Chapitre 5 , Aria

5

Aria

« Flash back »




-       Adam, ils sont comment tes parents ?

-       Mes parents ? Ils sont vraiment cool.

-       Comment ça, « cool » ?

-       Ils sont sympas, ouverts d'esprit et très aimants.

-       Ah.

-       Ils étaient comment, les tiens ?

-       Je ne sais plus.

-       Tu mens.

-       Non Adam, je ne mens pas, c'est juste que je n'arrive pas à faire la part des choses entre mes souvenirs et ce que j'ai imaginé toutes ces années.

-       Ce que tu ressens au plus profond de toi quand tu penses à eux, c'est ça la vérité Aria.

-       Je ressens de l'amour, beaucoup d'amour.

-       Alors c'est ça que tu dois garder.

Aujourd'hui, la nostalgie s'est emparée de moi, dévorant chaque parcelle de mon corps.
C'était dur de penser à mes parents et encore plus dur d'en parler, mais aujourd'hui Adam à fait ce que personne avant n'avait jamais réussi à faire. Il m'a donné envie de parler d'eux, envie de me souvenir, envie de revoir quelques instants ces images perdues jusqu'alors dans les méandres de mon inconscient, refoulées là il y a maintenant bien longtemps. L'espace d'un instant j'ai eu l'impression d'être assaillie d'images, de sons, de moments, de sourires, de mots. Ça arrivait, ça repartait, ça me bouffait.

-       Je me souviens être rentrée de l'école et avoir vu tout ce monde dans mon salon. Je me souviens du visage de Maria ma gouvernante, je la revois se ruer sur moi, me serrant dans ses bras. Je revois tous ces gens me dévisager, beaucoup que je ne connaissais même pas. J'entends sans cesse les mots de Maria résonner dans ma tête.

«  Aria, ma jolie. Papa et maman ne rentreront pas ce soir, ni demain. Papa et Maman, ils sont au ciel, ils sont au paradis. Ils t'aiment tu sais, ils t'aimeront toujours. Ils veilleront toujours sur toi, quoi qu'il arrive. Mais, tu ne pourras plus jamais les revoir pour de vrai, mais ils seront toujours là, dans ton cœur. »

-       Aria...

-       Non Adam, laisse-moi continuer. Je me souviens de tous ces gens qui me regardaient comme si j'avais une gommette collée sur le front, je me souviens de leurs chuchotements, je me souviens de leur pitié. Pauvre petite gamine se disaient-ils. C'est à ça que j'ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même. C'est dans le regard de cet homme que j'ai compris que je ne serai plus jamais heureuse et que ma vie serait un beau tas de merde.

-       Aria ne dis pas ça ! Tes parents sont une grande partie de toi certes, mais il n'y a pas que ça. Tu dois être heureuse, pour eux.

-      Mais arrêtez tous ! « Tu dois faire ça pour eux, tu dois faire ci pour eux, si ils étaient là ils aimeraient que... » Ils ne sont plus là ! Ils m'ont abandonnée ! Je ne leur dois rien ! Et ils ne me voient pas, ne me regarde pas et ne me suivent pas. Ils sont morts !!! Tu sais ce que c'est la mort Adam ? Le néant, le vide, le gouffre. Le rien !! Un gros rien où il n'est pas possible de vouloir, de voir, d'aimer, d'espérer et toutes ces conneries.

-       Aria écoutes, tu dois laisser cette rancœur derrière toi, tu dois avancer.

-       Putain mais vas te faire foutre toi aussi !

-       Arias attends s'il te plaît calme toi et écoutes moi je...

J'avais déjà claqué la porte.



« Fin du flash back »




J'ouvre brusquement les yeux, paniquée,je regarde autour de moi. Il fait noir, mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je me lève brusquement, me cognant au passage dans je ne sais quoi. Je palpe les murs jusqu'à trouver un interrupteur. Lorsque l'ampoule s'allume, j'expire tout l'air retenu jusqu'à maintenant dans mes poumons. Je sais, je suis à New-York, je suis à l'hôtel. Je glisse le long du mur jusqu'au sol, reprenant peu à peu le contrôle de moi-même. Des images saccadées de mon cauchemar se bousculent encore dans ma tête, ébranlant mon cœur encore une fois. Ce trou, ce vide, ce néant dans mon cœur n'avait jamais été aussi fort que ces deux dernières années. Il n'y a pas une minute où je ne sens pas mon cœur se serrer, se tordre, se décomposer.

Je jette un coup d'œil au petit réveil posé sur la table de nuit. Celui-ci affiche quatre heures du matin. Génial, comme si je n'avais pas suffisamment du décalage horaire, il fallait que mes nuits redeviennent un enfer. En partant si vite j'ai oublié de prendre les médicaments qui m'aident à dormir. Après avoir tourné en rond dix minutes dans la chambre, je décide de m'habiller et de sortir. J'ai besoin d'air, j'ai besoin de marcher. Lorsque j'ouvre la porte du hall d'entrée une chaleur écrasante s'abat sur moi. J'avais dit vouloir de l'air ? Tu parles ! J'avais oublié ces étés étouffants, cette chaleur humide et écrasante de New-york.

Je marche, sans même regarder où je vais. Perdue dans le vide de mon esprit, j'avance sans buts précis, tout comme dans ma vie me dis-je. Je ne pense pas vraiment, je ne réfléchis pas non plus contrairement aux dernières vingt quatre heures. Mon esprit est vide, embué, presque inconscient.
Lorsqu'au bout d'un moment qui me parut une éternité, je me décide enfin à relever la tête et reprendre conscience, je reste clouée sur place. Juste devant moi, une enseigne aveuglante me brûle les yeux.

« The Central »

Aussitôt, mon sang se glace, incapable de bouger, je regarde l'enseigne scintiller dans la pénombre. Comment ai-je pu arriver jusqu'ici sans même m'en rendre compte ? Je fais rapidement un petit calcul mental, le central est à au moins 15 km de l'hôtel. J'ai vraiment marché si longtemps ? Pourquoi mes jambes m'ont elles amenée ici ? Encore une petite blague de la vie me dis-je. Les yeux fixés sur l'enseigne, je peine à reprendre mes esprits. Sans réellement comprendre pourquoi, je pousse la porte d'entrée. Je scrute la salle des yeux, c'est exactement comme dans mes souvenirs. Je repère une table libre, ma table. Je m'assois, je regarde. Perdu dans le méandre de mes pensées, je me revois deux ans plus tôt, assise à cette même table. Je revois sa main tendue vers moi, je revois ses yeux, j'entends sa voix. Pourquoi suis-je ici ?

-       Je vous sers quelque chose mademoiselle ?

Mais où avais-je la tête en poussant cette porte ?

-       Mademoiselle ??? Vous voulez boire quelque chose ??

-       Oh excusez moi, je ne vous avais pas entendu.

-       J'avais remarqué, dit-il en riant.

-       Je veux bien un truc fort.

-       Vous pouvez être plus précise ?

-       Le truc le plus fort que vous avez.

-       D'accord là c'est plus précis. Whisky pur donc. Un peu de glace ?

-       Comme vous voulez.

-       Je vous apporte ça tout de suite.

Mes yeux scrutent la salle, jusqu'à s'arrêter sur le mur du fond. Une immense photo des garçons y est placardée. Sans ciller, je la fixe intensément. Sans pouvoir m'en détacher, je reste ainsi, comme si le monde autour de moi avait cessé toute activité, me plongeant une nouvelle fois dans le tourbillon de mes souvenirs.


« - Adam, pourquoi la musique ?

- Je ne sais pas vraiment, c'est venu comme ça, naturellement.

- Tu veux dire que c'est venu à toi comme ça, comme une évidence ?

- Je ne sais pas, je pense oui.

- Moi je suis sûr que tu vas réussir, il ne peut en être autrement.

- Mouais.

- Adam ! pourquoi tu dis ça ?

- Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose.

- Quoi ?

- De la profondeur, une histoire, quelque chose de fort.

- Tu penses que tes écrits sont fades ? Tu as tort !

- Ce n'est pas vraiment ça, par exemple toi, pourquoi tu danses ?

- Parce que quand je danse, je vis.

- Voilà c'est exactement ça ! Moi, je ne sais pas, je n'ai rien vécu, j'ai l'impression de ne rien transmettre tu vois. »



-       Allo la terre ici la lune !!! Mademoiselle ?

-       Excusez-moi j'ai la tête ailleurs, merci pour le verre.

-       Ils sont bien hein ?

-       Qui ça ?

-       Bah le groupe ! l'affiche que vous regardiez !

-       Ah, oui ils sont bien.

-       Ils ont été repérés ici même ! Me dit-il fièrement.

-       Vous pouvez m'apporter un autre verre s'il vous plaît ?

-       Mais vous n'avez même pas commencé celui-là !

D'un regard noir, je lui fais comprendre que ce n'est pas le moment de me faire la morale. Sans broncher, il tourne les talons et repart en direction du bar. Je bois mon verre cul sec, grimaçant. Je n'aime toujours pas l'alcool, mais là, il faut que j'anesthésie mon cerveau, je n'ai pas le choix. Le deuxième verre arrive, je lui fais subir le même sort. Je veux tout endormir, je veux endormir la peine, les souvenirs, les cauchemars. Je veux endormir toutes ces images qui me transpercent le cœur, je veux arrêter de penser ne serait-ce que quelques instants. Un shoot. Un autre. Encore un. Je danse sur la piste, les yeux fermés je plane, je vole.
En sueur, essoufflée, je ne cesse pas, profitant de cet instant, de ce délice. Je veux que cet instant ne s'arrête jamais, comme la dernière fois que j'ai ressenti ça, ici même il y a deux ans, comme avant tout, comme avant lui.

Il est sept heures du matin et le gentil serveur de tout à l'heure m'a appelé un taxi, je crois qu'il a eu pitié de moi en fait. Peu importe.
Assise sur la banquette arrière je regarde le paysage défilé. L'alcool commence à s'estomper et je recommence à sentir mon corps tressaillir, il tremble, j'ai envie de pleurer.
Je respire profondément, je ne pleure jamais. Ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer.
Le taxi se gare devant mon hôtel, je paie la course et monte rapidement dans ma chambre. Sans même prendre la peine de me déshabiller, je m'affale sur le lit.

14H20


J'ouvre les yeux, je regarde autour de moi, Ah oui, l'hôtel. Je me redresse lorsque soudain une douleur vive me fit retomber d'un coup sec. Ma tête, j'ai un mal de crâne monumental, ça m'apprendra à boire comme une écervelée. Je tourne la tête vers le réveil.

Oh merde, putain de merde !!! 14h20 ! Je fais un bond pour sortir du lit, paniquée je regarde partout autour de moi. Le concert est à 18h, je ne sais pas où c'est, je n'ai pas de place et je ne sais pas comment faire. Qu'est ce que je vais mettre ? est-ce que c'est une bonne idée ? Est-ce que je veux le revoir ? Aie ma tête.

Je la laisse tomber aux creux de mes mains. Pharmacie, il faut d'abord que je trouve une pharmacie pour calmer ce maudit tambour qui résonne dans ma tête. J'enfile un jogging et sors de l'hôtel, je fonce à la pharmacie du coin de la rue, je prends le précieux comprimé puis passes au Starbucks me prendre un grand café.

J'ai au moins besoin de ça, me dis-je.

Après l'avoir descendu d'une traite, je remontes dans ma chambre et me précipite sous la douche. Froide bien entendu. J'en ressors revigorée, l'esprit clair, enfin presque. Bon qu'est ce que je fais ? Je vais au concert et j'essaie de le voir ? Mais comment je vais bien pouvoir faire ça.

De toutes façons je n'ai pas trois mille solutions donc je vais y aller et improviser sur place. Il est déjà 15H30, je retourne complétement ma valise à la recherche d'une tenue correcte dans tout le bordel que j'ai pris sans même savoir ce que c'était. Je trouve enfin une robe convenable. Je passe par la salle de bains puis je me maquille légèrement. Je regarde mon reflet dans le miroir. Suis-je folle ? Ça ne fait aucun doute.

Je prends mon sac et claque la porte derrière moi.

17H00

The Apollo Theater, j'y suis.

Une foule est compressée contre des barrières attendant impatiemment que les portes s'ouvrent. Ils hurlent, ils chantent, je suis tout simplement interloquée. Je n'aurai jamais imaginé qu'il y aurait tant de monde, c'est à peine croyable. J'arrive enfin à trouver un agent de sécurité, je me précipite vers lui.

-       Excusez moi Monsieur, est-il possible de voir Adam Starling ?

-       Laissez-moi deviner, vous êtes sa sœur ?

-       Non pas du tout, je suis... Enfin peu importe qui je suis. Je le connais bien et j'aimerais le voir.

L'agent explose de rire.

-       Bon écoutez Monsieur, je n'ai pas de temps à perdre.

-       Moi non plus ma petite, dit-il condescendant.

-       Mais puisque je vous dis que je le connais ! Allez lui demander !

-       Même moi je n'ai pas le droit de l'approcher, je ne suis que l'agent du théâtre et si vous saviez combien de nanas m'ont raconté le même baratin que vous aujourd'hui.

Je tourne les talons, c'est peine perdue. Bon, il faut que je trouve un plan B. Après avoir réfléchi quelques minutes, j'aperçois la billetterie, je me précipite donc vers elle.

-       Un billet pour le concert de ce soir s'il vous plaît !

-       Mais mademoiselle, ce concert est en sold out depuis plus de trois mois.

-       Vous rigolez ?


Non, elle n'avait pas l'air de rigoler. Merde. Je ne pensais pas que ça serait si compliqué. M'éloignant de la foule, je m'assois sur un petit muret.

De toutes façons je n'aurai jamais réussi à le voir parmi tout ce monde, me dis-je.

La tête penchée en avant, j'accuse le coup. Je m'en veux, je m'en veux d'avoir été aussi stupide. Je m'en veux d'être ici. Je m'en veux d'avoir encore une fois agi sur un coup de tête, encore une fois la vie me montre que je n'empreinte jamais le bon chemin.

Je me relève et commences à marcher, à nouveau sans buts, abattue par ce destin qui semble s'acharner sur moi. Pourquoi la vie est-elle si clémente avec certains et si dure avec d'autres ? Pourquoi l'égalité n'est-elle qu'une utopie ? Pourquoi n'avons-nous pas tous les mêmes chances ? Dés mon plus jeune âge je suis arrivée à ce constat, ce constat auquel je reviens sans cesse. La vie ne m'aime pas, elle me déteste. Je marche, des heures et des heures, perdue dans mes pensées, perdue dans mes ténèbres.

00h00

Je pousse la porte d'entrée du Hello bar.

02H00

Je quitte le Hello bar, après sept verres qui n'ont eu aucun effet. Je monte à bord du taxi et lui donne l'adresse de l'hôtel. Je ferme les yeux, essayant tant bien que mal de supporter cette douleur vive qui n'arrête pas de surgir dans ma poitrine. J'ai encore commis une énorme erreur, il est temps que cela cesse.

Demain, je rentre à Paris.


A exactement 02H10 précise, Adam pousse la porte d'entrée du Hello bar.

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