Chapitre 11, Aria

11

Aria

« Flash-back »

Ce matin, ce sont les premiers rayons du soleil qui m'ont réveillés. J'ouvre les yeux lentement, il me faut quelques minutes pour émerger. En regardant autour de moi je réalise que je ne suis pas à l'internat. Je me redresse délicatement et je constate que je suis chez Adam, je tourne les yeux et le découvre endormi sur le canapé. Après l'avoir embrassé, nous ne nous sommes pas quittés de la soirée et nous avons finit par nous endormir dans le courant de la nuit, au beau milieu d'une discussion. Je peine à réaliser que c'est bien moi qui l'ai embrassé hier, pour je ne sais quelle raison, je n'ai pas pu m'en empêcher. Pour la toute première fois de ma vie, je n'ai rien contrôlé. Je peine également à croire que c'est toujours moi qui l'ai suivi jusque chez lui et qui y suis restée toute la nuit. Tout ça, ce n'est pas moi, ce n'était pas moi tout du moins. Mais, je dois bien avouer que ça fait un bien fou de ne pas faire ce qui était prévu à la base, ça fait du bien de sentir cette liberté, la liberté de suivre ses désirs au moments où ils surgissent, ça fait du bien de ne pas savoir, de ne pas chercher à comprendre ou à analyser, ça me fait du bien de vivre, tout simplement.

Sortant soudain de mes pensées je tourne la tête vers le réveil. Celui-ci affiche 10h, d'une rapidité que je ne me connaissais pas je saute du lit, paniquée, je commence à chercher mes affaires, je devrai être à l'entraînement depuis une heure déjà, si Elisabeth apprend ça, je suis doublement morte me dis-je.

- Hey ! Ça va ? Me demande Adam d'une voix encore ensommeillée.

- Il est 10h !!! Ça fait une heure que je devrais être en entraînement ! Mais où sont mes chaussures ??!!

- Elles sont là, juste à ta droite. Dit-il en rigolant

- Ce n'est pas drôle Adam ! Et ma veste ? Tu l'as vu ma veste ??

- Si, c'est très drôle en fait ! Sur la chaise !

- De quoi sur la chaise ????

- Ta veste ! Elle est sur la chaise !

- Ah, merci ! dis-je en me précipitant vers elle.

- Aria, on a dormi à peine deux heures, tu ne veux pas prendre un petit-déjeuner au moins ? Tu iras cette après-midi !

- Et louper toute une matinée ? Mais tu es complétement dingue !

- Tu n'as jamais séché ou quoi ?

- Euh, non. Si Elisabeth apprend ça, je suis morte Adam.

- Mais laisses dont Elisabeth là où elle est. Ce n'est rien Aria, une matinée, profites en !

- Tu ne comprends pas, je dois y aller ! A plus ! Dis-je en ouvrant la porte précipitamment.

- Aria attends ! dit-il au moment même où la porte se refermait brutalement.

Sans prendre le temps de revenir en arrière, je dévale les escaliers quatre à quatre et cours vers le métro, une fois dans celui-ci, essoufflée, je pense à ce qu'Elisabeth me dira lorsque l'internat l'aura appelé, j'essaie tant bien que mal de trouver une excuse crédible, sans succès. Une fois sortie du métro, je reprends mon sprint vers l'école. Je suis arrivée à tant pour mon deuxième cours en m'excusant de mon retard, prétextant une maladie imaginaire pendant la nuit. Le reste de ma journée s'est heureusement déroulée sans accrocs. En sortant à 17h, épuisée par cette courte nuit et mes dernières heures d'entraînement intensive, je découvre Adam adossé au mur de l'autre côté de la rue. Dés qu'il m'aperçoit, un sourire irrésistible se dessine sur ses lèvres. Comme chaque fois que mon regard croise le siens, je sens ma peau se sensibiliser, mes lèvres devenir sèches, je sens mon cœur s'emballer et ma respiration s'accélérer. C'est magnétique, dés qu'il est prêt de moi, mon corps réagit, je n'aurai jamais cru une telle chose possible. Je pensais que tout ça n'était qu'invention pour les livres et les films à l'eau de rose, et pourtant je découvre à présent qu'il est possible de connaître ça, cette tension qui attire deux individus l'un vers l'autre tels des aimants. C'est fascinant, mais c'est également troublant et pour être honnête, ça me fait peur.

- Salut toi ! Alors, je parie que t'es arrivée ici en courant, toute dégoulinante de sueur en les suppliant de t'accepter en cours. Dit-il d'un ton machiavélique.

- Tu te crois drôle Adam ? Je t'avais demandé de mettre un réveil ! C'est de ta faute je te signale !

- Je plaide coupable, j'ai oublié ! Répond-t'il levant les deux mains en l'air.

- Sérieux si Elisabeth l'apprend je vais vraiment...

- Mais arrêtes avec cette Elisabeth ! Tu as le droit de vivre un peu ! Tu ne fais jamais rien à Paris ? Me coupe t'il.

- Si bien sûr que si, mais je m'arrange toujours pour qu'elle ne le sache pas et pour ne pas louper les entraînements.

- T'es cendrillon en fait, s'esclaffe t'il.

- Laisses moi deviner, toi tu es le beau prince qui veut me libérer ?

- Peut-être bien...

- Laisses moi rire, jamais de la vie !

- Et pourquoi ça ?

- La veste en cuir, ce n'est pas vraiment le genre de fringue que portent les princes si tu veux mon avis.

- Si ce n'est que ça, je la jette.

- Très drôle. Tu n'as pas l'étoffe d'un prince de toutes façons.

- Je vais te prouver le contraire, on va dîner ?

- Il n'est que 17h au cas où tu l'aurais oublié.

- Et bien on va boire un verre et après on va dîner !

- Désolée Adam, mais je dois rentrer à l'internat.

- Oh Aria ! Allez, laisses toi vivre un peu !

- C'est facile à dire pour toi ! Tu ne dois rendre de compte à personne, t'as rien à faire de tes journées, tu joues juste le week-end et t'en as rien à faire de tout.

- Toi non plus tu n'as de comptes à rendre à personne, à part à toi même. Et non je ne me fou pas de tout, je ne m'en fou pas de toi, c'est déjà une bonne chose non ?

- Arrêtes de tout prendre à la rigolade Adam, je ne suis pas comme ça, c'est tout.

- Tu peux être qui tu veux être Aria.

- Non Adam, moi j'ai des comptes à rendre, laisses tomber tu comprends rien.

- Alors expliques-moi Aria ! Tes parents, ils laissent cette Elisabeth gérer ta vie comme ça sans rien dire ?

- Ils sont morts.

- Aria... Merde je suis désolé, je n'aurai pas dû dire ça.

- Laisses tomber je t'ai dit ! Je dois y aller.

- Tu vas me planter là ?

- Désolée, salut Adam.

- Mais Aria attends...

Je pars rapidement en direction du métro, le cœur serré, je ne me retourne pas. Comme toujours, je me sens si différente. Peut-être parce que je le suis vraiment en fin de compte. J'ai toujours cette impression que personne ne peut me comprendre, que personne ne peut ne serait-ce qu'imaginer ce qu'il y a enfouit en moi. Je n'arrive pas à parler de tout ça, je n'arrive pas à parler d'eux et je ne supporte pas qu'on m'en parle. C'est comme si les gens étaient constamment dans l'attente que tu leur déballes toute ta vie, comme ça, comme si tu leur disais quel fringue tu as acheté la veille. Si tu ne le fais pas, ils te trouvent bizarre. Je n'ai jamais compris ce besoin qu'ont la plupart des gens de tout savoir, comme si ça leur permettait de se sentir plus en sécurité face à toi. Jamais je n'ai parlé de mes parents, de ce que je ressens, tout ça, c'est à moi et rien qu'a moi. Il est vrai que j'ai passé une bonne soirée avec Adam, mais jamais je n'aurai du me laisser aller comme ça, je ne le connais même pas.

« Fin du Flash-Back »

Essoufflée, j'attrape la bouteille d'eau que me tend Élisabeth. Encore dans cet état à la fois de plénitude et d'émotion que me procure la scène, je respire lentement afin de reprendre un rythme cardiaque régulier.

- Ouah Aria ! C'était splendide, tu as été époustouflante ce soir ! Me dit Élisabeth.

- Merci.

- Si tu pouvais toujours danser comme ça, ça serait juste fantastique ! Qu'est ce qui t'es arrivée ce soir ?

- Je n'en sais rien, j'ai... Je ne sais pas comment l'expliquer, je sentais tout, chaque mouvement, chaque partie de mon corps, je sentais une tension qui m'animait.

- Et bien, essaie de garder ça ! Me répond t'elle le sourire aux lèvres.

- Ouais.

- C'est génial, je suis sûr que je vais avoir des tonnes de propositions pour toi ce soir.

- Élisabeth...

- À tout à l'heure ! Me lance t'elle en partant pour retourner dans la salle.


Je m'adosse au mur des coulisses et ferme les yeux. C'est vrai que ce soir, c'était... Différent. Je me suis sentie transcendée, l'émotion est venue à moi me coupant le souffle et rendant ainsi tous mes mouvements plus vrais, plus forts. Réalisant à peine la performance que je viens de faire, je rouvre les yeux et retourne des les loges pour me rhabiller. Lorsque j'en sors, je sens la pression redescendre, je me sens vidée. Comme si toute forme d'énergie m'avait délaissée, je peine à trouver le courage de retourner dans la salle. Un petit temps, me dis-je. Je n'ai nulle envie de rejoindre Élisabeth pour me pavaner à son bras pendant qu'elle vante mes mérites. J'attrape ma veste et décide de sortir fumer une cigarette. Le hall est désert, tout le monde profite de la suite du spectacle. Je franchis la porte et prends une grande inspiration, profitant de ce calme après la tempête qui s'est déchaînée en moi il y a à peine quelques minutes. Au loin, j'aperçois un homme s'approcher de moi, dans la pénombre je ne peux distinguer son visage. Lorsqu'il est enfin assez proche pour me permette de le voir, mon visage se fige. Il s'immobilise un instant , puis un large sourire se dessine sur ses lèvres . Un instant, la panique me saisie. Suis-je entrain de dérailler ?

- Louka ?

- Aria... Me dit-il se précipitant vers moi pour me serrer dans ses bras.

- Louka mais, qu'est ce que tu fais là ?

- La même chose que toi visiblement... Comment tu vas ? Si tu savais le choc que ça m'a fait de te voir sur scène, une surprise à laquelle je ne m'attendais vraiment pas ! En plus l'autre jour j'ai cru t'apercevoir quand on a atterri à Paris , c'est dingue ! C'était peut-être un signe ? Je n'en reviens pas ! Tu es là, juste devant mes yeux ! J'avais peur de ne jamais te revoir un jour et te voilà! Mon dieu Aria ... déblatère t'il d'une traite tout en m'étreignant à nouveau.

- Je vais bien. Moi aussi je suis contente de te voir ... C'était bien moi, à l'aéroport, on était dans le même avion apparemment, dis-je difficilement, ne pouvant empêcher mon cerveau de pratiquer le calcul des probabilités qui se déduisent de cette rencontre inattendue.

- C'est vrai ? Mais on ne t'a même pas vu ! Tu nous a vu toi ?

- Non, dis-je dans un murmure qui le rend soudainement très silencieux.

- Louka, est ce que... Dis-je la voix enrouée, à peine audible.

- Oui Aria, il est là...Il est là-bas, Me dit-il pointant son doigt au loin vers l'une des colonnes du parvis.

Je suis des yeux la direction qu'il m'indique et aperçois une Silhouette de dos, adossée à l'une des grandes colonnes de marbre. D'ici, je ne peux discerner de visage, mais c'est inutile, la façon dont il est adossé suffit à me faire perdre pied, me remémorant les innombrables fois où, adossé au mur en face de l'école, il m'attendait. Incapable de prononcer un mot de plus, mes yeux font des aller-retours entre Louka et la colonne. Soudain terrorisée, je ne sais que faire ou que dire, comme si on m'avait projetée hors du temps, je ne me sens plus vraiment là.

- Il t'a vu Aria... Sur scène, ça lui à fait un choc... Je viens d'aller le voir et il n'a pas ouvert la bouche une seule fois pour me répondre.

- Je...

- Tu devrais y aller Aria...

- Je... Je ne sais pas... Dis-je, ne sachant que faire.

- Ça fait deux ans Aria, je passe mes journées avec lui et rien qu'a te voir là, comme ça, je vois que rien n'a changé, tu dois y aller, vous devez au moins vous parler, sinon tu le regretteras, tu le sais au fond de toi.

- Parler pour dire quoi Louka... Je ne pense pas qu'il y ai quelque chose à dire.

- Je pense qu'il y a plus de choses à dire que tu ne le crois. Tu es loin de tout savoir Aria, fais moi confiance et vas-y, dit-il avec insistance, soutenant mon regard avec tendresse.


J'incline la tête, je sais qu'il a raison, sinon pourquoi serais-je aller à New-York ? Mes yeux se détachent de Louka et se dirigent vers la colonne d'où la silhouette ne semble pas avoir bougée d'un pouce. Prenant mon courage à deux mains, je commence à avancer. Ma tête commence à tourner et je puise en moi toute la force qu'il me reste pour ne pas laisser mes jambes céder sous moi. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, mon ventre me fait souffrir, comme si on me poignardait l'estomac, les spasmes s'emparent de moi. Plus je m'approche de lui et plus je peine à rester debout, à chaque pas je me sens défaillir un petit peu plus.

Incapable d'avancer plus prêt, je m'arrête à seulement quelques mètres de lui. Prenant appuie sur l'immense colonne marbrée se trouvant juste derrière celle où il se trouve, je ferme les yeux et inspire profondément, je regarde vers le ciel et admire quelques instants les minuscules petites étoiles qui y brillent. Lorsque mes yeux se reposent sur lui, je distingue enfin son corps, ses cheveux d'un noir d'encre qui retombent dans sa nuque. Deux ans... C'est si loin et pourtant si prés à la fois. J'ai beau chercher en moi, je n'ai pas la force d'avancer plus prêt de lui, pourtant, je sens cette force, ce magnétisme, cette tension qui veut m'attirer à lui, mon corps lutte pour ne pas céder. On dit que le corps dispose également d'une mémoire, à cet instant précis, j'y crois. Le miens refuse d'aller à sa rencontre bien qu'il en crève d'envie, sentant le danger, il résiste.

- Adam...

Ma voix que je ne su reconnaître, faible, enrouée, crevait le silence qui nous entourait.

Les yeux braqués sur lui, je le vois se tendre au son de ma voix, il reste immobile quelques secondes puis se tourne brusquement. Ses yeux saisissent immédiatement les miens, je sens ma main se crisper sur le marbre froid, je m'agrippe de toutes mes forces pour ne pas m'écrouler, incapable de détacher mon regard du siens, je le vois s'approcher de moi. J'ai envie de courir, de partir aussi vite que possible, mais mes jambes en sont incapables. Il s'arrête à mi chemin, ne quittant pas mes yeux, je le vois défaillir, lui aussi.

- Aria...

Ma bouche s'entrouvre légèrement puis se referme aussitôt, incapable d'émettre un quelconque son. nous restons ainsi quelques secondes ou peut-être quelques minutes, je ne sais pas.

- Aria... Dis moi que c'est bien toi, dis-moi que je ne rêve pas, M'implore t'il.

- Oui, c'est moi... dis-je d'une voix brisée.


Brusquement, il franchit les quelques pas qui nous séparaient encore et me saisit par les poignets.

- Aria, ça fait deux ans que j'attends ce moment, je ne sais pas quoi dire, tu es... je suis...

Je fais un pas en arrière, libérant ainsi mes poignets de son emprise.

- Aria, qu'est ce que tu fais... Dit-il, paniqué.

- Ne me touches pas, dis-je au bord des larmes.

- Aria... Je suis désolée... Je ne voulais pas...

- Arrêtes !

- Qu'est ce qu'il te prend Aria... Moi aussi ça me fait un choc de te voir là, devant moi et je sais que c'est dur mais...

- Pourquoi tu n'as jamais appelé ? Dis-je violemment en le coupant, sentant soudainement la rancœur qui m'a habitée ces deux dernières années revenir à grande vitesse et se décharger dans mes veines , dans ma chair, dans mon cœur.

- Quoi ? Et pourquoi toi, tu n'as pas appelé ?

- Pourquoi ? Peut-être parce que tu as fait comme si j'étais morte ! Dis-je, sentant la rage m'emplir de toutes ses forces.

- Pardon ? Je t'ai envoyé des centaines de lettres ! Je suis même venu devant chez toi !

- Menteur ! Dis-je en criant.

- Je ne suis pas un menteur Aria, et tu le sais !Écoutes moi ! Dit-il s'approchant à quelques centimètres de moi, s'emparant à nouveau de mes poignets.

- Lâches-moi !

- Non ! Tu vas m'écouter ! Je t'ai envoyé une lettre chaque jour pendant dix mois, je n'ai jamais eu de réponses ! Alors, je suis venu ! Elisabeth a appelé les flics et je me suis retrouvé en garde à vue. Elle a déposé une plainte pour harcèlement et elle a mit en place une mesure d'éloignement. J'ai vu ta signature sur la demande Aria ! Je l'ai vu de mes propres yeux ! Alors ne me traites pas de menteur ! C'est toi qui fait comme si j'étais le seul coupable alors que tu sais que c'est faux !

- QUOI ?! Mais je n'ai jamais rien signé ! Tu dis n'importe quoi ! Lâches moi tout de suite ! Dis-je tentant de me libérer de son emprise.

- Et mes lettres alors ??!

- Je n'ai jamais reçu de lettres Adam ! Rien ! Dis-je, les larmes roulant à présent le long de mes joues.

- Jures moi que tu n'as jamais signé ce papier !

- Je n'ai jamais vu ce foutu papier ! Je te le jure ! Je n'ai jamais su que tu étais venu !


Il lâche soudain mes poignets et laisse tomber sa tête au creux de ses mains, tout en faisant les cents pas, il serre les poings et je vois son visage se tordre sous la colère, cette colère que je connais si bien et qui m'anime moi aussi en cet instant.

- C'est cette garce d'Elisabeth ! Elle a interceptée mes lettres et a signée la mesure d'éloignement à ta place ! Je n'y crois pas ! Comment aie-je pu me faire avoir comme ça ?! Dit-il en frappant violemment la colonne de son pied droit.

Incapable de sortir un mot, je laisse ce qu'il vient de dire parvenir peu à peu à mon esprit.

- J'aurai dû savoir que tu ne me ferais jamais ça ! J'aurai dû comprendre ! Non mais quel con ! Lance t'il la rage au ventre, faisant à nouveau les cents pas, le visage au creux de ses mains.

Ma tête se met à tourner à nouveau et tout ce qu'il vient de dire me percute enfin de plein fouet, je saisie peu à peu chacun de ses mots et ce qu'ils signifient. Pourtant, la colère m'abandonne, laissant place à une atroce douleur qui saisie chaque parcelle de mon corps. Mes jambes cèdent et je m'écroule à terre. Le souffle court, je ferme les yeux, n'ayant qu'une seule envie, disparaître.

- Aria !!

La voix si familière d'Elisabeth me fait redresser la tête, je croise le regard d'Adam et j'y perçois la même douleur qui vient de me saisir, la même détresse. Puis, en un éclair, je vois la haine s'emparer de lui, ses poings se crisper et son visage se tordre de nouveau sous la colère.

- DEGAGES !!! Hurlais-je, sans même reconnaître ma voix.

- Aria ! Est-ce que ça va ? Qu'est ce qu'il t'a fait ?? dit-elle en s'approchant de moi.

Je me redresse précipitamment et me rue vers elle.

- Dis-moi que c'est faux ! Dis-moi que tu n'as pas fais ça ! Criais-je en pleurant.

- Tu es complétement déboussolée Aria ! Allez viens, on rentre ! Répond t'elle en m'agrippant le bras. Je la repousse violemment et fais un pas en arrière.

- Alors c'est vrai ? Tu as volé mes lettres !! Tu as imité ma signature ? Mais comment as-tu pu faire une chose pareille ?

- Aria, tu es mal en point, on parlera de ça à la maison ! Me supplia t'elle.

- NON ! MAINTENANT !

- Écoutes, après ce qui t'étais arrivé, tu étais au plus mal, je ne voulais pas que ce pauvre type vienne encore gâcher ta vie ! Je l'ai fait pour toi ! dit-elle, haussant le ton.

- C'est de moi dont vous parlez là ? Intervient Adam.

- Oui parfaitement ! Tu ne l'as pas suffisamment fait souffrir, il fallait que tu recommence, ça t'amuses n'est ce pas ?

- TAISEZ-VOUS ! Vous m'avez empêché d'être là pour elle, vous m'avez empêché de la voir, de lui parler et vous oser dire que c'est moi qui l'ai fait souffrir ?

- Le mal était fait !!! Crie Élisabeth. Vous aviez déjà pourri sa vie ! Je n'allais pas vous laisser continuer !

- Vous n'avez jamais pris la peine de nous comprendre, de comprendre notre amour, vous vouliez juste garder l'emprise que vous aviez sur elle ! Vous ne lui avez laissé aucun choix , ni à elle , ni à moi , alors que ça ne vous concernait en rien ! C'est vous qui l'a faite souffrir depuis qu'elle est gosse ! Dit-il la saisissant par le bras.

- PARDON ? Vous êtes bien comme je le pensais ! Un lâche qui reporte la faute sur les autres ! Maintenant lâchez-moi où j'appelle la sécurité !

- ARRÊTEZ !!! hurlais-je, revenant de nouveau à moi.

Tous deux me dévisagent, les larmes coulant à flot, je me sens étouffée, je n'arrive plus à respirer, ma vision est trouble, et j'ai mal . J'ai mal au corps, j'ai mal au cœur. Je ne peux rester là une seconde de plus. Je me mets à courir, vite, très vite. Je cours, essoufflée, les larmes glissant sur mes joues. J'avance sans me retourner, laissant leurs cris se dissoudre peu à peu dans le silence. Je cours en regardant droit devant moi, la tête étouffée par toute ses révélations. Je cours, sentant mes poumons me faire souffrir, je crie, je libère toute cette haine qui me hante. Au bord de l'évanouissement, je m'arrête enfin. Le long de la seine, je m'agrippe au lampadaire.

Lorsque les larmes ont cessées de couler, elles ont laissées place au vide. Cet immense vide, ce rien, ce néant. Airant dans les rues tel un zombie, les heures ont passées et le jour commence à se lever. Je ne sais pas où aller alors je marche, sans but précis je me laisse aller, je me livre aux démons enfouis en moi. La noirceur s'empare de mon être et je ne peux m'empêcher de penser à mes parents, que penseraient-ils de moi ? Je regrette tellement ne pas avoir été dans cette voiture avec eux. Je les déteste, eux, Élisabeth, Adam. Je les hais tous. Est-ce ça ma destinée ? Est-ce ainsi que doit être ma vie ? Pourquoi dois-je autant souffrir ? Pourquoi on ne me laisse pas tranquille ? À bout de force, je m'écroule sur un banc.

Les yeux rivés dans le vide, les larmes jaillissent à nouveau. Incapable de m'arrêter, je me recroqueville sur moi même et me laisse aller. Espérant me réveiller de ce cauchemar qui dure depuis le jour où mes parents m'ont abandonnés, je reste ainsi pendant des heures. Attendant que tout cela s'arrête, espérant au plus profond de mon être que mes parents viendront me chercher, que je me réveillerai et que ces dix dernières années n'auraient été qu'un terrible cauchemar.

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