je suis fatiguée, je veux aller me coucher.

- Tu crois que je ne suis pas fatiguée moi à attendre jusqu'au milieu de la nuit que tu rentres ?

- Attends, comment tu sais que je rentrais cette nuit ?

- Peu importe, ce n'est pas la question.

- Ah si si c'est ma question justement, tu n'en à pas marre de me fliquer à ce point ?

- Si justement Aria, j'en ai plus que marre mais tu ne me laisses pas le choix.

- Non mais tu t'entends Elisabeth ? Je ne suis plus une enfant, je n'ai plus 17 ans, je peux prendre mes propres décisions.

- Ah oui ? Donc à tes yeux te jeter sur ton armoire pour faire ta valise et prendre le premier avion pour New-York est une décision d'adulte ?

- Peu importe ce que tu penses Elisabeth, c'était ma décision, tu dois respecter mes choix.

- Je ne respecterai jamais tes enfantillages Aria.

- Ecoutes Elisabeth, je n'ai pas envie de me battre avec toi ce soir. Je suis épuisée, je vais aller me coucher. J'aimerai que tu penses à tout ça, que tu essaies d'accepter qu'aujourd'hui, je ne suis plus cette pauvre petite fille que tu as accueillis. Aujourd'hui je suis une adulte. Si je suis encore là c'est uniquement parce que je te suis reconnaissante pour tout ce que tu as fais pour moi. Toute ma vie j'ai fais ce que tu voulais Elisabeth. A l'heure d'aujourd'hui, avec la fortune que j'ai héritée de mes parents à mes 18 ans je ne suis même plus obligée de vivre avec toi. Pourtant je suis là, alors penses à ça Elisabeth. Bonne nuit à toi.

Sans un mot, elle tourne les talons et retourne dans sa chambre. Je sais qu'a ses yeux je suis la fille ingrate qu'elle a récupérer et qui n'a aucune reconnaissance. Elle sait au fond d'elle qu'on est très différentes, elle sait que même sur ce qui nous unit le plus, la danse, nous n'avons pas du tout le même point de vue. Je sais que tout cela l'a rend triste et que chaque jour elle perd un peu plus l'espoir qu'elle avait mit en moi. Ce sentiment, ce poids sur mes épaules me pèse depuis des années déjà. Pourtant, je ne peux me résoudre à aller de l'avant en la laissant derrière. Je n'y arrive pas. Elisabeth est pour moi ce qui se rapproche le plus d'une mère, j'ai l'impression que la perdre serait redevenir orpheline à nouveau. Seule, abandonnée. S'il y a bien une chose que je n'accepterai plus, c'est redevenir cette petite fille dont tout le monde a pitié, redevenir cette petite fille à la gommette sur le front.
Vidée, je monte les escaliers avec une lenteur encore plus épuisante. Une fois dans ma chambre, je m'écroule sur mon lit et ferme les yeux.

Exténuée, épuisée, dépourvue de toute énergie, je ne peux cependant pas empêcher mon cerveau de cogiter. Difficilement, j'ouvre les yeux et me lève pour me diriger vers mon bureau, je saisis mon ordinateur et repars m'installer sur mon lit. Je l'allume et me connecte à mon compte Napster, je lance ma playlist habituelle et le pose sur ma table de nuit. Je prends deux de mes cachets, me met en pyjama et me glisse sous la couette. Au moment précis où je ferme les yeux, la sonnerie de mon téléphone retentit pour m'annoncer l'arrivée d'un message. Machinalement je tends le bras pour l'attraper et ouvre difficilement les yeux. C'est un message d'Éphira.

« Aria, regardes sur quoi je viens de tomber. Il est là Aria... Il est à Paris... »

Mon cœur sursaute violemment dans ma poitrine, je me redresse d'un bon et me frotte frénétiquement les yeux afin de mieux voir la photo que vient de m'envoyer Éphira.
Non je ne rêve pas, on y voit les garçons à Roissy Charles de Gaulle signés des autographes à des fans agglutinés derrière des barrières. Ma respiration se coupe lorsque je lis « Le groupe Madmex arrivé ce soir à Paris provoque déjà une émeute ». Ce soir ?

En une fraction de seconde, j'ai sentis chacun de mes muscles se crispés un à un, j'ai sentis mon cœur s'affolé et taper violemment contre ma poitrine, j'ai sentis le cours de ma pensée se diluée dans l'air, j'ai sentis ma tête se mettre à tourner.
Soudain, les choses s'assemblent et tout devient claire. C'était eux qui ont pris ma place dans l'avion, eux qui sont arrivés en retard, ce sont eux que les agents de sécurités voulaient escorter, eux que cette foule attendait. C'est eux que j'aurai dû laisser passer avant moi, eux que j'aurai dû voir.
Mon portable tombé a terre, je me laisse basculer en arrière m'écroulant de nouveau sur mon lit, les yeux fermés, l'esprit en vrac, tout devient un immense brouillard où il y devient impossible de penser de façon cohérente. Les cachets commençant à faire effet, je ne parviens plus à distinguer quoi que ce soit. Envahie par ce flou, je sens peu à peu mon esprit s'éteindre et je m'endors ainsi, perdue au fond de ce brouillard chimique.

Non sans mal, mes paupières s'ouvrent lentement. Elles sont si lourdes qu'il me faut envieront vingt minutes avant de réussir à faire disparaître ma vision floutée. Je reste ainsi un moment, les yeux ouverts à tenter d'émerger de ce coma médicamenteux. Le message d'Éphira refait surface et tout se remet à nouveau en place dans ma tête. Encore une fois, j'étais si prés de lui et si loin à la fois. Encore une fois, la vie, le destin ou peu importe ce que c'est, à tout fait pour se mettre en travers de nous. Encore une fois il est évident que nous ne devions pas nous voir. Je commence vraiment à croire qu'on souhaite me faire passer un message, je ne dois pas le revoir. Pourtant, bien que tout aille dans ce sens, je ne peux me résoudre à cette conclusion, je ne peux supporter d'admettre que nos chemins ne sont plus faits pour se croiser.
Une nouvelle fois, je me trouve à ne pas savoir quoi faire ou quoi penser, perdue entre ce que je devrais, ce que j'aimerai et ce qui simplement doit être.

La sonnerie de mon téléphone retentit, en apercevant le prénom d'Éphira, j'hésite à répondre. Je suis suffisamment perdue, j'aimerai simplement oublier tout ça, ne serait-ce que pour quelques minutes. Pourtant, il ne fait nul doute que je suis en pleine réalité et que je n'ai d'autre choix que de l'accepter et de l'affronter .

- Allo ?

- Aria ! Tu vas bien ?

- Éphira, ça va et toi ?

- Oui mais je m'inquiétais pour toi, tu n'as pas répondu à mon message d'hier.

- Je sais je suis désolée mais quand je l'ai lu j'avais pris mes cachets et je me suis endormie d'un coup, je viens de me réveiller.

- Ah d'accord. Alors, tu vas faire quoi ?

- Je ne sais pas... Je suis allez à New-York et j'étais dans le même avion qu'eux hier et on ne s'est même pas croisés alors tu vois, je ne pense pas que j'ai une quelconque décision à prendre, le « destin » s'en charge à ma place.

- Attends, tu étais à New York ? Pour le voir ?

- Oui, c'est une longue histoire, mais de toutes façons on ne s'est pas vu.

- Aria, il faut vraiment que tu cesses de suivre le flux de ta vie et que tu reprennes les choses en main. Comment tu as su qu'ils étaient à New-York ?

- J'ai entendu une chanson à la radio, c'est comme ça que j'ai su qu'ils avaient réussis à percer.

- J'imagines ce que ça à du te faire... Moi même quand j'ai vue cette photo et tous ces gens qui les attendaient, ça m'a vraiment fait un choc.

- Choc est un faible mot me concernant.

- Ecoutes Aria, peu importe qu'ils soient connus, peu importe pourquoi ils sont ici à Paris ou pourquoi vous ne vous êtes pas encore croisés, c'est toujours Adam, ton Adam...

- Je ne sais pas Éphira, je ne sais pas quoi penser, je n'arrive pas à comprendre ce que je ressens ni à savoir ce que je dois faire.

- Pourtant c'est simple Aria, tu dois le voir, tu sais que c'est inévitable.

- Je sais Éphira... Je sais.

Elle a raison, je le sais pertinemment, comme je le savais déjà quand j'ai fais ma valise pour New-York. Je dois voir Adam, pourquoi ? Je ne le sais pas, je le sens tout simplement. J'ai besoin de le voir, j'ai besoin d'entendre sa voix, j'ai besoin de sentir à nouveau son odeur autrefois si familière et pourtant aujourd'hui si lointaine. J'ai besoin de le sentir prés de moi mais surtout, j'ai besoin d'avoir des réponses. J'en ai besoin et pourtant, je suis terrorisée à la simple idée d'être face à lui. Ce duel machiavélique s'insinue en moi et ne laisse aucune place pour quoi que ce soit d'autre.
A nouveau, il prend possession de moi, de mon esprit, de mon âme.

Prenant mon courage à deux mains, je soulève la couette et me lève non sans peine.
J'ouvre la porte de ma chambre et me dirige vers les escaliers, je les descends lentement entendant Elisabeth s'afférée à la cuisine. Lorsque j'entre, elle ne daigne pas me regarder. Préférant ça à un nouvel affrontement, je fais comme si de rien n'était et me dirige vers la cafetière où je remplis ma tasse. Je sors la brioche du placard et m'installe à table. La tension présente entre nous pourrait presque être visible à l'œil nu, l'air est chargé, je suis mal à l'aise et je sais qu'Elisabeth l'est également, elle fait tomber sa petite cuillère à deux reprises et prend beaucoup plus de temps que d'ordinaire pour beurrer ses tartines. Lorsqu'elle se retourne enfin, nos regards se croisent et je ne saurai décrire exactement ce que je perçois aux creux de ses yeux, de la colère, de la peine, de la peur ? Elle prend place en face de moi et commence à manger. Au bout de quelques minutes, sa voix brise enfin ce lourd silence.

- Je suppose que tu sais déjà qu'ils viennent d'arriver à Paris.

- Oui.

- Vous avez pris l'avion ensemble hier soir n'est-ce pas ?

- Apparemment, mais on ne s'est pas vu.

- Ne te moques pas de moi Aria.

- Penses ce que tu veux, je te dis la vérité, on ne s'est pas vu, ni dans l'avion ni à New-York.

- Ecoutes Aria, tu ne dois pas revoir Adam, je te supplie de m'écouter pour une fois, je ne veux que ton bien.

- C'est à moi de prendre cette décision.

- Aria ! Pourquoi tu t'obstines ? Ça ne t'a pas suffi la dernière fois ?

- Ne parles pas de ça.

- Parler de quoi Aria ? De ce qu'il s'est passé ? Pourquoi ? Visiblement tu n'en as tiré aucune leçon, à en croire ton comportement actuel ça ne t'as pas atteint tant que ça puisque tu veux y retourner.

- Je viens de te dire de ne pas parler de ça Elisabeth, qu'est ce que tu ne comprends pas ?

- Je ne comprends pas ce qui se passe dans ta tête, je ne comprends pas comment tu peux avoir envie de le revoir, je ne comprends pas pourquoi lui et pas un autre !

Je ne dis rien, je n'ai rien à répondre. Me rappeler le passé me fait mal et elle le sait, c'est justement son but. Comme elle le dit si bien, elle ne comprend pas. Personne n'a jamais comprit.

Je sens la colère montée en moi et j'ai tout sauf envie de débattre pendant des heures avec elle, ce qui serait complétement inutile. Je me lève sans lui adresser le moindre regard, dépose ma tasse dans le lave-vaisselle et me dirige vers les escaliers.

- Aria ! La vie continue ici et tu as des responsabilités à assumer ! Ce soir nous sommes invitées au gala de charité pour les enfants victimes du cancer, je te rappelle que tu dois présenter un solo. Tu as intérêts à trouver ce que tu vas faire, chaque artiste doit faire un passage et tu n'as rien préparé !

- C'est bon, je vais trouver.

Sans un mot de plus, je monte les escaliers beaucoup plus vite que je ne les avais descendus.
Evidemment, j'avais complétement oublié cette soirée. Trouver une chorégraphie pour ce soir n'est pas un problème, avec la quantité de solo que j'ai dansée dans ma vie et qui sont entassés dans ma mémoire, il me suffit de choisir. Ce qui est un problème, c'est de devoir aller à cette soirée avec Elisabeth, de devoir faire comme si tout allait bien alors qu'au fond de moi, plus les minutes passent et plus je me sens brisée. Pavaner en public est en tant normal plus qu'une corvée pour moi, mais là c'est presque un supplice. Saluer, sourire, saluer de nouveau et sourire de plus belle... La seule raison pour laquelle je ne me défile pas sont ces pauvres enfants qui méritent sincèrement de passer une belle soirée et d'avoir un beau spectacle. Contrairement à Elisabeth qui elle ne voit que cette soirée comme une occasion supplémentaire de se montrer, de me montrer, de faire de nouvelles rencontres professionnelles et de prendre quelques contacts, les enfants sont ma seule motivation.

Je m'affale à nouveau sur mon lit et attrape mon téléphone.

- Tu sais dans quel hôtel ils sont je suppose ?

- Le Georges V, me répond Ephira.

- Tiens dont, on ne se refuse rien.

- Ils ont vraiment beaucoup de succès maintenant Aria...

- Ça, je l'avais bien compris.

- Tu n'as pas l'air contente pour eux.

- Ce n'est pas ça Ephi, c'est juste que ça fait beaucoup d'un coup.

- Il faut que tu ailles le voir Aria.

- Ah oui, et comment je fais ça ? A ton avis pourquoi je n'ai pas réussi à le voir à New-York ? Tu penses vraiment qu'on va me laisser entrer au Georges V, qu'un gentil réceptionniste va me donner son numéro de chambre et qu'on va me laisser y aller en sifflotant ? Dis-je d'un ton sarcastique.

- Pas faux... On doit élaborer un plan ! me dit-elle soudainement toute excitée.

- Laisses tomber, ce n'est pas une bonne idée.

- Mais Aria écoutes tu dois...

- Éphira ! Je le vois et puis quoi ? Avec ce qu'il s'est passé c'est bien trop dangereux, pour moi mais aussi pour lui, avec sa notoriété tout pourrait ressurgir, il n'y a plus que lui et moi, c'est finit tout ça.

- Aria, il n'y a toujours que lui et toi et tu le sais.

- Ah oui ? Et les journalistes, les photographes, les fouineurs tu en fais quoi ?

- Tu as peur de quoi au juste Aria ? Tu as peur que votre passé soit étalé sur le net ?

- En partie...

- Ecoutes, je comprends tes peurs mais vous n'en êtes pas là, il y a des solutions pour ça et tu sais très bien qu'il ne laissera jamais personne s'en prendre à toi ou à vous.

- Ce n'est pas de son ressort, et puis même, ce n'est pas une bonne idée je le sais. C'est fini Éphira, ça s'est fini le jour où j'ai quitté New-York.

- C'est faux et tu le sais Aria.

- Il ne m'a jamais donné de nouvelles après ça ! Pas un seul appel, pas un message, pas une lettre, aucune visite !! Je n'ai plus jamais entendu parlé de lui... dis-je dans un sanglot.

- Je pense qu'il a eu aussi mal que toi et qu'il n'a pas su comment gérer ça... On était tous si jeunes...

- Peu importe Ephira, il a fait une croix sur moi ce jour là et j'aurai dû en faire de même.

- Et ses chansons alors ?

- Ça ne veut rien dire, je le pensais au début mais il faut être réaliste Éphi, c'est le genre de chansons qui marchent actuellement, tout ça c'est commercial, point barre.

- Je ne pense pas, tu as entendu ses mots, sa voix qui se brise, son...

- Arrêtes ! Dis-je en la coupant.

- Aria...

- Je dois y aller, je te rappelle. Dis-je mettant fin à la communication sans même attendre sa réponse.

Allongée sur mon lit, le passé m'envahit, mon départ, le dernier regard qu'il a posé sur moi, nos derniers mots, notre dernier baiser, la dernière image que j'ai de lui.
Les larmes glissent le long de mes joues laissant place à cette profonde douleur qui me saisie.
Je suis restée ainsi plusieurs heures, laissant mon corps se vider de toute l'eau qu'il pouvait contenir mais emprisonnant au cœur de mon âme cette souffrance qui ne me quittera jamais.


« Plongé dans le noir, au cœur des ténèbres, je me remémore cette soirée.
Ce fut le dernier soir où ta voix a résonné,
De nouveau j'entends tes larmes,
De nouveau je sens mon cœur se briser.
J'étais prêt à prendre les armes,
Personne ne m'a laissé en décider.
Chaque mot envoyé résonne encore en moi,
Chacun de tes silences m'ont saccagés.
Pourquoi ne m'as-tu pas laissé être celui que je voulais être ?
Pourquoi as tu préféré me laisser brûler de tout mon être ? »

Chacun de ses mots, chacun de ses mensonges m'envahissent. Comment peut-il oser clamer au monde entier de telles calomnies ?
Peut-être que toute notre histoire n'était que mensonges et utopie. Peut-être aurais-je dû l'oublier , lui et toute la vérité.

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