Chapitre 89
Je me décide à abandonner ma surveillance de doigts pour me concentrer sur les sons que j'entends depuis le couloir. Mon mouvement soudain réveille la femme endormie sur mes genoux.
- Merde je me suis endormie, souffle-t elle à moitié réveillée en se relevant, frottant ses yeux de la même manière qu'avant avec ses indémodables manches trop longues.
- Aucun problème, lançais-je en tendant l'oreille vers les pas lourds qui avancent et dont l'amplitude augmente de plus en plus.
- Ma position a sûrement du te déranger durant toute la nuit, rit-elle en s'étirant.
- Nan ça peut aller, souriais-je. Tu m'as tenu chaud.
Je reçois une tape amicale derrière la tête alors que le rire éclatant d'Aimée me fait frissonner. Ça ressemble beaucoup à celui de Samar, beaucoup trop et ça me fait mal.
Je ris avec elle pour effacer mon rire quelques secondes après, comme si avoir un moment de distraction était une trahison pour le malheur qui sommeille dans cette chambre. Comme si rire était un manque de respect envers la douleur que ressent sûrement Samar, endormie comme un mort sur ce lit.
- J'avais tord, sort-elle. Elle n'a pas bougé de toute la nuit.
Elle regarde le lit avec une tristesse profonde.
- Elle va bouger bientôt ne t'inquiète...
Le bruit de la porte qu'on toque me fait lever du canapé. C'est sûrement le bruit de pas que j'avais entendu il y a quelques instants. Et si j'ouvre la porte et que je tombe sur Wilkerson, je ne pourrais pas compter les infirmiers pour me calmer.
J'ouvre la porte en préparant mon poing que je serais ravi d'enfoncer dans la sale mâchoire de ce salaud de Wilkerson, quand je vois une personne tout aussi salope, tout aussi hypocrite mais sur lequel mon poing refuse de frapper.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Sifflais-je en chuchotant.
- Tu ne réponds pas aux appels de ta mère alors je suis venu.
Je toise mon père un instant avant de me retourner vers Aimée qui attend que je lui dise qui est l'heureux visiteur de ce soir.
- Je peux entrer alors ? Demande mon père.
- Entrer ? Je lâche un rire moqueur. Je veux pas que tu empestes la chambre avec ton odeur d'alcool répugnante, c'est pas ça qui nous manque. On descend à la cafétéria et tu me dis ce que tu veux vite fait car j'ai pas de temps à perdre.
Je jette un regard à Aimée lui disant que je reviens, et ferme la porte derrière moi et mon géniteur.
***
- Alors ? Sortais-je en faisant claquer mes ongles sur la table de la cafétéria de l'hôpital.
- Mmm... ce café est meilleur que celui de ta mère.
- Tu vas me dire ce que tu veux rapidement avant que ce café se retrouve sur ta sale gueule !
Il me lance un regard amusé en souriant en coin.
- C'est comme ça qu'on remercie son papounet ?
Il accompagne ses mots d'un dossier qu'il fait glisser de son côté de la table jusqu'au mien.
- Qu'est-ce que c'est ? Soufflais-je en regardant les papiers.
- Tout ce dont tu as besoin pour faire arrêter Wilkerson, me dit-il comme s'il parlait de la pluie et du beau temps, alors que ses paroles me font l'effet d'un seau d'eau glacée qu'on me jette en plein visage.
- Quoi ? Alors tu veux me faire croire que tu es prêt à te faire arrêter aussi facilement que ça ?
Il sort un rire qui me glace le sang. Un rire grésillé par le tabac et l'alcool qui collent à sa gorge. Un rire moqueur qui me fait regretter les doux instants où je pouvais librement le frapper sans avoir des infirmiers partout prêts à m'attraper si je dégénère.
- Je ne regrette rien de ce que j'ai fait. Je rêvais de la vie luxueuse depuis mon enfance. Depuis que j'ai rencontré ce fils de pute de Wilkerson, j'ai su qu'il allait être mon laisser-passer à la vie de l'or et du moderne. Je voulais avoir ce laisser-passer à tout prix, et je l'ai eut. Je savais que ta mère et toi alliez refuser vivre du malheur des autres et que vous alliez même me dénoncer aux flics, mais moi je n'avais aucun problème de vivre aux dépends des autres. Faut savoir être rusé pour pouvoir vivre, et jeter sa conscience aux ordures, c'est ce que j'ai appris durant mes longues années d'existence.
Il marque une pause, me laissant regarder avec horreur les papiers tout à fait vrais, prouvant visiblement que le business de Wilkerson n'était pas du tout clean.
- Mais bon, j'ai vécu ce que je voulais vivre. J'ai accompli mon but alors mieux vaut t'aider à accomplir le tien que d'attendre à ce que tu le fasses sans mon aide. Je suis sûr qu'avec ta rage et ta soif de vengeance tu pourrais emprisonner Wilkerson dans quelques temps, surtout si ta copine ne survie pas.
Je serre les dents afin d'éviter de me jeter sur ce vieux fou qui n'a aucun problème de parler ainsi d'une jeune fille qui est sur le point de mourir, et essaye de me retenir pour qu'il continue ses paroles surprenantes.
- Mieux vaut t'aider et entrer en prison avec dignité, et en sortir plus rapidement vu que je vous ai aidé a emprisonné la tête du business, plutôt que d'être emprisonné à vie et ne plus jamais en sortir. Tu vois la tactique ? Tu tiens ton intelligence de ton père, sort-il en riant.
- D'où tu as cherché ces papiers ?
- Ils sont avec moi depuis quelques temps. Je savais que ce salaud attendrait la moindre occasion pour se débarrasser de moi, alors j'ai volé ces quelques papiers afin d'avoir une arme puissante garantissant qu'aucune épine ne viendrait me toucher: le chantage. Observe, ces papiers racontent chaque business d'organe, chaque exportation illégale d'organes, et d'autres trucs que tu n'aimerais même pas savoir.
Il attend calmement que je regarde les papiers avec une main plus tremblante que jamais. Je feuillette les papiers, mais je ne vois rien, un choc surprenant fige mon cerveau, je ne peux penser à rien, à rien du tout.
- Ce n'est pas le retournement de situation auquel tu t'attendais hein ? Rit-il.
Je lève mon regard et voit un sourire béa sur les grosses lèvres de mon père.
- Tu ne t'attendais quand même pas à ce que ma conscience prenne le dessus et que je vienne te demander pardon, si ?
Un rire sort de sa bouche alors qu'il me regarde.
- Sûrement pas, je ne suis pas assez bête pour croire que tu as encore une conscience.
- C'est bon à savoir, sourit-il. Allez prend ces papiers avant que je ne change d'avis, sort-il en mettant sa main sur ma joue.
- Enlève ta sale main moite avant que tu ne la perdes, sifflais-je en serrant les dents.
Il rit mais enlève rapidement sa main.
- Quel beau sentiment de se faire insulter par son propre fils, rit-il.
- Crois moi c'est encore plus beau de se faire trahir par "son propre père", répliquais-je en mimant les guillemets avec mes doigts.
Un silence se pose entre nous alors que je fais un effort pour me concentrer sur ces quelques papiers entre mes mains, qui vont sûrement changer toute ma vie... et celle de Samar espérons-le.
- Bon, j'y vais, ta mère me prépare ma valise de prison.
Il se lève et pose sa tasse de café vide sur la table.
- Attends, sortais-je sans quitter les papiers des yeux.
Il se retourne et me regarde.
- Merci quand même...
Cet homme ne l'avoue peut-être pas, mais il pouvait garder ces papiers pour lui, rien de l'empêchait de les cacher chez lui, ou même de s'enfuir hors du pays. Mais il me les a donné, il y a donc quand même une petite lueur de gentillesse en lui, même s'il ne l'avouera jamais. Moi non plus d'ailleurs...
- Tu me remercies ? Lance-t il d'un ton moqueur.
- Je suis meilleur que toi oui, souriais-je.
Il lâche un rire avant de m'ébouriffer brutalement les cheveux de sa main moite.
- Alors de rien, souffle-t il en partant sans se retourner.
***
- Elle va se réveiller j'en suis sûr, lançais-je à Aimée en rentrant dans la chambre.
Je m'assoie sur la chaise près du lit pour prendre les mains glacées de Samar entre les miennes.
- J'espère bien, sourit-elle pas très convaincue.
Elle va se réveiller. Les papiers sont un signe. Elle va se réveiller et je vais dessiner un magnifique sourire sur son visage en lui disant que tout ne s'est pas passé pour rien, que sa blessure n'a pas été pour rien, qu'il va bientôt se mordre les doigts pour avoir osé vouloir tuer sa propre fille !
Il va s'en mordre les doigts, et elle va se réveiller, et tout s'arrangera.
Ces papiers m'ont donné un espoir infini. Comme un chargeur rechargeant un téléphone dont la batterie était presque vide, avoir enfin la possibilité d'emprisonner Wilkerson a rechargé toute mon énergie et mon espoir.
J'attendrais que Samar se réveille, pour tout faire ensemble. Nous avons commencé ce problème ensemble et nous le terminerons ensemble.
Car elle va se réveiller, j'en suis persuadé.
***
Les jours passent aussi lentement qu'une goutte d'eau coulant le long d'un pare-brise.
Lentement, très lentement, et gardant une trace de son passage sur chacun d'entre nous.
Cela fait plus d'une semaine qu'elle n'a toujours pas bougé.
Madame Wilkerson s'affaiblit à vue d'oeil. Si je me permet quelques passages à la cafétéria pour reprendre des forces, elle ne se le permet pas.
Elle n'a pas la force d'entrer voir sa fille dans cet état, elle reste donc assise dans le couloir, le visage entre ses mains.
Si ce n'était pas des quelques biscuits que Mathilde et Lou ont réussi à la faire manger rapidement, madame Wilkerson serait déjà morte.
Mathilde et Lou restent à côté de la mère, veillant à ce qu'elle ne fasse rien de dangereux.
Aimée, elle reste aussi dans la chambre de Samar, assise sur le même canapé pendant des jours, m'accompagnant parfois durant mes descentes rapides à la cafétéria, ou bien attendant que je lui ramène un café vivifiant.
Quant à moi, je reste la plupart de mon temps assis près du lit sur une chaise en plastique. Les longues nuits passent plus rapidement quand je suis assis aussi près que possible de Samar.
La huitième nuit approche et je ne change pas de position, penché près du lit, sa main entre les miennes et la tête reposant sur les genoux de cette femme qui est trop jeune pour mourir.
Beaucoup trop jeune.
-----------------------------------------------------
Hey !!!
Un chapitre que j'ai adoré écrire !
J'espère que vous avez aimé le lire !
Enfin !!! Jonathan a enfin des preuves sur la culpabilité de Wilkerson !!
Mais ces preuves peuvent-elles le rendre heureux alors que son amoureuse est entre la vie et la mort ?!
#Sadique_et_fiere
Je publie rapidement comme avant pour éviter de beaucoup trop vous laisser dans le suspens :).
#Sadique_mais_gentille
En multimédia: Notre Jonathan !!
(Rectification: Le Jonathan de pimouse (elle m'a obligé à le dire !))
Allez, peace ! Et au chapitre prochain !!!
~M.F~
------------------------------------------------------
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top