Chapitre 6 - Partie 1
Lia eut un mouvement de recul qui la fit trébucher sur une racine. Dans sa chute, toutes ses pommes tombèrent.
— Dépêche-toi ! cria Tristan, lui tendant la main pour l'aider.
La jeune fille resta muette, tentant de remettre ses idées en ordre. Elle attrapa sa main, par réflexe.
— Dieu soit loué, tu es bien vivante !
Il l'avait plaqué contre lui. Elle aperçut alors le corps de Roland, gisant à terre, là où il faisait ses besoins. Lia repoussa violemment Tristan.
— Qu'est-ce que tu as fait !
Puis elle se mit à courir vers Roland, mais une main sur son bras l'en empêcha. Tristan la ramena contre lui alors qu'elle se débattait.
— Il n'est pas mort Lia, juste assommé ! Allez viens, il faut qu'on se dépêche avant qu'il ne se réveille !
— Mais je ne veux pas aller avec toi ! cracha-t-elle. Lâche-moi !
— Lia !
Elle ne l'écouta pas et courut vers Roland. Mais elle s'effondra à quelques mètres de lui, à cause d'une douleur fulgurante au crâne. On l'avait assommé.
Lorsque l'Iclite ouvrit les yeux, elle était placée en sac à patate sur un cheval. Ses mains pendaient d'un côté et ses jambes de l'autre. Sous son corps se trouvait une couverture plutôt épaisse qui l'empêchait de frotter trop fort sur les quartiers de la selle. Elle remua la tête, la douleur à l'arrière de son crâne était toujours présente. Le cheval s'arrêta et Lia sentit du mouvement. On la tira vers l'arrière et elle fut bientôt au sol. Ses yeux s'habituant à la lumière, la jeune fille put découvrir qu'elle n'était plus dans la forêt mais dans une immense clairière, le soleil à son point culminant. Seulement quelques heures étaient donc passés depuis son dernier souvenir. Les derniers instants lui revinrent et elle tourna la tête vers la personne qui se trouvait accroupie à côté. Tristan. Elle tenta de s'écarter, mais la douleur à la tête la frappa de nouveau, lui arrachant une horrible grimace et l'empêchant de bouger.
— Lia s'il te plait, reste tranquille et laisse-moi voir ta tête.
— Comment as-tu osé ? Vociféra-t-elle.
La jeune femme tenta minablement de gifler Tristan, mais celui-ci n'eut aucun mal à esquiver le faible mouvement. Lia s'écrasa mollement sur le sol, encore étourdie et dut se calmer quelques instants avant de de retrouver une vue nette.
Elle réussit à s'accouder sur un bras et à se tenir la tête sur l'autre. L'iclite sentit alors une grosse bosse sur l'arrière droit de sa tête. Elle se massa délicatement quand Tristan lui tendit sa gourde. Lia tourna la tête avec une mine de dégout, refusant de boire l'eau de celui qui l'avait vendu à Raenar.
— Tu es déshydratée, bois !
Lia lâcha un rire mauvais.
— La faute à qui ? cracha-t-elle.
Furieux, Tristan rangea sa gourde, s'accroupit à son niveau et prit son visage entre les mains. L'Iclite tenta de détourner les yeux mais la pression qu'il exerçait était trop puissante et elle n'avait pas encore recouvré toute sa force.
— Ecoute-moi Lia, je te promets que je ne t'ai pas abandonnée. Le matin où nous devions partir, Raenar m'a fait venir dans son bureau pour m'informer que tu t'étais enfuie! J'ai parcouru tous les villages alentours, pendant des semaines je t'ai cherché Lia et tu étais nulle part !
— Evidemment, j'étais en train de pourrir, ou de mourrir plutôt, dans une cave du château !
La jeune femme n'arrivait pas à croire qu'il avait pu gober un mensonge aussi stupide. Elle n'y croyait tout simplement pas.
— Roland m'a dit t'avoir vu avant-hier au château, tu ne t'inquiétais pas le moins du monde pour moi !
— Roland, Roland ! Il a réussi à te séduire ! Mais reprends-toi, je t'avais prévenu de ne pas te fier à lui, ni à personne d'autre ! Sais-tu seulement où il comptait t'emmener ? A Ruisselac ! Chez les Maréchaux !
— Ah oui ? Et qu'est-ce que tu en sais, hein ?
Elle s'était maintenant presque relevée. Tous ses membres étaient endoloris par ces semaines de torture, par la fatigue et la famine. Lia était chétive et ses os saillaient sur sa peau, devenue, elle, si fine qu'elle paraissait laiteuse. La jeune femme rassembla le peu de force qui lui restait pour avancer vers le garçon, le doigt levé vers son visage. Elle prit le ton le plus vindicatif qu'elle put :
— Tu n'es qu'un traître Tristan, je t'ai fait confiance, je t'ai tout raconté et j'ai été bien naïve ! Tu m'as amené chez TON oncle, qui comme de par hasard, avait besoin de MES services. Et OH coïncidence, mon don pouvait vraiment lui être utile !
Si elle n'avait pas eu la bouche desséchée elle aurait certainement craché à ses pieds. Mais au lieu de cela elle fut prise d'une énorme quinte de toux. Elle toussa si fort, et si longtemps, qu'elle sentit un goût de rouille dans sa bouche. Du sang ? Elle tenta de se retenir à un arbre, mais c'est Tristan qui l'empêcha de s'étaler par terre. Son séjour l'avait encore plus affaibli qu'elle ne le pensait.
Le jeune homme s'assit doucement à ses côtés, la prit comme on porte un enfant pour lui donner le biberon, et lui donna à boire de sa gourde. D'abord réticente, Lia ne résista pas à l'appel de la soif : au début timide, elle empoigna faiblement la gourde et but goulument.
Ils restèrent ainsi un moment. Elle n'appréciait pas forcément ce contact, ni même de se retrouver dans cette position, mais Lia ne pouvait nier que ce geste presque maternel lui faisait du bien. Ereintée, elle s'endormit dans ses bras et Tristan ne la réveilla pas.
***
La jeune femme ouvrit péniblement les yeux et ne put s'empêcher de rougir quand elle se rendit compte de la position dans laquelle elle se trouvait. Tristan était assis dos à un arbre et elle avait la tête posée ses cuisses. Le garçon avait les mains sur son bras, comme s'il avait voulu la réchauffer. Elle leva doucement les yeux vers lui, il dormait. Soulagée, elle s'extirpa doucement pour ne pas le réveiller : elle ne voulait pas lui parler. Toujours discrètement, elle fouilla dans le sac qui était à côté de son cheval, elle espérait y trouver de la nourriture : elle mourrait de faim. Lia lâcha un petit juron, il n'y avait q'un crouton de pain plein de poussière. Elle souffla dessus et croqua dedans... et failli y perdre une dent. Ce crouton était dur comme de la roche !
Enragée, Lia jeta le crouton en pestant, s'en voulant aussitôt car, en ricochant contre un arbre, le crouilloux - elle le renomma ainsi- interrompit le silence de la nuit. Elle resta immobile quelques instants, les sens en alerte, mais fut rassurée lorsqu'elle se retourna et vit que Tristan dormait toujours à point fermé. Elle se résigna à manger, mais pas à s'enfuir. Elle détacha donc les rênes du cheval qui étaient enroulées autour de l'arbre et s'apprêtait à mettre le pied à l'étrier quand une voix s'éleva derrière elle.
— D'abord tu essaies de voler ma nourriture, et maintenant mon cheval ?
Lia se figea, et sentit son pouls s'accélérer et battre jusqu'à ses tempes. Elle sentit une main sur son dos, ce qui la fit frissonner et son sang se glaça. Elle déposa le pied à terre et se retourna lentement pour faire face à Tristan. Elle pensait voir à un jeune homme en colère mais c'est de la tristesse mêlée à de la déception qu'elle put lire dans ses yeux.
— Lia, crois-tu réellement que je t'aurais protégé à Ruisselac pour te livrer à mon oncle ensuite ?
— C'est ton oncle justement ! Tu dois certainement vouloir savoir ce qu'il est advenu de ta tante !
— T'arrive-t-il de réfléchir parfois ? Je t'ai sauvé avant de savoir qui tu étais !
Il avait presque hurlé ces dernières phrases. Lia pouvait à présent discerner la veine de son front. Elle resta silencieuse, ne sachant quoi répondre. Il marquait un point, et elle, se perdait encore un peu plus. Elle ne savait plus qui croire, de lui, de Raenar ou de Roland. Elle réfléchissait à toute vitesse, ressassant les arguments de chacun, essayant de démêler le faux du vrai. Mais tout semblait si vraisemblable. Voyant qu'elle ne répondait pas il s'approcha un peu plus d'elle dans un mouvement qui se voulait affectueux, mais prise de panique elle se recula, le dos contre le cheval qui, surpris par ce contact, releva la tête brusquement.
— Tu as peur de moi ?
Sa question avait été à peine audible. Sa voix s'était perdue dans son amertume. Et Lia restait de marbre, ne sachant que faire, encore une fois. Epuisée, elle voulait se reposer. Affamée, elle voulait juste manger, reprendre des forces et qu'on la laisse. Elle n'était même pas encore arrivée à Humelac que tant de choses s'étaient passées. Elle avait déjà trop perdu, brisé les promesses qu'elle avait faite, envers sa famille et elle-même, elle avait été torturée, traitée comme une esclave, tributaire de son don qu'elle n'avait même pas réussi à réveiller.
Elle n'était même pas arrivée à Humelac et elle avait déjà du essuyer tant d'échecs.
A bout de nerfs, elle tomba à genoux et se mit à pleurer.
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