Chapitre 75

6:45

Ma tête est lourde, le doux visage de Samar qui me refroidissait pendant tout ce temps disparaît lentement alors que l'atmosphère se fait de plus en plus suffoquante sans elle. Ne plus voir son visage qui me souriait pendant un long moment me fait de nouveau sombrer dans ma lourde réalité humide, chaude et serrée.

Elle disparaît maintenant complètement alors que je me sens de plus en plus fatigué, laissant mes poumons profiter pleinement de ces quelques souffles d'oxygène qui me restent. Je ne ressens plus du tout mes bras, je préfère ne même pas y penser car ça ne fait qu'augmenter mon désir de mouvement, et donc d'augmenter ma souffrance.

- Jonathan ?!?!?

Ce cri me ramène lassement au monde extérieur qui m'entoure. Peut-être suis-je déjà mort. Peut-être que le manque d'oxygène me fait halluciner et que je respire maintenant mes derniers souffles avant de quitter cette vie vers une vie meilleure...

- JONATHAN !!!

Cette voix me rappelle des vagues souvenirs, des souvenirs d'enfance. J'étais si heureux... si serein... je ne dérangeais personne, et personne ne me dérangeais... si seulement je pouvais retourner à cette vie là, si seulement je pouvais effacer la souffrance que j'ai fait aux autres... si seulement je pouvais retourner en arrière et ne pas prononcer un seul mot qui pourrait effleurer le cœur des personnes que j'aime...

- Jonathan, je suis là !! Réponds-moi je t'en supplie !!!

L'appel se fait de plus en plus proche, j'entends des pas s'approcher rapidement. Et cela me ramène à la raison alors que je commençais à pencher de l'autre coté de la Balance.

- Alex, lançais-je sans avoir la force de hausser la voix. Alex, je suis là !

Les bruits s'arrêtent net, et j'attends... j'attends comme si mon destin allait être décidé à cet instant. Et c'est peut-être bien le cas... Les bruits de pas s'accélèrent, et se transforment d'une marche à un véritable sprint.
C'est le son d'un métal qui m'envoie une faible lumière d'espoir. Ce n'est pas une illusion, ce n'est pas un mirage, il y a vraiment quelqu'un qui m'appelle !!

Les quelques secondes qui passent mélangent l'espoir à la peur extrême: Soit quelqu'un est véritablement en train d'essayer de me sortir de là, soit je suis en train de vider ma tête de toutes les pensées pour enfin pouvoir mourir en paix, la tête vide... J'ai vécu toutes mes années de liberté à courir après ma vengeance, à essayer de faire tomber un immense rocher à l'aide d'une petite aiguille... Je ne suis rien, comment pensais-je qu'un insecte comme moi pourrait arriver au niveau d'un monstre comme lui ?

6:53

Un faible faisceau de lumière m'aveugle alors que le cercueil s'ouvre...

- Jonathan ! Oh bordel de merde ! Hurle-t-il paniqué.

Ma langue se noue alors que je me retrouve face au monde extérieur après m'être retrouvé au seuil de l'Enfer pour une durée de temps qui me semble indéterminée. Une silhouette se dresse devant moi, et se penche rapidement pour m'aider à me relever. Je sens ses mains tremblantes et ses genoux flageolants alors qu'il s'agenouille devant moi. Je retrouve enfin ce sentiment si merveilleux de pouvoir remplir pleinement ses poumons, de pouvoir bouger !! On ne connait vraiment pas la valeur de ce qu'on a que quand on le perd.

Nous nous relevons ensemble. Lui, affolé et semblant bien n'avoir aucune idée de ce qui arrive. Moi, plein de terre, le visage en feu, les membres fragilisés et le morale qui est resté sous-terre...

- Jonathan mais répond-moi bordel ! Qu'est-ce qui t'es arrivé, tu es là depuis combien de temps ?! Lance Alex en me prenant violemment par mes épaules endolories.

Mes pensées sont encore bien trop perdues pour pouvoir répondre. Je tourne les talons lentement et observe le trou à quelques pas de moi, faisant exactement ma taille, et le cercueil traînant au plein milieu du trou, dans lequel j'étais emprisonné. Mon attention est attirée par une pierre tombale très modeste placée devant le trou.

Cette pierre tombale portait mon nom.

- Jonathan, tu m'inquiètes... lance Alex derrière-moi.

Je reste debout à fixer la pierre où est inscrit mon nom, mais aussi un message: "Reste en paix Sagara, et ne m'oublie surtout pas"...

Je ne pensais jamais que voir cette vision ferait battre mon cœur à une telle vitesse. Si Alex n'était pas arrivé à temps, cette pierre tombale aurait pu être exacte, et ce cercueil aurait été le mien...
Voir sa propre pierre tombale est vraiment déstabilisant, à croire qu'un simple morceau de pierre peut vraiment décider du destin d'un jeune homme. Je ne sais plus quoi penser, je ne sais plus quoi faire, ni quoi dire... je ne fais que regarder cette pierre en tremblant, écrite par le pire Homme qui a jamais existé.

- Un numéro inconnu m'a envoyé le nom de ce cimetière ainsi que la photo d'une pierre tombale portant ton nom... je suis venu aussi vite que j'ai pu, mais qui a fait ça ?! Dit moi John ! Supplie-t-il en empoignant mes épaules et les secouant vivement, essayant de me ramener à la logique.

- Il est quel heure ? Demandais-je sans quitter la pierre des yeux.

Le regard d'Alex s'agrandit alors que je repose mes yeux sur lui.

- Sept heure moins dix, lance-t-il en me regardant inquiet.

Wilkerson...

Je m'élance tel un taureau en furie à l'extérieur du cimetière vide, traversant les différents passages avec une vitesse qui semblait impossible vu l'état de mes membres. Le craquement des feuilles mortes sur le sol s'harmonise parfaitement avec les battements de mon cœur et le sifflement de mes poumons qui reprennent de la vie. Je saute tel un enragé entre les arbres et les tombeaux, avec Alex à mes trousses, qui est aussi surpris que moi de mon soudain élan de furie. Sa voiture se dresse maintenant devant moi devant l'entrée du cimetière.

- Mais où tu vas putain ?! Tu vas me répondre oui ou merde ?! Crie-t-il à bout de souffle.

- Donne-moi tes clés, sifflais-je en le brûlant du regard.

- Mais qu'est-ce que tu veux fa...

- Alex je t'en supplie donne-moi tes clés ! Criais-je désespéré.

Il me regarde un moment qui me semble être une éternité. Je soutiens son regard, debout près de la voiture, attendant sa décision alors que son regard se fait de plus en plus dur. Mon torse se soulève rapidement, essayant de redonner l'énergie à mon corps mourant pour essayer d'égaliser celle de mon esprit qui regorge de furie et de colère. Il sait bien que je trouverais un autre moyen de partir d'ici à toute vitesse, avec ou sans sa voiture. Mais il sait aussi que rien de bon ne va sortir de moi, surtout dans cet état.

Le son des clés qu'il sort de sa poche ramène la poussé d'adrénaline en moi alors que j'attrape le morceau de métal qu'il lance comme s'il s'agissait du plus grand trésor que je pouvais recevoir.

Je le regarde intensément et le remercie. Cet homme a été ce qui se rapproche le plus d'un frère pour moi, il m'a relevé à chaque chute, et je sais que quoique je fasse, j'aurais toujours une dette envers ce frère qui recolle toujours les pots que j'ai cassé après chaque connerie que je fais...

J'appuie fermement sur le champignon et roule à une vitesse phénoménale, laissant Alex seul près de la grille du cimetière, n'ayant qu'appeler un taxi comme seul moyen de retour.

***

Le regard que me lance les employés m'en dit assez sur l'état de mon apparence. Les cheveux blonds ébouriffés et sales, le costume plein de terre et le corps plein de sueur ne s'accordent pas avec l'ambiance élégante et distinguée de l'entreprise. Sans compter ma course vers les escaliers qui ressemblerait étrangement bien à la course d'un lion vers sa proie si mon état n'était pas aussi pitoyable. Si je n'étais pas un des gérants de cette entreprise, les vigiles m'auraient sûrement laissé dehors.

Je monte les escaliers quatre à quatre, et traverse le couloir avec fureur, pour enfin fracasser la porte du bureau du diable en personne qui se tient à présent devant moi, pas vraiment surpris, ses lèvres étirées en un sourire narquois qui ne me laisse pas vraiment de sang-froid.

Mon air "à deux doigts de la crise de nerf" semble jouer un effet considérable vu que les deux hommes de mains qui étaient postés aux deux cotés du bureau s'approchent lentement de nous deux.

Un grand moment de silence s'impose entre Wilkerson, qui reste posté comme un con devant son bureau, les mains dans les poches avec un air railleur, et moi, qui reste droit malgré le mal atroce de mes jambes restées immobiles pour bien trop longtemps.

- Ton ami est venu juste à temps à ce que je voix, ricane-t-il aux bords du fou rire.

- Tu as bien raison de poster tes chiens ici sale connard !!

Les hommes de main n'ont pas eut le temps de réagir que mon poing s'imprègne dans la mâchoire de leur maître. Je profite de la surprise des deux hommes pour lancer encore deux bons coups sur le visage de cette ordure.

Il vient de lancer une petite étincelle dans la mer de benzène que je suis. Rien ne pourra m'arrêter cette fois-ci, je ne sortirais de ce bureau que quand j'en aurais envie.

Je n'ai plus rien à perdre...

Les deux gros bras viennent m'attraper à temps avant que son visage ne soit complètement déformé.

- Lâchez-moi imbéciles !! Hurlais-je en me détachant des deux hommes. Tu m'as enterré vivant espèce de salaud !

Je regarde mon adversaire sans bouger le regard. Nous nous toisons un long instant. Je lui ai fait perdre son sourire alors qu'il essaye de garder une certaine fierté après que j'ai transformé son visage en sac de boxe.

Il est cruel au point de laisser un homme pourrir pour des heures comme un vulgaire mort dans un cercueil. Il est cruel au point d'inscrire le nom d'une personne toujours vivante sur une pierre tombale, et d'y écrire un message qui ne pourrait que détruire n'importe quelle personne. Il ne peut sûrement pas être né d'un homme et d'une femme comme tout les êtres sur cette Terre ! Il a détruit ma vie il y a sept ans et s'acharne toujours à me tenir en vie et à m'envoyer des coups plus forts les uns que les autres ! Ce n'est pas humain de trouver un plaisir malsain dans les malheurs des autres ! Ce n'est pas humain de rire devant un homme qui était à deux doigts de quitter ce monde ! Ce n'est pas humain de détruire la seule lune dans la nuit d'un homme qui ne cherche qu'à être heureux au moins une fois dans sa vie, et de lui arracher la seule chose qui le faisait sourire ! Ce n'est pas humain !

IL n'est pas humain !

- Tu n'es pas humain, sifflais-je les yeux humides. Tu as tout détruit... tout.

Il me regarde, un air amusé au visage.

- Tu as gâché ma jeunesse, tué mes rêves, détruit mon ambition il y a huit ans de cela. Tu as massacré tout ce que j'étais, et maintenant tu empoisonnes tout ce que je suis et condamnes à mort tout ce que je pourrais être, murmurais-je. J'ai essayé de me relever et tu m'as fait redescendre sous-terre.

- Mais ne soit pas si dramatique John, lance-t-il en souriant. Tu as été un très bon adversaire Jonathan. Mais c'est la fin du round, et j'ai gagné, sourit Wilkerson.

Ses lèvres sont toujours souriantes alors qu'il passe ses mains derrière son dos.

- Tu sais ? Le Grand Requin Blanc peut détecter la moindre goutte de sang dans cent litres d'eau, continue-t-il. Il peut rester jusqu'à trois mois sans nourriture... mais quand il passe à l'action, ses trois cent dents peuvent réduire à néant n'importe quelle créature en quelques secondes, lance-t-il en me brûlant du regard. Je suis un requin blanc, siffle-t-il. Je suis patient, et quand je passe à l'action personne ne peut me tenir tête, et tu viens de voir le résultat... Tu a failli mourir il y a quelques minutes, et croit moi: Je connais bien ma fille et elle ne pourra jamais te pardonner... jamais.

- J'ai gâché ma vie pour essayer de me venger de quelqu'un comme toi. J'ai perdu la personne à qui je tenais le plus au monde à cause de toi, et je ne pourrais peut-être jamais la récupérer, sifflais-je anéanti. Tout ce que j'ai fait était une grosse erreur, venir à cette entreprise était une grosse erreur...

Ces hommes, voyant que je suis au bout du rouleau et que je ne suis sûrement plus une menace pour leur maître, reculent lentement alors que je ne quitte pas Wilkerson des yeux.

- J'ai tout perdu à cause de toi, sifflais-je. J'ai perdu mon amour, j'ai perdu ma vie entière à cause de toi. Laisse-moi tranquille, je ne veux plus rien de toi... Plus rien du tout, lançais-je en relevant mes bras en signe d'abandon, et quitte le bureau.

J'abandonne, j'ai perdu, il a gagné. Un soldat blessé ne peut rien contre une armée. Je suis blessé, et j'ai perdu Samar, Samar qui est toute ma vie, ma passion... je l'ai perdue à cause de mon amour de vengeance, et je ne pourrais pas recoller les morceaux alors que je suis toujours acharné à lui faire payer...

Qu'il aille se faire foutre, je ne peux plus me battre alors que la moitié de mon cœur est arrachée, et que l'autre moitié saigne sans arrêt...

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Jonathan a pris une grosse décision aujourd'hui, mais renoncera-t-il si facilement à la vengeance qu'il préparait pour plus d'un an ?

Samar va-t-elle lui pardonner si facilement ? Ou bien ma sadique-attitude va encore faire son apparition ?

Personne ne le sait, à part moi bien évidemment :p.

En multimédia: Jonathan et sa pierre tombale.

Allez, peace !

~M.F~
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