Chapitre 15

                             

Ces insomnies vont en venir à bout de ma santé mentale. Je n'en peux plus. Quand cela pourra-t-il cesser ? Je suis épuisé. À bout de forces.

Cet idiot ne m'a pas écouté, comme d'habitude... Comme prévu, il n'a pas assumé, pas accepté cette part de lui, et m'a lâchement abandonné. Je n'ai plus vu son beau visage parsemé de malice depuis plus d'une semaine. Va-t-il revenir, cette fois ? A-t-il à nouveau trop de travail ? Je n'arrive même pas à croire en mes propres mots... Bien sûr que ce n'est pas le travail. C'est une excuse que je lui donne pour lui pardonner plus facilement. Mais y aura-t-il quelque chose ou quelqu'un à pardonner, si je me retrouve seul ? Et s'il ne revient pas ? Pourrais-je reprendre ma vie là où je l'ai laissé avant notre rencontre ? Pourrais-je être heureux ? Pourrais-je l'oublier ?

Il faut que je dorme, avant de m'évanouir. Je vais me faire un thé, puis retourner au lit. J'espère que les médicaments que m'a prescrits le pharmacien seront efficaces. Par pitié, je ne demande qu'une seule nuit.

Il est déjà deux heures du matin... J'ai terminé ma boisson il y a environ une heure. Le traitement commence à faire effet, je le sens. Enfin, je semble m'endormir...

Tout est blanc. Il n'y a que du blanc, partout autour de moi... Où suis-je ? Qui est cette personne que je discerne, au loin ? Son visage m'apparaît sans trait, comme s'ils avaient été effacés. Ça m'effraie, me terrifie... La couleur de l'endroit dans lequel je semble enfermé à changer. Elle est plus foncée, rougeâtre, effrayante... Pourquoi fait-il aussi froid ? Je ne me suis jamais senti aussi frigorifié.

Je distingue une nouvelle silhouette. Un homme aux traits précis et détaillés. Mon corps frissonne violemment à cette vision... Je l'observe alors sourire. Un éblouissant sourire, aux fossettes profondes et magnifiques, qui m'inondent d'une chaleur agréable. C'est un sentiment familier, sincère, honnête. Un sentiment beau et si triste à la fois... Mon cœur me fait souffrir, bien plus encore que cette lame, qu'on m'a enfoncée dans l'abdomen. Pourquoi suis-je parti ? Pourquoi l'ai-je quitté ? Pourquoi m'a-t-il laissé partir ?

— Astaroth ! hurlé-je, après un réveil en sursaut.

Assis dans mon lit, je me rends compte que je suis noyé par les larmes et la sueur. Mon corps tremble. Les yeux clos, je me laisse guider par cette voix rassurante, encourageante, que j'entends dans mon esprit. Je hurle le prénom de celui que j'aime, encore et encore, dans cette pièce vide et sans vie, tandis que cette voix tente inlassablement de me calmer. Elle m'explique, me montre, me raconte des choses que je n'aurais jamais cru possible. Plus les secondes passent et plus elle prend possession de moi. Petit à petit, alors que je tente vainement de garder le contrôle de mon esprit, elle s'accapare mon être tout entier. Je ne contrôle plus rien. Ce n'est plus moi qui crie, à présent. Mes cris sont remplacés par les siens. C'est toujours ma voix que j'entends hurler jusqu'à s'en briser les cordes vocales, ça vient toujours de mon corps, mais ce n'est plus moi.

Je sens quelqu'un nous serrer dans ses bras. Je le sens, lui. Sa chaleur, son inquiétude, je ressens tout ça, mais je ne sais rien faire. Je ne suis que spectateur de ce qui est en train de se dérouler. Mon corps bouge, pense et agit, comme s'il appartenait à quelqu'un d'autre. À cette personne que je commence seulement à connaître.

— Hoseok ? Que t'arrive-t-il ? Hey, petit humain, s'enquit mon chaton, enfin de retour à mes côtés.

Je sens que sa poigne autour de nous se resserre. La personne qui est au contrôle sourit, tout en pleurant. Elle semble heureuse, tout en étant dans une souffrance sans fin. Je ressens tout, comme si nous étions une seule et même personne. Nous ne faisons qu'un. Il continue de me câliner. Ça me fait tellement de bien. Je ne le mérite pas... Pourquoi est-il là ? Pourquoi est-il encore là, après ce que je lui ai fait ?

— J'ai tout gâché, je suis désolé, marmonné-je, en larmes. J'avais si peur. Pardonne-moi. Par pitié, pardonne-moi.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Je n'aurais pas dû partir, Astaroth, geins-je, agrippé à lui. Je l'ai regretté, jusqu'à mon dernier souffle. Je suis tellement désolé.

— Yeratel ? souffle-t-il, abasourdi.

— Je m'en veux tellement, si tu savais.

Ses caresses dans mon dos me réconfortent tout en me culpabilisant un peu plus. Je m'en voudrai éternellement pour cette stupide décision que j'ai prise. C'est moi le monstre, pas lui... Quel idiot je suis. Je nous ai fait souffrir, par ma simple peur. Je n'ai eu que ce que je mérite. Ça m'apprendra, à jouer les lâches.

— Je ne me rendais pas encore compte de mes sentiments, à l'époque, marmonne ce tendre démon, après de très longs instants de réflexion. Je t'aurais retenu, si ça avait été le cas. Quitte à te séquestrer, quitte à créer une guerre entre nos mondes, je t'aurais forcé à rester à mes côtés. Même si à l'époque, toi non plus tu ne te rendais compte de rien. On est tous les deux fautifs.

Mes larmes doubles de volume à ces mots. Je n'arrive plus à respirer correctement, tant mes pleurs s'intensifient au fur et à mesure de ses paroles. Nous nous serrons tellement fort l'un contre l'autre que ça commence à en être douloureux. Je ne sais plus qui je suis, tout se mélange dans ma tête, mais tout ce que je sais, c'est que rien ne pourra dépasser cette souffrance mentale.

— J'ai tant imaginé tes bras autour de moi, geins-je, entre deux sanglots. J'ai dû faire un effort surhumain pour garder en tête que je devais éloigner toutes ces pensées, mais je n'y arrivais pas. Pas totalement... Je ne cessais de penser à toi... Je suis heureux de te revoir, Asta. Tellement heureux.

— Mon ange, marmonne d'une tristesse infinie cette belle et sombre créature.

— J'ai beaucoup pensé à toi, durant toutes ces années où nous étions séparés, confié-je, mes pleurs se calmant doucement. Je me demandais si ton quotidien avait changé, si tu peignais et jouais toujours de belles mélodies sur ton instrument préféré. J'ai énormément regretté mes choix, tu sais. Faire passer ma peur avant... Ce que mon cœur me dictait. Choisir ce que voulait mon cerveau n'était peut-être pas la meilleure des idées.

Il ne répond rien. Il essaye difficilement de se retenir. Se retenir d'exprimer des sentiments trop fort, trop intense. Se retenir d'être celui qu'il veut être. Mais il ne peut mentir éternellement... Il me serre tellement fort dans ses bras, que ça vaut n'importe quelle parole.

— Tu as dû beaucoup souffrir, toi aussi, m'enquis-je, les doigts glissant contre son échine, dans des caresses se voulant réconfortantes. Mais regarde... Tu as trouvé une personne magnifique pour supporter ton sale caractère. Je suis désolé de ne pas avoir été à la hauteur. Tu as le droit d'être heureux, Asta... Tu aurais dû l'être depuis déjà très longtemps. Je suis sincèrement désolé de nous avoir tant fait souffrir. Prends soin de Hoseok, s'il te plaît. Chéri-le et aimez-vous, comme nous aurions dû le faire depuis des dizaines d'années. Laisse cet homme te rendre heureux et s'il te plaît, rends-le heureux. Vous le méritez tous les deux.

À nouveau, cet ange déchu se fait muet, et continue de coller son corps au mien, de façon désespérée. La voix à l'intérieur de ma tête me murmure de nouvelles paroles réconfortantes, me répétant d'être heureux et de rendre heureux cet homme qu'il n'a pas su aimer correctement, et plus les secondes s'écoulent, plus je sens cette étrange sensation disparaître. Je suis à nouveau seul... Blotti contre cet être fragile, tremblant entre mes bras, je hume avec délicatesse son parfum envoûtant, les larmes coulant à nouveau à flot sur mes joues. Le nez niché dans son cou, je savoure ses caresses inarrêtables dans mon dos, au même rythme que les miennes.

— Chaton, marmonné-je, d'une voix brisée.

— Seok ? Pourquoi tu pleures ?

— Vous avez tant souffert... Je ressens ses sentiments comme s'ils étaient les miens. Ça fait tellement mal.

Mes paroles sont saccadées, mélangées à des soubresauts, des geignements. Ma poitrine me fait si mal. Je suis épuisé. Moi qui ai toujours voulu savoir, à présent, j'aimerais tout oublier.

— Je suis désolé de te faire subir ça, ce n'est pas ce que je voulais pour toi. Du moins, ce n'est plus ce que je veux. Pardonne-moi de t'avoir mêlé à cette histoire complexe et douloureuse, tu ne le mérites pas. Tu mérites tout, sauf un fardeau comme le nôtre. Tu mérites tout, sauf le fardeau que je suis.

— Je ne veux plus souffrir. Je suis fatigué.

— Je sais, je m'en rends compte. Excuse-moi.

— J'ai besoin de savoir, chaton, tenté-je alors, les bras agrippés à son torse, le visage collé à lui. Je dois savoir ce que tu ressens, où nous allons tous les deux. Je ne veux pas que tu m'aimes, parce que tu penses que je suis lui. Je veux que tu aimes Hoseok, pas Yeratel. Je ne veux pas être la compensation de cet échec. S'il te plaît, j'ai besoin que tu te confies à moi.

Sans un mot, les bras maintenant avec force mes hanches, il nous pousse à nous allonger confortablement sous la couette. J'obéis sans hésiter et m'installe confortablement contre lui, les bras bloqués entre nos torses, le nez niché au creux de son cou. Il prend son temps, se donne certainement le courage nécessaire pour oser affronter ce qu'il garde au fond de lui depuis très longtemps. Réfléchit-il également à la possibilité de ne rien me dire ? Réfléchit-il à l'importance que j'ai pour lui ? Est-ce que je mérite de connaître des choses sur lui qu'il n'a jamais osé dire à personne et qu'il n'a très certainement jamais osé se dire à lui-même ?

— Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre que c'était de la douleur que j'ai ressentie, lorsqu'il est parti, commence-t-il, d'une voix si basse qu'elle ressemble à un murmure. Je pensais n'être attiré que par son physique. Je rêvais plus que tout de le faire mien. Je voulais tellement le posséder, que j'en venais à le vouloir à mes côtés, pour l'éternité. Je voulais le salir, pour pouvoir le garder, à jamais, auprès de moi. Je me suis rendu compte, des années plus tard, que ce n'était peut-être pas uniquement de l'attirance physique. Lorsqu'il est parti, ma haine envers celui pour qui il se dévouait n'a fait qu'augmenter et je me suis promis de me venger. Une dizaine d'années plus tard, on m'apprenait ton existence. Il fallait que je sache si c'était vrai. Lorsque je t'ai vu de mes propres yeux, ça a été un choc.

Sa voix baisse encore en volume, elle devient également plus grave, plus lourde. Inconsciemment, il me tient un peu plus contre lui. Comme s'il avait peur que je m'échappe, comme si en se cramponnant ainsi à moi, il pouvait moins perdre pied. Je ne l'avais jamais entendu avec une voix si troublée, presque tremblante.

— Toutes ces pensées que je voulais oublier, que je trouvais ridicules, me sont revenues en pleine face. Qui étais-tu et comment osais-tu ressembler à cet être si pur et innocent ? Une pâle copie, qui n'avait pas lieu d'être. En apprenant ton existence, je me suis mis à idolâtrer celui que j'ai connu. Je pensais que tu ne pourrais jamais lui ressembler, lui arriver à la cheville. Je pensais que sans gêne, tu avais hérité de cette apparence sans même le mériter. Je voulais que tu m'appartiennes, pour que je puisse me venger de cet être qu'on m'avait pris. Je voulais te goûter, pour voir ce que ça m'aurait fait de le goûter, lui. C'est toujours ce que j'ai voulu avec toi... Du sexe. Comme je pensais que c'était le cas pour lui. J'avais envie de te briser, pour tout ce dont j'avais souffert, mais tu n'as jamais semblé souffrir de cette relation. Tu semblais t'être attaché à moi, alors qu'on ne se connaissait pas. Tu lui ressemblais tellement...

Son ton est hésitant, fragile. Pour la première fois depuis notre rencontre, je perçois sur cet être que je pensais totalement confiant et assuré, un côté peu sûr de lui, incertain. Ses paroles me blessent et mes larmes coulent à nouveau silencieusement contre sa peau chaude et douce, mais je sais que je dois continuer à l'endurer. J'ai besoin de savoir. Il se confie à moi avec sincérité, alors quoi qu'il dise, je dois l'affronter. Nous n'avancerons jamais si l'un de nous fuit à chaque fois qu'une discussion est un peu trop douloureuse. J'espère simplement que ce discours ne sonnera pas la fin de notre relation. Pas après tout ça...

— Cependant, je me suis trompé sur toute la ligne, continue-t-il, d'un ton un peu moins mélancolique. Tu es digne d'être qui tu es et il méritait d'avoir une réincarnation, surtout telle que toi. Tu es exactement la personne qu'il aurait dû être s'il n'avait pas été dévoré par la peur que lui apportait sa foi. Une personne que j'aurais pu avoir à mes côtés depuis des décennies. Mais je le sais, je l'ai toujours su... Ça n'aurait jamais été possible, lui et moi. Nous étions bien trop différents. Nous ne nous serions faits que du mal. Je pensais que ça allait être la même chose avec toi. Tandis que je voulais te faire souffrir, pour ramener à moi ces souvenirs douloureux, je me suis rendu compte que ce n'est pas uniquement ton corps que je désirais. Non, ça ne me suffisait plus. Après avoir eu accès à ton corps, ainsi qu'à ton âme, je me suis rendu compte qu'il y a une chose que je n'ai jamais eue de toi, et sans doute que je n'aurai jamais, moi, ton bourreau...

— Tu n'es pas mon bourreau, le coupé-je, choqué et peiné par ces mots. Tu es mon serpent de compagnie.

— C'est vrai, souffle-t-il du nez, serrant un peu plus sa prise autour de moi.

J'ai appris tout ce que je voulais savoir. Cela ne sert plus à rien qu'il continue de parler. Je sais qu'il finirait par réellement dire de mauvaises choses et ce n'est pas ce que je veux. C'est à mon tour de parler. Je dois lui faire comprendre qu'il a tort.

— C'est sans doute pour ça que j'ai toujours eu ce sentiment que nous nous connaissions depuis toujours, confié-je, d'un sourire timide. Parce que même avant ma naissance, nous avions déjà un passé, toi et moi. Je suis fier d'être la réincarnation de cet ange. J'en suis vraiment heureux, parce que c'est grâce à lui que je t'ai à mes côtés, aujourd'hui. Je suis sincère, tu sais... Je tiens énormément à toi. J'ai souffert de cette relation, mais pas pour les raisons auxquelles tu penses... Tu ne m'as jamais obligé à rien. À l'instant où je t'ai vu, je savais que tu resterais à mes côtés. C'est grâce à ma vie antérieure que notre relation est possible. Grâce à elle que mon instinct a pu être le bon. J'ai parfois douté du chemin qu'on ferait ensemble et je doute encore un peu, mais je suis heureux de m'être accroché. Ça n'a vraiment pas été facile, je l'avoue, mais je savais que ça pouvait fonctionner. Je sais que ça peut fonctionner. C'est lorsque tu laisses entrevoir combien tu peux être doux et attentionné que je suis entièrement rassuré. Quoi que tu penses, moi je sais que je fais le bon choix. Celui de t'accepter à mes côtés, sans m'en sentir forcé.

Je me demande comment il lui est possible de me coller encore plus à son corps. Nous sommes certainement à deux doigts de fusionner. Est-ce qu'il sourit ? J'ai l'impression que c'est le cas... Sans même avoir accès à son visage, j'en suis presque certain, désormais. Là, le nez collé à ma chevelure, il doit très certainement sourire, et je suis si triste de rater ça. Ses petites fossettes plantées sur son visage lorsqu'il sourit sont à croquer. Il donne vraiment cette impression d'être un gentil démon dans ces cas-là. L'ai-je déjà vu me sourire sincèrement ?

— Je comprends, maintenant, pourquoi tu semblais choqué lorsque je t'ai appelé Draco, pouffé-je, perdu dans mes pensées.

— Tu sais qui il est ?

— Oui, grâce à Yeratel, avoué-je. Grâce à quelques bribes de sa mémoire qu'il a bien voulu me partager, j'ai pu entrevoir les moments les plus importants de sa vie. Tu étais dans la plupart de ces moments.

C'est à mon tour de le serrer un peu plus contre moi. Son torse est entouré de mes bras et comme pour le soutenir, le rassurer, je le fais fusionner un peu plus à moi.

— Draco et moi... chuchote-t-il.

— Oui, exactement, souris-je. Et je comprends aussi pourquoi je suis triste lorsque tu joues certaine de ces mélodies.

— Tu gardes les quelques séquelles de ta vie antérieure. Je suis désolé pour ça.

— Ce n'est pas de ta faute. Je suis heureux d'en savoir plus à ton sujet, même si c'est à travers ses yeux.

Je suis étonné lorsqu'il se détache quelque peu de moi, pour ainsi placer son visage face au mien. Ses orbes sombres sont teintés de mélancolie, de douceur, et de culpabilité. Ses doigts jouent avec les cheveux placés contre ma nuque tandis que moi, tétanisé face à cette attitude de lui que je n'ai jamais connue, je reste immobile, les doigts cramponnés à l'arrière de son pull.

— Tu ne dois pas être triste. Tu ne dois plus l'être.

Ses paroles suintent tellement la sincérité... Comment est-ce possible ?

— Tu es tellement différent, ce soir, soufflé-je, le cœur battant la chamade. Tu n'as jamais été aussi attentionné.

— C'est parce que ce soir, je me suis rendu compte de plusieurs choses.

— Lesquelles ?

Je n'ose pas entendre ce qui va suivre. Je suis terrifié. Pas parce que j'ai peur d'entendre des paroles négatives, non... J'ai peur de ne pas être capable de supporter mentalement la possibilité qu'il soit réellement devenu un gentil démon.

— Je ne t'avais jamais vu dans cet état et c'est seulement maintenant que je réalise combien je déteste ça. Un sourire te va bien mieux au teint que des larmes, murmure-t-il, d'une voix douce, presque fragile. J'ai également compris ce soir que cela fait déjà des mois que j'ai en tête de te protéger de ce qui pourrait te faire souffrir et non l'inverse. Je ne permettrai plus à personne de te faire du mal. Y compris moi.

On dirait bien que je ne suis toujours pas réveillé... J'ai l'impression d'être devant l'ange qu'il devait être, avant de chuter. Un ange bien trop beau et pur pour mon coeur fragile.

— J'ai compris ce soir que si j'ai tant envie d'être à tes côtés, ce n'est pas uniquement pour le sexe et ce n'est pas parce que tu es Yeratel, confie-t-il, sincère et déterminé. Tu es loin de lui ressembler et ce n'est pas plus mal.

— Chaton...

Pour la première fois depuis que cet être est entré dans ma vie, les larmes qui coulent discrètement sur mes joues ne sont pas dues à la tristesse. Ma poitrine se fait de plus en plus marteler par mon organe vital. Il ne faut pas que je pleure bruyamment, j'aurais l'air bien trop ridicule... Bon sang...

— Tu n'es pas lui, insiste-t-il, d'un sourire qui finit par supprimer mes dernières forces. Hoseok n'est pas Yeratel et ça tombe bien, parce que celui que j'ai envie de garder à mes côtés pour l'éternité, s'appelle Hoseok.

Que puis-je dire à ça ? Tant pis pour le ridicule, ce n'est pas ça qui m'empêchera de vivre l'instant présent !

Le visage noyé de larmes, un sourire jusqu'aux oreilles, la seule réponse que j'arrive à lui offrir, sont mes lèvres que je plaque avec empressement contre les siennes. Il ne réfléchit pas et répond à ce baiser désespéré avec fièvre. Ses mains s'accrochent à mes poignées d'amour, alors que les miennes s'accrochent à sa nuque. Mon corps se frotte à lui, se nourrit de sa chaleur, comme si c'était la première fois que je l'approchais. Comme si je n'avais jamais eu l'occasion de l'avoir auprès de moi. Je continue de sourire dans ce baiser passionné et, finalement, après de longues minutes de ces retrouvailles improbables, je pose mon front contre le sien, les paupières toujours closes, tentant de reprendre une respiration correcte.

— Tu me crois ? s'enquit-il, presque timide.

— Comment ne pas te croire, après la scène de jalousie que tu m'as faite samedi dernier ? pouffé-je, le cœur léger.

— Pas un mot de plus, gronde-t-il.

— D'accord, Monsieur le Jaloux.

— Si tes cernes ne faisaient pas la taille de ton appartement, je t'aurais fait taire en plaçant ma queue entre tes belles lèvres. Dors, maintenant, au lieu de dire des conneries.

Riant toujours discrètement, je lui obéis sans rechigner. Pour une fois, même si je suis au bord de l'évanouissement, je n'ai pas envie de dormir. Cet instant semble bien trop irréel, bien trop parfait, pour le voir s'arrêter. Mais ce n'est pas grave, parce que lorsque je me réveillerai, tout sera aussi parfait, pas vrai ?

Le nez enfouit dans sa chevelure couleur ébène, les bras autour de ses épaules, je hume à grande goulée son odeur addictive, le sourire tatoué sur les lèvres.

— Merci, chaton.

— Merci à toi, humain.

J'ai envie de l'embrasser à nouveau, envie de ne faire qu'un avec lui, envie de sentir ses bras autour de moi, toute la nuit. J'ai envie de tellement de choses, seulement la fatigue l'emporte sur tous mes désirs, et ça me frustre bien trop.

— Seok...

— Mmh ? marmonné-je, bien trop épuisé pour être étonné de l'entendre m'appeler de cette façon.

— Tu sais ce qui lui est arrivé ?

Je sais combien il lui a fallu de force pour oser me demander ça... Je le sens hésitant, peu sûr de lui. Décidément, cette soirée le rend bien trop fragile. Je n'aurais jamais cru dire ça, mais j'ai hâte de retrouver mon démon malicieux et assuré.

— Yeratel ne connaissait pas cet ange et ne l'avait jamais vu auparavant, mais avant même que les ailes de ce dernier ne passent de la lumière à la noirceur, sa dague était déjà plantée dans son abdomen. Il n'avait que ton visage en tête, lorsque la vie lui échappait.

J'aurais voulu ne jamais voir ce genre de choses, mais j'imagine qu'il était important pour cet ange que je sache. J'aurais également aimé avoir la possibilité d'éviter cette souffrance, mais je suis heureux de pouvoir apporter des réponses à l'être que j'aime. Parce que je sais que peu importe combien ses sentiments pour moi sont réels, cet ange a compté énormément pour lui, et je peux comprendre qu'il ait besoin de savoir. Et par ses bras qu'il serre à nouveau avec force autour de moi, je comprends que son passé lui fait encore beaucoup de mal. En entrant dans sa vie, j'ai rouvert quelques-unes de ses cicatrices à peine refermées. Il va lui falloir encore quelques années, pour guérir de ces blessures. Je sais aussi qu'il a encore beaucoup de sentiments pour cet autre moi, mais ce n'est pas grave, parce que je sais que ce n'est qu'une question de temps, avant qu'il n'ait d'yeux que pour moi.

— Je vais te rendre heureux, Astaroth, confié-je ainsi, entre quelques doux baisers contre sa chevelure. Je lui ai promis et je te le promets également. Aie confiance en moi.

— J'ai confiance en toi, Hoseok.

— Bon garçon.

                       

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