LXIV - Ivara - Quatrième mouvement
Déjà les paupières de Livalie s'affaissaient, tandis qu'elle sombrait dans un sommeil mérité. La sage-femme se pencha pour prendre l'enfant dans ses bras. Ivara se rapprocha et tendit la main, laissant le nouveau-né resserrer sa menotte autour de son doigt. Angelus s'avança pour le contempler. Il ne présentait rien d'exceptionnel – il était semblable à des centaines, des milliers de nouveau-nés : un minuscule humain parfaitement formé, mais faible et vulnérable. Un fin duvet sombre couvrait le dessus de sa tête ; tout ce qui n'était pas emmailloté dans le linge blanc paraissait rose et fripé. Cependant, le regard des grands yeux à la couleur encore indécise semblait étonnement lucide, comme si quelque part au fond de sa conscience à peine éveillée, il se tenait prêt à faire face au monde dans lequel il venait de voir le jour.
« A-t-il un nom ? demanda-t-il avec cette touche d'émerveillement que les anges avaient toujours éprouvé, depuis l'origine des temps, face à un enfant qui venait de naître.
— Pas encore, répondit la sage-femme. Cela porte malheur de nommer un enfant avant sa naissance, et son prénom devra être choisi en accord avec son père. Il n'est pas encore passé voir son héritier... »
Parce qu'il se terrait, paralysé par la peur, dans ses propres appartements. Il faudrait l'en faire sortir, qu'il puisse enfin offrir un nom à son fils et être informé de l'étrange incidence qui faisait désormais de lui une chaîne.
Cette réalisation laissa Angelus pensif. Il songea de nouveau à la cruelle position de la plupart de ses congénères. Comment réagirait le seigneur Arol, à présent que le problème touchait ? Reléguerait-il son propre enfant dans la tour de l'angèlerie ? Ou accepterait-il de voir les choses sous un jour nouveau ? Le jeune ange avait le sentiment que la situation était devenue bien trop épineuse pour se résoudre si aisément... Mais ce n'était pas une raison pour ne rien tenter !
Il décida de retourner vers la chambre d'Arol, en espérant qu'il pourrait enfin le persuader. Il devait savoir comment s'étaient conclues les négociations de Pier.
« Je vois... murmura-t-il avant de s'éclipser. J'espère qu'il passera vous visiter bien vite.
— Je vous remercie, jeune ange... »
Il tourna les yeux vers Ivara, qui baissa la tête en soupirant :
« Je pense que désormais, je ne retournerai plus dans mon île... Du moins pas avant treize années révolues. Il faudra dire à ma tante que je ne l'ai pas désertée de mon propre chef...
— Je le sais, Ivara. Je pense qu'Aïzie le lui expliquera ! »
Tout semblait soudain si étrange, si inattendu ! Jamais il n'aurait songé que les choses pourraient tourner ainsi, que ses amis de l'île dans le ciel avaient fui la triste destinée qui les accablait sur terre et la dureté des Cieux, au prix de l'oubli. Il ne savait plus que penser, mais il ne voulait surtout pas les juger. Il lui faudrait mieux comprendre ce qui s'était jadis passé au Paradis, pour que certains Anges se résignent à renoncer à leur nature !
Il s'inclina et prit congé, décidé à retrouver ce nouveau père et lui annoncer la naissance ; il n'était certainement pas le messager qu'Arol attendait !
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