ENGAGÉE - CHAPITRE 30

Ma mère était là, assise à une longue table face à Sergueï, vêtue de son long manteau beige, comme la seule fois où je l'ai vue. Ils discutaient, il me semble qu'ils se disputaient.

" – Comment oses-tu Sergueï ?! Comment oses-tu me dire avec qui j'ai le droit d'être ?!

– Tu es avec moi, cela fait dix ans que c'est ainsi et ça ne changera pas !

– Si ! S'écria ma mère, se relevant de la table.

– Ah oui ? Et de quel droit ?

– Tu n'as jamais voulu rendre publique notre relation ! C'était toujours : "non, ce n'est pas le moment" ou alors : "c'est mieux que nous restions cachés" !

– Tu sais très bien pourquoi j'ai fait ça !

– Non ! Non, je ne le sais pas !

– Je ne voulais pas... Je ne voulais pas...

– Des qu'il s'agit d'amour, ta dignité reprend le dessus et plus rien ne sort de ta bouche ! A croire qu'elle ne sert qu'à endoctriner les plus faibles !

– Non c'est faux ! Je les fais pour que personne ne tente de nous séparer pour me nuire !

– C'est trop tard Sergueï ! T'as jamais été capable de me considérer comme ton égale, tu ne m'as jamais rien expliqué... Je pars, je n'en peux plus..."

Ma mère était troublée, véritablement émue, quelques larmes perlaient de ses yeux bleus et d'une certaine manière, elle semblait supplier Sergueï de la retenir. Les deux ne se quittaient pas des yeux, Sergueï semblait sur le point de dire quelque chose quand une voix extérieure, celle de mon père, que je pourrais reconnaître entre milles, rompit le lien qui les unissait du regard.

"– Karina, tu es prête ?"

Ma mère se tourna vers mon père, folle d'inquiétude. Son regard passait de Sergueï à lui sans cesse, puis son regard se bloqua sur Sergueï qui se levait doucement.

"– Alors toi ! J'en fais mon affaire, murmura-t-il en s'approchant de mon père, tenant dans sa main gauche un revolver."

Il le lève, et sa main s'approche de la détente, je crie alors que l'image devant mes yeux devient floue.

– Marina ! M'appelle Bastian face à moi.

– Bastian, je soupire en le serrant dans mes bras.

– Tout va bien, tout va bien ! Où sont tes affaires nous devons partir ?

Je m'écarte de lui, tremblante, pour attraper mon sac à dos. Il le prend et me tire en bas sans que je puisse jeter un regard derrière. Nous sortons en trombe de la maison et Bastian s'écrit :

– On peut y aller !

Alfonso, lui et moi montons dans une voiture et les autres en prirent une autre. Le premier me donne mes faux papiers, puis démarre alors que Laura enflamme la maison dans laquelle de l'essence avait été jetée. Il quitte en trombe la zone enflammée et nous descendons la colline que surplombait notre maison, suivis durant les premiers mètres par Laura et les autres. Je jette un regard par la fenêtre teintée de la voiture, le brasier créé par les autres me fait frissonner. Quelques minutes plus tôt, j'étais à l'intérieur en train de dormir...

J'ai extrêmement peur de passer la douane, j'espère que Bastian n'a caché aucune substance illicite dans le coffre... Mais au fond de moi, je me doute que non, je vois mal Bastian être aussi insouciant; après tout nous sommes trois dans cette voiture dont deux recherchés activement par la police – je parle de Bastian et moi. Je sais cependant que son arme est cachée dans la ceinture de son pantalon. Je cale ma tête contre la vitre noircie de la voiture, mes paupières sont lourdes, elles commencent à tomber toutes seules ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'il est une heure du matin. C'est ainsi que je sombre dans le sommeil, la main serrée contre l'arme que j'ai cachée sous mon sweat noir.

*
Je suis réveillée par le bruit crissant des freins de la voiture, je me relève et mon regard se tourne vers Bastian avec inquiétude :

– Où sommes-nous ?
– A la frontière avec la Suisse, répond-il le regard froid.
– Nous roulons depuis combien de temps ?
– Cinq ou six heures, m'informe-t-il, les yeux rivés sur la barrière de la douane où nous attendent deux policiers italiens à en juger par leurs uniformes.

Je commence à paniquer et m'enfonce dans mon siège en voyant la main de Bastian se rapprocher lentement de son arme. Alfonso conduit jusqu'à la barrière, mon dieu mais comment pouvons-nous espérer que cette histoire se finisse bien avec une voiture aussi discrète que celle-ci ? Nous avons un van noir aux vitres entièrement teintées. L'un des douaniers s'avance et nous fait signe d'ouvrir. Alfonso descend la vitre, je me cache tant bien que mal derrière son appui-tête mais mes efforts sont vains, ses yeux me fixent longuement :

– Qu'est-ce qu'une si jolie fille fait-elle avec deux voyous comme ça ? Me demande-t-il avec un clin d'œil qui me retourne l'estomac.

Je le regarde sans me laisser démonter, bien que je n'ai qu'une envie intérieurement : me cacher derrière la carrure imposante de Bastian ou Alfonso...

– Madame, Messieurs, veuillez sortir du véhicule, je vais procéder à une fouille.

Ce mec me dégoûte, il ne m'inspire pas du tout confiance. Je regrette beaucoup que son collègue soit parti s'occuper d'une autre voiture. Bastian descend, je le suis, plus intimidée que jamais. Le douanier nous plaque tous les deux contre la voiture alors qu'un de ses collègues accourt pour s'occuper d'Alfonso. Le douanier qui me dégoûte profondément me colle contre le capot de la voiture, il est si près de moi que je peux sentir son haleine puant la cigarette. Ses mains, à quelques centimètres seulement de mon corps, ne m'inspirent pas confiance, je croise le regard de Bastian qui semble peiner à garder son calme et a ne pas sauter à la gorge des deux douaniers.

– Bouge pas, chérie, m'intime le douanier avant de s'écarter.

Il s'avance vers Alfonso et commence à le palper, il me semble qu'il n'est pas armé, mais ce n'est pas le cas de Bastian et encore moins le mien. Je sais ce qu'il va se passer... Je sais qu'il faudra que je me couche au sol dès que le douanier aura découvert l'arme glissée sous mon sweat. Heureusement pour nous, Alfonso ne portait pas d'arme, le policier passe donc à Bastian. Je me retiens de respirer pendant toute la durée de la fouille, mais alors qu'il arrivait à la fin, le douanier se met à rigoler :

– Je savais bien qu'il se passait quelque chose...

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