Chapitre 11 - Partie 4



— Ça risque de picoter un peu, tenez-vous calme, et ne me résistez pas, lança le sorcier, un demi sourire en coin.

Lia acquiesça puis ferma les yeux, cherchant à faire le vide dans son esprit. Elle sentit un contact chaud sur sa joue droite, c'était la main du petit homme. Puis un picotement le long de son visage qui remontait ses temps, traversait son front et s'arrêta à la lisière de ses cheveux. La douleur s'accentua assez violemment, ce qui arracha une grimace à la jeune femme. Elle sentait comme une gigantesque pression s'exercer sur le devant de son crâne. La douleur continuait à gagner du terrain et elle se mit à gémir de douleur. La pression sur ses tempes devint plus forte et la jeune femme eut l'impression que sa cervelle allait exploser si cela continuait ne serait-ce que quelques minutes.

— Laissez-moi entrer ! hurla le petit homme.

Lia lança un dernier cri avant de tomber dans l'inconscient. Soudainement elle vit La Rochebarré se dessiner devant elle, de la même manière que lorsque Bérénice lui avait fait voir le massacre du château d'humelac. Les couleurs ressemblaient d'abord à de la peinture à l'huile puis les images prirent forme. Elle vit son père, Victor, Julius et Rilan discuter tranquillement dans le jardin. En tournant la tête à droite elle vit Thaïs rentrer du marché, son panier d'osier à la main. Son cœur s'emballa à la vue de la femme. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas vu son visage, entendu son rire ni ses réprimandes.

Des larmes de joie dévalaient ses joues et alors qu'elle s'apprêtait à courir vers elle le dessin se dissipa comme de l'encre dans de l'eau. Elle revivait maintenant sa fuite de Ruisselac avec Tristan, le moment où elle avait dû faire le choix d'abandonner Thaïs pour sauver sa propre vie et sa famille. Le poids de la culpabilité lui rongeait le cœur. Ce dessin disparut aussi rapidement qu'il était apparu pour laisser place au château d'Humelac puis au bureau de Jason et la scène du baiser, ainsi que la claque qu'elle lui avait assénée. Elle vit le voile de tristesse passer dans les yeux du jeune homme et elle tenta de se rapprocher de lui pour faire amende mais déjà il lui tournait la tête non sans un dernier regard de déception. La jeune femme sentit le poids sur son coeur s'alourdir jusqu'à ce que la respiration lui devienne impossible. Elle voulait hurler mais elle manquait d'air.

Sa vue se troubla et elle se sentit partir, doucement, la douleur prenant le temps de lui ronger le corps et de la marquer au fer rouge. Puis le noir envahit ses yeux. La sensation inconfortable des picotements redescendait le long de son visage et de son cou puis se sépara en deux ondes qui dévalaient ses bras. Arrivée aux mains la douleur s'accentua de nouveau jusqu'à devenir un véritable brasier. Lia ne pouvait pas bouger, aussi devait-elle supporter la sensation d'avoir les mains en feu. Elle hurlait de douleur à présent et pleurait. Mais elle n'était pas maître de son corps, elle n'était qu'une passagère, une âme à l'intérieur d'une enveloppe charnelle. C'était lui qui décidait. Elle sentait sa présence et son esprit se balader dans chaque parcelle de son corps. Prenait-il un malin plaisir à la voir souffrir ? Certainement, cet homme était avide de puissance noire. Tel une sangsue qui suce le sang de ses victimes, il suçait ses forces, aspirait ses souvenirs pour ne laisser que la douleur et la culpabilité.

Puis le feu de ses mains se calma et la présence sortit de son corps. Le contact chaud de sa joue se décolla aussi et Lia reprit peu à peu possession de son corps. Elle ouvrit difficilement un œil, puis l'autre et lorsqu'elle fut assez réveillée, elle tenta de se frotter les yeux pour mieux voir. Mais une douleur fulgurante prit ses mains et elle se tordit de douleur. Elle remarqua enfin une petite rose scarifiée dans la paume de ses deux mains, comme celle que Bérénice lui avait montré lors d'une de leur séance.

— Ça mettra quelque temps à cicatriser, achetez-vous des bandages chez l'apothicaire en attendant.

Encore brumeuse de ce qu'elle venait de vivre les mots peinaient à se frayer un chemin dans son esprit. Elle sentit néanmoins le contact rassurant de la main de Tristan sur son épaule. Il ne disait rien, car il n'y avait rien à dire. Il avait assisté à la scène, impuissant face à la douleur de la jeune femme. Ses yeux s'étaient embués de larmes mais cela, elle ne le vit pas.

— Donc c'est tout ? Ça y est, son Don est réveillé ? Demanda-t-il sur le ton de la réserve.

— Oui. Elle ne pourra l'utiliser qu'une fois ses mains totalement cicatrisées, mais oui. Oh, et elle risque d'être un peu malade les jours qui suivent alors qu'elle ne parte pas à l'aventure, répondit-il sur un ton moqueur.

Tristan toisa le petit homme de toute sa hauteur et se tourna ensuite de nouveau vers la jeune femme. Il plongea ses yeux verts encore un peu humides dans les siens. Lia était toujours allongée, elle ne pleurait plus mais était incapable de bouger tant ses mains la brulaient. Il lui murmura quelques mots à l'oreille, auxquels l'Iclite acquiesça et avec son aide elle se releva doucement. En position assise elle mit ses paumes face à elle et contempla ses scarifications. La peau rougie saignait encore mais elle fut étonnée de la précision des roses, elles semblaient si réalistes. Alors elle se mit à réfléchir, elle n'avait jamais vu ce dessin sur les mains d'un autre Iclite, du moins pas sur celles de son père ou de ses frères et elle ne croyait pas se tromper en affirmant que Jason n'en avait pas non plus.

Mais après réflexion, elle se dit qu'elle ne connaissait finalement pas grand chose sur son Don, il devait y avoir une explication. Put-être était-ce la marque sur les femmes.

Tristan la pressa de quitter cet endroit. Elle l'écouta et s'appuya sur lui pour se lever et marcher jusqu'à l'entrée, sous le regard amusé du Sorcier.

— Au revoir Lia.

La jeune femme s'arrêta net et son sang se glaça. Comment connaissait-il son prénom ? Elle tourna timidement la tête pour découvrir un sourire hautain et victorieux sur le visage de l'homme.

— Vous avez une histoire intéressante ma chère, j'espère qu'ils ne vous attraperont pas.

Le pouls de la jeune femme s'accéléra et Tristan la tira hors de l'échoppe. Ses jambes avançaient telles des parties extérieures d'elle-même. Son cerveau ne répondait plus, elle se laissait guider, incapable de réfléchir à autre chose qu'à la phrase de l'homme. Il savait.

Il avait tout vu. Ses souvenirs. Il s'était immiscé dans son intimité, sans son accord. Mais par-dessus tout il savait qu'elle était recherchée. Et il pouvait la dénoncer n'importe quand. Elle était en danger plus que jamais.

Presque arrivés aux remparts de la ville, ils s'arrêtèrent car Lia devait reprendre son souffle. Tristan lui ordonna de ne pas bouger, elle n'allait de toute façon pas désobéir, ses muscles ne la tenaient plus. La douleur de ses mains la reprenait et sa tête bourdonnait, l'assourdissant. Elle se sentit sombrer à nouveau dans le néant et la dernière chose qu'elle entendit fut les cris de l'épicier qui hurlait son prénom.

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