Chapitre 14
Toute la douceur qu'il avait pu accumuler au fil des semaines, s'est évaporée en une soirée. Désormais, comme une impression de déjà-vu, il ne vient qu'en soirée. Il ne vient que pour baiser, comme avant... Cela fait des jours que notre relation en est revenue au point de départ, mais pour rien au monde, j'aurais changé les choses si j'avais su. Ce qu'il m'a avoué ce soir-là, ces paroles suintant le désespoir ne cessent de tournoyer dans ma tête. Je n'arrive pas à cerner la totalité de ce qu'il m'a dit et ça me frustre tellement. J'aimerais en discuter à nouveau avec lui, mais je sais que c'est peine perdue. Il n'est plus du tout ouvert à la conversation. J'ai perdu toutes mes chances de le voir obtempérer. Je ne sais pas quoi faire pour qu'on revienne à cette relation qu'on avait réussi à rendre agréable. Je suis perdu et je déteste ça au plus haut point. Il a dit qu'il me détestait, mais qu'il se détestait avant tout... Que s'est-il passé pour qu'il soit à ce point blessé ? Que dois-je faire pour retrouver le petit chaton que j'avais réussi à apprivoiser, bon sang ?
— Qui c'est ? entends-je, derrière moi.
Téléphone en main, mon cœur rate un battement à ces mots et je m'éloigne de quelques centimètres, toujours assis sur le canapé. Il ne tarde pas à me rejoindre et continue de me fixer, de ces prunelles sombres et presque menaçantes.
— Qui est cette personne à qui tu parles ?
— Oh... Il s'appelle Jooheon. C'est un nouveau collègue.
— Est-ce que tous les humains envoient des cœurs à leurs collègues ?
— Je ne sais pas. Je ne pense pas.
— Donc dit lui d'arrêter, crache-t-il.
— C'est gênant, je ne peux pas demander ce genre de choses.
— Tu veux que je le fasse ? Donne-moi l'adresse de l'endroit où tu travailles.
— Non ! Non, ça va, je vais le faire !
— Il te plaît ?
Sa mâchoire est contractée et son regard paraît tellement mauvais... Il ne ressemble même pas à celui qu'il était lors de notre première rencontre. Il est devenu pire.
— Quoi ? N–non. Non, pas vraiment.
— Tu sembles hésiter.
— Non, je t'assure, je n'ai pas de sentiment pour lui !
— Allons dans ta chambre, j'ai besoin de me détendre.
Il n'attend pas de réponse de ma part, m'attrape le poignet, et me tire violemment à sa suite.
— Doucement, chaton...
Sa poigne est bien trop serrée, elle me fait mal.
— Il n'y a plus de bon garçon, humain. C'est fini.
Ses paroles suintant de haine sont accompagnées de gestes tout aussi violents. Après avoir lâché mon poignet, il me pousse d'un geste brusque pour que je tombe sur le matelas, à plat ventre. Assis sur moi, il attrape à nouveau mes poignets, et les place derrière mon dos, en les maintenant de sa poigne ferme.
— Arrête, tu me fais mal ! Ce n'est pas parce que tu es jaloux que tu dois te venger sur moi !
— Jaloux ? ricane-t-il, mauvais. Tu me prends pour qui ? Vos émotions ridicules ne m'atteignent pas. Je tiens simplement à te rappeler à qui tu appartiens. Je déteste qu'on me prenne pour un con.
— Stop ! Arrête !
À nouveau, il ponctue ses mots par des gestes que je n'apprécie pas. Il arrache mon pantalon et s'apprête à le faire avec mon boxer, mais je gigote bien trop pour qu'il y arrive. Il est plus qu'énervé. S'il arrive à ses fins, alors il pourrait réellement me faire du mal, et c'est ce que je veux à tout prix éviter.
Grognant de rage, il tente encore une fois de m'immobiliser, mais j'arrive à retirer mes bras de sa forte poigne, puis me tourne et le pousse avec violence. Je me retrouve alors debout devant le lit, fixant son corps à moitié allongé sur ce dernier. Je déteste ce que je vois dans son regard. Je n'aime pas ça du tout. Ça me fait si mal.
— J'ai dit stop ! Je ne veux rien faire avec toi ce soir.
— Et tu penses que c'est toi qui décides ?
— Arrête ! hurlé-je, rouge de colère et rongé de peine. Cesse de jouer les méchants, ça ne te réussit pas ! Tu n'es plus comme ça depuis très longtemps. Pas avec moi... Ça fait des jours maintenant que tu me traites comme un chien. Je n'ai rien dit, parce que je sais que c'est ta façon de te protéger. Ta façon à toi de récupérer ta fierté après ce que tu m'as avoué samedi, mais là, tu vas trop loin !
Crispé sur le matelas, le corps appuyé sur les coudes, il se maintient dans le silence, et me laisse me décharger de ce poids qui devient bien trop difficile à porter.
— Tu sais aussi bien que moi que je sais à qui j'appartiens. C'est impossible pour moi de l'oublier, alors arrête de te trouver des excuses pour me faire porter le chapeau. Le seul lâche ici, c'est toi, craché-je, tout en laissant timidement couler les larmes. Je veux retrouver le chaton que j'avais avant samedi dernier. Je veux retrouver le petit démon qui me réconfortait quand j'en avais besoin, qui traitait mon filleul comme un tonton le ferait, qui me dessinait en pensant que je ne le verrais pas, ou qui jouait ces mélodies magnifiques à la guitare... Je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête, mais je refuse que tu me traites d'une mauvaise façon, parce que tu te détestes !
Mes paroles sont crues, sans filtre. Je ne peux plus garder tout ça pour moi. J'ai besoin qu'il sache. Qu'il sache que s'il ne change pas, alors je ne serai plus capable mentalement de continuer cette relation.
— Je n'y suis pour rien dans tout ça, d'accord ? J'ai toujours tout subi sans rien dire, mais à présent, j'en ai ma claque. Je sais de quoi tu es capable alors je refuse de revivre nos débuts. Arrête d'être jaloux, arrête de m'en vouloir pour quelque chose dont je ne suis pas responsable, arrête d'en vouloir au monde entier, et surtout, arrête de t'en vouloir ! Tu n'as pas à détester la terre entière. C'est fatigant, pas vrai ? posé-je, plus calme. Alors arrête. Essaye de profiter de la vie, essaye d'être heureux, et arrête d'être aussi lâche, parce que je déteste ça. Assume tes émotions, assume tes sentiments.
Sa respiration est saccadée. Ses prunelles tremblantes ont changé d'expression. Il semble moins en colère. Il m'observe, me scrute, me dévore d'un regard que je ne saurais identifier. Je reste donc planté là, devant le lit, les joues humides et le cœur en proie à des angoisses.
— Tu es vraiment différent...
— Différent de lui, je sais, je l'ai compris, ça aussi !
J'ai eu tort d'espérer... À nouveau, je pensais qu'il allait dire quelque chose qui pourrait le rendre moins détestable, mais comme une habitude, il a réussi à faire pire. Ma colère ne fait que s'accentuer. Je ne me reconnais plus. Je n'ai jamais été aussi énervé de toute ma vie. Je ne me contrôle plus. Jamais encore on ne m'avait poussé ainsi à bout.
— Par pitié, arrête d'être aussi détestable ! Et surtout, arrête de me comparer à cet être que je ne connais pas ! C'est moi qui devrais être jaloux, crié-je, le visage à nouveau noyé de larmes. Moi qui devrais te détester pour ce que tu me fais subir, depuis le début ! Je suis fatigué de tout ça... Arrêtons cette guerre entre nous, s'il te plaît. Arrêtons de nous traiter de cette façon et arrête de voir en moi quelqu'un que je ne suis pas.
Ma voix se perd, se brise. Elle est pratiquement inaudible, à présent... Mais ce n'est pas grave, j'en ai fini avec lui, de toute manière.
Les jambes tremblantes, je me traîne avec difficulté jusqu'au bord du matelas, pour m'y asseoir, dos à lui. Ma crise de larmes se calme doucement. Les secondes, minutes, heures s'écoulent, et rien de plus ne se passe. Tout est calme. Un silence morose noie à présent cette chambre, cet appartement... Cela fait certainement plusieurs heures, maintenant, qu'il est parti. Sans un mot, sans un regard, il a quitté cet endroit, après d'innombrables minutes à maintenir le silence, assis sur le lit.
Il a joué les lâches, comme toujours, et m'a quitté, peut-être pour de bon, cette fois.
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