Chapitre 1
Avant. Arrière. Avant. Arrière.
De plus en plus vite. De plus en plus fort.
Évacuer. Sentir le sang gicler. Faire mal.
Tout ça fait partie de mon quotidien maintenant. Ne plus penser. Prendre un couteau, le presser contre mon poignet, et attendre. Attendre que quelqu'un remarque que je vais mal.
Et pourtant, je fais tout pour le cacher. Sourire, bavarder, dissimuler. Tout faire pour que personne ne remarque rien, malgré ce désir que quelqu'un voie enfin que j'appelle à l'aide. Silencieusement.
En attendant, je reprends mon couteau, et frotte. Jusqu'à ce que ma douleur intérieur s'arrête. Sauf qu'elle ne cesse jamais...
*~*~*
8 ans plus tôt :
- Viens par là...
Cette voix me fait sursauter. Grave et sensuel, elle a réussie à faire chavirer ma mère à la première rencontre...
Moi, elle me terrorise. J'ai 7 ans, et mon père fait des choses que je n'aurais jamais du expérimenter si tôt. Jamais...
Je le suis, bien que chaque cellules de mon corps me crient de partir, de fuir cet être qui n'aurait jamais du faire partie de ma vie.
Il fait son affaire, puis retourne au bureau de sa chambre, me congédiant d'un regard.
Dans ma tête, tout se bouscule : dois-je en parler, bien qu'il m'aie fait promettre de garder le secret ?
La tentation est forte, mais je me dit que, puisque ma mère l'a vu et n'a rien dit, je ne dois rien dire non plus. C'est une adulte, elle a forcément raison... Non ?
*~*~*
Aujourd'hui, j'ai 13 ans. A 11 ans, j'ai dénoncé mon père. Je n'en pouvais plus. Émotionnellement et physiquement. Tout mon être me hurlait de le dire à quelqu'un et j'ai choisi ma meilleure amie, qui m'a ensuite convaincue de porter plainte.
Et deux mois après, j'étais devant un juge, à énumérer tout ce qui m'a fait tant de mal, devant des dizaines d'inconnus qui me regardaient tous avec cet espèce de pitié mélangé à du dégoût. Le pire sentiment au monde.
Et aujourd'hui, je suis là. Prête à en finir.
Je m'apprête à le faire. Enfin. Après des années de souffrances, je vais partir, pour ne plus jamais revenir.
Je prends alors le cocktail de médicaments que j'ai préparé, et...
- SOLÈNE !! A TABLE !
Il ne manquait plus que ça. Je soupire, puis repose le tout.
Ça pourra attendre. Si je le fais maintenant, ma mère s'impatientera pour son précieux dîner et viendra dans ma chambre. Si elle me trouve à côté d'une boite de médicament, elle risque de vouloir me sauver.
Ce qui est tout ce que je veux éviter.
Je me dirige alors vers la salle à manger, et engloutit mon repas en quelques minutes, puis retourne dans ma chambre...
Cette fois-ci, c'est la bonne. Je serais enfin délivrée...
Je prends le verre posé devant moi.
Tout en buvant, je pense aux conséquences de mon acte : que va penser ma mère ? Que lui arrivera-t-il ?
Mais ma décision est déjà prise. Je n'en peux plus, il est temps que cela cesse.
Alors que je finis mon eau, l'étau autour de ma poitrine se desserre : je vais enfin partir... Je serais libre.
PDV Félicia ( mère de Solène ) :
Aujourd'hui, c'est le bon. Je vais parler à ma fille.
Cela fait si longtemps que nous nous sommes éloignés... Et c'est de ma faute. Je n'ai pas su la protéger. Si seulement j'avais su ce qu'il lui faisait subir ! Mais je n'ai pas été à la hauteur...
Il est temps que je m'explique. Pendant le dîner d'aujourd'hui, je n'ai pas eu la force de lui en parler. Elle paraissait si préoccupée ! Je n'ai pas voulu la brusquer, je sais qu'elle m'en veut. Je m'en veux aussi, il faut que nous renouions. C'est la seule façon pour elle, pour moi, pour nous d'aller mieux...
Allez, j'y vais.
Alors que je me dirige vers sa chambre, j'ai un mauvais pressentiment. Je me dépêche de pousser la porte, et voit Solène qui dort, étendue sur son lit.
Je soupire de soulagement, lorsque soudain, je manque de défaillir.
Une boîte.
De médicaments.
Non, non, non, non !! Ce n'est pas possible !
Je me presse à ses côtés, et tapote ses joues :
- Solène ? Solène ! SOLÈNE !!
Je hurle à présent. Ma voix se brise à la fin de chaque mot que je prononce.
Mon cœur bat à une vitesse que je ne soupçonnais même pas d'exister. Tremblante, je compose le 18, et explique, comme dans un rêve, la situation.
Je ne relève même pas le ton de jugement que je sens dans la voix du pompier. La seule phrase qui tourne en boucle dans ma tête, c'est :
" Ma fille s'est donnée la mort. A cause de moi. "
Lorsque les pompiers arrivent, je suis à la limite de la crise d'hystérie. Cela fait trente minutes qu'elle est sortie de table, et elle a dû le faire tout de suite.
Trente minutes.
Ils l'emmènent sur un brancard, et me demande si je veux venir avec eux. Je mets quelques secondes à me reconnecter, et hoche la tête vigoureusement.
Je passe la pire nuit de ma vie. Ma fille est en soins intensifs, et je dois attendre sur une chaise en plastique au lieu d'être à ses côtés.
Je finis par me lever, et ère dans l'hôpital, sans but. Je finis par rentrer dans le médecin qui l'a prise en charge. La mine grave, il sort de l'étage des soins intensifs. Lorsque il ouvre la bouche, je vois ses lèvres mimer des mots, mais ne les entends pas.
Alors qu'il répète, la phrase qu'il prononce finit par rentrer dans mon esprit :
- Je suis désolé. Nous avons fait notre possible, mais votre fille est ... Elle est partie.
Autour de moi, les murs semblent tournoyer. Je perds mes repères, tente de m'accrocher à son bras, mais finis par glisser lamentablement au sol.
Et tout devient noir...
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