XLII - Dans la forteresse - Deuxième mouvement
Quand il aperçut le jeune ange, le seigneur de Col d'Argent sursauta violemment ; il bondit sur ses pieds, le visage soudain cramoisi.
« Qu'est-ce que tu fais là, toi ? lança-t-il nerveusement.
— Je souhaitais juste vous parler ! »
Arol recula maladroitement vers la cheminée et tenta d'attraper le tisonnier appuyé contre le linteau :
« Sort de là, espèce de petit... »
Sa main tâtonna, parvint enfin à saisir la redoutable tige de fer qu'il brandit avec une évidente maladresse : Angelus aurait à peine à bouger pour l'éviter. Il scruta le visage rubicond, en se demandant pourquoi l'homme avait si peur de lui : les Anges n'avaient jamais été malveillants – c'était, du moins, la certitude qu'il avait longtemps gardée au fond de son cœur. Mais les événements récents commençaient à le faire douter. Il devenait plus méfiant et, sans doute, plus avisé...
« Tu m'entends ? Pars de ma chambre immédiatement, ou bien... »
Le jeune Ange baissa la tête et soupira :
« Je vous entends, messire. Je suis venu vous parler en paix : je ne vous veux aucun mal. Je souhaite que vous m'écoutiez... »
Le seigneur leva un peu plus haut son arme improvisée :
« Je n'ai rien à entendre de toi ! »
Le jeune Ange s'écarta légèrement ; il ne voulait pas être blessé par inattention. La terreur du seigneur était si manifeste qu'il emploierait son arme improvisée au moindre geste inattendu. Pourquoi l'homme n'appelait pas ses gardes ? Peut-être craignait-il de se voir massacrer avant d'avoir reçu du secours, ce qui n'avait aucun sens : même s'il l'avait voulu, comment Angelus aurait-il pu lui faire quoique ce soit, seul et désarmé ?
Il étendit ses deux mains ouvertes, paumes vers le haut, pour montrer ses bonnes intentions :
« Messire Arol, une fois encore, je vous supplie de m'écouter... Votre forteresse traverse des moments terribles et nous devons trouver une solution juste pour tout le monde. La façon dont vous traitez les Anges et leur chaîne est certes terrible, mais je suis certain que vous n'avez vraiment réfléchi à la question et que vous vous contentez d'agir comme les seigneurs des Hauteurs l'ont toujours fait. »
Le gros homme le toisa en silence, avant de répondre enfin :
« 'Comment un emplumé comme toi peut-il savoir ce que je pense ? Vous n'avez pas plus de cervelle qu'un oiseau ! Vous n'avez jamais rien bâti, jamais rien accompli... Vous vous contentez de flotter dans les airs ; vous ne savez rien faire d'autre. De quel droit vous jugez nous ? »
Ses doigts se resserrèrent sur le tisonnier, plus par désespoir que par intention de s'en servir.
« Vous êtes immortels... Éternellement jeune... Rien ne vous affecte ou presque. Vous ne tombez pas malade, guérissez de vos blessures sans en garder de traces. Que savez-vous de notre vie, si rude, si éphémère ? »
Ses yeux se plissèrent rageusement :
« Le seul moyen par lequel homme peut se rapprocher des Anges, c'est de s'assurer qu'il ne manquera jamais de rien et qu'il gagnera une gloire éternelle dans la mémoire de ses semblables. Et s'il ne peut y parvenir qu'en asservissant d'autres hommes, voire des Anges, ce n'est qu'un prix comme un autre à payer. Alors, vas-y, juge-moi, ça m'est bien égal. Je n'ai peut-être pas la puissance d'Euresme de Cimes, mais on pourra dire qu'il y a eu un grand seigneur à Col d'Argent ! »
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