Chapitre 26, Adam

26

Adam


« Flash-back »


Lorsque les premiers rayons du soleil se sont immiscés dans la chambre, je me suis rendu compte que je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. Nous avons passé une soirée fantastique, et encore, le mot semble assez faible. Nous repartons déjà de ce petit coin de paradis demain matin et je ne peux m'empêcher de penser qu'après cela, le stage d'Aria ne dure plus qu'une seule minuscule semaine. J'essaie tant bien que mal de ne pas y penser, de profiter de chaque instant que je peux partager avec elle, mais c'est plus fort que moi, je n'arrive pas à me le sortir de la tête. Le fait qu'elle n'ai pas abordé une seule fois le sujet ne fait qu'accroitre mon angoisse. Allons nous devoir nous dire au revoir, ainsi, comme si rien de tout cela n'avait été réel ? Est-ce cela qu'elle envisage ? Est-ce si naturel pour elle qu'il ne lui soit pas nécessaire d'en discuter ?

Gâcher notre dernière journée ici est loin d'être ce que je souhaite, mais je vais devoir lui en parler car je ne peux pas rester comme ça. Je ne peux pas rester ainsi à envisager une bonne dizaine de scénarios et à me torturer l'esprit plutôt que de profiter de ce week-end qui jusqu'à présent, se déroule exactement comme je l'avais imaginé.

- Bonjour toi, tu es réveillé depuis longtemps ? M'interrompt la douce voix matinale d'Aria.

- Peut-être bien, il se trouve que j'adore te regarder dormir, alors épargnes moi un énième discours sur l'éventualité que je sois un psychopathe, je pense qu'on est tous les deux d'accord pour dire qu'être amoureux ne veut pas forcément dire être psychopathe, si ?


C'est lorsque j'ai vu sa main se suspendre dans l'air et ses yeux s'écarquiller tout en me dévisageant que j'ai pris conscience des mots qui venaient de s'échapper de mes lèvres sans que quiconque ne leur en ai donné la permission.

- Qu'est ce que tu as dis ? Finit-elle par articuler au bout de quelques secondes.

Et merde. J'avais imaginé une table au bord de la plage, des roses, un bon vin, j'avais imaginé tout un tas de choses, mais pas ça, pas lui dire ces quelques mots au réveil, les cheveux décoiffés et l'haleine douteuse. Maintenant que ma bouche m'a trahie, je ne peux plus revenir en arrière, je suis cuit.

Je détourne le regard quelques secondes et tente en vain de réfléchir à ce que je pourrai dire. Bien évidemment, mon esprit est trop perturbé en cet instant pour avoir la décence de me trouver quelque chose de cohérent à dire. Alors tant pis, parfois les choses naturelles sont les meilleures, espérons qu'Aria soit du même avis.

Sans plus attendre, je plonge mes yeux dans les siens, et sans table sur la plage, sans une seule rose, sans un verre de son vin préféré, sans dîner, sans fioritures, je lui ai enfin dis ces quelques mots qui n'avaient jusqu'alors jamais franchi mes lèvres.

- Je t'aime, Aria, finis-je enfin par réussir à articuler. Je sais que ce ne sont que des mots et que beaucoup les disent sans leur attribuer toute la valeur qu'ils méritent, mais saches que ce n'est pas mon cas, tu es la première à qui je les dis, et la dernière, ça je peux déjà te l'assurer.

Après avoir posé son index sur mes lèvres pour faire taire mon monologue qui trahissait une anxiété que j'avais du mal à gérer, elle a délicatement posé ses lèvres sur les miennes dans un chaste baiser.

- Moi aussi, je t'aime, a t'elle simplement répondu après m'avoir observé quelques secondes.

Quelques petites lettres, deux simples petits mots et pourtant tant d'émotion. A cet instant, toutes mes préoccupations de la nuit dernière avaient disparu, je savais qu'elles ne tarderaient pas à refaire surface mais pour le moment rien d'autre ne comptait, il n'y avait qu'elle, moi et ces deux petits mots.

******


Main dans la main, il est déjà 20h lorsque nous passons les portes d'entrées du restaurant de l'Hôtel. Nous avons passé la journée à flâner dans la chambre et dans le jacuzzi, à profiter de chaque instant dans les bras l'un de l'autre, à se murmurer les fameux deux petits mots, comme le font les adolescents dans les comédies romantiques produites par Hollywood et destinées à un public essentiellement féminin. Si on m'avait dit un jour que moi aussi je ferai toutes ces choses, j'aurai bien ri. Pourtant, je n'échangerai ma place pour rien au monde et la terre entière peut bien se moquer de nous, ça m'importe peu.

Nous commandons auprès du serveur et trinquons nos verres en l'honneur de ce merveilleux week-end avant de déguster le savoureux champagne que je viens de choisir.

- On est tout de même chanceux qu'ils ne me demandent jamais ma carte d'identité et qu'ils se contentent de la tienne, sinon je ne pourrai même pas trinquer avec toi !

- Quel dommage, c'est sûr que ça n'aurait pas le même effet avec un verre de jus de pomme, mais après tout pourquoi pas, ça te donnerait un certain style. Même si je dois bien avouer que je préfère celui de rebelle qui te va à ravir, dis-je pour la taquiner.

- Ce n'est pas de ma faute si ici la majorité est à 21 ans, parce que vous les américains ne faites rien comme les autres !

- Tu n'as pas encore 18 ans non plus je te rappelle.

- Oui bon ça va, presque !

J'adore voir le petit plis de son front se former lorsqu'elle plisse les yeux quand je la taquine, il n'y a rien à faire, je suis foutu, je le sais pertinemment.

Comme chaque fois que nous sommes ensemble, le temps passe à une vitesse folle, bien trop vite à mon goût. C'est déjà notre dernière soirée ici et je me dis qu'a ce rythme là, je n'aurai même pas le temps de m'en rendre compte qu'il sera déjà temps pour elle de rentrer en France. Cette idée me tord immédiatement l'estomac et mon dessert semble soudain moins appétissant. Je joue machinalement avec ma cuillère, perdu dans mes songes à me demander comment j'allais pouvoir aborder le sujet avec Aria sans risquer de gâcher notre dernière soirée ici.

- Tout va bien ? Me demande t'elle inquiète, tu fais une drôle de tête depuis deux minutes.

- Pas vraiment. Ecoutes Aria, j'ai essayé de faire comme si de rien n'était, j'ai essayé de profiter au jour le jour mais je n'y arrive pas, ce n'est pas moi. Je ne voulais pas t'en parler ce soir, mais je n'arrive pas à me le sortir de la tête, je suis désolé.

- Mais de quoi est-ce que tu parles ?

Son visage s'assombrit, perdue, elle ne cesse de me fixer, attendant impatiemment que je reprenne le cours de mon discours.

- Nous, je parle de nous ! Qu'est ce qu'on va devenir tous les deux ?

- Je... Je ne suis pas certaine de comprendre là où tu veux en venir Adam.

- Aria, demain nous rentrons à New-York et ton stage ne dure plus qu'une semaine, alors je sais qu'on s'était promis de ne pas parler de ton départ, mais ce n'est plus qu'une simple éventualité lointaine, nous y sommes presque et je pense que les choses sont allées bien au delà de ce qu'on aurait pensé au début, alors je suis désolé mais j'ai besoin qu'on en parle.

- Et qu'est ce que tu veux que je te dise Adam ? Je sais pertinemment que les choses entre nous sont allées bien au delà de ce qu'on pensait et je sais aussi qu'il ne me reste plus qu'une semaine, moi aussi j'y pense, mais je ne sais pas quoi te dire car moi non plus je n'ai pas la réponse à cette question.

- Alors c'est tout ? Dans une semaine on se dit au revoir ? On continu nos vies séparément chacun sur un continent et puis c'est tout ? Il n'y a aucune option possible ?

- Quelle option Adam ? Je suis Française, je suis mineure, je n'ai pas le choix je dois rentrer, et toi tu as ta vie ici, le groupe, ta famille, nous n'avons jamais eu d'option et tu le sais très bien.

- Alors c'est si simple pour toi ? Tu n'as jamais pensé que peut-être nous pourrions trouver une solution ? Tu as laissé tout ça se produire alors que tu savais pertinemment que tu repartirais ensuite comme si rien de tout ça n'avait vraiment existé ? Comme si toi tu n'avais jamais existé, tu vas juste repartir de ma vie aussi vite que tu y es entré, tu vas prendre ton avion et voilà, fin de l'histoire ?

Sans m'en rendre compte j'avais haussé la voix et tous les clients du restaurant avaient à présent leurs yeux braqués sur nous. Aria ne disait plus un mot et plus les secondes passaient, plus je me sentais nauséeux, je ne pouvais plus rester ici, j'avais besoin de prendre l'air, je devais sortir.

Je me suis levé précipitamment et je suis sorti du restaurant en direction de la plage, je n'ai qu'une seule envie, sentir le vent marin me fouetter le visage et chasser toutes les pensées qui me rongent. Aucunes d'elles ne semblent décidées à me laisser en paix, la colère s'empare de moi et j'ai juste envie de crier, hurler, laisser sortir cette frustration, cette colère, cette tristesse que je n'ai jusqu'alors jamais ressentie. Comment est-ce possible qu'aimer quelqu'un puisse faire souffrir à ce point ? N'est-ce pas un manque absolu de logique ?

- Adam, s'il te plaît ne te mets pas dans cet état.

La voix enrouée, faible et hésitante, Aria vient de briser ce silence qui l'espace d'une seconde m'a fait espérer être en plein cauchemar, prêt à me réveiller. Et pourtant non, nous sommes bien là, tous les deux sur cette plage à se regarder dans les yeux sans avoir la moindre d'idée de ce qu'il faudrait faire pour ne jamais avoir à se dire adieu.

- Bien sûr que je me mets dans cet état Aria, parce que je ne veux pas te dire au revoir, je ne veux pas me dire que je ne reverrai peut-être plus jamais ton visage.

- Moi non plus ce n'est pas ce que je souhaite, qu'est ce que tu crois, moi aussi ça me rend triste.

- Alors restes ! Restes avec moi !

- Et Elisabeth ? L'opéra ? Ce n'est pas si simple Adam, j'aimerai que ça le soit mais ça ne l'est pas.

- L'une des meilleures écoles de danse au monde est à New-York, Tu pourrais l'intégrer et continuer tes études ici ! Dis-je désespérément.

- Je vois que tu t'es renseigné. C'est vrai, mais Elisabeth ne sera jamais d'accord, pour elle, c'est l'opéra ou rien et sans son accord, je ne peux rien faire Adam. Tant que je n'ai pas 18 ans je suis totalement dépendante d'elle, c'est elle qui gère l'héritage de mes parents et qui a tous les droits sur moi.

- Mais tu l'as dis toi même tout l'heure, tu as bientôt 18 ans ! En attendant, on se débrouillera, je trouverai un boulot en plus de la musique, je paierai l'inscription à l'école et tu pourras venir habiter avec moi à l'appartement.

- Adam c'est complétement fou et...

- Je sais Aria, dis-je en lui coupant la parole pour ne pas lui laisser le temps de refuser. Mais c'est encore plus fou d'avoir vécu tout ça et de tout laisser s'envoler, c'est encore plus fou de devoir se dire adieu alors qu'on s'aime comme des dingues. C'est l'occasion Aria ! tu m'as dit que tu voulais vivre ta vie, faire tes propres choix, être libre, ne plus dépendre d'Elisabeth, et bien c'est l'occasion ! Restes ici et je te promets que tu ne le regretteras jamais ! Aria s'il te plait, ça ne peut pas se terminer comme ça, laisses nous au moins une chance, dis-je à bout de souffle en saisissant sa main.

Quelques larmes se sont formées aux creux de ses yeux, sa petite main entre les doigts, je la supplie du regard d'accepter ma proposition. Je l'observe attentivement et je peux voir le combat qui est en train d'avoir lieu dans sa tête, je peux voir le doute dans son regard mais je peux aussi y lire le désirs, l'envie de vivre cette folle aventure à mes côtés. C'est lorsque je sens ses doigts se serrer autour des miens avec force que je comprends qu'il ne manque pas grand chose pour la faire céder.

- Aria, je t'aime et je sais que toi aussi tu m'aimes, même si tu as toujours tout fait pour garder cette image de femme forte qui n'a besoin de personne, je sais pertinemment que c'est faux, et toi aussi tu le sais. Tu as besoin de moi au même titre que j'ai besoin de toi. On est tous les deux dans le même panier Aria, tu n'as jamais accordé ta confiance, moi non plus, tu n'as jamais voulu t'attacher à quelqu'un, moi non plus, et pourtant nous en sommes là. Tu sais très bien que si on ne tente pas le coup, on le regrettera toute notre vie. Tu te demanderas toujours ce que nous aurions pu devenir ensemble. Je ne veux pas avoir ce regret, je ne veux pas que tu l'ai non plus alors s'il te plait, pour une fois, écoutes ton cœur et autorises toi à te laisser aller, autorises toi à faire tes propres choix et à prendre des risques, tu ne le regretteras pas.

Presque essoufflé par ce monologue de la dernière chance, je reprends ma respiration sans la quitter une seule seconde des yeux. J'ai tenté de toucher sa corde sensible et je sais que ça peut être à double tranchant. Durant quelques secondes interminables, rien ne se passe, ses yeux restent rivés aux miens, ma respiration ne parvient pas à se calmer et les larmes qui s'étaient formées aux creux de ses yeux n'ont pas bougées. C'est incroyable comme parfois, au gré des situations, le temps peut s'étirer. Parfois, une journée semble si courte qu'il nous en faudrait une deuxième pour parvenir à avoir le temps nécessaire, et parfois une seule minute peut sembler s'étirer indéfiniment et nous torturer pendant des heures.

- D'accord.

Même l'air semble s'être suspendu suite à ce simple petit mot. Prononcé d'une voix tremblante et à peine audible, je me demande même quelques instants s'il n'est pas le produit de mon imagination. J'allais lui demander de répéter lorsque j'ai vu dans ses yeux ce mélange explosif qui me donne déjà le tournis. L'amour, la peur, l'excitation, le doute, l'euphorie, le désir.

Elle a dit oui. Elle a dit oui. Lorsque l'information fut enfin parvenue jusqu'à mon cerveau, je n'ai pu m'empêcher de m'élancer vers elle pour la prendre dans mes bras et la faire virevolter.

- Redis-le-moi

- Je reste.


« Fin du Flash-back »

Le bruit de la serrure qui se déverrouille résonne dans le couloir, Aria pousse fébrilement la grande porte en bois et pénètre dans la pénombre. Elle tire légèrement sur ma main pour que je la suive, j'avance alors doucement, une main en l'air à la verticale devant moi pour être sûr de ne rien percuter. Je ne vois rien mais je remarque immédiatement une odeur particulière et familière, je tente de mettre un nom dessus, en vain. Le petit cliquetis de l'interrupteur me fait sursauter et la lumière apparaît peu à peu au centre de la pièce puis s'élargit de plus en plus, aussi vite que le permet cette veille ampoule qui semble être là depuis des décennies.

Je n'ai pas immédiatement regardé autour de moi, je suis d'abord resté immobile à observer le visage d'Aria qui fut traversé part un mélange d'émotions impossible à décrire. Je ne saurai dire s'il s'agissait de joie ou de peine, mais ce dont je suis certain, c'est ce que cet endroit est important pour elle, et même plus encore.

Lorsque je me décide enfin à détacher mon regard de son visage pour observer ce qui m'entoure, je fus frappé par la surprise. De magnifiques sculptures en bois envahissent l'espace, des grandes, des petites, il y en a partout et de toutes sortes. Délicatement je m'avance vers l'une d'elle et en scrute chaque détail. Il s'agit d'une magnifique ballerine sculptée en taille réelle. En m'approchant un petit peu plus, je remarque qu'il s'agit d'une enfant et que ses traits me semblent plutôt familiers. Lorsque j'abaisse le regard vers le socle de la sculpture, je remarque qu'une petite inscription y est gravée. Je m'accroupie afin de la déchiffrer, c'est alors que je discerne le nom « Barbara Rollins » gravé en italique. Comme si Aria lisait dans mes pensées, c'est justement ce moment qu'elle a choisit pour enfin prendre la parole.

- C'est le nom de ma mère, me dit-elle les yeux humides, émue.

- C'est elle qui a fait tout ça ? Dis-je en désignant la pièce d'un geste de la main, admiratif.

- Oui, c'était son atelier, elle était sculptrice, me dit-elle en avançant pour me rejoindre et passer délicatement sa main sur le tutu de la ballerine.

- Celle-ci est superbe, dis-je en posant ma main sur la sienne.

- C'est ma préférée, elle l'avait faite pour moi, c'est le dernier cadeau qu'elle m'a fait. C'est tout ce que j'ai de plus précieux tu sais, murmure t'elle en plongeant ses yeux dans les miens.

- Je comprends, c'est un merveilleux cadeau qu'elle t'a fait Aria, c'est la trace de son passage ici, ainsi elle restera toujours prés de toi.

Elle avance lentement et parcours le reste de la pièce, touchant parfois délicatement le bois finement sculpté. Je la suis sans un mot, admirant le fabuleux travail exposé devant mes yeux. J'ai l'impression d'être au cœur d'une ancienne galerie d'art, le vieux parquet craque sous notre poids et l'odeur de bois envahie mes narines, me rappelant mon enfance passée à parcourir les galeries avec ma grand mère, à la recherche de nouvelles merveilles à exposer dans sa maison déjà bien chargée. Si elle était là, elle n'en croirait pas ses yeux.

Ma petite plage secrète me rappelle mon enfance avec mes grands parents, le petit repère d'Aria aussi, je souris à cette idée qui me réchauffe le cœur. Aria prend place sur un vieux tabouret en bois et le regard perdu dans le vide, elle commence enfin à me parler.


- Quand j'avais 14-15 ans, j'étais en colère contre la terre entière. Je ne comprenais pas pourquoi mes parents n'étaient plus là alors que toutes mes amies de l'internat rentraient chaque week-end retrouver les leurs. Je trouvais la vie injuste, pourquoi moi ? Mais je ne disais rien, je ne laissais rien paraître. Je venais ici dés que je le pouvais, je m'asseyais là, sur ce tabouret et j'admirais les sculptures pendant des heures. Ça me faisait du bien. Je revoyais ma mère accroupie pendant un temps indéfinissable à travailler sur la même petite partie, j'adorais venir la voir travailler. Mon père avait toujours un mal fou à la faire sortir d'ici pour venir dîner et ça me faisait rire, c'était une vraie passionnée.

- Ce qui se trouve ici Aria, c'est un vrai trésor. C'est magnifique, elle avait vraiment beaucoup de talent. Je comprends pourquoi tu aimes venir ici, pourquoi c'est important pour toi. Je sais à quel point il peut être difficile de revivre son passé, mais les souvenirs, c'est tout ce qu'il nous reste.

- Je suis d'accord, c'est pourquoi j'ai supplié Elisabeth de garder l'atelier. Jamais je n'aurai pu me séparer de ses sculptures ou même de cet endroit, ça m'aurait tué. Ce n'est pas toujours bon de garder un pied dans le passé, cet endroit m'a parfois fait autant de mal que de bien. La dernière fois que je suis venue ici, ça s'est plutôt mal passé. J'étais triste, très triste et j'ai fais une bêtise dont je ne suis pas fière. Je ne suis pas revenue depuis, j'avais trop peur d'avoir associé cet endroit à la douleur, et je ne voulais pas, car il représente tout le contraire. L'amour, la joie, c'était le paradis de ma mère et je refuse de le voir autrement.


Mon cœur se sert et je ne peux m'empêcher de franchir les quelques pas qui nous séparaient pour être au plus prés d'elle. Je sais qu'elle déteste la pitié et qu'elle n'est pas en train de me raconter tout cela pour l'attirer, j'évite donc de la prendre dans mes bras et de trop en faire malgré la petite voix dans ma tête qui ne demande que ça. Elle me dit tout cela parce qu'elle me fait confiance, parce que enfin, elle souhaite partager une partie d'elle avec moi, s'ouvrir et me laisser entrer, comme jamais elle ne l'avait fait auparavant. Elle est prête à vraiment vivre notre histoire, voilà le message qui se cache derrière ses révélations.

- Il en sera toujours ainsi, j'y veillerai. Je suis touché que tu ai voulu partagé cet endroit avec moi, c'est tout simplement sublime, dis-je maladroitement, ne sachant trop quoi dire.

- Elle était très douée oui, dit-elle en se relevant.


Après avoir jeté un dernier coup d'œil circulaire à la pièce, elle se tourne vers moi et me souris.


- On y va ? Me lance t'elle, je te propose d'aller manger dans un petit restaurant très sympa à Montmartre, tu vas voir, je suis certaine que tu vas adorer !

Nous sortons de l'atelier, Aria referme délicatement la porte et c'est tout sourire qu'elle me précède dans les escaliers. Je sais que ses pensées sont encore en partie auprès de ces magnifiques sculptures mais il n'y a pas à dire, elle est douée pour donner le change.

James nous ouvre les portières et nous grimpons à l'intérieur de la voiture. Il prend ensuite place derrière le volant et Aria lui donne l'adresse du restaurant. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres et il répond immédiatement.

- Oh mais je connais ce restaurant ! Il est fabuleux, j'aime beaucoup l'ambiance ! Dit-il tout joyeux, semblant se remémorer de bons souvenirs.

- Ah oui ? Vous y êtes déjà allé ? Demande Aria, visiblement très curieuse de connaître cette histoire.


James part alors dans le récit de sa lune de miel passée à Paris il y a 25 ans, Aria semble ravie d'en apprendre un petit peu plus sur lui et écoute de bon cœur sa petite histoire. J'ai entendu le début puis peu à peu je me suis perdu dans mes pensées. La culpabilité n'a pas mise longtemps pour revenir me hanter. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'Aria vient de m'offrir une preuve de confiance incroyable pendant que moi je fais quoi ? Je divulgue notre histoire à la terre entière, la mettant en danger ? Quel crétin je fais ! La colère m'envahie et je peine à la contenir. Je ne sais ni quand ni comment je vais bien pouvoir avouer ça à Aria, j'essaie tant bien que mal de trouver la bonne façon de le faire, mais au fond de moi je sais qu'il n'y en a aucune. Quand elle va savoir ça, elle va terriblement m'en vouloir et la crainte qu'elle ne veuille pas me pardonner m'empêche d'avoir le courage de lui avouer.

Je suis un lâche et je le sais. Une partie de moi espère que cette révélation ne changera rien et que je n'aurai pas besoin de lui avouer ma bêtise. Même si cela semble utopique, je préfère me raccrocher à cette idée absurde pour repousser le moment où je devrai lui avouer. C'est ça, ça ne va rien changer du tout. Il suffit que nous fassions attention, exactement comme d'habitude. Je pars dans deux jours, je vais continuer à sortir par la porte de derrière de l'hôtel et à demander à James de brouiller les pistes auprès des paparazzis. Je continuerai de porter des casquettes pour éviter que l'on me reconnaisse et tout se passera bien. Ensuite, les deux mois de tournée devraient tasser les choses et tout le monde aura oublié ce que j'ai dis ! Je ne vois donc aucune raison d'inquiéter Aria, je vais arranger les choses !

- Adam ! Tu m'entends ? Adam !!

La main d'Aria pressant mon épaule me faut sursauter.

- Oui oui je t'entends, excuses moi j'étais dans mes pensées. Tu disais ? Dis-je, tentant de faire bonne figure et de chasser la petite voix de ma conscience qui me hurle d'arrêter de me mentir à moi même et de tout lui avouer.

- On est arrivé, dit-elle en me scrutant avec surprise. Tu es sûr que tout va bien ? Tu es bizarre depuis cette après-midi.

- Oui tout va bien, j'étais juste un peu dans les vapes, sûrement un peu de fatigue.

- C'est vrai que tu as eu une grosse journée, on ne rentrera pas tard si tu veux.

- Mais non, je vais tenir le coup, je ne suis pas si vieux que ça hein ! Dis-je en faisant mine de bouder pour détourner l'attention.

- Je me demande ! Lance t'elle rieuse, bon, on descend ou on mange ici ?

- Je t'en prie, dis-je en lui faisant signe de descendre la première.

Lorsqu'elle pénétre dans le restaurant, je recule d'un pas afin de parler à James sans être entendu.

- Fais très attention James, je ne veux voir aucun paparazzi, aucune photo, je compte sur toi ! Aria ne doit rien savoir ! Lui dis-je anxieux.

- Gamin, je vais faire ce que je peux mais tu devrais lui dire, dit-il sur un ton à la fois ferme et encouragent.

- Je t'ai embauché pour faire ce que je te demande James, pas pour me donner ton avis ! Dis-je un peu plus fermement que ce que j'aurai souhaité.

Je m'en suis voulu immédiatement et j'allais m'excuser lorsqu'Aria fit volte face, se demandant où j'étais.

- J'arrive, dis-je en me précipitant vers l'entrée du restaurant.

Juste avant d'ouvrir la porte pour la rejoindre, je me tourne vers James, ce dernier est déjà en train d'ouvrir sa portière pour pénétrer dans la voiture.

- Je suis désolé James, dis-je en chuchotant pour qu'Aria ne m'entende pas.

- Non Mr Starling, c'est vous qui avez raison. Aucun paparazzi ne vous embêtera, vous pouvez comptez sur moi, dit-il froidement.

Je n'ai pu m'excuser plus longuement, Aria commençait à s'impatienter, se demandant ce qui se tramait dehors. Connaissant sa curiosité, je n'ai pas osé m'éterniser. Décidément, je suis doué pour dire des conneries aujourd'hui ! Plus le temps passe et plus je m'enfonce, je me demande une nouvelle fois comment je vais bien pouvoir me tirer de ce pétrin sans avoir à subir de gros dégâts.

La serveuse nous demande de la suivre et se dirige vers une petite table en bois pour deux personne prés de la fenêtre, offrant une belle vue sur les rues pavées de Montmartre.

- Excusez-moi Mademoiselle, est-il possible d'avoir une table qui ne soit pas prés de la fenêtre ? Dis-je anxieux d'être reconnu par un passant ou d'être épié et pris en photo par un paparazzi caché de l'autre coté de la rue. Je deviens parano, je le sais mais je n'arrive pas à m'en empêcher. Une boule se forme au creux de mon estomac. La serveuse visiblement surprise, nous indique une autre table au fond de la salle. Aria s'installe, je fais de même en tentant d'ignorer son regard interrogateur posé sur moi.

Je prends la carte et fais semblant de la détailler, sans la voir, faisant tout pour éviter les questions d'Aria. Je tente de trouver quelque chose de crédible à répondre lorsqu'elle ne pourra plus se contenir et me fera passer un interrogatoire, en vain. Après m'avoir observé quelques secondes, à mon grand étonnement, elle ne dit rien et prend la carte à son tour.

- Tu as choisi ? Me demande t'elle simplement , quelques minutes après.

Quelque peu décontenancé, je cherche rapidement quelque chose à répondre, surpris de voir Aria lâché le morceau si facilement.

- Oui, je vais prendre la blanquette, et toi ?

- Le poulet ! La blanquette est fabuleuse, tu verras, dit-elle en souriant.

On ne pourrait pas faire plus gêné, je ne sais pas ce qui me met le plus mal à l'aise, mon mensonge ou le fait qu'Aria lâche l'affaire si facilement ? Je me demande ce qui peut bien se tramer dans sa petite tête, quoi que cela puisse être, ça n'indique rien de bon pour moi. Elle a surement élaboré un petit plan machiavélique pour me faire parler, ou alors elle essaie une nouvelle technique que celles qu'elle utilisait par le passé ? Quoi qu'il en soit, ça me rend dingue ! Où est passée la Aria qui me cuisinait jusqu'à ce que je crache le morceau quitte à ce que cela dure des heures ? Peu importe au final, pour le moment ça m'arrange bien, il ne me reste que deux jours à tenir, deux jours et tout sera arranger. Oui c'est ça, juste deux jours, je peux le faire. En attendant, je dois profiter de chaque instant avec elle et laisser ça de côté.

Juste deux jours.

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