Lia avait passé le reste de la journée et de la nuit dans sa chambre, refusant même que Léolia entre. Elle avait beaucoup pleuré, ses yeux étaient fatiguées et ses joues rongées par les larmes intarissables. Depuis son départ, c'était la première fois qu'elle se sentait impuissante, sans issue. Anéantie, elle revoyait sans cesse cette scène, la gifle qu'elle avait assénée à Jason. Qu'allait-elle faire maintenant ? Lui pardonnerait-il ? Elle n'avait plus le temps de le convaincre, plus le temps de flirter avec lui, bien qu'elle fut mauvaise à ce jeu.
Mais au-delà de la tristesse, elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce baiser. C'était la première fois qu'un homme l'embrassait. Même si ce ne fut moins par amour que pour vérifier une hypothèse, c'était un baiser. Des lèvres avaient touché les siennes, et elle avait giflé l'homme. Au fond d'elle, la jeune femme ne pouvait cesser de se demander si l'Iclite avait prémédité son geste, ou s'il avait eu envie de ses lèvres à ce moment. Etait-ce seulement pour lui prouver qu'elle n'était pas prête ?
Lia se laissa tomber en arrière sur son lit, sentant un nouveau flot de larme dépasser la barrière de ses yeux. Elle prit un des coussins et hurla le visage enfouie dedans pour cacher le bruit.
Après des dizaines de minutes à déverser son désarroi dans sa literie, le linge était trempé. La jeune Iclite décida qu'il était temps de se remettre sur pieds. Elle se leva mollement et se traina jusqu'à la salle de bain. Une fois dans l'eau chaude, elle prit le temps de respirer calmement et déjà le poids sur son coeur semblait s'alléger. Ses idées devinrent plus claires et elle tenta d'établir la prochaine stratégie à adopter. Pour retrouver Victor elle devait éveiller son Don afin de sonder les souvenirs des domestiques de la Rochebarré. Afin de réveiller son Don elle devait perdre sa virginité avec Jason. Pour perdre sa virginité avec Jason il fallait qu'il accepte, et vu son geste d'hier, c'était clairement perdu d'avance... Dans un geste désespéré la jeune femme s'enfonça dans la baignoire et bientôt l'eau la recouvra entièrement.
***
— Oh allez Kaly, arrête de bougonner, il n'est pas si horrible que ça !
— Il a une pustule Alisée, une pustule ! Et au moins vingt ans de plus que moi, il sent mauvais et il est ingrat !
— Tu abuses vraiment ! Rends-toi bien compte, tu vas enfin pouvoir utiliser ton Don n'est-ce pas incroyable ?
— Mais je m'en fiche de ce Don ! Il ne m'apporte que malheur depuis le début !
— Ce n'est pas ce que le serpent dit, rigola-t-elle
— Arrête ! tu ne sais rien de fichu serpent, c'est de la magie noire ! Je suis sûre que tu l'as fait apparaître pour me rendre folle !
Tandis que je m'énerve contre elle, Alisée s'occupe de réajuster le corset de ma robe. Elle rit toujours, comme à son habitude, et cela m'énerve encore plus. Je suis mariée de force à un homme horrible, et tout cela pour servir un soi-disant Don. Il y a quelque jours un serpent vert est apparu sur mon collier, comme ça, d'une seconde à l'autre. Je le portais alors que je tricotais dans le salon et j'ai sentis une brûlure au niveau de mon cou.
— Tu es vraiment de mauvaise foi, tu sais très bien que ce collier est spécial, ne te rappelles-tu donc pas ?
Bien sûr que je me rappelle. Cette dame étrange dans cette clairière étrange.
— Dans mes livres, le serpent représente l'envie. C'est le moment Kaly, tu dois éveiller ton Don, au fond de toi, tu sais que tu le veux.
***
Lia sentit quelque chose attraper son bras fermement, presque à lui faire mal. Elle fut ressortie de l'eau en moins d'une seconde et le temps de reprendre ses esprits et son souffle, elle vit la petite tête blonde affolée de Léolia.
— Oh miss, que faisiez-vous !
— Calme-toi Léolia, je me baignais juste je n'essayais pas de m'ôter la vie.
La jeune femme sortit du bain sous l'air ahurie de sa domestique. Cette dernière lui passa une serviette et sortit de la salle de bain, le regard honteux d'avoir dérangé sa maîtresse.
Léolia la prévint qu'elle prenait ses vêtement pour les laver, la jeune femme acquiesça juste avant d'entendre une petit bruit. Elle se retourna et vit son médaillon aux pieds de Léolia. Celle-ci se baissa pour le rattraper et le lui tendit, rougissant.
— Que miss m'excuse, j'aurais du vérifié que vos poches étaient vides, s'excusa-t-elle les yeux fixés vers le sol n'osant pas regarder l'Iclite
— Léolia, tu n'as pas à t'excuser de tout. Je ne sais pas comment étaient celles d'avant, mais je ne te punirais jamais sache-le !
La domestique levait à présent les yeux pour les plonger dans ceux de sa maîtresse, les yeux aux bords des larmes tant elle était émue.
— Oh merci miss, vous êtes bien trop gentilles.
Lia commençait à se sentir gênée.
— Si je peux me permettre, je n'avais jamais vu ce serpent auparavant miss.
— Moi non plus Léolia, moi non plus...
Sur ces mots Lia alla s'asseoir à sa coiffeuse, le médaillon entre les mains, pensive. La domestique en profita pour sortir discrètement de la chambre, non sans un dernier regard emprunt d'inquiétude vers sa maîtresse.
***
— Le serpent c'est le signe de l'envie, du désir.
Rilan arqua son sourcil gauche aux propos de sa soeur.
— Et comment le sais-tu ?
— Ca, je n'en ai aucune idée... Mais je te promets que c'est ça !
La jeune femme ferma les yeux pour réfléchir. Que désirait-elle, et surtout pourquoi être apparu à ce moment là. C'était peut-être une meilleure question, réfléchir à la temporalité de cette apparition. C'était devant le bureau de Jason, juste avant d'aller lui expliquer qu'elle voulait débuter la mission. Le doute l'assaillit. Le désirait-elle, lui, Jason ? Mais elle envoya cette pensée au fond de son esprit, elle n'avait entreprit de penser à lui qu'après leur entrevue, pas avant. Alors peut-être était-ce tout simplement la volonté de réveiller son Don.
La jeune femme serrait le médaillon dans ses mains, énervée de ne pas réussir à comprendre le message. Elle avait nulle part où chercher, nulle part où trouver, personne à qui demander car personne ne savait.
— Dis Rilan, comment il s'est réveillé ton Don ?
Le jeune homme ouvrit grand les yeux, ne s'attendant pas à cette question. C'était pourtant une interrogation banale, dont ils auraient du parler un bon nombre de fois. Mais non, pas une seule fois le sujet n'avait été exprimé. On ne parlait jamais du Don depuis l'aliénisation d'Agatha du Barrois, leur mère.
— Je ne sais pas trop, j'étais malade et puis j'ai su. Enfin Père a su.
— Malade ? Le questionna-t-elle, intriguée.
— Je suis restée quatre jours au lit, l'esprit en feu, j'avais l'impression que ma tête allait imploser. Julius et Père étaient là, Victor et toi n'avaient jamais eu le droit d'entrer, Père avait trop peur que vous soyiez traumatisés.
La jeune femme encaissait la nouvelle, elle tenta de se rappeler chaque fois que Rilan avait été malade.
— C'était il y a trois ans, déclara-t-il comme pour répondre à sa question. Pour Victor c'était l'année dernière.
— Quoi ? Victor est éveillé ? Il ne m'a rien dit !
— Père nous l'a interdit...
Les yeux allaient sortir des orbites de la jeune femme. Son estomac se noua. Elle se sentit trahie, elle qui aimait à penser et à se vanter que Victor lui disait tout et qu'ils ne formaient qu'un. Il lui avait caché la chose la plus importante de leur vie, son Don.
— Il n'a pas eu le ch... Commença Rilan en voulant poser sa main sur celle de sa soeur.
Mais celle-ci l'enleva d'un geste sec trahissant sa colère avant de le couper :
— Vous en êtes-vous déjà servi ?
— Nous n'avons jamais réussi. Tu sais que le Don est extrêmement faible sur les hommes.
Lia serrait si fort le médaillon dans sa main qu'elle se faisait mal. Elle se focalisait sur la douleur pour ne pas penser à ce qu'elle était en train d'apprendre. Elle était tellement concentrée qu'elle n'avait pas sentie que le médaillon devenait de plus en plus chaud. Puis, après un court moment, elle le lâcha, non sans pousser un cri de douleur, une légère brûlure à la main.
Rilan s'était rapproché de sa soeur mais celle-ci défaillit et il la rattrapa de justesse avant qu'elle ne s'écrase sur le sol. En pleine incompréhension, son pouls s'accéléra et il ne sut quoi faire. Alors son regard s'attarda sur le médaillon qui avait atterri à quelques centimètres d'eux. Le serpent avait disparu, remplacé par une rose fanée.
***
— Miss ? Miss ? Oh médecin venez, elle se réveille ! Oh miss je suis si heureuse que vous vous réveilliez !
Les paupières encore tremblantes, Lia ouvrit péniblement les yeux pour découvrir le visage de Léolia à quelques centimètres du sien. Ses yeux se refermèrent aussitôt et elle décrocha une grimace. Sa tête la faisait atrocement souffrir.
Jason était à l'autre bout de la pièce, le regard fixé sur la jeune Iclite. Il était inquiet. Cela faisait plusieurs jours que Lia était dans ce lit et d'après Rilan elle s'était évanouie sans aucune raison. Quelques heures après qu'on l'ait amenée dans sa chambre, il avait reçu une petite lettre anonyme adressée à Lia. Il avait, bien évidemment, prit le loisir de l'ouvrir. Ces quelques mots lui avaient glacé le sang :
« Réveillez-le, ou vous mourrez.
B. »
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