Chapitre 9 - Partie 4

Lia était rentrée au château, suivie de près par Tristan. Son comportement avait été étrange, et avait déstabilisé la jeune femme. Le garçon s'était alors expliqué :  "J'ai déjà voyagé dans le Sud mais je n'en ai pas gardé un bon souvenir." Alors Lia avait été soulagée et avait requis plus d'explications. Le jeune homme avait obéit : " J'étais petit et j'étais parti avec Isiline ". 

Un voile de tristesse était passé devant ses yeux et il avait marqué une petite pause pour réfréner ses émotions, avant de reprendre.

 " On partait souvent en voyage, ce que je n'avais jamais trop compris puisqu'on ne visitait personne en particulier. Mais là c'était la première fois où on allait dans le Sud. J'étais excité, après tout ce que j'avais entendu et lu, j'allais enfin voir de mes propres yeux le sable roux, les monuments tout en vitraux et les immenses tours d'argile." 

Lia avait fermé ses yeux pour mieux imaginer les décors. 

"On avait enfin passé la frontière après des semaines de chevauchée. Et c'était merveilleux, je n'avais jamais vu d'endroit aussi lumineux. Nous étions arrivé dans le petit village Azraham où les hommes et les femmes à la peau brune, comme Isiline, étaient habillés de tissus violets et bleu scintillants. Les bras à l'air, ils portaient tous de nombreux colliers et ma tante m'expliqua que c'était une marque, non pas de richesse, mais de bonté. Je n'avais pas trop compris à l'époque ce dont il s'agissait, mais ce village était un lieu de pèlerinage pour tous les malades qui rêvaient d'un dernier espoir. On prêtait à ce lieu certains miracles. On trouvait dedans de nombreux hospices, et tout le monde pouvait aider ces souffrants, en travaillant dans ces hospices appelés des Orridors. Et à la fin de chaque année passée dans les Orridors, à prodiguer des soins, amener de la nourriture ou des tissus propres, on recevait un bracelet doré."

Tristan avait fait une pause dans son histoire et elle n'avait pas dit un mot depuis le début, obnubilée par ce récit.

" Cela faisait quelques jours que nous étions arrivés. Nous séjournions chez un ami d'Isiline, très sympathique. Mais ma tante disparaissait souvent pendant la journée, sans me dire où elle allait. Alors je me retrouvais seul chez ce monsieur que je ne connaissais pas. J'avais interdiction de sortir, et étant un enfant obéissant, j'avais suivi les ordres d'Isi. Puis vers la fin d'après midi, cela faisait plus de trois heures que ma tante était sortie quand j'entendis la porte s'ouvrir dans un fracas monstrueux, ma tante s'était jetée sur moi, le visage trempé par les larmes. Elle m'ordonna de prendre mes affaires rapidement. Je ne comprenais pas, ma tante n'arrêtait pas de pleurer, je ne l'avais jamais vu dans cet état. Elle m'avait pris par le bras et nous nous étions rués en dehors de la ville. Ensuite je ne me rappelle plus très bien, mais je sais juste qu'un homme s'était jeté sur nous et que ma tante l'avait poignardé. J'avais lu une telle rage dans ces yeux que j'avais pris peur. Je n'avais plus rien dit pendant de longues heures. Elle avait pleuré tout ce temps et m'avait fait promettre de ne jamais remettre un pied dans le Sud "

Les deux jeunes gens étaient ensuite rentrés au château et sur le chemin Lia resta silencieuse, digérant ces informations et imaginant Isiline comme l'avait décrit Tristan. C'était une femme très calme, sage et intelligente qu'elle avait rencontré, difficile d'imaginer qu'une telle chose put lui arriver.

— Tu as su ce qui s'était passé ? Lui demanda-t-elle une fois passé l'entrée.

— J'ai su qu'elle fréquentait quelqu'un, et que c'était cette personne que nous suivions à chacun de nos voyages.  Mais je n'ai jamais su ce qu'il c'était passé à Azraham.

La jeune femme posa sa main sur celle de Tristan pour signer sa sympathie et ils échangèrent un sourire. Cela avait été très inconfortable pour Tristan de raconter cette histoire. Ils se séparèrent, chacun retournant dans sa chambre respective et Lia, allongée sur son lit les bras croisés, réfléchit à la proposition de Jason. Elle ne pouvait pas partir ainsi, et si elle devait refuser sa mission, elle devait au moins prévenir son père et ses frères. Elles ne seraient pas une fuyarde, elle assumerait les foudres de son sang. Elle expliquerait que la fin de son clan n'était pas important, de toute façon, à quoi bon posséder et protéger un Don qu'on ne peut même pas utiliser ? Les seules personnes qu'elle aimait étaient en vie, et le resteraient même si elle refusait d'honorer sa mission.  

C'est décidée qu'elle s'endormit paisiblement, et pour la première fois depuis longtemps, le débat intérieur qui l'agitait s'était arrêté. Ses valeurs étaient enfin en accord avec son coeur.

***

- Kaly dépêche-toi, viens par là !

Je suis la petite fille blonde. Elle m'entraine dans une course folle et rit à pleine gorge. Je peux entendre l'écho de son rire se répercuter sur les arbres, faire frissonner les feuilles et les oiseaux s'envoler. Je me laisse aller, éblouie par les reflets doré qui chatouille mon nez. Il fait chaud et je porte une petite robe rose. J'ai mis mes chaussures préférées, des petits mocassins blancs nacrés. Je suis un peu triste de les salir dans la forêt mais ce n'est pas grave, papa crieras un peu mais  tata Isis les laveras facilement. Tata Isis arrivait toujours à rattraper mes bêtises, peut-être même que je trouverais un moyen de la voir avant de croiser Papa. Je verrais ça au retour. En attendant, Alisée me tient la main et nous courrons toujours. Je ne sais pas encore où elle m'entraine mais elle m'a promis que j'adorerai. On court tellement vite que j'ai l'impression de voler. On débouche sur une petite clairière. Là, Alisée s'arrête et replace ses mèches folles derrière ses oreilles. Elle se tourne vers moi et me fait "chut" avant de me pointer une direction avec son doigt. Mais je ne discerne rien. Je la regarde, dubitative et perplexe, puis elle rit à nouveau. Je ne peux m'empêcher d'être heureuse, j'adore quand Alisée rit. Elle est toujours joyeuse Alisée. Je suis hypnotisée par ses cheveux blonds. J'aurais tellement aimée avoir les même.

- Mais si regarde ! me lance-t-elle.

Je tente à nouveau d'observer la clairière, mais je ne vois rien.

- Mais je ne vois rien Ali !

Elle soupire et maugrée quelques mots inintelligibles. Puis elle se met face à moi, une main sous mon cou et l'autre sur mon front. Super ! Je suis toute excitée elle va encore faire un de ces petits tours que je ne comprends pas ! Elle est trop forte Alisée, elle a des super pouvoirs. Je ressens des petits picotements, au début ce n'est rien, c'est même drôle, mais après quelques secondes ça commence à faire mal. Je laisse échapper une grimace.

- Ça commence à faire mal !

- Chhh, concentre-toi.

J'essaie de faire comme elle me dit, mais vraiment là ça fait mal ! Les picotements deviennent presque des décharges dans ma tête. Au moment où j'allais hurler de douleur elle retire ses mains. Je tombe en arrière, sur les fesses, et me masse le crâne.

- C'était quoi ça ! D'habitude tu ne me fais pas mal !

Elle rit et me fait signe d'approcher avec sa main. Et là je comprends. La clairière n'est plus vide mais une espèce de fumée étrange, presque transparente l'enveloppe. Je peux voir quelques petits oiseaux se battre avec les faux nuages que la fumée, opaque, créée. Je regarde à nouveau la direction que m'avait indiquée Alisée quelques minutes plus tôt, et je discerne une ombre qui se déplace lentement. Ali me prend la main et me demande du regard si je suis prête à y aller. Je sais que papa ne serait pas content mais je fais confiance à Ali. Alors on se remet à courir et on entre dans la clairière. Je suis enveloppée dans la brume, elle est douce et délicate. J'ai l'impression de toucher des milliards de flocons de neige, mais sans ressentir la morsure du froid. Je lâche la main d'Ali et je tournoie dans la brume. Un oiseau s'approche timidement et je lui tends ma main pour qu'il s'y pose. Il s'envole dès que j'avance mon visage et je ris. Je suis comme dans une sorte de transe. J'ai l'impression d'être portée par le brouillard, de voler dans un nuage. Passé le temps de l'excitation je cherche Ali du regard et la voit à quelques pas, en train de parler à l'ombre de tout à l'heure. C'est en fait une grande dame à la peau brune et aux cheveux noirs. Je n'avais jamais vu de dame aussi grande. Elle est habillée d'une robe couleur vert pastel, tellement belle ! Ali me pointe du doigt et la dame lève son regard vers moi. Ses prunelles dorées ont sur moi l'effet d'un aimant et je m'approche d'elle. Lorsque j'arrive à leur niveau, la dame se baisse pour pouvoir planter son regard dans le mien. J'ai l'impression qu'elle m'étudie quelques secondes avant de lancer la discussion.

- Bonjour Kaly, commence-t-elle avec un grand sourire.

Elle est si belle, sa beauté m'envoute.

- Est-ce que tu aimes les cadeaux Kaly ? me demande-t-elle.

Je réponds que oui, avec un grand sourire, peut-être qu'elle va m'en offrir un ? Elle fouille dans son sac et ressort un petit sachet de velours bleu marine. On dirait que la nuit a été capturée dans ce petit sachet. Je jurerai que j'ai vu les paillettes bouger, comme les étoiles dans le ciel.

***

Lia entra dans le bureau. Cette fois Jason l'attendait, un verre de Whisky à la main, dans un fauteuil. Il lui tournait le dos mais elle savait qu'il l'avait entendu entrer, alors elle alla se servir un verre de scotch puis s'assit en face de lui. Elle but une gorgée, et retint une grimace. Elle sentait déjà l'alcool lui brûler la gorge et l'oesophage.

— Je ne partirai pas.

Il but cul sec le reste de son verre puis se leva pour aller se resservir. Il avait le regard dur, comme s'il venait d'apprendre une nouvelle qui l'avait terrassé. Il finit son whisky, et se resservit, encore une fois. Lia resta à la regarder, ne comprenant pas son comportement. Il portait à nouveau son verre à la bouche lorsqu'elle intervint.

— Comptez-vous boire la bouteille avant de me répondre ?

Il laissa échapper un petit rire et posa son verre à côté de la bouteille. Il resta immobile quelques instants avant de se retourner pour lui faire face. Ses yeux étaient encore plus sombres que d'habitude.

— Vous ne pouvez pas savoir combien j'aimerai me souler ne serait-ce que pour oublier le temps d'une soirée votre existence, siffla-t-il.

Lia eut le souffle coupé. Une fois de plus, il la prenait de court. Mais cette fois elle avait pu lire le dégout et la haine qu'il lui portait. Voilà pourquoi il voulait l'emmener loin, pas pour la protéger non, ce n'était qu'un prétexte pour qu'elle accepte, il voulait mettre le plus de distance possible entre elle et lui. A moins que ... Lia assembla toutes les pièces du puzzle et comprit enfin son erreur.

— Vous êtes épris de quelqu'un, c'est cela ?

Il s'esclaffa à nouveau. Un nouveau verre et un nouveau cul sec.

— Vous êtes si naïve.

La jeune Iclite ne prit même pas le temps de relever sa phrase.

— Alors qu'est-ce donc ? Pourquoi me détestez-vous autant ?

— Vous détester ? S'il y a bien quelqu'un que j'essaie par-dessus tout de ne pas détester, c'est vous !





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