⛧ 𝟕 ⛧
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Je savais que je le trouverais ici.
Allongé, une jambe en dehors du banc, et l'autre pliée dessus, il semble s'être calmé.
Un bras cachant ses yeux, il respire doucement.
Pourquoi s'est-il mis dans un tel état ?
Juste parce que cet homme me faisait du mal ?
Si je n'avais rien dit, il l'aurait sans doute détruit.
Cela aurait eu des répercussions auprès de son père. Il a agi sous le coup de la colère, il n'y a même pas pensé.
_ Vous me faites une petite place ? murmuré-je, stressé malgré moi.
Ses prunelles totalement noires me hantent encore l'esprit, mais maintenant je sais.
Même s'il est effrayant, et même s'il est capable de tuer n'importe qui, il ne me fera jamais rien.
Il se redresse en un millième de seconde, me regarde intensément durant de bien trop longs instants, et enfin, se relève un peu, juste le temps pour moi de glisser sous sa tête.
Celle-ci retombe lourdement sur mes cuisses, et le sourire aux lèvres, je plonge le regard en lui.
À deux doigts de poser la main sur son visage, il écarte cette dernière avec brusquerie, l'air blasé et incompréhensif à la fois.
_ Qu'est-ce que tu fous ? gronde-t-il.
_ Je suis désolé, soufflé-je, en reposant la main derrière moi. Vous aviez dit être en manque d'attention, alors c'est ce que je voulais vous donner.
_ On a pas la même définition d'affection j'crois, soupire-t-il, en closant les paupières.
_ Vous n'avez juste pas la bonne, osé-je, fixe sur la rose couleur sang au loin.
J'ai l'impression de ne plus l'avoir entendu pouffer de rire depuis un siècle.
_ Tu as vraiment perdu la notion de survie, toi.
_ Pourquoi devrais-je avoir peur pour ma vie ? avoué-je, sereins. Vous êtes là pour me protéger.
Ses dents blanches se dévoilent à nouveau et son rire cristallin s'approprie les lieux.
Souriant et heureux de ce son si pur, je le regarde sans m'en lasser.
Redressé et debout, il se tourne vers moi puis se met en route.
Sur ses talons, je le suis en silence.
_ Tu m'aurais dit que quelqu'un t'avait blessé ? pose-t-il, marchant à un mètre devant moi.
_ Qu'aurais-je dit d'après vous ?
_ Je me suis emmêlés les pieds Maître, je suis désolé, souffle-t-il, agacé.
_ Vous commencez à bien me connaître, pouffé-je, heureux.
_ Ne me mens jamais, ange déchu, claque-t-il, en passant la grande porte. Tu n'as pas mangé ?
_ Ah, n-non, je n'en avais pas la force, avoué-je.
_ Trouve-la maintenant dans ce cas, ordonne-t-il, en partant se changer dans le dressing.
Sans broncher, je m'assieds et commence mon repas, heureux qu'il soit attentionné, même s'il n'osera jamais se l'avouer.
_ Pourquoi avoir réagi aussi violemment, Maître ?
_ Tu deviens vraiment bavard et curieux, serviteur, râle-t-il, en s'écroulant sur le lit.
_ Pardon, pouffé-je, pensant être discret.
_ Insolent et trop familier aussi.
Silencieux, je termine mon repas.
_ Tu m'appartiens, ange. Je ne supporte pas qu'on touche à ce qui m'appartient. C'est un manque de respect envers moi.
Il est de plus en plus enclin au changement, et le pire, c'est qu'il pense avec conviction que ce n'est pas le cas.
Combien de temps encore va-t-il se voiler la face ?
C'est amusant et frustrant à la fois.
_ Maître, soufflé-je, en me levant pour aller me changer. Vous allez sans doute rire mais, soufflé-je, hésitant.
_ Commence déjà par m'affronter si tu veux me demander quelque chose.
Le coeur battant à tout rompre, je termine de me changer, avant d'avancer timidement vers le lit.
Bon.
Eh bien, vas-y Wonho, continue d'être insolent et sûr de toi...
Debout devant le lit, je le surplombe, le regard confiant, mais le coeur sur le point d'imploser et les jambes prêtes à lâcher.
_ J'imagine que changer ne vous intéresse pas, mais peut-être qu'essayer de nouvelles choses vous serait bénéfique, tenté-je, le regard confiant et tremblant à la fois. Je ne sais pas moi, disons pour être moins lassé de tout, et peut-être ressentir de nouveaux sentiments intéressants.
_ Qu'est-ce que tu proposes ? pose-t-il, méfiant.
_ Je n'irais pas jusqu'à dire que je vais vous montrer ce qu'est l'amour, mais je peux vous montrer ce qu'est l'affection, proposé-je, les oreilles rougies.
Un sourcil arqué, les bras croisés derrière sa tête, il me regarde, hautain et perplexe.
_ Me faites-vous confiance ? insisté-je, d'un air que j'espérais persuasif, sincère, et doux.
Figé dans le temps, j'attends de nombreuses minutes, là, debout comme un idiot, de plus en plus angoissé, sous le regard intense et pénétrant du Prince.
_ Très bien, soupire-t-il, tu as gagné. Fais ce que tu veux, je te suis. Tu as raison, ma vie commence à réellement me faire chier.
Le coeur en fête, l'estomac noué, je n'ai que le temps de poser un genou sur le matelas, qu'il se redresse sur ses coudes, prêt à répliquer, comme il aime tant le faire.
Il me pointe du doigt tout en parlant, et paralysé, j'attends qu'il achève sa tirade inutile.
_ Mais je te préviens, râle-t-il, tout en essayant de me cacher son stress, t'imagine pas que ça va être facile. La curiosité me pousse à dire oui, mais n'oublie pas qui je suis, ne te permets pas trop de choses, reste à ta place, et n'oublie pas qu'à tout moment, je peux te fourrer ma queue dans la bouche pour te montrer comment moi, je vois l'affection.
Tout en levant les yeux au ciel, je m'avance rapidement, à quatre pattes, sous son regard méfiant, et finis ensuite par m'allonger à ses côtés.
C'est gênant et déstabilisant, mais j'essaye de tout mon être d'y faire abstraction.
Couché sur le côté, face à lui, je le regarde, les yeux dans les yeux, tous deux allongés de la même manière.
Un bras derrière la tête, nous nous observons sans rien dire durant de longues, très longues minutes.
Est-ce que je dois lui spécifier que ce genre de moment est aussi catégorisé comme affectif, ou le comprend-il tout seul ?
Alors que j'allais dire quelque chose, sa main posée entre nous se lève, et se pose sur ma joue blessée.
Mon coeur sur le point de rendre ses derniers adieux, son pouce caresse délicatement le tissu de la compresse posée sur ma plaie.
_ J'ai bien cru que j'allais devoir à nouveau te forcer à me regarder dans les yeux, murmure-t-il, en fixant ma pommette.
_ Pourquoi aurais-je arrêté de le faire de moi-même ? posé-je, calme, mais essoufflé.
_ Peu importe, ce n'est pas le cas, soupire-t-il, tu es bien plus fort que je ne l'aurais cru.
_ Vous me croyez brisé ? Détruit de l'intérieur ? soufflé-je, d'un sourire triste. Je le suis, vous avez raison. Mais je me relève, tout doucement. C'est plus facile que je ne l'aurais cru. J'ai vécu des choses difficiles là-haut, et encore plus ici, mais grâce à vous, j'avance doucement.
_ Tes propos sont incohérents et ridicules.
_ Ça vous fait peur, que je réagisse comme tous les autres ? demandé-je, timide, tout en retenant de justesse sa main qu'il allait enlever.
Le regard sombre planté dans le mien, il garde ses doigts contre ma joue, soutenue par ma main.
_ Il est inutile de vous inquiéter pour ce genre de chose. Je vous appartiens, pas vrai ? Alors pas d'inquiétude, je serai toujours à vos côtés, souris-je, en caressant le dos de sa main de mon pouce.
_ Tu m'appartiens, insiste-t-il, d'un ton sans appel. Alors j'espère que la mort de ce déchet va faire comprendre à tout le monde que personne ne touche à ce qui m'appartient.
Pouffant, gêné et amusé, je comprends réellement ses paroles un peu après.
_ Vous allez le t-tuer ? paniqué-je alors.
_ Je vais laisser ce plaisir à mon père, souffle-t-il, retirant sa main après moi.
_ Mais, soufflé-je, incapable de trouver quoi dire.
_ Il n'a pas respecté les lois.
_ Vous avez raison. Ne parlons plus de ça, marmonné-je, le ventre douloureux de m'imaginer la suite.
Pense à autre chose Wonho, pense à autre chose.
_ Maître ?
_ Mmh ? répond-il, les yeux fermés.
_ Laissez-vous faire, susurré-je, en m'approchant, les joues rouges et la poitrine douloureuse.
_ Pardon ? conclut-il, en ouvrant grand les yeux, un sourcil arqué.
Sans l'écouter, je m'approche encore, et entoure sa nuque de mes bras.
Crispé, il respire bruyamment et s'agrippe à mon sweat.
_ Écarte-toi avant que je ne te fasse vraiment peur, ange.
_ Détendez-vous Maître, ressentez les douces émotions que j'essaye de vous partager.
_ Tu sais où tu te les mets tes émotions ? Vire de là.
_ S'il vous plaît, dis-je d'un ton suppliant. Je sais pertinemment que vous n'avez jamais eu droit à ça, laissez-moi vous apprendre ce sentiment apaisant et merveilleux. Faites-moi confiance, par pitié.
La mâchoire contractée, des dizaines de minutes s'écoulent avant que ses épaules ne se relâchent.
Il déclare forfait.
C'est une victoire de plus pour l'ange !
Un soupir bruyant et las sort de sa gorge, et il se laisse enfin totalement aller entre mes bras.
_ Je ne sais pas quelle sorte de pouvoir tu utilises sur moi, mais tu es très fort.
Riant doucement, j'enserre plus fort mes bras autour de lui, et fais lentement glisser sa tête contre moi.
Son visage se glisse dans mon cou, mon nez se glisse dans ses cheveux soyeux à l'odeur si douce, et toujours souriant, je lui caresse la tignasse.
_ Je suis fier de vous, merci de m'avoir fait confiance, avoué-je, apaisé.
_ Ferme-la, j'suis à deux doigts d'te balancer du lit à coup d'pieds, tente-t-il de se convaincre, les mains plaquées contre mon torse.
_ Bonne nuit Maître.
_ C'est ça.
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Ainsi, à nouveau, les jours se sont succédé.
Chaque soir, je m'allongeais à côté de mon Prince, de plus en plus docile, et chaque matin, je me réveillais au même endroit, bien au chaud dans ses bras bouillants, le sourire aux lèvres.
Chaque jour, je me faisais plus proche de lui.
Et si à chaque tentative réussie, il répondait froidement et de manière agressive, inconsciemment, il n'en était rien.
Amusé par son seul moyen de défense, je n'écoutais qu'à moitié ses répliques cinglantes et enlaçais sa nuque de mes bras, son visage au creux de mon cou.
Ils nous arrivent même d'inverser nos positions, et ce sentiment de confort me rend affreusement bien.
Je n'aurais jamais cru tout ça possible.
Quand je suis arrivé ici, dans le pire des endroits, je n'aurais jamais cru me rapprocher autant de l'être qui dirige pratiquement ce lieu.
Et qui plus est, je ne pensais pas qu'il serait aussi agréable d'être à ses côtés.
Que je me sentirais si bien dans ses bras, et que son côté chaton agressif et effrayé me rendrait aussi heureux qu'apaisé.
Moi qui en avais si peur, c'était bien ridicule.
On m'a toujours dit d'apprendre à connaître une personne avant d'émettre un jugement.
J'ai sous-estimé cet apprentissage, mais je ne suis pas mécontent de m'être trompé, au contraire.
Lui qui est si féroce devient adorable à mes yeux.
Il tente, encore et toujours, de garder la face et de réagir nonchalamment, avec une petite pique désagréable, alors que finalement, il se sent si bien contre moi.
Sa respiration s'excite toujours un peu, dû au stress, mais elle se calme bien plus vite encore.
Il semble réellement détendu lorsqu'il est collé à mon corps.
J'aime m'imaginer le rendre apaisé, même sans qu'il ne veuille le comprendre.
Durant cette longue semaine, il n'a pas une seule fois parlé de sexe, et n'a fait aucune demande explicite à ce sujet.
Il devrait se rendre compte de son changement plus qu'évident, mais il est bien trop effrayé pour se l'avouer.
Mammon est né méchant et doit le rester.
Durant toute sa vie, il n'a vécu que par le mal, en ne voyant que le mal.
Alors comment voir les choses autrement, et comment envisager vivre dans le bien ?
Comment penser un seul instant que le Prince des ténèbres puisse vivre dans le bien ?
Impossible.
Pour lui.
Mais pas pour moi.
Grâce à moi, il va devenir quelqu'un de meilleur.
Il devient déjà quelqu'un de meilleur.
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