XX - La quête des cieux - deuxième mouvement

Quand le matin arriva, Aïzie était incapable de dire s'il avait dormi ou s'il était juste resté allongé dans l'obscurité, seul avec ses interrogations. En sellant Rafale, il lança un regard en direction d'une Ivara encore tout ensommeillée. Dans l'air glacé de l'altitude, son souffle montait comme une fumée blanche vers le bleu-gris ourlé d'or de l'aube.

« Savons-nous seulement où nous allons ? s'interrogea-t-il en silence. Nous faisons confiance à nos khaïtes pour lire nos intentions et nous mener toujours plus loin... Mais qui nous dit qu'il y a vraiment quelque chose là-haut ? Autre chose, du moins, que le ciel et les nuages ? »

Mais si les Anges comme Luciellus existaient, ils devaient bien venir de quelque part... D'un monde éthéré qui avait pu engendrer leur corps léger et leur âme lumineuse. Il leva le regard vers le ciel, pris soudain d'un étrange sentiment de nostalgie... d'autant plus étrange qu'il portait sur un lieu qu'il n'avait jamais connu... Était-ce donc le lot de tous les humains, de regretter un Paradis qu'ils ne pouvaient qu'imaginer ?

Il se pencha vers Rafale et scruta les profondeurs de ses larges yeux sombres, où palpitait une lueur aussi brillante que les étoiles pâlissantes :

« Conduis-nous vers le Paradis, Rafale... Montre-nous qu'il existe et qu'il subsiste encore un espoir sur cette terre pour les Anges... »

Le froid régnait en altitude, si mordant que même les semeurs de tempête, qui avaient pourtant l'habitude d'affronter les temps les plus rigoureux, peinaient à le supporter. Le visage d'Ivara demeurait pâle et tiré, tandis que son corps se courbait sur celui de Zéphyr, cherchant la chaleur qu'irradiait la peau de son khaïte. Aïzie la voyait lutter pour ne pas s'endormir, sous l'effet d'un engourdissement qui l'affectait tout autant qu'elle. Cette portion du voyage était sans doute la dernière et la plus risquée : ils montaient, encore et encore, vers cette vaste étendue bleue, en sachant qu'ils n'y trouveraient plus aucun endroit pour se reposer.

Le jeune garçon se demandait parfois s'il ne valait mieux pas renoncer maintenant, tant qu'ils en avaient encore la possibilité. Mais sa détermination naturelle et sa volonté de ne pas céder à l'adversité lui faisaient reculer ce moment ; il filait vers ce point de non-retour au-delà duquel l'échec ne serait plus permis. Les khaïtes semblaient comprendre leur désir, prenant toujours plus d'altitude, sans montrer la moindre crainte. Ou peut-être n'avaient-ils pas lieu de paniquer : ne disait-on pas que les majestueux animaux pouvaient rester en vol des jours durant, sans avoir besoin de se reposer ou de s'alimenter ?

Il se demanda ce qu'il adviendrait d'eux si, après tout, les grandes créatures ailés ne retrouvaient pas leur route... ou s'il n'y avait plus rien au bout. Feraient-ils simplement demi-tour avec leurs cavaliers ? Ou continueraient-ils à chercher aussi longtemps que nécessaire ? Est-ce qu'Ivara et lui s'endormiraient sur les dos des gentilles bêtes, progressivement figés par le froid ? Les khaïtes, comme eux-mêmes, finiraient-ils par se dissoudre dans tout cet azur ?

Le soir tomba sur l'horizon lointain, parant ce monde minéral de toutes les teintes crépusculaires : bleu marine, gris – violet, lavande, saumon, orangé... Bientôt, la nuit étendit sa couverture veloutée sur le sommet des montagnes. Et cependant, ils continuaient à voler, pour ainsi dire en aveugle, grimpant toujours plus haut dans le ciel glacé... La voûte céleste s'assombrit encore et se piqua d'une multitude d'étoiles, comme des fleurettes brillantes sur une ténébreuse prairie.

En dépit de la fatigue qui le saisissait à chaque instant un peu plus, Aïzie se laissa aller à admirer le spectacle sans cesse renouvelé des lumières nocturnes. En même temps, cette vision l'inquiétait vaguement : n'était-ce pas la preuve que le ciel ne contenait que ces astres lointains ? Qu'aucun monde perché dans les nuages ne les attendait ? Il sentait ses paupières se fermer d'elles-mêmes. Pour être sûr de ne pas faire un plongeon pur et simple vers le néant, il s'était attaché à la selle de Rafale. Il vérifia du coin de l'œil qu'Ivara en avait fait de même : au moins, même si l'air gelé et l'épuisement les emportaient, auraient-ils fait tout leur possible.

L'impression d'irréalité qu'il ressentait s'intensifia... Les khaïtes glissaient toujours sur les courants, portés par les vastes membranes de leurs ailes, avec une douce sérénité.

« À présent, tout est laissé à votre jugement... » murmura-t-il à l'attention de Rafale.

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