Chapitre 3

La boule au ventre, j'avançai vers mon nouveau lycée. L'année n'avait commencé que depuis deux semaines, il était donc encore possible pour moi de m'intégrer.Mais il y avait bien un problème, c'est que je n'étais pas le genre de fille qui s'intégrait facilement. J'étais surdouée, alors au milieu des autres élèves, j'étais déjà différente.

J'essayais de ne pas faire tourner trop de scénarios différents dans ma tête, mais c'était tout de même le chaos. C'était ma première année dans un lycée, et c'était un endroit que je ne connaissais pas, dans une ville qui m'était presque inconnue.

Je pouvais me montrer très sociable,mais pas en terrain inconnu, comme je l'étais en ce moment.J'inspirai à fond en regardant les immenses bâtiments appartenant à ce qui serait mon école pour les deux années à venir.

J'entrai dans le bâtiment administratif, quand une fille courut vers moi. Elle me demanda joyeusement si j'étais une nouvelle élève. Lorsque je hochai la tête, elle sautilla et me sourit. Elle était jolie, avec ses cheveux roux et ses yeux verts au paillettes dorées. Je pouvais dire qu'elle avait des dents très blanches, puisqu'elle souriait tellement qu'on ne pouvait remarquer que ça. Elle était un peu plus grande que moi, mais j'étais assez petite, puisque j'atteignais à peine le mètre soixante, et très mince. Je ne pouvais pas dire maigre, mais elle avait l'air d'avoir une faible constitution.

- Je m'appelle Kennedy. Je sais, comme un des présidents américains, et ça sonne masculin. Mais on ne choisit pas son nom ! Et toi ?

- Je m'appelle Jenna...

- Oh, un nom américain ! Cool, ça nous fait un point en commun, ça et aussi le fait qu'on soit toutes les deux stressées de la vie !


Oh, ça expliquait sa façon d'être assez... Explosive...

- Je... Je ne suis pas stressée...

- Bien sûr que non, cela ne se voit pas du tout ! (Elle maîtrisait bien les tons ironiques...) Tu entres dans un nouveau lycée, tu ne connais personne !


Si elle savait à quel point c'était une bonne chose, que je ne connaisse personne...


- Mais rassure toi, les gens sont cools ici ! Il y aura toujours des personnes que tu n'aimeras pas, mais à part ça, les profs sont sympas, le lycée n'est pas si horrible que ça non plus ! Et puis les CPE et le principal sont super gentils ! Enfin faut pas que tu fasses de bêtises...


Elle me paraissait sympa, mais je commençai à avoir mal à la tête. J'avais besoin d'une aspirine...Ou deux... Ou de codéine... Elle continua de me parler pendant encore deux minutes durant lesquelles je débattais intérieurement sur les médicaments dont j'avais réellement besoin.


- Oh, j'y pense, si tu es nouvelle, tu dois voir le principal ! Suis-moi, je t'y emmène !

- Merci...


Oh, elle se faisait silencieuse !Bon, je pouvais être aussi... Dynamique qu'elle, parfois, mais je ne pensais pas que je parlais autant... Ma tête guérissait lentement quand on arriva devant une porte.


- C'est ici ! Vas-y, il est su-per sympa ! Et je ne dis pas ça parce que c'est mon beau-frère ! Il sait mettre à l'aise n'importe qui, si tant est qu'il le trouve sage ! Entre, n'aie pas peur !

- Merci encore, Kennedy.


Elle me sourit et je toquai à la porte. Une voix chaude et douce m'intima d'entrer dans la pièce.J'obéis, pour rencontrer un homme brun aux yeux gris. Il avait des épaules larges et était grand, ce qui le rendait assez intimidant.Je pouvais dire qu'il était bel homme, digne d'un acteur américain.


- B...Bonjour, monsieur. Je suis nouvelle élève, je crois que j'ai...

- ...Des papiers à signer, exactement. (Il me sourit) Jenna Alex, c'est bien ça ?


Je hochai la tête en lançant un timide « oui, monsieur ». J'étais assez intimidée, quand bien même il avait ce regard accueillant.

Il me demanda quelques papiers que j'avais avec moi et un chèque pour la cantine.


- Tu as pu visiter ?

- N... Non, monsieur. Un surveillant m'a emmenée jusqu'au bâtiment, et Kennedy m'a guidée jusqu'à votre bureau.

- Kennedy, hein ? Elle parle beaucoup, quand elle ne connaît pas la personne. Mais tu peux avoir confiance en elle. Si tu as un problème, viens la voir si je ne suis pas disponible, elle m'en parlera dès que possible. Tu peux lui demander de te faire visiter, elle a le temps, elle commence à neuf heures. Ce que tu as vu pour le moment te plaît ?

- Oui, monsieur.

- Appelle-moi Sebastian. Je déteste qu'on m'appelle « monsieur », j'ai l'impression d'avoir cinquante ans ! Et puis, le « monsieur » n'est réservé qu'aux mauvais élèves. J'espère que tu n'es pas du genre à t'attirer des problèmes.


S'il savait !Mais je secouais tout de même la tête. Je commençais une nouvelle vie, je pouvais changer ça.

Il me tendit mon emploi du temps et me dit que celui-ci prenait pour moi effet après la récréation de dix-heures, pour que je me fasse au lycée.Je le remerciai et il me sourit en me congédiant.

Il était gentil, j'avais si peur que ce soit un de ces vieux bonhommes grognons qui râlaient quand on les dérangeait pendant qu'ils buvaient leur café !

Je sortis du bureau, Kennedy m'attendait devant.


- Alors, il est pas sympa mon beau-frère ?

- Si, il l'est. Oh, euh.. Peux-tu me faire visiter le lycée s'il te plaît ? Je ne commence les cours qu'à dix heures.

- Bien entendu !


Elle avança et je la suivis.


- Tu as des neveux ? Puisque tu as un beau-frère...

- En effet, j'ai un neveu et une nièce, Johan et Isabelle.


Elle en parlait fièrement. Elle devait beaucoup tenir à eux, c'était touchant.


- J'aurais aimé avoir des neveux... Ou au moins un frère ou une sœur...

- Tes parents n'ont jamais voulu de second enfant ?

- Mon père est mort avant ma naissance, alors ils n'ont pas vraiment eu le temps d'en avoir un second.


Je me tendis, je venais de m'ouvrir un peu trop à elle. Mais je fus soulagée quand je ne vis aucun regard de pitié ou de gêne. Elle savait ce que c'était, je le sentais.


- Toi aussi, un de tes parents est décédé sans que tu l'aies connu ? lui demandai-je.

- Ma mère, je ne l'ai connue que pendant les trois premiers mois de ma vie. Cancer foudroyant. Je ne m'en souviens donc pas...


Nous soupirâmes en même temps. On ne savait que trop bien ce que c'était de rêver de connaître un jour ce parent perdu.

Elle me montra le dernier bâtiment, qui était celui de la cantine avec, au deuxième étage, un foyer et une salle de musique, avec tant d'instruments ! Il y avait peu de lycée avec ce genre de salle, puisqu'on n'avait plus musique après le collège. Je fus donc assez contente de voir cela.


- Attends moi dans la cour de récréation, devant les trois arbres que tu vois là-bas. Je te présenterai quelques autres élèves du bahut ! Ce sont mes amis, mais ne t'en fais pas, ils ne sont pas aussi bavards que moi ! (elle me fit un clin d'oeil) Je ferais mieux de partir en cours, ça va sonner. À toute !


Elle se dirigea vers un bâtiment situé à côté de celui où je l'avais rencontrée. C'était celui réservé aux salles de mathématiques et d'histoire-géographie.

Je fis un dernier repérage, pour essayer de trouver la salle où je serais pour le prochain cours. J'avais physique-chimie, alors je me dirigeai vers le bâtiment des sciences.

Une fois cela fait, je me dirigeai vers l'endroit où je devais retrouver Kennedy.Je m'assis sur une marche située à coté des trois arbres.J'attachai mes cheveux en queue de cheval avant d'abandonner cette idée, puisque l'élastique s'était cassé. Ce serait génial pour la physique-chimie...

Une petite heure après, la sonnerie retentit et Kennedy me rejoignit encourant. Elle devait beaucoup aimer courir !


- Ils ne vont pas tarder à arriver ! Tu vas voir, ils sont trop sympas ! Ils sont un peu bizarres, par contre, mais ne fais pas attention !

- Qui est bizarre ?


Je levai les yeux vers la voix et découvris un magnifique jeune homme. Il était grand, aux cheveux bruns lisses, un peu longs et avait des yeux que je n'aurais su dire s'ils étaient gris ou bleus. Les épaules larges, on le devinait facilement musclé, même si on ne voyait pas sa musculature à travers son t-shirt Metallica. Il faisait plus vieux que son âge, qu'il aie quinze ou dix-huit ans, il en paraissait vingt. Mon Dieu, n'y avait-il que des garçons atrocement mignons dans cette ville ? Enfin, j'avais croisé deux ou trois hommes bien banals avant cela, mais deux de rencontrés en deux jours, c'était un record mondial.


- Toi ! Oh, (elle se tourna vers moi) je te présente Théodore, mais appelle-le Totore, il déteste ça !


Il lança un regard noir en direction de la jeune rousse.


- Enchanté, tu es nouvelle ? me demanda-t-il de sa voix grave.


J'ouvris la bouche pour répondre, mais je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit.


- Oui, elle s'appelle Jenna, un nom américain, comme moi ! répondit-elle à ma place.

- Elle aurait pu répondre toute seule, Kennedy. Tu parles encore de trop.


Elle s'excusa et se renfrogna, avant de tirer la langue au nouveau venu qui venait de parler. Il avait des cheveux bruns bouclés et des yeux de la même couleur. Ses lèvres étaient plus fines que celles de Théodore, remarquai-je. Il était aussi un peu moins grand et musclé que lui. Il était un étudiant normal, quoiqu'il avait un certain charme, pour un adolescent de son âge. Il devait avoir seize ans, pas plus.


- Lui, c'est Angelo. Mais on l'appelle Taz... C'est une vraie tornade, plus particulièrement quand il s'agit de filles. Il a détruit plus de cœurs que la Peste Noire n'a détruit de vies... Dois-je préciser qu'il est italien, ou cela te semble logique ?

- Hé, fit-il, les italiens ne sont pas tous de sombres idiots !

- Tu viens de t'insulter toi-même, Don Juan. Je te préviens, celle-là (elle me montra du doigt) tu ne la touches pas. Elle est trop gentille pour que j'accepte que tu lui fasses du mal !


Il me salua de la main en soupirant.


- Je préfère les blondes, tu te souviens ? Même si je dois avouer qu'elle est plutôt mignonne...


Je baissai la tête, un peu gênée. Le dernier compliment auquel j'avais eu le droit, au collège, avait été « tu es plutôt jolie, pour une sorcière. ». Autant dire que je n'avais pas vraiment su comment le prendre.


- Tu es plutôt silencieuse, non ? Ou tu es timide ?


Je me tournai vers Théodore. Oh, oui, il avait vraiment une belle voix...


- Un peu des deux, lui avouai-je, j'avais l'habitude d'être seule, avant...


Il s'assit près de moi. Je me sentis si petite, alors qu'il était là, si grand et puissant.


- Eh bien, comme Kennedy t'as mis le grappin dessus, je suis certain que tu ne seras plus jamais seule.


Il me fit un clin d'œil et me sourit. Je lui rendis ce sourire, puis regardai le sol.


- C'est qui elle ?


Je relevai la tête vers la jeune fille qui venait de parler. Elle avait les cheveux noirs, ce qui avait l'air assez peu naturel, longs, la peau mate et les yeux bleus. Son visage était un peu rond, et elle était plutôt grande. Elle portait une tunique noire imprimée d'une chouette et d'un pentagramme. Ses chaussures New Rock et ses bijoux me prouvèrent qu'elle était gothique. Je n'avais aucun problème avec ce style, mais je détestais les pentagrammes depuis que j'avais surpris un drôle de rituel satanique en voyant le passé dans un endroit assez improbable ; un parc pour enfants. J'avais dix ans, alors.

Apparemment, elle s'appelait Lorène. Kennedy avait répondu à sa question avant que je puisse me présenter à elle, ce qui fit rire le garçon à côté de moi.


- Elle ne dit rien, elle est malade ? demanda la jeune gothique.

- Non, non, je n'ai pas grand chose à dire, c'est tout...

- Ah bon ? Tu es nouvelle, tu viens d'une nouvelle ville et on ne sait rien sur toi, alors tu as des tas de choses à dire, au contraire ! Déjà, de quelle ville tu viens ?

- Je viens d'une petite ville, en Auvergne... Cela m'étonnerait que vous connaissiez...

- Oh, tu viens d'assez loin, du coup ! Tu n'es pas trop dépaysée ?


Elle continua à me poser des questions sur ma ville d'origine, la raison pour laquelle ma mère avait décidé de partir d'ici pour finalement revenir et bien d'autres sujets.

Je fus enfin sauvée par le « gong ». Il était l'heure de faire mon premier cours.


Je me levai rapidement et les autres, qui s'étaient assis pour m'écouter attentivement, me suivirent. Lorène pris Angelo par le bras et le tira pour aller en cours, puisqu'il n'avait pas l'air enchanté à l'idée d'avoir français. Théodore m'arrêta quand je commençai à partir.


- En quelle salle dois-tu te rendre ?

- En B208, j'ai physique-chimie...

- Tu veux que je t'accompagne ?

- Non, merci, Kennedy m'a déjà montré tout le lycée. Je sais où se trouvent les bâtiments.


Il haussa les épaules et me sourit.


- Comme tu veux, j'allais dans ce bâtiment aussi, alors je me suis dit que je pouvais t'y emmener. Tu es en filière scientifique, toi aussi ?

- Non, lui dis-je, je suis en Seconde. Donc je n'ai pas de filière.

- Oh, je n'y aurais jamais cru. Tu parais beaucoup plus vieille que tu ne l'es.

- Tu n'es pas le premier à me le dire.


Vivre à la fois avec le présent et le passé pouvait faire paraître plus vieux n'importe qui. Après tout, j'avais appris des choses qui m'avaient fait mûrir plus vite, et quand on fait face à la haine des autres pendant toute son enfance, on n'est plus aussi innocent qu'on ne devrait l'être. Mais cela avait ses avantages : je pouvais aller boire une bière dans un bar sans que l'on me demande ma carte d'identité.

Chut, mon oncle n'en sait rien, il n'y a que ma mère qui le sait!

Je m'avançai vers le bâtiment, accompagnée de Théodore, puisque, apparemment,il devait se rendre dans le même bâtiment que moi.

J'appréhendais ce premier cours, j'avais un peu peur des autres élèves, ou d'avoir un mauvais professeur... D'autant plus qu'on m'avait dit que mon professeur principal serait celui de physique-chimie. J'arrivai devant la salle, saluai Théodore de la main, tandis que nos chemins se séparaient, puis attendis. Les élèves me regardaient étrangement, mais j'en avais l'habitude. Je leur souris timidement et décidai de me concentrer sur mes lacets en attendant que l'on ouvre la salle.


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