X - La Décision - Premier mouvement
Trois autres Semeurs de tempêtes s'étaient joints à eux, deux hommes adultes, Windeïn et Romis, et une jeune fille de l'âge d'Aïzie, Ivara. Après avoir longuement parlé de Cimes, de ses troupes et de ses défenses, le petit groupe avait rapidement conclu qu'il était impossible à la faible et pacifique population de l'île volante de venir en aide aux anges et aux chaînes captifs.
« La seule solution, déclara Afras, est que Luciellus remplisse sa mission pour éviter que Catena ne subisse un sort funeste. Je vais survoler moi même les défenses de Piques, dans la nuit, et je lui ferai un rapport complet. Ainsi, quand il rentrera à Cimes demain soir, il aura rempli sa mission, et le seigneur ne pourra rien lui reprocher. »
L'intéressé demeura un long moment silencieux, avant de demander :
« Vous feriez ça pour moi... pour nous ? »
— Personne ne devrait avoir le droit d'emprisonner un enfant du ciel, déclara Romis avec gravité. Le seigneur de Cimes a commis un crime en créant cette angèlerie. Il n'est ni le premier, hélas, ni le dernier. »
Aïzie posa une main sur le bras de son ami :
« Dès que mon oncle reviendra avec les informations sur Piques, je te prêterai Nuée. Elle t'aime bien, elle te ramènera volontiers à Cimes. Une fois là-bas, tu n'auras qu'à la relâcher et elle rentrera d'elle-même. Après tout, ce qui compte, c'est que tu y sois temps... Peu importe que ce soit par tes propres ailes ou de celles de Nuée. »
Angelus baissa la tête, trop touché, trop troublé pour pouvoir répondre.
« Dis-moi, demanda gentiment Windeïm, qui semblait le plus âgé d'entre eux avec ses cheveux d'une blancheur de neige en dépit de son corps vigoureux, pourquoi n'as-tu jamais été chercher de l'aide au Paradis, dans le séjour des Anges ? »
Angelus baissa la tête :
« Je... Je ne me souviens pas du chemin du Paradis, murmura-t-il doucement, comme si cette vérité était un peu honteuse. Avant Cimes, je croisais rarement d'autres Anges, et aucun ne semblait vouloir me parler trop longtemps. Je... je n'osais pas leur demander. Et les autres anges de Cimes... je ne pense pas qu'ils en connaissent encore le chemin... Sinon ils l'auraient fait eux-mêmes depuis longtemps. Ils demeurent auprès de leur chaîne, même s'ils les détestent, parce qu'ils sont prisonniers à cause d'elle... »
Les semeurs de tempête échangèrent des regards à la fois stupéfaits et navrés.
« Mais c'est différent pour toi et cette petite fille... Catena, remarqua doucement Aïmara. Même quand tu étais inconscient, tu appelais son nom, et tu n'as jamais cessé de penser à elle. Tu veux dire que les autres Anges n'aiment plus ceux qu'ils protègent ? Qu'ils ne partagent plus ce lien si beau ? »
Angelus mordilla sa lèvre :
« Je... Je n'en ai jamais vraiment rencontré à part moi. Sérafelle est un peu plus compatissante, elle comprend que je puisse être attaché à Catena autrement que par mon devoir... Mais elle n'aime pas sa chaîne comme j'aime Catena. »
Il sourit en repensant à la fillette aux grands yeux sombres :
« Quand je suis avec elle, je me sens moins seul. Je n'ai pas seulement envie de la protéger, je veux qu'elle soit heureuse. Elle a déjà douze ans et très bientôt, je ne serai plus son Ange protecteur. Mais même si j'ai un nouveau protégé, elle sera toujours mon amie, aussi longtemps qu'elle vivra... Même quand elle deviendra une femme, même quand elle sera une vieille dame avec des cheveux blancs... »
Son visage reprit sa gravité :
« Si seulement je pouvais trouver l'Ange destiné à veiller sur elle quand je ne le pourrai plus... »
Afras lui sourit gentiment :
« Nous n'avons pas d'Anges protecteur. Pour une raison étrange, nous n'existons pas à leurs yeux. Si tu ne t'étais pas écrasé ici à cause de la tempête, sans doute n'aurais-tu jamais soupçonné l'existence de notre île. Mais nous nous sommes fait un devoir d'aider les enfants du ciel que nous croisons. »
Ivara hocha la tête :
« Tu ne peux pas partir à la recherche de cet ange. Par contre, c'est possible pour nous, grâce aux Khaïtes... Nous pouvons voler jusqu'au Paradis et essayer de trouver quel ange va prendre soin de ton amie. Et même de l'aide pour les Anges et les Chaînes de forts. »
Les yeux d'Angelus s'élargirent d'étonnement :
« Vous connaissez le chemin du Paradis ? »
Aïmara haussa les épaules :
« Pas vraiment... Nous n'avons jamais eu l'occasion de nous y rendre. Mais nos khaïtes sont des Enfants du Ciel. Ils sauront le retrouver. »
Ainsi fut prise cette stupéfiante décision, qui laissa Angelus à la fois troublé et reconnaissant. Avec de tels amis, il lui semblait soudain possible de sauver Catena de son sort funeste.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top