Chapitre 10 - Partie 2
— Pardon ? S'étrangla-t-elle.
— Quatre jours après que tu nous aies quitté, Victor était parti au village voisin pour régler un marché avec un commerçant, il n'est jamais revenu.
Le regard de Rilan s'assombrit et une lueur de tristesse étincela dans son regard, peut-être était-ce l'apparition d'une larme, Lia ne s'attarda pas sur ce détail, trop déstabilisée par ce qu'elle apprenait. Manquant de faiblir, elle se retint à la table. La jeune femme connaissait Victor et il n'était pas du genre à fuguer. Par-dessus tout, il ne ferait jamais quelque chose qui inquiéterait ses proches.
— J'ai pensé qu'il avait défié l'autorité de Père et qu'il était venu ici, pour vérifier si tu étais saine et sauves. Mais j'ai pu constater qu'il n'était pas là...
De nouveau, un mélange de tristesse et d'inquiétude traversa les yeux de Rilan, toujours assis à la table, le regard perdu, à l'opposé de ceux de Lia.
— Pourquoi tu ne me l'as pas dit dès que tu es arrivé ! S'emporta-t-elle.
Elle s'était rapprochée et lui avait pris le menton pour le forcer à la regarder. Elle savait pertinemment qu'il ne pouvait pas lui mentir si elle plongeait ses yeux dans les siens.
— J'étais soulagé que tu sois vivante !
Il s'était levé pour se mettre à son niveau et avait presque hurlé. La colère qu'elle ressentait s'était évanouie quelques instants, laissant place à la culpabilité.
Rilan avait toujours été un peu mis à l'écart par rapport au lien que partageaient Lia et Victor. Certes, il était proche des deux, et ils formaient ensemble un trio soudé et heureux mais il avait toujours su que ce qui rapprochait son frère et sa sœur, c'était au-dessus.
Alors elle se sentit coupable de ne pas avoir réfléchi à ce que lui pouvait ressentir. Rilan fut néanmoins le premier à briser le silence qui s'était installé.
— Excuse-moi, je n'aurais pas dû m'emporter, ce n'est pas le moment de faire une scène.
Il l'attira vers lui et l'enveloppa de ses bras. La tête contre sa poitrine, elle se laissa aller au contact fraternel et rassurant. Elle ferma les yeux et entreprit de calmer sa respiration et ravala ses larmes.
— Tu ... Tu penses qu'il est mort ?
La fin de sa phrase s'était évanouie dans un sanglot et Rilan fronça les sourcils en secouant la tête.
— Bien sûr que non Lia. Les seuls qui pourraient en vouloir à sa vie seraient les Maréchaux, pour nous punir. Mais dans ce cas, ils nous auraient laissé le corps, pour bien nous anéantir et nous faire peur.
La jeune femme acquiesça, presque convaincue par son frère. De toute façon, elle se persuaderait de toutes les théories possibles. La mort de Victor était inenvisageable.
Leur étreinte prit fin et ils s'assirent de nouveau autour de la table, leurs doigts entremêlés, pour se soutenir.
C'est le moment que choisit Jason pour entrer dans la pièce.
— Vous êtes ?
Il s'adressait à son frère. Ce dernier se leva pour aller lui serrer la main.
— Je suis un des frères de Lia, Rilan.
— Cette demeure n'aura pas réuni autant d'Iclite depuis des lustres, ironisa-t-il. Qu'est-ce qui vous amène ?
— Je ven...
— Un de mes frères a disparu Jason ! Le coupa Lia. Il faut que vous m'aidiez !
Elle s'était levée et avait presque couru jusqu'à lui. Il parut étonné de cette proximité puisqu'il fit un petit pas en arrière, mais Lia ne remarqua pas ce mouvement.
— Que je vous aide ? Mais je n'ai jamais vu votre frère, je ne vous serais d'aucune utilité. Et puis, êtes-vous sûr qu'il a bien disparu, et qu'il n'a pas seulement pris quelques jours pour se balader, ou bien fuir avec une demoiselle ? Vous savez, les hommes et leurs pulsions, c'est plutôt commun.
Elle écarquilla les yeux. Faisait-il vraiment de l'ironie ? Etait-il en train de dire que son frère avait tourné en ridicule toute sa famille et failli à son devoir de loyauté ?
— Pardon ? Siffla-t-elle. Je vous mets au défi de répéter ne serait-ce qu'une seule fois ce que vous venez de dire. Victor est l'homme le plus loyal et le plus fidèle que cette terre n'a jamais connu. Mon frère est d'une gentillesse et d'une dévotion sans pareille. Et croyez-moi quand je vous dis cela, jamais il ne fuirait sa famille. Et encore moins en ce moment. Victor donnerait sa vie pour sauver la mienne, alors votre discours sur son éventuel égocentrisme et sur une possible amourette vous le ravalez, et vous l'enterrez au plus profond de votre estomac pour ne plus jamais vomir de telles paroles sur mon frère ! Est-ce clair ?
Elle avait avancé lentement, pas à pas, articulant et prononçant calmement, mais fermement, chacun de ses mots. Son doigt, pointé vers Jason, était maintenant à quelques centimètres de son visage. Il ne semblait pas apeuré par la jeune femme, mais il eut la décence de hocher la tête et de ne rien répondre. Des excuses, en langage grand-monsieur-roux-œil-noir-œil-bleu.
— Écoutez, je vous aiderais si vous avez un plan. Réfléchissez et venez m'en parler dès que ce sera le cas, je vous promets d'être conciliant et de faire tout ce qui est en mon pouvoir.
Il attendit son approbation et retourna dans la direction de son bureau. Elle le toisa jusqu'à ce qu'il passe la porte de la salle, avant de faire demi-tour pour retrouver Rilan. Il s'était assis de nouveau. Lia se plaça en face de lui, croisa les mains sur la table et se mit à réfléchir. Les idées fusaient dans sa tête. Elle énuméra à Rilan, tous les lieux où Victor aurait pu aller, mais son frère les avait déjà fouillés. Peut-être était-il vraiment parti à sa recherche et avait été piégé en cours de route. Encore une fois Rilan avait fait presque tous les villages voisins et aucun n'avait entendu parlé d'un homme aux cheveux bouclés qui s'était fait enlever ou quoi que ce soit d'autre qui concernerait de près ou de loin Victor.
Cela faisait maintenant des heures qu'ils s'arrachaient les cheveux pour trouver une raison valable au départ de Victor, mais rien. Cela n'avait aucun sens. Des trois frères, c'était bien le plus loyal, envers sa sœur, mais aussi envers le reste de la famille. Jamais il ne serait parti sans en toucher un mot à l'un de ses frères ou à leur père, ou même à un des domestiques.
— Quelle est la dernière chose dont tu te rappelles concernant Victor ?
— Eh bien c'était quelques heures avant qu'il parte négocier le march...
— De quoi était-il question dans ce marché ? Le coupa-t-elle.
— Hmm du simple bétail.
— Et qui était le commerçant ?
— Un vieux fermier de Roissac qui cherchait à vendre ses bêtes pour tirer une bonne retraite.
— As-tu été le voir ?
— Bien sûr, qu'est-ce que tu crois ! Il m'a assuré que Victor n'était jamais venu ! Il était très énervé d'ailleurs...
Victor avait donc disparu entre la Rochebarré et Roissac.
— As-tu interrogé les domestiques ? Qu'ont-ils vu ?
— Rien, la plupart ne se souviennent pas vraiment de ce qu'il s'est passé, ni même de ce qu'ils ont vu.
Lia enfouit sa tête dans ses mains et soupira. Si elle résumait la situation: Victor avait disparu à un moment où être Iclite n'était franchement pas une qualité et avec ses cheveux bouclés bruns il était parfaitement reconnaissable, mais personne n'avait vu ou se rappelait de son départ.
— Mais attend il y avait forcément des domestiques sur le chemin entre les villages. Ils font tous les jours ce chemin pour aller chercher de quoi remplir les cuisines. Si Victor est bien parti à cette négociation, ils l'ont forcément croisé !
— Aucun ne s'en rappelle...
La jeune Iclite ferma les yeux pour réfléchir à une solution. Cela n'avait aucun sens que personne ne s'en rappelle. Personne ne s'en rappelle. RAPPELLE.
— Mais oui ! Personne ne s'en rappelle, mais peu importe ! Si je peux entrer dans leur tête !
— Quoi ? Mais ne dis pas de bêtise Lia, tu sais très bien qu'on ne peut pas utiliser le don.
Mais elle s'était déjà levée et était partie comme une furie. Lia entendait au loin son frère crier son nom, mais elle se hâta de sortir du château et de le semer dans une des rues du village. Elle commençait à bien connaître Humelac et la tâche avait donc été facile. Quelques minutes plus tard, elle arriva enfin devant le lieu qu'elle cherchait. Elle souleva le rideau noir et entra dans l'échoppe.
— Bonjour Lia, je t'attendais.
Bérénice, tout sourire, était assise sur sa chaise et fit signe à Lia de venir prendre place en face d'elle.
— Je veux réveiller mon Don.
L'enchanteresse ne parut pas surprise, comme si elle avait deviné, ou su, la raison de la venue de l'Iclite.
— Et sais-tu comment faire ?
Au silence de la jeune femme, elle comprit qu'elle n'en avait aucune idée. Alors la dame aux cheveux blonds prit les mains de Lia et les posa, paume vers le ciel, sur la table. Elle se leva quelques instants pour farfouiller dans ses pots et revit avec un bout de bois étrange, qui ressemblait à de la cannelle, mais qui n'en avait pas l'odeur. Avec cet objet étrange, Bérénice dessina une forme invisible dans le creux de ses deux paumes.
Lia était concentrée, essayant de deviner ce que faisait la lanceuse de mauvais sort, en vain. Mais l'Iclite n'eut pas longtemps à attendre puisque quelques instants plus tard une petite marque apparut, comme une tache de vin. Petit à petit les contours devinrent plus net et après plusieurs secondes, on pouvait clairement discerner une petite rose rouge à l'intérieur de chacune de ses deux paumes.
— C'est bien ce que je pensais, affirma Bérénice.
Lia releva la tête vers l'enchanteresse, plissant les yeux pour essayer de comprendre ce qu'il se passait.
— Une rose est donc la façon de réveiller mon don ?
Bérénice soupira.
— Je te pensais plus maligne que cela ! Une rose, c'est quoi ?
— ... Une fleur ?
— Et quelle est ta fleur ?
— Euh ... J ... J'ai peur de ne pas comprendre... J'aime bien les camélias, les jonquilles, les tul...
— Je ne te demande pas de m'énumérer les fleurs que tu aimes ! TA fleur à TOI !
Elle s'était rapprochée de Lia. Cette dernière aurait presque eu peur si elle n'était pas trop occupée à réfléchir au sens de la phrase.
— Elle est là ta fleur, murmura-t-elle en positionnant sa main sur l'entrejambe de Lia.
Celle-ci eut un mouvement de panique. Elle se releva et s'écarta au maximum de Bérénice qui riait déjà à gorge déployée.
— Ne soit pas prude ! Dit-elle, moqueuse.
Voyant que Lia ne répondait et était perdue dans ses pensées, Bérénice s'approcha à nouveau d'elle pour lui remettre derrière les oreilles les quelques mèches folles qui s'étaient échappées. Puis elle lui caressa la joue.
—Tu dois perdre ta virginité avant que ta fleur ne se fane, ma beauté.
NDA : Hello Hello ! Un nouveau chapitre, avec pas mal de révélations ^^ Est-ce que vous avez compris ce qu'il est advenu de Victor ? (la réponse se trouve dans les premiers chapitres !). Et que pensez vous de LA grosse révélation de ce chapitre sinon ? Que va faire Lia ? Dites- moi tout ^^
Je tenais aussi à vous remercier, on est à plus de 1,5K vues :O C'est incroyable, j'ai l'impression que les 1K c'était hier ! Merci de votre soutien et de vos gentils messages, vous m'emplissez de joie <3
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