XXVIII - Celestia - Premier mouvement
La salle où les deux jeunes gens avaient été logés était idéale pour les khaïtes : les deux montures s'étaient étendues avec bonheur sur des lits de feuillages à l'odeur fraîche, tandis que pour eux, dans des berceaux de racines, avaient été installés des couches de pétales plus moelleux que n'importe quels draps. Négligeant les profonds fauteuils de rameaux tissés, Ivara s'était laissée tomber contre le flanc de Zéphyr, la joue appuyée contre la peau duveteuse de son khaïte.
« Qu'allons-nous faire à présent ? » demanda-t-elle soudain, ses grands yeux clairs tristes et troublés.
Aïzie vint s'asseoir à côté d'elle et passa un bras autour de ses épaules.
« Nous allons rentrer chez nous et réfléchir à une autre solution. Mais en attendant, il vaut mieux nous reposer, qu'en penses-tu ? »
La jeune fille hocha la tête, se mordant légèrement la lèvre. Aïzie soupira, attristé tout à la fois par le refus des habitants des Cieux et par le découragement de son amie. Les mots des trois Anges et leurs incompréhensibles sous-entendus le laissaient pensif. Les semeurs de Tempêtes n'étaient-ils pas des humains comme ceux de la terre ? Qu'avaient-ils de différent ? D'où venaient-ils réellement ?
Il leva la main à la hauteur de ses yeux, l'examinant soigneusement : elle n'avait rien de particulier, vraiment rien. Il n'était qu'un garçon ordinaire... Un garçon qui était incapable de se souvenir de son enfance, de son âge véritable, de ses parents même. Le temps s'était arrêté autour de lui... comme il s'était arrêté dans les Cieux, ne laissant derrière lui qu'une poignée d'Anges abandonnés, qui existaient, mais ne vivaient plus... Mis à part une Angelle aux cheveux bleus qui persistait à élever des poissons et soigner ses nymphéas, au milieu d'une cité jadis glorieuse et à présent désertée.
Il entendit un doux bruissement d'ailes et se tourna vers la porte, pour y découvrir celle à laquelle il pensait à l'instant.
« Célestia ? »
Elle sourit doucement ; elle portait entre ses mains un large plat, chargé de fruits et de galettes de graines. Elle vint le poser sur la table de vannerie et se tourna vers les deux jeunes gens :
« J'espère que cela vous conviendra. La nourriture des anges est souvent légère, je ne suis pas sûre que cela sera suffisant pour vous... »
Ivara releva enfin la tête et se força à sourire :
« Merci beaucoup. »
Aïzie se leva et choisit un fruit sur le plateau, pour le tendre à son amie. Célestia demeura à côté de la porte, comme si elle hésitait à sortir. Au bout d'un moment, elle reprit timidement la parole :
« Je suis navrée... J'aurais tant voulu que les Anges des Cieux choisissent de vous aider. Mais nous ne sommes plus... que l'ombre de nous même.
— Je sais, répondit le garçon avec gentillesse.
— Non... murmura-t-elle. Vous ne pouvez pas savoir... Quelle douleur profonde nous ressentons lorsque nous devons renoncer à répondre à l'appel de l'humain que nous sommes destinés à protéger... Quelle culpabilité nous ronge, jour après jour. Certains d'entre nous se sont laissés gagner par la haine. »
Elle secoua doucement la tête :
« Je sais ce que pensent les miens : que les hommes nous ont maltraités, emprisonnés... Que c'est leur noirceur qui nous a progressivement souillés, et qui fait que nous ne sommes plus des êtres illuminés, mais de malheureux rescapés qui s'accrochent aux fragments d'une existence révolue... »
Elle secoua la tête et battit légèrement des ailes :
« Mais devons-nous pour autant renoncer à secourir nos frères, ainsi que les humains innocents ? »
Elle suppliait du regard le garçon de lui donner une réponse, mais il n'en avait aucune à lui offrir. Il se contenta de baisser la tête. Malgré sa déception, Celestia lui offrit un sourire avant de quitter la pièce.
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