Endoloris
Elle se levait tôt ce matin, bien plus qu'à son habitude enfin quand elle arrivait un minimum à dormir. Elle réussit à s'asseoir contrairement aux derniers jours de la semaine et elle en fut ravie, ses douleurs étaient un peu moins présentes que la veille. Elle se tourna et mit ses jambes dans le vide, quand celles-ci touchèrent le sol et qu'elle put s'appuyer sur celui-ci elle cria victoire dans sa tête. Elle réussit doucement à se lever de son lit puis partit vers la salle de bain.
En arrivant elle se regarda dans le miroir et vit sa mine fatiguée, rongée par la douleur. Ses cheveux châtains étaient gras et décoiffés. Son visage renfermait sa fatigue et ses douleurs, des cernes sous ses yeux verts humides à cause de la lumière montrait toute la souffrance endurée depuis ces derniers mois et surtout de ces derniers jours. Son corps était amaigri, presque sans vie. Elle le regardait de plus près et vit son corps décoré d'ecchymoses qui n'étaient pas là il y a encore quelques jours. Elle regardait encore plus en détail et elle revit les cicatrices en relief à son poignet et elle le retournait, elle ne ressentait aucune douleur en les voyant mais plutôt de la honte.
Elle avait beaucoup de mal à tenir debout mais le simple fait de pouvoir faire cela la ravie presque. Après s'être regardée dans le miroir elle s'en détourna, elle souffrait de se voir comme ça, de voir ce qu'elle était devenue.
Elle ouvrit la porte de douche et s'y glissa après s'être déshabillée lentement pour ne pas se faire mal. Elle vérifia avant que ses mutilations présentent sur son cœur ne s'étaient pas infectées.
Elle commença à faire couler l'eau de la pomme de douche, l'eau était à 38° mais cela ne suffisait pas. Elle la montait donc jusqu'à 45°, cela apaisa ses douleurs sur le coup mais ce n'était plus suffisant et elle montait donc jusqu'à 55°. Elle aurait pu augmenter beaucoup plus mais ce n'était pas possible car il y avait une sécurité mise en place. Elle sortit de la douche avec la tête qui tournait mais, par chance ce jour-là, un petit soulagement au niveau de ses souffrances. C'est quand elle se regarda encore une fois dans le miroir qu'elle se rendit compte que l'eau avait brûlé tout son corps, et, que ses cicatrices s'étaient réouvertes, il n'y avait que de cette façon qu'elle ressentait entre guillemet la chaleur de l'eau qui aurait pu couler sur son corps déjà si affaibli.
Elle se sécha le corps doucement en évitant de trop caresser sa peau. Elle enfila ses vêtements et se sécha les cheveux. Malgré tous ses problèmes, elle essayait toujours de masquer ses douleurs en montrant au mieux un beau physique. Elle se lissa les cheveux et se maquillait. Elle était maintenant prête pour aller le voir.
Elle repassait dans sa chambre et regardait sa photo, il était si beau à ses yeux. Elle pleurait presque en le regardant mais elle se reteint au maximum. Elle prit sa veste ainsi que ses chaussures et descendit au rez-de-chaussée de la maison. Il n'était que cinq heures du matin donc personne de sa famille n'était levée. Elle ne passa pas par la cuisine pour manger et se dirigea directement vers la porte d'entrée.
Lorsqu'elle sortit dehors l'air frais envahit ses poumons et lui procura un certain bien être. Elle marchait tout en sachant où elle allait pour une fois, le voir. Elle avait mal, très mal mais elle continuait tout de même d'avancer. Elle faisait ça pour lui.
Elle pensait, pensait à tout et à rien. Elle ne savait plus qui elle était, elle arrivait à peine à se rappeler de son prénom, de ses loisirs, de son passé. Elle levait la tête pour regarder autour d'elle mais la rabaissa presque automatiquement et courba son dos comme pour se créer une coquille et se protéger de ce monde.
Elle arrivait enfin et poussait le portail en fer rouillé, il devait être aussi vieux que ce qui résidait ici. Elle marchait dans la grande allée sans regarder autour d'elle la tête baissée, elle ne voulait pas voir ce qui l'entourait. Elle ne savait plus vraiment où il était mais elle tentait de se rappeler par la douleur qu'elle avait pu ressentir en marchant jusque lui la dernière fois.
Elle était seule à cette heure si matinale, quelques lampadaires ainsi que la lune l'éclairaient et elle adorait se balader de cette façon la nuit. Plus elle s'approchait plus elle sentait une sorte de culpabilité l'envahir, elle angoissait à l'idée de se retrouver devant lui. Elle n'était plus tellement sûre de vouloir le voir. Malgré cela elle continuait d'avancer, il ne lui restait que quelques mètres mais elle dut s'arrêter. Elle avait bien trop mal et était essoufflée, son cœur n'avait pas fait de si gros efforts depuis si longtemps et était très faible.
Elle reprit sa respiration et s'avançait vers lui. En arrivant et voyant son visage les larmes coulèrent et ses genoux se dérobèrent sous son poids de plume. Elle tombait à terre sur la dureté et la froideur du marbre noir. Elle ne pleurait que de douleurs, de douleurs physiques et psychiques.
Le marbre recueillait ses larmes, elle regardait son visage sur le muret puis l'écriture gravée : « Esteban 1996 - 2015 ». Elle regardait juste devant elle et ne trouvait rien à part des fleurs fanées qu'elle avait déposé ici il y avait quelques mois de ça.
Elle restait là à regarder son visage si souriant, si heureux. Elle ne voulait pas qu'il repose ici ni qu'il la laisse seule dans ce monde mais il n'avait pas eu le choix et elle non plus. Elle pensait à tout ce qu'ils avaient pu faire ensemble, à tous ces moments de bonheurs. Comment avait-il pu la laisser dans ce monde seule ?
Elle regardait maintenant le ciel qui commençait à s'éclaircir et à donner un peu de lumière dans cet environnement si noir. Elle voulut s'adresser à lui par le biais de cette pierre :
_Esteban, je voulais que tu saches que je ne veux plus rester ici, dans ce monde. Je souffre beaucoup trop. Je sais que je t'avais promis de rester malgré ce qui pouvait se passer ici mais ce que je vis est bien pire que la mort et je peux te le jurer. Je ne peux vraiment plus et je veux te rejoindre. Tu n'as pas le choix, je serai là, avec toi, bientôt.
Sur ces quelques mots elle se levait doucement mais remarquait que ses rotules n'étaient pas remises en place et que la douleur était bien trop imposante pour ne pas les remettre. Elle commença par la gauche qui lui procurait le plus de douleur et la décalai en un coup sur la droite et elle hurlait de douleur. Elle fit de même avec la droite mais vers la gauche et elle hurlait également de douleur. Les luxations étaient ses plus grandes ennemies. Elle se remit debout sans pour être tout autant stable et sans douleur mais elle avait connu pire et marchait donc doucement.
Elle arrivait enfin au bout de l'allée et repoussait le portail en fer qu'elle espérait ne plus jamais revoir. Elle refaisait le parcours de ce matin jusqu'à sa maison. Elle remarqua que les lumières étaient allumées et elle entrait avec appréhension. Sa mère comprenait ce qu'elle vivait mais ne savait pas quoi faire pour l'aider. Elle ne lui parlait pratiquement plus par peur de la blesser davantage. En arrivant sa mère lui dit :
_Tu étais où ?
_Partie faire un tour parce que j'avais trop mal.
Sa mère l'écoutait mais faisait semblant de ne pas vraiment l'entendre et continuait son activité. Son père lui ne s'occupait pas d'elle, il était bien trop occupé par les petites jeunes de son travail. Son grand frère de 21 ans n'était pas levé, ce qui la raviva.
Elle montait dans sa chambre et s'asseyait à son bureau. Elle était à la FAC et n'avait jamais redoublé malgré ses absences à répétition lors des cours. Elle avait réussi à obtenir son baccalauréat avec mention très bien grâce à sa détermination et à lui qui l'aidait. Elle était en cursus littéraire et adorait ce choix qu'elle ne redoutait aucunement. Elle n'avait pas du tout d'amis, elle les avait tous perdu l'année dernière à cause de ce qu'il lui arrivait.
Elle ouvrit son ordinateur et allait directement sur son traitement de texte. Elle écrivait encore et encore, elle ne pouvait pas s'arrêter. C'était impossible pour elle. C'était son seul échappatoire, cela lui permettait d'apaiser ses douleurs en en retranscrivant une partie sur cette feuille blanche technologique.
Elle ne parlait pas de sa douleur dans ses récits mais les utilisait énormément. Elle écrivait sans ne jamais publier car elle était bien trop perfectionniste et n'osait pas aller voir un éditeur par peur de honte.
Elle faisait des études littéraires sans ne vraiment savoir ce qu'elle voulait faire de sa vie, elle faisait surtout cela par passion. Quand elle n'écrivait pas elle lisait sans là aussi ne jamais s'arrêter, elle pouvait se mettre dans la peau de personnage héroïque, criminel, souffrante, gentille ; n'importe lesquels étaient disponibles dans cet univers de magie.
Après quelques heures d'écriture elle mit le mot « fin » à son histoire et l'imprimait. Elle le prit et le posait sur son lit en y laissant une petite lettre. Elle descendit à table. Il n'y avait que sa mère et son frère rué sur son téléphone portable. Personne ne décoinçait de mots. Elle regardait les deux personnes autour d'elle et se demandait bien ce qu'elle faisait ici avec eux. Elle ne parlait jamais à son frère mais savait exactement qui il était : une personne pleine de vie et sans soucis majeur, une personne fêtarde et pleine d'amis mais aussi une personne naïve et presque narcissique. Sa mère, elle, elle n'arrivait pas à l'analyser et ne voulait pas le faire car elle s'en mordrait les doigts, elle ne voulait aucunement rentrer dans sa vie privée, dans sa tête.
Elle finissait son repas tranquillement et remontait dans sa chambre. Elle y vérifiait si tout était en ordre et se coucha.
Vers une heure du matin elle sortit de son lit et le refit. Elle prit une belle robe blanche et l'enfilait. Elle se coiffait et se maquillait de façon qu'elle soit la même qu'à leur première rencontre : une fille charmante, souriante et pleine d'atouts.
Après tout cela elle enfila la seule chose qu'elle ne portait pas lors de leur première rencontre : une bague, ce n'était pas une simple bague à ses yeux, celle-ci représentait tout leur amour, toute la richesse de cet amour. Il la lui avait offerte deux jours avant cet accident, deux jours avant de mourir.
Elle était enfin prête, prête pour partir. Elle vérifia si son livre et l'enveloppe étaient bel et bien à leurs places respectives puis elle se dirigea vers la porte de sa chambre. Elle repensa à tous ces moments passés ici de bonheur, de belle vie, d'amour que ce soit avec Esteban, sa mère, son frère et ses amis. Malheureusement elle représentait aussi beaucoup de peine, de douleur ainsi que de tristesse. Elle ne voulait plus rester enfermée ici dans cette prison. Elle la regarda une dernière fois et sortit.
Elle passait dans le couloir en évitant de regarder toutes les photos accrochées aux murs mais elle ne put s'en empêcher. Elles représentaient son frère et elle souvent accompagner de sa mère, ils avaient l'air très heureux tous ensemble à cette époque. Les photos récentes d'elle étaient celles avec Esteban, sur certaines sa mère était présente et très heureuse là aussi. Les larmes commençaient à couler mais elle les retenait, elle ne voulait pas se laisser abattre. Une enveloppe marron était disposée sur la petite table mais elle ne la regarda pas, elle ne voulait pas lire ce que sa mère avait encore pu lui écrire pour essayer de lui remonter le moral.
Elle avançait lentement puis sortit de la maison. Elle regardait autour d'elle, au-dessus d'elle et elle admirait la beauté de la nuit, des étoiles. Elle regrettait ce monde, elle voulait partir dans ce ciel étoilé, dans ce paradis de la beauté et de la nature. Un monde sans douleur, sans tristesse, un monde de bonheur. Elle reprenait conscience d'où elle était puis se remit à avancer.
Elle marchait, encore et encore jusque cet endroit puis elle y arrivait. Le vent doux soufflait dans ses cheveux en les faisant danser, il caressait sa robe blanche puis commença à se déchaîner. Il devenait de plus en plus violent et elle, elle continuait à avancer de plus en plus prêt. Le ciel se refermait, les nuages s'installaient et la pluie tombait. Elle posa un pied dans l'endroit exact puis la tempête éclata.
Elle avançait lentement vers la mort. L'eau montait jusque ses épaules puis elle le sortit. Elle regarda quelques instants la lame puis dit « Je t'aime Esteban, je te rejoins dans l'océan du bonheur ».
Elle se trancha la gorge puis se laissa emporter dans les torrents de la mort.
«
Dolorès,
Je sais que rien ne va depuis quelques temps mais, sache que je suis là, que je serai toujours là. Tu es ma fille et je t'aime, je t'aime à jamais. Je sais que ce que tu vis en ce moment n'est pas du tout facile mais il faut que tu remontes cette énorme pente. Il faut surmonter cette maladie ainsi que ce deuil. Je sais que tu es forte, que tu peux y arriver mais je sais aussi que tu ne veux pas rester dans ce monde et je te comprends mais s'il te plaît ne fais pas ça. J'ai besoin de toi, j'ai besoin de ma fille pour vivre, pour survivre dans ce monde. Ne me laisse pas ou mon monde s'écroulerait en même temps que le tien, je ne peux vivre sans toi.
Je t'aime Dolorès, à la vie, à la mort.
»
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