Tristan expliquait à Lia que c'était ici qu'ils se retrouvaient avec les quelques descendants des Amarants. 

Il s'avança vers une des bibliothèques sur la gauche puis sur la deuxième étagère en partant du haut et prit un livre. C'était un ouvrage qui retraçait l'histoire de son clan. Tristan lui expliqua que toute cette bibliothèque était remplie d'ouvrages concernant l'histoire des Dons et des clans ainsi que l'histoire même de la Communauté. Ces livres étaient très anciens et ressemblaient à de gros grimoires.

— Vous pourriez venir les feuilleter si cela vous intéresse, lui proposa-t-il, mais je crois que vous partez bientôt ?

Il s'était retourné vers elle, le gros livre toujours à la main. Son expression était quasi-indéchiffrable. Peut-être une pointe d'amertume pouvait se lire dans son regard plus sombre qu'à l'accoutumée. 
Voyant Lia perplexe il s'expliqua : 

— Brienne m'en a informé la dernière fois que je l'ai vu.

Il se retourna sans attendre une réponse, rangea le livre et repartit vers les escaliers. Au moment où il la frôla, il lui murmura qu'elle pouvait rester ici si elle le désirait. Puis il se mit à grimper les escaliers.

Lia s'apprêtait à fouiner l'étagère sur laquelle était cloutée une petite pancarte un avec I lorsqu'elle aperçut Tristan dévaler les escaliers quatre à quatre et se jeter sur elle en hurlant de courir.

Tout se passa très vite, elle n'eut pas le temps de comprendre. Tristan lui tenait la main et la trainait par une petite porte derrière une des bibliothèques. Ils s'engouffrèrent dans un tunnel étroit et sombre. Ils avaient de l'eau à leur pied et Lia manqua de glisser, mais Tristan la rattrapa à bout de bras. Le tunnel s'agrandissait à un croisement, le jeune homme l'entraina sur la gauche mais la jeune femme commençait à s'essouffler.

— Tristan, Tristan, haletait-elle, qu'est-ce qu'il se passe ?

Elle s'était arrêtée et s'appuyait contre une des parois du tunnel pour reprendre son souffle quelques instant.

— Les Maréchaux ont envahi le village, ils vont tuer tout le monde ! Allez venez, dépêchez-vous ! lui hurlait-il

Elle lâcha la main qu'il lui avait donné et commençait à faire demi-tour lorsqu'il lui attrapa le bras et la ramena à lui dans un mouvement brusque.

— Thaïs ! Thaïs est en danger ! Je dois la retrouver et l'amener ici !

Son visage était déformé par la peur et la colère. Tristan lui lâcha le bras et fit une moue d'incompréhension.

— Thaïs ? l'interrogea-t-il.

Lia s'énerva devant son incompréhension avant de se rappeler qu'il ne la connaissait que sous le nom de Brienne.

Prenant soudain conscience de sa bourde, elle resta immobile quelques instants. Puis, n'ayant pas le temps de tergiverser plus longtemps, elle prit la décision de le planter là et de partir chercher Thaïs. Malheureusement il courait bien plus rapidement qu'elle. Il l'attrapa de nouveau par le bras et la plaqua contre le mur, ce qui lui coupa la respiration et lui fit ressentir une douleur atroce dans les poumons.

— C'est vous qu'ils viennent chercher n'est-ce pas ?

— Quoi ? Comment ?

— Ne me mens pas, s'énervait-il, tu es l'Iclite qu'ils cherchent à travers toute la communauté ?

— Je.. Je... balbutiait-elle.

— Ecoute moi bien, il est trop tard pour celle qui t'accompagnait, elle est sûrement déjà morte ou prisonnière, alors soit tu la rejoins et votre fuite n'aura servi à rien, soit tu me suis et tu as peut-être une chance pour t'en sortir.

Lia ne savait pas ce qui la choquait le plus. Qu'il la tutoyait à présent ou le ton autoritaire qu'elle ne lui connaissait pas. Peu importait, elle réussit à reprendre ses esprits et lui tendit sa main. Ils recommencèrent à courir pendant que les larmes frayaient leur chemin sur ses joues.

Ils finirent enfin par sortir du tunnel par un petit escalier grâce auquel ils atterrirent dans une forêt. Ils étaient à presque un kilomètre de Ruisselac mais ils pouvaient toujours voir les toits des maisons. Le village semblait en feu au vu de la fumée noire qui s'en échappait. Lia se laissa tomber et le chagrin l'envahit. Les larmes coulaient à flot. Elle sentit deux mains sur ses épaules puis Tristan qui s'asseyait à ses côtés. Il la prit dans ses bras et caressait ses cheveux tout en effectuant un petit mouvement de balancier pour la consoler. Ce qui marcha au bout d'une vingtaine de minutes. Elle releva la tête et essuya les larmes qui embuaient encore ses yeux.

— Je suis désolé, commença-t-il, le ton empreint de compassion.

Elle lui fit un faible sourire. Il marqua une pause puis continua :

— Peux-tu me dire ce qu'ils te veulent ?

Elle s'écarta de ses bras et se replia sur elle-même quelques instants. Par où commencer ? Elle se retourna vers lui et lui raconta son histoire, qu'elle était la dernière et unique femme Iclite, et donc la seule à pouvoir continuer une lignée pure. Elle lui expliquait aussi en quoi les femmes Iclites étaient plus puissantes que les hommes. De là il comprit de lui-même pourquoi elle était précieuse aux yeux des Maréchaux. Elle finit enfin par lui expliquer qu'elle se rendait à Humelac pour se marier à un de ses cousins, issu lui aussi d'une lignée pure, pour pouvoir mettre au monde suffisamment d'enfants pour que la descendance des Iclites soit assurée.

Elle avait raconté tout cela avec tristesse, car ce dessein ne lui plaisait absolument pas. Elle n'avait jamais rencontré Jason, et elle avait très peur de ce qu'elle allait découvrir.
Tristan eut la délicatesse de ne pas la prendre en pitié. Il prit seulement sa main, y déposa un baiser et l'attira contre lui pour qu'elle  puisse se reposer. Ils restèrent de longues minutes dans cette position, lui digérant son histoire, elle essayant de calmer sa douleur quant à la perte de Thaïs.

— Comment comptiez-vous partir ? demanda-t-il au bout d'un moment.

— Thaïs avait acheté des chevaux dans un des villages proches.

— Le village de Gendron j'imagine, mettons-nous en route ce n'est qu'à quelques kilomètres mais ne perdons pas de temps.

Il se leva mais elle le retint par la main.

— Pourquoi est-ce que tu m'accompagnes ? demanda-t-elle.

— Je n'ai certainement déjà plus de famille et plus d'épicerie à l'heure qu'il est, alors autant venir avec toi. Et puis tu ne sembles pas être très douée pour ce qu'il s'agit de prendre les bonnes décisions quant à ta survie, dit-il d'un ton amusé.

Elle lui rendit son sourire mais eut un petit pincement au cœur en pensant à sa grand-mère. C'était aussi de sa faute si Isiline avait été tuée ...

— Au fait, je m'appelle Lia.

***

— Ma chère Isiline, cela faisait bien longtemps que nous ne nous étions pas vu.

— Ton absence était un plaisir, Dionis.

Il se mit à rire bruyamment puis approcha sa tête de celle de la vieille femme, un sourire carnassier accroché à sa bouche.

— Toujours aussi insolente malgré ton âge, tu sais combien j'appréciais ça. Dis-moi où elle est.

Isiline eut un air de dégout puis cracha aux pieds de l'homme, qui se mit à rire de plus belle.

— Tu n'apprendras donc jamais. J'aurais toujours une longueur d'avance sur toi, chuchota-t-il à l'oreille de l'Amarante.

Il fit un signe de tête à un membre de ses gardes de s'approcher. Il découvrit son visage de son casque et quelques boucles brunes tombèrent sur son front.

— Je te présente Victor, mon nouvel Iclite qui va pouvoir sonder ta merveilleuse petite tête.

Un voile de peur passa dans les yeux d'Isiline. Elle tenta de se débattre mais les gardes qui lui tenaient les bras resserrèrent leur emprise.

Victor s'approcha de la vieille femme et posa les paumes de ses mains au niveau de ses tempes. Il ferma les yeux et commença à sonder les souvenirs de l'Amarante. Elle se mit à convulser puis lorsqu'il eut fini et qu'il relâcha son emprise, elle s'évanouit sur le sol.

— Elle était bien là lorsque nous sommes arrivés, lança Victor, d'un ton las.

Un sourire victorieux se dessina sur le visage de Dionis, qui ordonna à tous ses gardes de se mettre tout de suite à la recherche de Lia dans les forêts et villages alentours.
Puis il s'accroupit au dessus d'Isiline et posa un baiser sur ses lèvres. Il s'approcha de ses oreilles avant de murmurer "Merci de m'aider encore une fois"

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J'espère que ce chapitre vous aura plu et comme d'habitude laissez moi vos impressions en commentaires, ça fait toujours plaisir ;)