5. Maladresses ~ Elise
Malheureusement, le vol n'est pas aussi paisible que je l'aurais souhaité. Nous avons décollé depuis moins de deux heures lorsque le commandant de bord nous annonce que nous devons nous poser à Milan, car l'avion doit subir une vérification technique. Moi qui commençais enfin à me détendre ! Si l'on nous détourne de notre route pour nous faire atterrir, c'est qu'il se passe forcément quelque chose de grave. Si ça se trouve, un des moteurs est tombé en panne ? Pire, il est en feu ! Je colle aussitôt le nez contre le hublot pour regarder. Rien d'anormal, ouf ! À moins que la vérification technique ne soit qu'une couverture ? Nous aurions quelqu'un de dangereux à bord que la police italienne voudrait arrêter ? Mon premier réflexe est de me lever à demi pour scruter les passagers, mais les conseils de mon oncle Fred et de mon père me reviennent en mémoire. Ils m'ont dit et redit – carrément seriné même – qu'en cas de danger, il faut garder profil bas, se faire la plus petite possible pour ne pas attirer l'attention. Je me tasse aussitôt dans mon siège. L'angoisse me serre la gorge quand nous amorçons la phase d'atterrissage et je dois me faire violence pour ne pas m'agripper à mon voisin. Je ne crois pas qu'il apprécierait que je remette ça ! À la place, je m'accroche à l'accoudoir tout en lui jetant un coup d'œil. Je suis complètement flippée alors que ce mec reste imperturbable. Il n'est pas humain, ce n'est pas possible !
Heureusement, l'atterrissage se fait en douceur et je peux enfin reprendre ma respiration tandis que l'avion roule sur le tarmac. À l'ouverture de la porte, mon angoisse remonte d'un coup. Je m'attends à voir débouler les forces de l'ordre, arme au poing, pour une arrestation musclée façon GIGN ou RAID, mais rien ne se passe. À la place, les hôtesses nous annoncent que nous allons effectuer la suite du voyage à bord d'un autre appareil et nous invitent à récupérer nos bagages à main pour nous rendre dans un espace réservé en attendant.
Après notre débarquement, les employés de la compagnie aérienne sont aux petits soins pour nous. Nous sommes regroupés dans un hall confortable, les hôtesses nous distribuent un encas et une boisson pour nous aider à patienter. Les voyageurs peuvent recharger leurs téléphones et tablettes ou surfer sur le Net pour se distraire. Deux heures passent, puis on nous annonce l'ouverture de l'embarquement. Cette fois-ci, je ne suis pas en retard. Je suis même parmi les premiers passagers à monter à bord et j'ai tout loisir de m'installer tranquillement. Moins de cinq minutes plus tard, je constate que mon voisin de siège n'est pas un inconnu. Encore lui ! Esquiche-Bagages s'assied à côté de moi sans un mot. Bonjour l'amabilité !
C'est reparti pour un nouveau décollage et cette fois-ci, je prends bien garde de m'agripper à l'accoudoir qui nous sépare plutôt qu'à sa cuisse. D'ailleurs, je me fais peut-être des idées, mais j'ai l'impression qu'il a volontairement éloigné sa jambe de moi. Le trouillard ! Je coule un regard vers lui en catimini. Les jambes allongées sous le siège de devant, la tête basculée en arrière, les yeux clos, il semble somnoler. C'est incroyable de paraître aussi décontracté au moment d'un décollage. Ça se confirme, ce mec n'a rien d'humain, c'est un robot. Si seulement je pouvais être aussi détendue dans un avion ! Même si ça me distrairait sûrement, je me garde bien d'engager la conversation avec lui. Je n'ai toujours pas digéré sa remarque acide à propos de mes ongles. À la place, je regarde par le hublot et fixe mon attention sur le paysage qui défile en dessous.
Prise d'une irrépressible envie de faire pipi – merci la bouteille d'eau bue à l'aéroport ! – je trépigne. Dès que le signal lumineux indique que je peux détacher ma ceinture, je me lève, murmure un mot d'excuse à l'attention d'Esquiche-Bagages en me glissant devant ses genoux et m'empresse de rejoindre les toilettes. Alors que je regagne ma place, plus légère, l'avion est secoué par quelques turbulences. Je n'en mène pas large et me hâte. Je préfère être sanglée sur mon siège que debout dans le couloir. On ne sait jamais...
Je me faufile devant mon voisin, pile au moment où l'appareil traverse un trou d'air. Je perds l'équilibre et me sens partir en arrière. Par réflexe, je tends la main derrière moi pour amortir la chute. Mes doigts s'enfoncent légèrement dans quelque chose de moelleux et chaud. Je rebondis aussitôt sur le côté pour m'écraser lamentablement dans le couloir tandis qu'une voix grave crache un juron :
— Putain !
Les fesses endolories, je lève un regard hébété vers ma place. Je n'ai pas rebondi, c'est Esquiche-Bagages qui m'a éjectée ! Il m'a même carrément jetée au sol. Mon sang ne fait qu'un tour quand je réalise qu'il vient, en prime, de m'insulter. Il se prend pour qui, ce connard ? Je m'enflamme aussitôt :
— Non, mais oh ! Je ne vous permets pas !
Alors que je me relève, je découvre qu'il presse ses mains sur son entrejambe. Ma colère se mue aussitôt en embarras. Oh, punaise ! J'ai dû lui écraser le service trois-pièces en lui tombant dessus ! Tu m'étonnes qu'il soit furieux... Mortifiée, je me confonds en excuses :
— Je suis confuse. Je suis vraiment désolée !
— Humpf... C'est... c'est bon, coasse-t-il avant de prendre une ample inspiration.
— Ça vous fait encore souffrir ?
— Ça va ! grogne ma victime.
Les joues brûlantes de honte, je ne sais comment me faire pardonner ma maladresse. Vu sa réaction violente et sa face congestionnée, je n'ai aucun doute sur le fait qu'il a dû avoir mal.
— Je suis vraiment désolée !
— Encore heureux !
— Ce n'était pas prémédité !
— Pourquoi j'ai un doute ? grince-t-il.
— J'ai voulu me retenir avec le poing et...
— C'est bon ! Pas la peine d'en rajouter, je suis bien placé pour savoir où vous avez foutu votre putain de main !
Je ne peux retenir une grimace. Ce type est vraiment mal embouché ! À moins que ce ne soit la douleur qui le rende aussi désagréable ? Avisant les regards de certains passagers rivés sur moi, je m'empresse de me glisser sur mon siège en chuchotant :
— Que puis-je faire pour me racheter ?
— RIEN ! Surtout, vous ne faites rien !
Je rêve ou il semble effrayé ?
— Vous en avez déjà assez fait ! Inutile de m'achever, gronde Grincheux.
— Je ne suis pas aussi maladroite d'habitude, je vous assure.
— Pourquoi ai-je du mal à le croire ?
— Je ne sais pas ce qu'il se passe, c'est la première fois que ce genre de chose m'arrive.
Je ne suis visiblement pas assez convaincante, car l'armoire à glace grommelle :
— C'est bien ma veine !
— Je vais passer une année en Australie pour améliorer mon anglais. Et vous ? Vous voyagez pour le travail ou pour le plaisir ?
Au lieu de me répondre poliment et de saluer mes efforts pour nous sortir de cette situation gênante, mon voisin m'ignore. Il ferme les yeux en marmonnant :
— En plus d'être une plaie, elle jacasse comme une pie !
Mais quel butor celui-là ! Excédée par son attitude, je m'énerve :
— Si je vous emmerde, dites-le surtout !
Sa paupière droite se soulève à demi, il me lance un regard rapide avant de laisser tomber nonchalamment :
— Maintenant que vous le dites...
Je suis tellement estomaquée que je reste figée pendant quelques secondes.
— Vous plaisantez, c'est ça ?
— Non. Vous m'emmerdez vraiment.
— Mais... mais...
— Fermez la bouche, vous risquez de gober une mouche !
Malgré moi, je ne peux que souligner l'absurdité de sa remarque :
— Il n'y en a jamais dans les avions, ils sont désinsectisés pour éviter l'importation de nouvelles espèces susceptibles d'apporter des maladies.
Le malotru ne me répond pas. Il ne me jette même pas un coup d'œil. Comme dans le vol précédent, il branche son casque, le met sur ses oreilles et m'ignore royalement.
**********
Décidément Elise n'en loupe pas une ! Elle les collectionne même !
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j'ai l'impression qu'Aymeric ne l'a pas à la bonne. Je crois même qu'il a du mal à la supporter, mais est ce une raison pour passer en mode co**ard ?
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