Frustration quand tu nous tiens...

(Damian)

Je me masse les tempes pour essayer d'endiguer la colère que je sens poindre. Mais qu'ai-je pu faire aux Dieux Infernaux pour mériter une telle punition ? Lorsqu'il me l'a collée de force dans les pattes, je n'ai rien dit. Quand elle a commencé à poser des questions sur mon travail et à fouiner dans toute la maison, je n'ai rien dit. Mais là, il me demande carrément de changer mon mode de vie ?!? J'ouvre les yeux pour tenter de plaider ma cause auprès de mon boss :

— Dis-moi que c'est une blague, Luc' . S'il te plaît.

Il n'a pas quitté son air courroucé.

    — Putain, Damian ! Tu ne crois tout de même pas que je vais te laisser organiser une orgie à quelques mètres de la chambre où dort ma sœur !

En relevant un sourcil, je tente de lui montrer que je ne vois pas où est le souci. Il me semble qu'il savait parfaitement à quoi s'attendre en me demandant de jouer la nounou !

    — Et il n'y a pas moyen de... Je ne sais pas, moi, la loger ailleurs ? Au moins le temps d'une soirée ?

Cette fois, mon ton se fait presque suppliant. Je comptais vraiment sur la soirée de vendredi pour me changer les idées. Depuis que la miss a débarqué dans ma vie, je ne suis quasiment pas sorti de chez moi. Lucifer ne m'assigne que peu de missions. Il doit certainement estimer que j'ai assez de boulot avec la gestion de sa petite blondinette. Imagine-t-il le sang-froid que cela me demande ?

Oh, des Anges, j'en croise à la pelle. Il faut dire que j'excelle dans mon boulot. Alors "l'Autre Camp" comme on l'appelle ici essaie de redoubler d'efforts et m'envoie régulièrement de nouveaux adversaires. J'adore voir leur air suffisant s'effacer au fur et à mesure que je retourne les cerveaux de ces demoiselles... Et pas seulement les cerveaux. 
Mon job est simple : pousser les âmes à la faute. Parce que nous avons un quota à remplir, un standing à tenir. Nous ne pouvons décemment pas laisser Les Coincés du fion gagner. La vie serait d'un ennui mortel. Alors nous luttons, gentiment. Enfin, gentiment... De mon point de vue. Bien entendu, vous avez toujours ceux qui aiment en mettre plein la vue. Et les Dieux Guerriers, qu'ils viennent d'un camp ou de l'autre, gèrent ça à la perfection. Un peu trop si vous voulez mon avis. Moi, il me semble que rien ne vaut le plaisir de pervertir une âme en douceur. Que voulez-vous, j'aime mon métier !

Alors lorsqu'il s'agit de souffler quelques mots à l'oreille d'une jeune novice à la veille de son entrée dans les ordres ou bien quand il faut inspirer une directrice de casting pour une trilogie sur le thème du BDSM, je suis le meilleur. D'ailleurs, l'Autre Camp a depuis bien longtemps cessé de m'envoyer les petites nouvelles pour ramener les humains dans le droit chemin. A croire que je fais fondre les culottes angéliques aussi bien que les terrestres ! Non, depuis quelques siècles, on m'envoie les vieux ronchons.

Mais la petite blonde qui se dandine à quelques mètres de nous, c'est une autre affaire. Même là, plantée dans le couloir sans arriver à décider si elle nous rejoint ou repart, elle me donne chaud. Pas très grande, des boucles blondes qui semblent attendre que j'y passe les doigts, des grands yeux noisette qui restent un mystère, cette fille a tout pour me rendre fou. Depuis son arrivée, j'essaie de lire dans ses prunelles ce que ses lèvres ne disent pas, mais c'est mission impossible. Elle est douée, la gamine, pour cacher ses émotions ! Ce qu'elle cache moins bien, par contre, c'est son corps affolant. Des rondeurs appétissantes, un cul à damner un saint... Bordel ! Alors que je sens les prémices d'une érection me torturer, un violent coup sur le côté droit de ma tête me ramène à la réalité. Je reporte mon attention sur Lucifer assis sur le canapé en face de moi. Je ramasse le coussin qu'il vient de m'envoyer à la tête tout en essayant de retrouver une contenance.

    — Arrête de la mater, sale porc !
    — Quoi ?!? Mais non, je ne ...

Alors que j'essaie de trouver une justification plausible, la demoiselle semble s'être décidée, puisqu'elle s'avance dans la pièce. Même la manière dont elle tortille ses doigts entre eux me fait de l'effet. Merde, je suis vraiment en manque !

    — Salut, Lucifer.
    — Salut ma puce.

C'est la première fois que je vois Lucifer se lever pour saluer quelqu'un. Ok, je sais qu'il n'est pas si con que ce qu'en disent les gens. Mais ce n'est pas un gentleman non plus ! Aussi, je suis surpris de le voir si différent avec sa sœur. Il ne parle pas beaucoup de sa famille. Je sais juste qu'il a  de gros soucis relationnels avec son père. Qui n'en a pas, dans notre Royaume ? Gabrielle s'installe à côté de son frère sur le canapé, le dos droit et les mains croisées sur les genoux.

— Ça va ? Tu as réussi à trouver tes marques ? Je sais que Damian peut être, disons... difficile, lui demande Lucifer.

Difficile, moi ? Mais une montée de stress s'installe lorsqu'elle m'adresse un sourire en coin tout en me fixant d'un air entendu.

    — Pour tout te dire, il m'a fait un cadeau de bienvenue.

Merde, merde, merde. Il va me découper en petits morceaux si elle lui parle du plug ! Mon Roi tourne à nouveau son visage vers moi, dubitatif :

    — Vraiment ? Quel cadeau ?

Punaise, je dois trouver quelque chose avant qu'elle ne me balance sous le bus. Au moment où elle ouvre sa si jolie bouche, je lui coupe l'herbe sous le pied.

    — Un job.
    — Un job ? Ah oui ?

Elle saisit la perche que je lui tends. Ça me fait mal de l'admettre, mais je dois lui céder si je ne veux pas déclencher les foudres de Lucifer.

    — Et bien oui ! Damian me disait justement l'autre soir combien il était important que j'apprenne deux ou trois trucs tant que je suis ici...

Oh le petit démon ! Elle me fixe avec une lueur de défi dans le regard. Joueuse, la p'tite ? Effectivement, nous avons eu cette conversation. Sauf qu'elle s'arrange fortement avec la vérité. Le mensonge n'est-il pas un péché, même s'il vient d'elle ? 

    Je fixe le plafond avec un sourire niais. Voilà ce qu'il me manquait après une journée aussi folle que celle-ci. Un moyen de décompresser. Je devrais peut-être songer à renvoyer rapidement la demoiselle chez elle. Oups, pardon. Les demoiselles. Mais lorsque je sens la main de la brunette se glisser à nouveau sous le drap, je me dis qu'après tout, je ne serais pas contre un deuxième round... C'est à cet instant que la voix la plus irritante de la Création se met à m'appeler à travers l'appartement :

    — Damiaaaaan ! Damian, t'es rentré ?

Les deux filles dans mon lit se figent et me lancent un regard interrogateur. D'un signe de la main, j'essaie de leur signifier le peu d'importance que j'accorde à la petite blonde qui s'égosille à l'autre bout de mon domicile. Mais les Dieux semblent être contre moi. Mes deux compagnes n'apprécient clairement pas la présence de Gabrielle. Avec force ronchonnements et soupirs, elles commencent à rassembler leurs affaires, me laissant seul dans mon lit, tandis que Gabrielle continue à appeler, cette fois beaucoup plus proche :

    — Damii...

Je me lève d'un bond et le drap enroulé autour de mes hanches, j'ouvre la porte avec fureur, lui coupant immédiatement la chique.

    — QUOI BORDEL ?!?

Je dois avouer que la voir passer par toutes les couleurs me donne tout de même une forme de satisfaction. Elle reste bouche bée, comme un poisson mort sur un étal. Et ce n'est pas la vue des deux superbes filles sortant de ma chambre en sous-vêtements qui aident à détendre la petite blonde. Je ne leur accorde pas un regard, bien que je sois fortement contrarié par leur départ précipité. Non, je préfère imaginer comment je vais étriper cette gamine qui se tient devant moi et ne lâche pas du regard les deux femmes qui s'éloignent.
Je claque des doigts pour attirer son attention.

    — Eh !

Elle reporte sur moi son regard courroucé.

    — Ne me claque pas des doigts sous le nez, Damian.
    — Alors ne plombe plus jamais mes plans, miss.
    — Tes plans ?

Il lui faut une demi-seconde pour comprendre et à nouveau rougir.

    — Je ne... Je... euh.
    — Tu quoi ?

Toujours aussi énervé, je fais demi-tour pour me diriger vers mon dressing. J'entends Gabrielle se racler la gorge pendant que j'attrape un pantalon en lin. J'hésite un instant, et avec un sourire qu'elle ne peut voir, je balance mon drap sur le lit et enfile le vêtement sans aucune pudeur. Lorsque je me retourne à nouveau, je retiens un rire en la voyant dos à moi. Son côté prude est presque ridicule. Quel âge a-t-elle bon sang ?  Je passe à côté d'elle en la bousculant volontairement. J'imagine qu'elle est soulagée de me voir habillé, puisqu'elle trottine derrière moi jusqu'à la cuisine. Pendant que je cherche un soda dans le frigo, Gabrielle reprend son babillage irritant :

    — Je me demandais ce que je pourrais faire durant ces décennies ici. Il doit y avoir quelque chose que je peux faire. Je pourrais apprendre  deux trois trucs tant que...

Je claque la porte du réfrigérateur avec force et fais deux pas vers elle. Gabrielle sursaute et recule mais rapidement, elle se retrouve bloquée contre le meuble de cuisine derrière elle. Je m'approche le plus près possible, jusqu'à sentir son souffle se mêler au mien.

    — Ecoute-moi, Gabrielle. Je ne suis pas enchanté de t'avoir sous mon toit, ok ? Mais je n'ai pas le choix. Je dois obéir à mon Roi. Par contre, il ne tient qu'à toi de tout faire pour ne pas me contrarier, si tu ne veux pas que je devienne méchant . Alors je te conseille de ne plus jamais me casser mon coup de la sorte. Parce que je peux être fortement désagréable lorsque je n'ai pas ce que je veux. Tu saisis ?

La jolie blonde retient son souffle. Elle agite la tête en se mordant les lèvres. Je ne peux me retenir de caresser sa joue avec le dos de ma main. Lorsqu'elle frissonne à mon contact, une partie de moi s'enflamme. Merde !

    — Tu vois ma jolie, là tout de suite je devrais être en train de donner les meilleurs orgasmes de leur existence à ces deux petites nouvelles. Au lieu de ça, je me retrouve bloqué avec une nana qui ne sait pas faire la différence entre un plug et une bague. Alors soit tu me laisses tranquille, soit je me charge de te montrer toute l'étendue de mes talents en matière de domination.

Elle retrouve enfin le contrôle de sa respiration. Relevant le menton, elle essaie de rester fière.

    —Tu n'oserais pas.
    — Tu veux parier, Paillettes ?

J'adore la voir fixer son attention sur mes lèvres lorsque j'y passe ma langue. Oh, ma douce... Si tu te montres réceptive, je vais m'amuser comme un gosse au matin de Noël. Je passe un doigt le long de la ceinture de son legging noir, ce satané legging qui me laisse deviner les plus jolies fesses de cette partie des Enfers. Sa respiration s'accélère lorsque je saisis le tissu pour l'attirer contre mon torse. Si je devais être totalement honnête, j'avouerais que les palpitations que je ressens là tout de suite ne sont plus uniquement dues à l'énervement. Ce petit jeu m'amuse follement.

    — Dis-moi, mon Ange. Crois-tu que tu saurais résister, si je décidais de te prendre, là, tout de suite ? 

Satisfait de la voir complètement chamboulée, je recule un peu pour lui laisser de l'espace. Avec ses grands yeux de biche apeurée, elle me rend dingue. D'un coup, j'en suis presque à espérer qu'elle va s'entêter. Mon esprit commence à l'imaginer dans toutes sortes de scenarii plus alléchants les uns que les autres... Quand elle coupe court à mes rêveries en essayant une stratégie de défense minable :

— Je ne pense pas que mon frère serait ravi de savoir que tu me menaces, Damian.

Je repars vers ma chambre en riant :

    — Ma maison, mes règles, beauté ! Mais si tu le souhaites, on lui en parlera la prochaine fois qu'il nous honorera de sa présence !

Oui, je sais, c'est puérile comme façon de faire. Quoi qu'il arrive, je ne peux m'empêcher de l'asticoter. Mais c'est avec délice que je m'aperçois que j'ai trouvé un adversaire à ma taille.  La belle tient sa vengeance. Parce que si je révèle à Lucifer la réelle teneur de notre discussion, il va m'arracher les parties sans l'ombre d'un remord. Je dois avouer qu'elle est forte. Très forte. Avec un sourire, je frotte mon menton en réfléchissant à la meilleure stratégie à adopter. Si elle veut jouer...
Devant l'air surpris de Lucifer, je prends l'air le plus détaché possible.

    — Tu sais Luc', j'ai bien remarqué que ta sœur avait une curiosité assez prononcée pour mon ... mon travail.

Le petit suspens que j'ai laissé a fait son effet. J'ai vu le sourire de Gabrielle s'effacer. L'espace d'un instant, a-t-elle craint que je ne fasse allusion à notre vraie conversation ? Comme si je pouvais réellement dire à Lucifer que j'ai proposé à sa frangine de la sauter dans ma cuisine pour passer ma frustration ! Néanmoins, elle reste de marbre et je continue sur ma lancée :

    — Il y a tant de choses qu'elle ne connaît pas, ici ! Je suis certain que je peux lui apprendre quelques astuces qui pourront lui servir plus tard.

Le regard de Lucifer passe de l'un à l'autre, cherchant certainement l'entourloupe. Mais elle comme moi, nous sommes bien décidés à ne pas laisser l'autre gagner. Et chacun tente de passer pour l'élève modèle auprès du Roi. Il finit par hausser les épaules en lâchant :

    — Après tout, tu ne vas pas rester cloîtrée ici pendant des années. Je n'ai qu'une seule doléance. Je ne veux pas que tous les Démons des Enfers sachent d'où tu viens. Et encore moins que tu es ma sœur.

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