3. Stress ~ Elise
Média : Elise
Malgré un début chaotique, mon trajet en TGV s'est plutôt bien passé. Depuis que l'hôtesse a annoncé que nous arrivions, mon excitation remonte en flèche. Le nez collé à la vitre, je regarde défiler les immeubles à la recherche d'un monument connu. Certes, ce n'est pas la première fois que je viens à Paris, mais la capitale exerce une sorte de fascination sur moi. Fascination doublée d'appréhension. Ses monuments et ses musées ont un attrait indéniable pour la provinciale que je suis. En revanche, cette ville me paraît tentaculaire et l'agitation qui y règne n'est pas pour me rassurer. À vrai dire, je suis même carrément flippée, je ne m'y sens pas en sécurité. Comme lorsque je vais à Marseille. Toujours cette peur de me perdre et de me faire agresser ou même simplement aborder. Bien que possédant quelques rudiments d'autodéfense, je ne me sens pas capable, pour autant, de venir à bout d'un potentiel agresseur. Je fais plus confiance à ma bombe lacrymogène, que je n'ai malheureusement pas pu emporter, car elle ne serait pas passée aux contrôles de l'aéroport.
Je range avec empressement mes affaires et me dirige vers le local à bagages. Pas question de me retrouver coincée dans la cohue, je préfère être devant la porte pour évacuer rapidement les lieux. Une dame âgée me précède et a visiblement du mal à sortir sa valise de l'empilement. Je n'ai pas le temps de lui proposer mon aide qu'un homme me devance et me bouscule légèrement en descendant le bagage. Bon, j'admets que je suis peut-être un peu au milieu du passage, mais il pourrait faire attention quand même ! Je me mords la langue pour ne pas laisser échapper une réflexion désagréable en voyant l'air béat de la vieille dame. Visiblement ravie de l'intervention de son chevalier servant, elle le remercie avec empressement :
— Merci beaucoup, jeune homme, c'est très aimable à vous.
— Je vous en prie, madame.
La voix grave qui résonne près de mon oreille me donne une furieuse envie de me retourner pour voir à quoi ressemble son propriétaire. Mon envie s'évanouit en entendant la remarque de la retraitée.
— Ça fait plaisir de voir qu'il y a encore des jeunes serviables de nos jours.
Eh oh, mamie ! Faut pas exagérer quand même ! Tous les jeunes ne sont pas de sales gosses mal élevés et des délinquants en puissance ! Toute la sympathie que je pouvais avoir pour sa tête grise disparaît aussitôt. Ça m'énerve, ce genre d'idées préconçues ! C'est comme lorsque les gens s'imaginent qu'une fille blonde est forcément stupide. Qu'est-ce que j'ai pu me prendre comme réflexions à cause de ça ! Exaspérée, je m'attelle à récupérer mes bagages. Le vanity case ne pose aucun problème. Par contre, pour ce qui est de ma valise, c'est une autre histoire. Elle fait carrément de la résistance ! Je tire dessus, en vain, elle ne bouge pas d'un iota, coincée par une autre noire. Je suis sûre qu'elle n'était pas là quand j'ai déposé mes bagages. Oui, j'en suis même certaine ! Ma valise était posée bien gentiment à côté de la grosse rose et on pouvait les manipuler sans problème. Qui est l'abruti qui a bourré cette foutue valise entre nous ? Énervée au plus haut point, je m'arcboute et tire de toutes mes forces.
— Attendez, je vais vous aider.
La voix grave résonne de nouveau derrière moi et un bras musclé entre dans mon champ de vision. Je m'apprête à lui rétorquer que je suis une grande fille et que je peux me débrouiller toute seule lorsque ma valise cède d'un coup. Emportée par son poids je pars en arrière et ne peux retenir mon bagage qui chute lourdement après avoir rebondi sur quelque chose derrière moi.
— Humph !
Je me retourne brusquement et découvre Belle-Voix, plié en deux, les mains en appui sur les genoux, qui peine à reprendre sa respiration. D'un mouvement impatient, il dégage son pied qui est coincé sous... ma valise. Je réalise, horrifiée, que c'est moi qui l'ai mis dans cet état.
— Oh, je suis désolée ! La valise m'a échappé des mains. Un crétin l'avait bloquée avec...
Lorsque Belle-Voix se redresse en grimaçant, une main plaquée sur son ventre, j'en perds la parole. La vache ! Casquette retournée, Ray-Ban sur les yeux, chemise bleue ouverte sur un tee-shirt blanc moulant et jean ajusté sur un corps de sportif, il a tout du beau gosse de magazine. Je ne peux pas voir ses yeux, mais vu comme il pince les lèvres, il doit me fusiller du regard. Je reprends contenance et tente de justifier ma maladresse.
— Ce n'était pas de ma faute, un abruti n'a rien trouvé de mieux que de la coincer avec cette...
Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que Belle-Voix tend le bras pour se saisir de la valise noire. Sans un mot, il la dégage et quitte le local à bagages. J'en reste les bras ballants. Oh ! C'est lui le crétin ! Je suis tirée de mon indignation par les protestations des voyageurs qui s'agglutinent derrière moi. Rappelée à l'ordre, je sors rapidement en pestant après Belle-Voix. Ou plutôt devrais-je le rebaptiser Esquiche-Bagages ?
À peine sur le quai, je commence mon parcours du combattant, un gymkhana entre les voyageurs pour rejoindre le hall et trouver de quoi m'orienter. Heureusement, je tombe assez rapidement sur un plan du réseau de transport en commun. Je le consulte, mémorise les lignes à emprunter et les stations où je dois descendre. J'ai suffisamment de temps pour effectuer mon transfert, mais je suis malgré tout stressée à l'idée de me retrouver seule au milieu de la foule qui grouille dans les tunnels du métro. À l'heure de pointe. En traînant ma grosse valise, mon vanity case et mon sac à dos. Sac qui vaut son pesant d'or, soit dit en passant ! Je préfère encore me faire piquer mes bagages que mon précieux ! En plus de représenter une belle somme d'argent, il s'agit surtout de mon avenir. Alors, je hâte le pas, plus vite j'arriverai à l'aéroport, mieux je me porterai.
Arrivée à bon port, j'erre pendant quelques minutes, le temps de trouver l'accès au terminal mentionné sur mon billet d'avion. Je m'engage dans l'immense couloir et emprunte les deux interminables tapis roulants. C'est avec un soulagement indicible que j'arrive enfin dans le hall des départs. Sans attendre, je rejoins les comptoirs de Qatar Airlines pour l'enregistrement. En voyant ma valise et mon vanity s'éloigner sur le tapis roulant, je me sens subitement plus légère. Physiquement et psychologiquement. Ma vie est sur le point de prendre un tournant décisif, j'en suis persuadée.
Le timing est bon. Il me reste un peu plus d'une heure et demie avant le décollage. Je prends le temps de fureter dans les boutiques puis de manger un morceau et de passer aux sanitaires pour me rafraîchir avant d'aller m'occuper des formalités administratives. Malheureusement, je n'avais pas prévu qu'il y aurait autant de monde. Il faut faire la queue pour passer le contrôle de l'immigration et celui de sécurité. Je m'insère dans la file et attends mon tour. Je regarde ma montre à intervalles réguliers et vois avec angoisse l'heure de mon embarquement se rapprocher. Punaise, mais qu'est-ce qu'ils foutent devant ? Pourquoi est-ce si long ?
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Premier contact entre Elise et un beau gosse particulièrement grognon... Y a pas à dire, elle n'est pas douée pour établir le contact ! Je ne suis pas certaine que sa manière de faire soit des plus appropriée pour attirer l'attention des mecs...
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