Epilogue - Second temps
Gerol se tenait debout sur la plus haute tour de la forteresse. Il venait d'avoir treize ans ; selon les traditions de son peuple, il entrait juste dans l'âge adulte. Il serait intronisé officiellement comme successeur futur de son père, le seigneur Arol, dans les jours suivants. Mais pour le moment, il cherchait un peu de solitude pour se livrer à l'une des taches les plus difficiles auxquelles il avait jamais fait face. Même quand il serait le seigneur de Col d'Argent, il n'aurait sans doute pas à en affronter de plus pénibles !
Le jour de sa naissance, la vie avait radicalement changé dans la forteresse d'altitude. Col d'Argent avait libéré ses anges et était devenu un refuge pour ceux qui fuyaient la tyrannie des maîtres des Hauteurs. Elle étendait sa protection sur un nombre de plus en plus important de villages, grâce aux anges qui prévenaient la forteresse de la moindre incursion de leurs dangereux voisins.
Col d'Argent était réputée imprenable, grâce aux tempêtes qui s'élevaient dès que survenait une menace pour en interdire l'accès. Les Semeurs avaient respecté leur promesse. Certains d'entre eux s'y étaient installés avec leur khaïte, comme Aïzie qui avait préféré abandonner ses ailes et retrouver son ancienne vie. La tour de l'angèlerie n'abritait plus d'anges ni de chaînes, mais des Nés du Ciel. Les gardiens demeuraient libres d'aller et venir où bon leur semblait autour de la forteresse, comme Ivara.
Ivara à qui il devait faire ses adieux en ce jour.
Il passa une main dans sa chevelure châtaine, la gorge serrée. La jeune angelle se tenait devant lui, souriante, mais ses yeux violets trahissaient sa mélancolie.
« Je voudrais te remercier, murmura-t-il, pour toutes ces années. Je te souhaite bonne chance... et... »
Il se tut, trop ému pour continuer. La main fine et blanche d'Ivara se posa sur son épaule :
« Je serai toujours avec toi, d'une certaine manière. Je ne sais pas si je pourrai revenir te voir, cela dépendra où je suis appelée... Mais tu resteras dans mon souvenir. Plus jamais je n'y renoncerai. »
Elle se pencha pour dépose un léger baiser sur son front, puis étendit ses ailes lilas et s'éleva dans le ciel ombré de crépuscule, dont la couleur reflétait celle de ses plumes.
Gerol se sentit soudain très seul et abandonné... Peut-être recevrait-il un autre gardien, mais il ignorait s'il le voulait vraiment, quand la douleur de perdre Ivara demeurait si intense. Mais une part de lui l'espérait. On disait que de plus en plus d'anges apparaissaient en ce monde pour protéger les enfants, mais aussi les adultes... On racontait même qu'ils venaient droit des Cieux, que le Paradis lui-même avait repris vie. Mais les Anges restaient discrets sur ce point.
Tandis qu'il regardait l'angelle disparaître à l'horizon, il trouva leurs adieux trop brefs, mais c'était sans doute mieux ainsi. Il n'y avait pas lieu d'être triste... C'était dans l'ordre des choses. Il n'était ni le premier ni le dernier à subir cette situation. Et pourtant, ses yeux brûlants ne parvinrent pas à retenir le flot qui les aveuglait. Il les essuya rageusement avec sa manche. Il n'était qu'un garçon de treize ans qui venait de perdre l'une des personnes les plus importantes de sa vie.
Il s'obligea à détourner son attention du firmament, où s'allumaient déjà les premières étoiles, quand une lueur encore plus brillante que les autres attira son regard. Il la contempla avec étonnement. Était-ce un astre en train de tomber du ciel ?
Il plissa légèrement les paupières : non, à présent que cela se rapprochait, il pouvait distinguer une gigantesque paire d'ailes, plus vastes même que celles de Celestia, l'angelle du Paradis, la protectrice de Solia. Elles ne reflétaient pas l'azur céleste comme celles de l'ange à la peau corail, mais étincelaient d'un or éblouissant.
La bouche ouverte de stupéfaction, il s'écarta pour laisser à l'ange la place de se poser. Il semblait occuper tout l'espace dans sa magnificence... Ses cheveux blonds flottaient sur ses épaules. Dans son visage aux traits réguliers, ses yeux d'un bleu profond luisaient comme des saphirs.
Il tendit les mains vers Gerol :
« Je sais qu'Ivara est partie... Mais désormais, je serai là pour toi, Gerol ! »
Lentement, le garçon laissa l'émerveillement faire place à la stupéfaction. Il n'avait aucun doute sur l'identité de cet ange dont le nom emplissait les contes de son enfance.
Avec un large sourire, le jeune héritier de Col d'Argent accueillit son protecteur.
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