CHAPITRE 3

Je suis réveillée par la voix stridente de ma mère qui a l'air dans tous ses états. Je me recoiffe et attrape mon gilet en laine grise que j'enfile. Je descends les escaliers en chaussettes et j'aperçois ma mère qui fait les cent pas dans la grande pièce à vivre.

Elle est au téléphone et a l'air très en colère. C'est rare de voir ma mère dans cet état. Elle qui arrive à garder son calme dans toutes les situations. Ça doit être assez grave.

– Non Jefferson ! Tant pis pour vous ! Je vais chercher quelqu'un d'autre qui vous remplacera et j'espère pour vous qu'il sera mauvais sinon vous aurez perdu votre place dans cette ville, croyez-moi ! Tout ça pour une petite pimbêche qui vous aura quitté dans une semaine ! Reprenez-vous mon vieux, vous vous êtes regardé un peu !

Je pouffe de rire et mon père lève les yeux vers moi. Je m'approche de lui, interrogative.

– Ta mère vient de se faire lâcher par son décorateur pour le gala qui se déroulera dans deux semaines. Il est parti à Rio de Janeiro avec une jeune femme de 30 ans de moins que lui.

Je pique un bretzel dans le bol placé sur la table devant mon père. C'est son péché mignon.

– Ce n'est pas possible, comment je vais faire !

Ma mère nous regarde tous les deux. Elle est nerveuse.

– Maman, calme-toi, nous allons t'aider à trouver quelqu'un d'autre.

– Que je me calme ?! Non mais ce vieux croulant pense réellement que cette bimbo va l'épouser ?

Mon père éclate de rire et j'en fais de même.

Elle se laisse tomber sur le canapé en soupirant.

– C'est une très mauvaise nouvelle pour le gala, je vais devoir tout annuler.

– Shelby enfin, je t'ai connue plus combative ma chérie.

Elle le regarde, désabusée.

– C'est vrai maman, et puis moi je suis là, je peux peut-être t'aider à quelque chose ?

– Mais vous ne vous rendez pas compte. Et puis tu es venue te reposer, je vois que tu es fatiguée, je ne vais pas te demander de m'aider à organiser un gala !

– Est-ce que Jake doit venir te rejoindre ?

Je me raidis quand mon père me pose la question.

– Euh... non... Jake n'a pas pu avoir ses congés... voilà, il n'a pas pu...

J'essaie de rester de marbre mais ce n'est pas évident. Je me lève en tapant des mains.

– Bon maman, débriefe-moi sur ce gala pour lequel je serais ravie de t'aider.

Ma mère sourit tout en me regardant bizarrement. Je sais qu'elle lit en moi comme dans un livre ouvert mais j'essaie par tous les moyens de repousser cette discussion qui se profile pour ne pas craquer devant eux.

– J'ai des coups de fil à passer et ensuite je te montre tout.

– Ok, je vais me changer pendant ce temps.

Je pique un autre bretzel à mon père qui me sourit aussi.

***

– Bon alors, voici le programme.

Attablées toutes les deux dans la véranda qui donne sur le jardin, ma mère me tend un petit livret que je regarde attentivement.

– Ok, il est très beau, les couleurs sont magnifiques.

– Oui je voulais quelque chose qui soit féérique, il faut que ces enfants et ces adultes qui sont atteints de la maladie puissent, ce soir-là, oublier pendant quelques heures leurs souffrances.

Je pose ma main sur la sienne. J'adore ma mère. Elle a toujours aidé son prochain et elle m'a élevée de cette manière. J'avoue m'être un peu perdue en chemin quelques fois parce que dans le milieu de la finance, il ne faut pas être un agneau mais plutôt le loup qui le mange.

Je sens la main de ma mère sur la mienne. Je lève les yeux vers elle. Elle me sourit.

– Tout va bien Darcy ?

– Oui bien sûr, pourquoi tu me demandes ça ?

– J'ai vu comment tu as réagi toute à l'heure quand ton père t'a demandé pour Jake et...

– Oh ça... la coupé-je.

– Oui, est-ce que...

Elle hésite à me poser la question mais je ne peux pas me défiler maintenant que nous sommes toutes les deux.

– Oui, nous sommes séparés, dis-je en éclatant en sanglots.

Il fallait bien que ça arrive, vu que je retenais mes larmes depuis quelques jours. Mais je ne laisse transparaître mes sentiments que rarement et déjà, j'efface rageusement les perles qui roulent sur mes joues.

– Oh... Je suis désolée, tu veux qu'on en parle ?

C'est ce que j'aime chez ma mère, elle n'est pas intrusive, elle me laisse toujours le choix mais là je n'ai vraiment pas envie de discuter de tout ça. Il faut que j'encaisse d'abord et ensuite je lui en dirai un peu plus.

– Non, maman, plus tard peut-être.

Je passe encore la paume de ma main sur mon visage et je lui demande à nouveau de m'expliquer l'organisation. Elle n'insiste pas et nous dévions sur le gala.

Au bout d'une demi-heure à prendre des notes, je lui demande si elle a trouvé une solution pour le décorateur.

– J'ai une de mes amies qui m'a indiqué un magasin en ville et je me déplacerai demain pour aller voir. J'espère qu'il sera bien mais je connais déjà sa famille. Je pense que c'est quelqu'un de sérieux. Il faut vraiment que tout soit parfait.

– Je suis sûre que ça va le faire ! Moi je pourrais t'aider aussi et je pourrais superviser les opérations.

– Oui, très bien, surtout que je vais avoir beaucoup de choses à faire.

– Ça va se passer où ?

– Au Grand Théâtre.

– Combien de personnes attends-tu ?

– Environ 300.

– Ah oui, ça fait du monde.

– Ça va les filles ?

Nous levons la tête vers mon père qui entre dans la pièce.

– Oui, ta fille est d'une aide précieuse, nous avons pu mettre un rétroplanning en place.

– J'ai toujours su que c'était la meilleure.

Il dépose un baiser sur le haut de mon crâne.

– D'ailleurs, j'aurais bien aimé qu'elle travaille dans mon service financier.

Je lève les yeux au ciel. Il va recommencer... À chaque fois qu'on se voit, il me demande de venir travailler avec lui.

– Will, ce n'est pas le moment.

– Mais je suis sûr que Jake se plairait ici, en plus.

Je jette un coup d'œil à ma mère et lui fais signe de ne rien dire pour le moment.

– Bon, allez ! Si nous allions dîner ! Un restaurant, ça vous dit ?

Je reconnais bien ma mère qui déteste faire la cuisine et comme Sophia, la cuisinière de mes parents, n'est pas là ce soir, elle préfère que nous sortions.

– Je crois que c'est une très bonne idée, acquiesce mon père en me faisant un clin d'œil.

***

– Sinon comment ça se passe à New York ? La dernière fois que nous nous sommes eus au téléphone, tu attendais une promotion.

Je repose le verre d'eau que j'allais porter à mes lèvres. Mes mains tremblent et trahissent mon stress du moment. Ils me regardent tous les deux, impatients de connaître ma réponse. Je vais leur mentir, je suis obligée. Je ne peux pas leur sortir tout de go que je viens d'être licenciée, que j'ai quitté mon mec et qu'en plus, je n'ai plus de chez-moi. Je crois que ça serait trop pour ce soir.

– Oh, tu sais comment ça se passe. La direction est un peu longue et puis je suis en concurrence avec trois hommes donc je ne me fais pas trop d'illusions.

Mon père opine du chef et je vois ma mère qui fronce les sourcils.

– C'est tout de même incroyable que de nos jours, les femmes doivent se battre plus que les hommes pour avoir une égalité de salaire ou une promotion !!

– Je suis d'accord avec toi maman, mais c'est comme ça et je ne me vois pas faire tout un scandale alors que j'aspire à monter les échelons de l'entreprise.

– Oui, mais ça ne t'empêche pas de pouvoir le verbaliser lors d'un entretien avec ton chef, me dit mon père en mangeant son morceau de viande.

Moi, j'ai du mal à avaler. Je n'avais jusque-là jamais menti à mes parents.

– Oui ma chérie, n'hésite pas ! Montre-leur que tu ne te laisses pas faire !

Je souris mal à l'aise.

– Et puis au pire, si ça ne te convient plus, ta place est libre dans mon entreprise.

Et voilà qu'il recommence. Je ne veux pas vivre ici à Tallahassee. Ma vie est à New York.

Le téléphone de ma mère bipe sur la table. Elle regarde rapidement son message.

– Ah ! Une bonne nouvelle ! Le jeune décorateur du centre-ville est d'accord pour me rencontrer. Demain j'ai rendez-vous.

Notre conversation dévie sur le gala et ça me rend service. Je me perds dans mes pensées et je me demande comment je vais me sortir de ce mauvais pas. Demain il faut absolument que je commence mes recherches d'emploi, je veux absolument trouver un travail avant quinze jours  sinon, il va falloir que je dise la vérité à tout le monde et je ne suis pas sûre d'assumer.

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Tags: #romance