43

EASTON

Le soir où tout a basculé

Dix-neuf heures trente-quatre, le bruit de la porte, s'ouvrant et se fermant, parvient à mes oreilles.

Tic-tac

Quinze secondes plus tard, c'est le claquement de hauts talons aiguilles qui résonne dans toute la pièce.

Tic-tac

Dix-neuf heures trente-cinq, une voix aiguë et joviale rejoint l'orchestre.

Tic-tac

Trente secondes plus tard, un corps élancé, une chevelure blonde entourés de divers sacs de créateur pénètre dans la pièce et dans mon champ de vision.

— Bonsoir mon amour, s'exclame la voix enjouée de ma femme.

Un sourire que je trouvais craquant et terriblement sexy autrefois, se dessine sur son visage, tandis que ses pas la guident vers moi.

Je ne réponds rien et continue de l'observer attentivement se positionner face à moi.

— Tu as passé une bonne journée ? poursuit-elle en déposant un long baiser contre mes lèvres.

Je l'accueille sans pour autant y répondre, chose qui ne semble pas la contrarier. Ce n'est pas comme si nos étreintes débordaient d'amour, ces derniers temps.

— Assez intéressante, finis-je par répondre sur un ton neutre.

Elle ne fait même pas semblant de s'y intéresser, préférant rejoindre notre chambre pour y déposer ses nouvelles emplettes. Je profite de son absence pour me resservir un verre et le boire cul sec. Je vais avoir besoin d'un petit remontant pour affronter la conversation qui nous guette.

Le claquement de ses chaussures retentit à nouveau.

Tic-tac

Vingt secondes plus tard, Shelby réapparaît, toujours ce fichu sourire hypocrite collé au visage. Elle me sonde un instant, puis gagne son siège face à moi. Son regard parcourt les différents mets posés sur la table, préparés par le traiteur du coin. Cette femme ne mérite plus d'engloutir la moindre nourriture préparée durement par Lucía.

— Tu as commandé chez Wonder ? Quelle est l'occasion ?

Elle attrape une part de feuilleté aux fruits de mer en poussant un gémissement de satisfaction, une fois englouti. Profite bien de ton dernier repas de qualité, ma grande.

Un silence pesant s'installe dans la pièce, ce n'est pas vraiment inhabituel. C'est toujours ainsi entre nous, elle parle et j'écoute. Shelby a toujours préféré le son de sa propre voix. Pas étonnant qu'elle n'était jamais du genre silencieuse au lit.

Mais aujourd'hui, ce malaise entre nous, elle le ressent. Comme si elle était déjà préparée à ce qui allait suivre.

Des choses à te reprocher, mon amour ?

— Je ne sais pas, penses-tu qu'il y aurait quelque chose à célébrer ? Quelque chose de nouveau ? répliqué-je sur un ton accusateur.

Elle fronce les sourcils, perplexe. Il faut dire que mon comportement n'est pas celui auquel je l'ai habituée. Elle sent que je lui cache quelque chose et ça la rend dingue de ne pas savoir.

Oh tiens, ça me rappelle quelqu'un.

— Tu as un comportement étrange, Easton. Que ne me dis-tu pas ?

Un sourire railleur étire mes lèvres. Elle est bonne celle-là.

— Je pourrais te retourner la question. Après tout, les secrets ça te connaît, chérie. N'est-ce pas ?

Plus elle m'observe, plus elle comprend et la décomposition progressive de son visage en est presque jouissive.

Démasquée.

— Easton je...

— Pas la peine de te chercher des excuses, je suis déjà au courant. En revanche, j'aimerais bien savoir depuis quand ma femme est une trainée ? craché-je sans hausser le ton pour autant.

Elle ne mérite pas ma rage, ni le moindre effort de ma part. J'en fais déjà assez en ayant cette conversation. Si je n'étais qu'un connard indifférent, c'est avec ses valises devant la porte que je l'aurais accueillie. Mais non, moi je vais lui laisser sa chance de m'en dire un peu plus. Après tout, je vais avoir besoin de matière, lorsque j'exposerai ses infidélités pour le divorce.

— Easton ce n'est pas...

— Depuis quand, Shelby ? la coupé-je, bien plus durement.

Elle déglutit péniblement, alors que sa respiration s'accélère. Eh oui, ça doit être frustrant d'avoir trouvé plus malin que soi. Parce qu'elle me pensait suffisamment occupé pour que je ne remarque rien.

— Depuis quand profites-tu de mon argent, pour pouvoir te pavaner dans les rues et les événements mondains, afin de mieux te faire baiser par tous les mecs de Chicago, hein ? Combien étaient-ils ?

Elle ne répond toujours pas, mais je vois la panique grandir dans son regard. Pas la peur de me perdre en tant que personne. Oh non, ça fait bien longtemps qu'elle n'en a plus rien à foutre. Cependant, les avantages qui vont avec moi, c'est ce qui l'intéresse vraiment : l'argent, la popularité, la puissance... C'est ce qui a toujours intéressé cette arriviste, et dans le fond, je crois que je l'ai toujours su. J'ai juste joué à l'aveugle pendant trop longtemps.

J'en profite alors pour me lever en attrapant l'enveloppe posée à ma droite. Je rejoins l'emplacement de ma femme et me positionne derrière elle. Elle tente de se lever, mais ma main agrippant fortement son épaule l'en dissuade. Rien de violent, juste le parfait dosage pour l'arrêter sans la blesser.

J'ouvre alors l'enveloppe et en sors les quelques clichés qui risquent de l'intéresser fortement. Après tout, ils mettent en scène la personne qu'elle aime le plus : elle-même.

— Nous avons Terrence, de beaux yeux, mais peut-être un peu jeune pour toi. Un gamin sortant tout droit du collège, t'as pas honte, ma vieille ?

Elle me lance un regard noir, avant de prendre la photo en mains. Elle représente ma femme en train d'embrasser un jeune homme, qui m'a tout l'air d'être au lycée, mais qui prend un malin plaisir à lui tripoter le cul, en enfonçant sa langue dans sa bouche.

Shelby n'est pas vieille, elle n'a que vingt-neuf ans. Ce qui nous fait quatre ans d'écart, mais qui sont pratiquement invisibles à l'œil. Mais va savoir pourquoi, j'ai toujours pensé qu'elle préférait les hommes mûrs.

Oh, voilà qu'on en arrive à Devon.

— Plutôt bien conservé pour son âge, lui il pourrait carrément être ton père. Mais après tout, te faire prendre dans un cinq étoiles, ça vaut tous les sacrifices, non ? raillé-je à nouveau.

Je prends un malin plaisir à la torturer. C'est tout ce qu'elle mérite, pour m'avoir trahi de la sorte. Et encore, j'estime être gentil dans mes actes et mes propos.

— Arrête ça, Easton. Quel est ton but à la fin ? grogne-t-elle en se levant soudainement.

Elle me repousse et parvient enfin à s'extirper de sa chaise, afin de mettre le maximum de distance entre nous. Elle se tient fièrement debout en me toisant méchamment. Son numéro de petite fille triste n'aura pas duré longtemps. Parfait, ça m'ennuyait presque.

— Tu n'étais jamais à la maison et quand c'était le cas, tu tirais ton coup vite fait et tu retournais bosser. Ce mariage, je l'ai vécu seule ! Alors oui, je suis allée chercher de l'affection auprès d'hommes qui étaient prêts à me la donner, s'écrie-t-elle, folle de rage.

Je ne tique même pas. Évidemment, cette possibilité m'avait traversé l'esprit et j'aurais pu me sentir coupable, si elle était venue m'en parler ou si elle n'avait fait qu'une simple erreur. Peut-être que j'aurais pu pardonner un seul écart. Mais non, au lieu de ça, elle a préféré garder mes milliards sous la main et la queue d'autres hommes pour son plaisir.

— Alors tu n'avais qu'à me quitter, si j'étais un mari aussi horrible, non ? Oh, mais j'oubliais, Shelby Harper ne pouvait pas divorcer de son portefeuille sur pattes, n'est-ce pas ? Parce que c'est exactement ce que j'ai toujours été pour toi : la clé de la richesse et du succès.

Le feu en elle continue de s'intensifier, alors que son regard s'assombrit progressivement. Elle a le culot d'être en colère, alors que c'est elle qui m'a trahi.

— Alors qu'on soit clair, je vais te laisser jusqu'à demain pour faire tes affaires et dégager de chez moi. Et en ce qui concerne ce précieux argent que tu convoites tant, je m'assurerai que tu n'en vois plus jamais la couleur. Tu n'auras rien, Shelby. Retour à la case où ta vie était minable et sans intérêt. Qui sait ? Peut-être que tu iras plumer un autre pigeon. Mais sois plus intelligente la prochaine fois et va donner ton cul plus discrèteme...

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase qu'un lourd claquement s'abat sur ma joue. Je rouvre les yeux et Shelby se trouve devant moi, la rage émanant de tous ses pores et la main rouge, suite à la claque monumentale qu'elle vient de me mettre.

— Tu ne peux pas me faire ça, espèce de connard sans cœur. Tu n'as pas le droit de m'ignorer à longueur de journées et de m'arracher la seule chose qui a un sens dans ma vie !

Je ricane sans retenue. La seule chose qui a un sens ? Putain sa vie doit vraiment être pathétique, pour vouer un tel amour à l'argent.

— Je vais te l'arracher et je vais m'en faire un malin plaisir. Parce que cet argent, je l'ai gagné à la sueur de mon front. Tout ce confort que je t'ai offert, je l'ai fait en bossant comme un malade. Et toi, tout ce que tu trouves à faire, c'est me le reprocher et aller voir ailleurs pour combler tous tes désirs. C'est ça que tu veux ? Un petit larbin qui remplit ton compte en banque, mais qui peut aussi te satisfaire sentimentalement parlant, chaque fois que tu le souhaites ? Dans quelle putain de fantaisie vis-tu, ma pauvre ?

J'avance doucement dans sa direction, afin de combler cette distance gargantuesque qui n'a aucun sens. Mais plus je m'approche, plus elle recule. Comme si laisser un fossé entre nous allait changer quoi que ce soit.

Je récupère son sac à main, posé sur la console du salon et attrape son portefeuille si précieux. Je m'empare d'une première carte de crédit et la détruit d'un mouvement de main.

— Mais tu es fou !!

Je ne lui prête aucune attention et réserve le même sort à la seconde.

— Easton !!! Easton !! s'époumone-t-elle alors que je continue de détruire chacune de ses possessions.

Je m'approche de plus en plus d'elle en déchirant chaque page de ses chéquiers, sans la quitter du regard.

— Easton, je t'en prie. Easton, ne fait pas ça !!!

Mais aucune de ses supplications n'y change quoi que ce soit. Cette femme ne mérite plus rien venant de moi. Elle a fait son choix en allant voir ailleurs. Aujourd'hui, elle doit en assumer les conséquences.

— TU.N'ES.PLUS.RIEN, lui assuré-je en articulant chacun des mots.

Elle me crache au visage pour seule réponse.

Beurk.

Je m'essuie d'un revers de manche et décide de ne pas réagir. La satisfaction de la voir tout perdre, suffit à ma vengeance.

— Espèce de fils de pute ! rugit-elle en m'envoyant un premier coup sur le torse.

Puis s'ensuit d'une multitude de coups de poing. Chacun adressé avec plus de rage que le précédent. J'encaisse sans répliquer. Le jour où je lèverai la main sur une femme, n'est pas arrivé. Et puis, il ne lui reste que sa rage, alors autant la laisser se défouler avant de la virer comme une malpropre.

— T'es qu'un putain d'égoïste, un connard incapable de me provoquer le moindre orgasme. Je ne t'ai jamais aimé, Easton Hathaway, sans ton argent, je ne t'aurais même pas adressé le moindre regard. T'es qu'un minable.

Elle accompagne chacun de ses mots d'un geste violent, pour tout ce qui l'entoure. Tout y passe : assiettes, plats, verres, bouteilles. Heureusement que j'ai donné sa soirée à Lucía et qu'elle n'a pas eu à cuisiner pour cette folle.

Nouvel éclat de verre.

— T'es qu'un bon à rien.

Plat qui gicle sur le mur à ma droite.

— Une sous merde qui ne méritait pas de venir au monde.

Nouvelle gifle, puis une encore et encore.

— Ton père a eu raison de te détester toute sa vie. T'es qu'une ordure, un meurtrier. Tu lui as pris sa femme. Ta naissance n'était qu'un putain de fardeau pour tout le monde.

Elle attrape une bouteille cassée et m'entaille la joue d'un geste sec.

Putain de merde. Ne rentre pas dans son jeu, East. Elle ne le mérite pas. N'écoute pas ce qu'elle te dit.

Elle continue de casser tout ce qui lui passe par la main, transformant mon salon en un véritable champ de bataille.

Serait-ce culotté de lui faire payer les réparations ?

— Ta mère est morte par ta faute, Easton. Tu as enlevé sa maman à Jaxon, sa femme à ton père, tu as enlevé une femme formidable et tu l'as remplacée par l'échec que tu es. Ton père n'a jamais voulu de toi et ton grand-père t'a pris en pitié. Tu ne l'as jamais compris ? Putain, ce que tu peux être pathétique.

Je devrais rester indifférent à ses paroles, mais cette femme partage ma vie depuis trop longtemps. Elle sait où appuyer pour que ça fasse mal. Parce que tout ce qu'elle dit est vrai. Ma naissance a engendré la mort de ma mère. J'ai arraché la femme la plus douce au monde à tout son entourage. Jaxon a perdu sa mère, mon père a perdu la femme de sa vie. Tout ça pour que je puisse vivre.

Je tente de canaliser les tremblements qui prennent possession de mon corps. Et alors que j'en profite pour baisser ma garde, Shelby me saute dessus comme un loup enragé, me rouant de coups sans relâche. Tout y passe : mes bras, mon estomac, heureusement pour moi, j'ai le corps solide et je ne sens presque rien. C'est alors qu'elle s'empare de mon visage afin de le griffer, entaillant la moindre parcelle de ma peau.

Salope.

Au moment où ses dents viennent mordre mon épaule, j'estime que c'en est trop et tente de la repousser en essayant de ne pas la blesser. Mais malheureusement, elle trébuche sur une serviette au sol et tombe, fesses les premières, sur les éclats de verre éparpillés au sol.

— Putain de merde !!! s'égosille-t-elle en essayant de se relever tout en s'appuyant sur un verre.

Mais ce dernier, déjà peu solide, se brise entre ses mains, l'entaillant davantage. Son sang s'éparpille autour d'elle. Elle parvient à se relever et fonce à nouveau dans ma direction. Elle tente de me pousser encore et encore, salissant ma chemise à plusieurs reprises. L'odeur du sang me donne la gerbe, mais j'essaie tout de même de ne rien montrer.

Les yeux de ma femme s'embuent, lorsque que nos regards se croisent.

— Tu ne m'as jamais aimée, Easton. Je n'ai toujours été que la vulgaire remplaçante de ton putain de véritable amour. Tu m'as choisi parce que je ne lui ressemblais en rien. Parce que tu avais besoin de l'oublier, en sachant très bien que tu ne retomberais jamais amoureux. J'ai essayé Easton, j'ai tout fait pour être meilleure qu'elle, mais rien n'y fait. Tu n'as jamais pu passer à autre chose. C'était Elyna avant moi, Elyna durant tout notre mariage et ça sera toujours cette salope d'Elyna. Alors que de son côté, ça fait belle lurette qu'elle t'a rayé de sa vie.

Ses larmes de crocodiles cessent, pour laisser place à un ricanement narquois.

— Elle s'est barrée parce que son travail valait dix fois plus que toi. Tu penses que je suis une arriviste, que l'argent est ma seule source de plaisir ? Tu as raison. Mais navrée de te l'apprendre, mon chéri, c'est le cas de toutes les femmes. Et ta douce et précieuse Elyna n'est pas l'exception. À ton avis, qui de Kallias Gallanis et toi brasse le plus d'argent ? Elle a flairé un plus gros poisson et elle s'est tirée.

Elle s'approche à nouveau de moi, un large sourire malicieux fixé au visage, puis s'approche de mon oreille pour murmurer :

— Et maintenant, c'est lui qui a l'opportunité de la sauter tous les jours. Chaque orgasme, chaque souffle et cris de plaisir, c'est lui qui le lui procure.

— FERME TA PUTAIN DE GUEULE !!! grondé-je en la repoussant un peu plus fortement que la fois précédente.

Paniqué par cet élan de rage, c'est à mon tour de mettre de la distance entre nous, en allant faire les cents pas dans toute la pièce. Elle pouvait tout me faire, mais il fallait qu'elle la mentionne, elle. Ma putain de seule faiblesse. Elle ne sait pas de quoi elle parle. Jamais Elyna ne sera comme elle, jamais.

— Elyna était parfaite, elle était intelligente, douée, créative. Tout ce que tu n'as jamais su être, elle l'était. Et oui, contrairement à toi, elle je l'ai aimée comme un dingue et ça sera toujours le cas.

Un nouvel éclair de colère traverse son regard, amplifiant ma satisfaction d'un degré supplémentaire.

Elle quitte rapidement la pièce, pour revenir quelques minutes plus tard avec une grosse boite que je reconnaîtrais parmi mille.

— Va ranger ça. Je t'interdis d'y toucher.

Elle me lance son meilleur sourire de peste avant d'ouvrir le paquet.

Putain, je vais me la faire.

— Tous ces souvenirs conservés, ce que tu peux être pathétique, Easton. Oh une photo de vous.

Elle soulève le cadre en l'observant malicieusement.

— Je ne t'ai jamais vu sourire de la sorte. Eh ben, tu devais vraiment l'aimer, cette garce.

Puis en me lançant un regard appuyé, elle laisse le cadre se briser contre le carrelage du salon.

— Oups.

La rage monte en moi, au fur et à mesure de son inspection. Je ne pensais pas qu'elle avait connaissance de l'existence de cette boite. Il s'agit de tous mes souvenirs avec Elyna, réunit dans un seul endroit. Parce que malgré le fait qu'on ne soit plus ensemble, je ne pouvais me résoudre à jeter tout ce qui nous appartenait. Cette femme a été le plus grand cadeau de ma stupide existence. La meilleure chose qui me soit arrivée, et de loin. Putain c'est elle qui aurait dû porter mon alliance, aujourd'hui.

— Oh, c'est quoi ce petit mot ? résonne à nouveau la voix de ma harpie de femme.

Je reconnais rapidement le design de la petite carte, entre les mains de Shelby et je n'ai pas le temps de faire le moindre mouvement, qu'elle est déjà entrée dans sa lecture.

— « Ton existence est un cadeau, elle s'en est assurée. Alors ne t'en veux pas et honore son sacrifice en étant la meilleure version de toi-même. Celle qu'elle aurait aimé que tu sois. À chaque fois que tu en douteras, regarde cette pierre, elle saura te guider. Avec tout mon amour, Elyna. »

Les sourcils de ma femme se froncent, cherchant à comprendre la signification de ces mots. Et quand une lueur de surprise traverse ses yeux, je sais qu'elle a compris.

— Ne me dis pas que c'est son putain de cadeau qui recouvre un des murs de notre salon. Putain, Easton ne me dit pas que tu as passé toutes ces années à me mettre un bien lui appartenant, sous mon nez.

Je ne nie pas, c'est inutile. Parce que cette pierre n'est pas un simple cadeau. C'est une partie de moi. C'est ce qui me motive à affronter mes journées, ce qui m'aide à ne pas abandonner, à chaque fois que j'en ressens le besoin. C'est une partie de ma mère. Et il n'y a qu'Elyna qui a réellement compris ma souffrance et comment l'apaiser.

Mais apparemment, c'était la goutte de trop, puisque Shelby s'empare de mon précieux d'un geste beaucoup trop agressif.

— Repose ça, je te préviens n'essaie même pas...

Mais encore une fois, je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, que l'irréparable se produit. La scène se déroule au ralenti sous mes yeux, me paralysant complètement, alors que la pierre vient se briser sous mon regard impuissant.

— Nonnnn. !!!! hurlé-je en m'effondrant à même le sol.

J'aurais pu tout encaisser : ses insultes, ses paroles plus blessantes les unes que les autres, ses coups à répétition, la destruction de ma maison. Mais ça... Ça, c'était la chose à ne pas faire. La seule chose qui peut me détruire d'un simple mouvement.

Je glisse quelques fragments entre mes mains, laissant mes larmes se déverser contre mon visage. Elyna m'a offert ce cadeau parce qu'elle savait ce que la mort de ma mère avait provoqué en moi. Elle connaissait mon cœur et mes sentiments, mieux que personne, et ce présent en était la preuve. Il comptait énormément pour moi et Shelby vient de le ruiner. Comme elle ruine toujours tout.

Alors une fois que la peine se dissipe, c'est la fureur qui me possède. Une immense colère qui pourrait me pousser à tout détruire sur mon passage. Et quand mon regard accroche à nouveau celui de ma femme, elle le ressent et la panique dans son regard l'illustre parfaitement.

— Easton, murmure-t-elle tandis que je me relève tout doucement.

Je m'approche dangereusement d'elle, la faisant reculer sur le même tempo que mes pas. Je peux sentir son cœur s'emballer, même à une distance conséquente. C'est maintenant qu'on a peur ?

— East...

Elle se retrouve enfin prise au piège par le mur, alors j'accélère le pas pour l'empêcher de s'enfuir. Je colle mon corps un peu plus au sien, tandis que son souffle se fait plus fort et irrégulier. Je porte alors une main à ses cheveux, caressant lentement chacune de ses mèches. Son cœur ne cesse de marteler contre sa poitrine, tandis que mon visage arrive à la hauteur du sien.

Nos regards se capturent et se sondent, alors qu'elle attend mon prochain mouvement. Je cesse donc ce suspens et empoigne ses cheveux avec hargne, lui arrachant un petit gémissement de douleur.

— Dégage, susurré-je à son oreille. Dégage de cette baraque et ne t'avise plus d'y remettre les pieds. Je ne veux plus jamais voir ton visage de salope. Tu n'auras rien, tu ne seras plus rien. Maintenant barre-toi.

— Easton...

— CASSE.TOI.

Je relâche mon emprise et un dernier regard meurtrier de ma part la convainc de filer à vitesse grand V. Je ne lui aurais jamais fait de mal, à proprement parlé, j'en serais incapable. Mais ça ne me gêne pas qu'elle ait pu le penser. Ça m'a permis de m'en débarrasser rapidement.

J'inspire et expire à plusieurs reprises, afin de regagner mon calme. Et lorsque mes yeux se posent sur les morceaux brisés de mon bien le plus précieux, je m'effondre à nouveau. Je m'assieds à même le sol, essayant de réunir tous les souvenirs d'Elyna que Shelby a saccagés : des photos, des objets de tout genre, des petits mots... Tout ce qui a un jour illustré notre relation.

Un petit objet noir sur ma gauche, attire mon attention. Un hoquet de surprise s'échappe de ma bouche, lorsque je le reconnais. Ça faisait si longtemps que je ne l'avais pas vu. Alors je m'en empare, afin de mieux l'analyser. Il est resté intact, bien qu'un peu poussiéreux, il m'a l'air tout à fait fonctionnel. Sachant qu'en dix ans, il a eu le temps de se décharger, je fouille dans la boite en espérant avoir rangé un chargeur.

Bingo, toujours aussi ingénieux, East.

Je patiente un petit quart d'heure, afin d'avoir assez de batterie pour le parcourir. Il s'agit d'un ancien téléphone, un autre numéro, une autre vie. Celle que je partageais avec Elyna. Quand on s'est séparés, on s'est jurés de ne plus se contacter, d'acheter un nouveau téléphone, de s'oublier. On savait qu'en gardant contact, cette distance nous aurait rendu fou. On s'aimait à en crever, c'était tout ou rien.

Je commence à parcourir la galerie photo, sachant pertinemment qui risque d'en être le personnage principal. Et bien que je m'y attendais, revoir son sourire éclatant et son visage parfait, me comprime le cœur. Plus les photos défilent, plus la peine grandit en moi, obligeant quelques larmes à se verser.

Alors dans un mouvement désespéré, je me rends sur l'application « contact » et clique sur le numéro de mon ex fiancée. Plusieurs tonalités plus tard, c'est évidemment son répondeur qui m'accueille. Cependant, au lieu de raccrocher, je laisse la petite voix disparaître jusqu'à ce que le « bip », indiquant le début d'enregistrement d'un message, retentisse.

— Elyna... C'est... c'est moi. C'est Easton.

Je marque un silence, essayant de ravaler mes larmes et de paraître le plus cohérent et clair possible.

— Je... je ne sais pas pourquoi je te laisse ce message. Je suis pratiquement sûr que jamais tu ne le verras, c'est sans doute d'ailleurs pour ça que le fait.

Je lâche un petit rire face au ridicule de la situation. Me voilà seul, à même le sol de mon salon, complètement saccagé par la folie de ma femme, laissant un message sur un répondeur qui n'a pas été utilisé depuis près de dix ans. À mon ex fiancée, heureuse et épanouie avec son nouveau mec. Vraiment pathétique.

— Je viens d'apprendre que ma femme me trompait, depuis des années. Oui, je suis marié, je ne sais pas si tu es au courant. J'ai fait cette erreur, quelques années après notre séparation. Je ne sais toujours pas ce qui m'a pris, d'ailleurs. Je crois que je n'ai jamais aimé Shelby. Elle était amusante et plutôt sympathique, lorsqu'on s'est rencontré. Elle m'aidait à me changer les idées et à t'oublier. Et puis, mon grand-père est tombé malade et je n'ai pas réfléchi en lui passant la bague au doigt. J'aurais peut-être dû.

Nouvelle pause, nouvelle gorgée de whisky.

— Enfin bref, je suis sûrement un peu éméché, je viens de passer une soirée des plus épouvantables. J'ai voulu confronter ma femme, mais ça a tourné au vinaigre. Elle s'est mise en colère, m'a reproché mon manque d'implication dans notre mariage. Puis une réelle rage a pris possession de son corps et à partir de ce moment, tout s'est très vite accéléré. Elle m'a roué de coups en m'affublant tous les noms horribles, possibles et inimaginables. J'ai encaissé sans broncher, parce que je ne pouvais pas répliquer. Tu sais bien que jamais je ne ferais du mal à une femme, encore moins la mienne. Aussi folle et enragée soit elle.

Et furieuse, elle l'était. Je parcours à nouveau la pièce du regard. Plus rien n'est à sa place ou en parfait état. Mais le pire, c'est le sang séché au sol et sur mes vêtements. Si quelqu'un passait par là, la situation porterait à confusion.

Enfin bon, tout ceci n'est que superficiel. Un coup de serpillère, ma chemise à la machine et rien de tout cela n'aura existé.

— Après ça, tu es devenue le sujet principal de notre dispute. Elle a ressorti la boîte à souvenirs que je gardais de toi et elle répétait sans cesse que si notre mariage n'a pas fonctionné, c'est parce que je n'ai jamais cessé de t'aimer. Et tu sais quoi ? je pense que c'est la chose la plus sensée qu'elle ait dite, depuis le début de cette conversation. Parce que c'est vrai, Elyna. Tu as été l'amour de ma vie et je crois que tu le seras toujours. J'ai essayé, j'ai vraiment essayé de t'oublier, de passer à autre chose et de vivre ma vie, comme tu m'as demandé de le faire.

Je ravale une nouvelle fois mes larmes, puis reprends.

— Tu me manques, mon soleil. Tu me manques tellement. J'ai l'impression que depuis ton départ, ma vie n'a plus jamais été la même. Plus terne, plus fade, sans aucun sens. Parce que tu étais tout, Elyna. Si tu savais comme je t'aime. Je crois qu'il me serait impossible d'arrêter de t'aimer. Tu es entrée dans mon cœur, tu l'as chamboulé, tu l'as mis sens dessus dessous, mais tu n'en as jamais trouvé la sortie. Tu y es greffé à jamais et ça me fait tellement mal. Je réalise que je n'aurais jamais dû te laisser partir. C'est définitivement la pire erreur que j'ai commise dans ma vie. Parce que si tu étais restée, mon cœur serait plein aujourd'hui.

J'inspire, expire, bois un énième verre, puis poursuis.

— Shelby est partie, je l'ai virée de la maison. Elle pleurait, mais contrairement à moi, elle allait physiquement bien. Elle s'est simplement coupée la main avec les verres qu'elle a éparpillés sur mon sol. Je suis seul. Comme je suis destiné à l'être, depuis toujours. J'ai l'air complètement absurde de parler avec un répondeur, mais je m'en moque. Je crois que j'en avais besoin. J'avais besoin d'avouer la vérité sur ce que je ressens depuis toutes ces années. Je sais que tu es heureuse, j'ai entendu pour tes fiançailles. J'avoue que ça m'a foutu un coup au moral. Il m'est impossible d'imaginer un autre homme partager ta vie, te faire rire, sourire, te toucher jusqu'à t'en faire jouir. Mais je sais aussi que tu mérites d'être heureuse. Alors je l'accepte.

Je serre fort contre moi le cadre photo d'Elyna et moi avant de conclure :

— Je vais raccrocher, maintenant. Je te souhaite d'être heureuse pour le restant de ta vie, Elyna. Si un jour tu as l'occasion d'écouter ce message, sache que tu as été la personne que j'ai le plus aimée. Tu as fait de moi un homme comblé. Tu m'as rappelé que mon existence n'était pas qu'un calvaire et un fardeau pour mon entourage. Tu m'as appris à apprécier la vie et à ne jamais abandonner tout ce que j'entreprends. Merci d'avoir illuminé mon monde. Je t'aime et je t'aimerai jusqu'à la fin des temps.

⚖️⚖️⚖️

Le flashback tant attendu !!!!

Ça aura pris 43 chapitres mais il est enfin là !!

Alors qu'est-ce qu'on en pense ??

Shelby est en réalité celle qui a porté tous les coups !

Leur dispute ?

Il manque une partie de cette soirée. Une partie qu'Easton ne connaît pas. Une partie qui sera racontée par Sean. Mais alors quel est son rôle dans tout ça ?

Réponse demain 🙈

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top