Chapitre 16
Qu'est-ce que j'ai mal à la tête ! Mon cœur résonne contre mes tempes et mon visage est tout bouffi, je déteste ça. Je n'aime pas cette sensation d'être tout nauséeux. Il faut dire, après la nuit que j'ai passé, il est normal d'être dans cet état au réveil... Le lit est froid et bien trop grand pour moi seul. Je ne voulais pas me réveiller sans lui, pas après tout ça.
— Chaton ? marmonné-je, à présent assis sur le matelas.
Mes cheveux désordonnés refusent d'être dompté. Je n'arrive pas à totalement ouvrir les paupières, je suis vraiment dans un sale état. Il faut que je prenne un médicament pour la tête et une bonne douche, pour effacer cette mine qui doit être pitoyable.
— Mmh ? entends-je, près de la porte.
Adossé à celle-ci, livre en main, mon chaton relève la tête et plante par automatisme ses prunelles dans les miennes. Des prunelles tendres, douces, emplies d'affection. Mon organe vital ne fait que s'emballer, tant sa beauté me coupe le souffle. Je ne le répéterai jamais assez, mais je suis tellement chanceux d'avoir cet être à mes côtés.
— Alors ce n'était pas un rêve, soufflé-je, la voix tremblante.
— Tu as sûrement beaucoup rêvé, mais ça s'est arrêté au moment où tu as commencé à hurler mon nom en boucle, explique-t-il, tout en posant ses fesses sur le lit, non loin de moi. Enfin... Tu étais encore en transe à ce moment-là, mais tu ne rêvais plus.
— Tu m'as entendu t'appeler de là où tu étais ?
— Où que tu sois, je t'entendrai toujours.
Il semble détendu, détaché de tout, comme si ce que nous avions vécu cette nuit n'était pas intense et exceptionnel. On dirait que pour lui, tout est normal. Il s'est passé tellement de choses, en l'espace de quelques heures... Il y a eu énormément d'informations à digérer. Tellement d'informations, qu'à l'heure actuelle, je dois sans doute en avoir avalé à peine la moitié... Comment peut-il paraître si détendu ? Je sais qu'il est du genre à cacher ses émotions, à garder la face, quoi qu'il se passe, mais cette fois-ci, il y a bien trop à encaisser, autant pour lui que pour moi. Il paraissait tellement fragile, il y a de cela quelques heures... C'est insensé.
— Tu n'avais pas prévu de revenir, hein ?
Il faut que j'arrête d'être aussi émotif... À chaque parole prononcée, je dois faire un effort surhumain pour empêcher les larmes de couler. Mais pourquoi, bon sang ? Je ne devrais pas être aussi faible. Je sais que tout ça est beaucoup à encaisser d'un coup, mais malgré tout...
Ma poitrine me tiraille de plus en plus et j'essaye de me calmer en serrant les jambes contre mon torse. Je dois vraiment être dans un sale état... Heureusement pour moi, il ne me le fait pas remarquer et je lui en suis reconnaissant.
— Non, en effet. Enfin... Certainement jusqu'à ce que le manque se fasse trop fort.
J'esquisse un petit sourire à ces mots. Ce démon s'est pris d'affection pour moi, il ne peut plus le nier, à présent. Je suis tiraillé entre deux sentiments radicalement opposés et encore une fois, je déteste ça. J'aimerais ne penser qu'au positif, à ce qui me rend heureux, apaisé, mais je ne peux pas, pas après tout ça...
— Alors c'est pour ça que tu ne voulais pas me donner ton nom ? soufflé-je, perdu dans mes pensées. Tu voulais vérifier que j'étais bien sa réincarnation.
— Oui, on peut dire ça... Mais je voulais surtout savoir combien tes souvenirs pourraient être présents. Je ne me suis jamais intéressé à la réincarnation, alors tu étais en quelque sorte mon cobaye.
— Je n'aurais jamais cru vivre une situation qui puisse être bien plus difficile à encaisser que la possibilité d'être lié à un démon pour l'éternité.
— Ça te choque de savoir que tu as été un ange ?
— Oui et puis... Toutes ces visions... J'ai l'impression d'avoir vécu ces choses personnellement et ça m'effraie encore beaucoup. J'essaye de ne plus y penser, mais ça ne veut pas partir.
Ma voix est tremblante. Mes pensées sont envahies des siennes et je n'arrive pas à m'en dépêtrer. Je ne veux plus y penser, je veux arrêter de voir toutes ces choses... Laissez-moi vivre ma vie, pas la sienne.
— J'imagine que ça finira par s'estomper, tente-t-il, d'un regard qui se veut rassurant. Tu vivras bientôt naturellement avec ces souvenirs. Ça fait partie de toi, après tout. Tu t'es bien habitué à vivre aux côtés d'un démon. Crois-moi, tu as simplement besoin de temps.
Ça fait partie de moi... Je vais devoir m'habituer à ces souvenirs...
J'ai vécu aux côtés de ce démon durant deux vies. Il m'a connu sous deux formes différentes. Lui aussi a dû s'habituer à ce grand changement, alors, je vais savoir le faire, moi aussi... Oui, il va simplement me falloir du temps pour encaisser tout ça.
J'étais un ange, avant d'être un humain... J'étais censé vivre éternellement, mais le destin en a décidé autrement. J'étais censé ne plus jamais revoir ce démon et vivre avec ces regrets toute une éternité, mais ce n'est pas le chemin qui était écrit pour nous. Nous devions être ensemble. Toutes ces épreuves n'ont fait que renforcer le lien que nous avions. Je suis fier d'être qui je suis et de celui que j'ai été. Je ne suis pas fier de tous les chemins que j'ai empruntés, mais à présent, je suis certain d'une chose, c'est que nous nous sommes retrouvés... Ce chemin sur lequel nous sommes à présent est le plus solide de tous et plus rien ne pourra faire en sorte qu'on se sépare. Toutes ces épreuves n'ont fait que nous prouver un peu plus que quoi qu'on fasse, quoi qu'on nous inflige, rien ne pourra détruire ce lien qui nous maintiendra toujours unis. Nos sentiments sont bien trop forts pour être détruits.
Le sourire aux lèvres et les yeux humides, je m'avance et enlace sa nuque de mes bras, avant de poser ma bouche contre la sienne, le temps d'un baiser chaste et rapide.
— Merci d'être revenu.
— Merci à toi de m'avoir appelé.
— Est-ce que tu veux savoir autre chose ? m'enquis-je ensuite, avant de glisser à nouveau sous la couette, confortablement allongé.
— Non, j'en sais suffisamment.
On en sait tous les deux bien assez, je suis entièrement d'accord.
— Tu as l'air contrarié...
Toujours assis au bord du lit, une jambe pliée sur le matelas et l'autre encore posée sur le sol, il me fixe de ses orbes sombres et calmes, avant de poser le livre qu'il avait encore en main, sur la table de nuit, sans jamais quitter mon regard.
— Maintenant que j'ai vu à quoi ça ressemblait, ça me fait moins peur, marmonné-je. Du coup, je suis frustré, parce que moi aussi j'ai envie de rencontrer Draco.
— Chaque chose en son temps, souffle-t-il, presque amusé. Tu auras tout le loisir de passer du temps avec lui lorsque tu n'auras plus ta place dans ce monde.
J'aurai tout le loisir de rencontrer cet être magnifique lorsque je serai mort... Oui, c'est vrai... Après ça, j'aurai toute une éternité pour passer du temps avec cette créature qui lui est cher.
— Tu ne vas plus partir ?
— J'ai toujours un travail donc je vais continuer à faire l'aller-retour, mais je reviendrai tous les jours.
Oui... Tous les jours, après le travail, il sera à mes côtés. Je pourrai alors écouter ses magnifiques mélodies à la guitare, tout en préparant le repas. Son corps se collera au mien chaque jour, après son travail. Je vais pouvoir affirmer avec fierté à mon meilleur ami que je suis bien en couple avec cet être étrange et c'est avec le sourire que je lui confirmerai qu'il n'est pas cette personne dangereuse que je lui ai fait croire. Oui... Je suis en couple avec un démon et pour l'éternité, ce sera pour le meilleur comme pour le pire.
— Arrête de sourire comme un idiot, râle-t-il, levant les yeux au ciel. Et surtout, ne t'imagine pas que je vais être romantique ou je-ne-sais-quoi, parce que ce serait espérer dans le vide.
— Ça m'est égal, souris-je. Tant que mes sentiments sont réciproques, moi, ça me va.
— De toute façon, tu sembles suffisamment romantique pour deux.
J'ai l'impression que des années me séparent de la dernière fois où je me suis senti aussi épanoui. Je glousse sans honte en entendant cette phrase et pour confirmer ses dires, me redresse d'un bon, l'attrape par la nuque et le force à s'allonger avec moi.
— Oui, pas de chance pour toi.
— Ne me fais pas regretter mes choix, humain.
Son grognement mécontent ne colle absolument pas avec ses gestes. Comment peut-il dire ce genre d'idiotie, alors qu'il glisse sous la couette pour pouvoir se coller à mon corps d'une meilleure façon ? Cela ne sert à rien de tenter de faire le difficile, alors que tu enroules ainsi tes bras autour de ma taille... Quel idiot. Un idiot bien trop adorable.
— Tu ne pourras jamais regretter.
— Ne profite pas de ce que tu crois savoir.
— Je profite de ce que je sais.
Le visage planté face au sien, je l'observe à nouveau rouler des yeux lorsqu'un sourire de fierté s'inscrit sur mes lèvres.
— Insupportable, entends-je à peine, alors que je fonds à nouveau sur cette bouche tentatrice.
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