37
ELYNA
— Elyna, tout va bien ? demande la voix inquiète de ma sœur, lorsqu'elle décroche le téléphone.
C'est la deuxième fois, en un temps si proche, que je l'appelle à des heures inhabituelles et chacune de ces fois, les larmes n'empêchent de m'exprimer correctement. Aujourd'hui n'est pas l'exception, c'est même pire. Cette fois, ce sont des larmes de tristesse, de douleur et de désespoir qui s'échappent de mes yeux. Cette fois, j'ai l'impression que tout s'écroule autour de moi.
Cependant, aujourd'hui, ce n'est pas du réconfort que je recherche auprès de Danae. Je ne mérite pas d'être réconfortée. C'est moi qui ai menti, trahi, qui ait fait preuve de bassesse et de fourberie. Je ne suis pas à plaindre, bien au contraire. Mais ce qui s'est passé cet après-midi, ne concerne pas uniquement Easton et moi. Il y a d'autres personnes en jeu, dont ma soeur, sa femme et leur enfant. Elles sont les parents de Loukas, depuis sa naissance. Malgré mes erreurs, je le leur ai confié et aux yeux de tous, il est leur fils.
Jusque-là, cette histoire ne craignait rien, mais maintenant qu'Easton est au courant, tout peut changer. Il peut réclamer une rencontre, un lien et c'est quelque chose qui doit être discutée avec celles qui l'ont élevé.
— Il est au courant, Danae.
Je n'ai pas besoin de préciser mes propos. Elle comprend immédiatement de quoi je veux parler, au son de ma voix. C'est un moment qu'elle redoute depuis neuf ans. Elle est consciente que je suis génétiquement la mère de Loukas et que lui et moi aurons toujours un lien unique. Elle ne s'y est pas opposée et l'a même encouragé. Elle m'a également dit que si un jour je souhaitais lui dire la vérité et le laisser me considérer comme une autre de ses mères, elle n'y verrait aucun inconvénient. Tant que je ne lui arrache pas Loukas, elle soutiendra toutes mes décisions.
Mais je n'ai jamais pu me résoudre à dire la vérité à ce petit cœur. À ses yeux, j'étais sa tante préférée, celle qui l'aime inconditionnellement, rit à ses côtés, mange des tonnes jusqu'à en avoir mal au ventre. J'ai toujours eu peur que son regard change et qu'il me déteste pour la décision que j'ai prise.
Je ne sais pas ce qu'Easton prévoit de faire. Pour l'instant, il doit surtout digérer la nouvelle et continuer de se battre pour rétablir la vérité contre sa femme. Peut-être qu'il acceptera ma décision et ne cherchera pas à connaître Loukas. Ou peut-être qu'il se battra pour nous l'arracher. Chose qui détruirait ma famille.
Je passe les prochaines minutes à lui raconter ce qui s'est passé durant la totalité du procès. En commençant par la trahison de Kallias, l'acharnement de Lopez, la douleur qu'a ressenti Easton, en terminant par notre altercation. Je suis à bout de souffle à la fin de mon monologue, mais soulagée d'avoir réussi à tout raconter, sans laisser mes larmes me dominer.
— Putain, mais quel fils de pute, ce Kallias. Son égo a été si endommagé qu'il a voulu se venger en dévoilant des secrets qui ne lui appartiennent pas. Attend que je le croise, crois-moi, il va s'en mordre les doigts.
Si la situation n'était pas aussi dramatique, j'en rirais presque. Contrarier un Lykaios, c'est mauvais, surtout ma grande sœur. Touche à un membre de son clan et tu ne t'en sortiras pas indemne. Une vraie maman louve.
— Il fallait qu'il marque les esprits. Honnêtement, ça ne me surprend même pas, avoué-je dans un long soupire.
— Hmm, je ne te donne pas tort. Je suis désolée pour Easton... J'aurais préféré qu'il ne l'apprenne pas de cette façon.
Je me mords la lèvre en hochant la tête. Il y avait des tonnes de manières de lui annoncer une telle nouvelle, mais celle-ci était définitivement la pire. Obligé de faire face à son portrait en miniature, devant une salle pleine d'inconnus... Putain, j'aurais déjà pété un câble à sa place.
— Tu crois qu'il va s'en prendre à nous ? Qu'il va réclamer Loukas ? poursuit-elle sur un ton bien plus préoccupé que précédemment.
— J'en ai bien peur, Dany. C'est son fils, quoi que nous ayons fait, il est son père.
C'est à son tour de garder le silence, me donnant ainsi raison. On pourrait nier sa paternité, s'il avait fait le choix d'abandonner son fils, mais le choix, il ne l'a jamais eu. À l'époque, j'en doutais, mais aujourd'hui j'en suis persuadée, s'il l'avait eu, il l'aurait gardé et élevé. Il est sa seule descendance, son héritage, l'avenir des Hathaway. Qui renoncerait à ça ?
Et là, tu parles comme cet enfoiré de Kallias. Non, mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi, ma vieille ?
— Loukas ne mérite pas ça. Il est encore si jeune, que va-t-on lui dire ? ajoute-t-elle la voix tremblante.
J'en ai aucune idée. Mais il va falloir lui en parler. On ne peut pas laisser quelqu'un d'autre le faire à notre place. J'ai vu les dégâts que ça a provoqués chez Easton et je refuse que mon bébé subisse la même chose. C'était déjà difficile de voir l'homme que j'aime souffrir autant de cette tromperie. Je ne peux pas supporter de voir l'autre homme de ma vie dans le même état.
— On devra lui dire la vérité. Mais laisse-moi parler à Easton avant. Il est blessé aujourd'hui, mais il n'a pas changé en un jour, Dany. Il est toujours l'homme attentionné, prévenant et profondément gentil dont je suis tombée amoureuse. Il ne blessera pas Loukas intentionnellement, pour ses propres intérêts.
J'ai beau douter de beaucoup de choses, jamais je ne douterai de l'altruisme d'Easton. Tout ce que j'ai dit est vrai et même si les gens peuvent faire des bêtises, sous le coup de la colère, je veux croire qu'East sera l'exception.
— Je ne lui fermerai pas la porte, s'il veut rencontrer notre bébé, Elyna. C'est son père et Athéna et moi en avons toujours été conscientes. Mais c'est notre fils aussi, je me battrai corps et âme, s'il tente de nous l'arracher, m'informe-t-elle d'un ton assuré.
— J'espère qu'on n'en arrivera pas jusque-là. Pour le bien de Loukas, nous devons parvenir à un accord.
— Je te fais confiance, Ely. Pour l'instant, Loukas ne saura rien. Parle avec Easton, force-le à t'écouter et lorsque vous aurez décidé quoi faire, Athéna et moi serons prêtes à discuter et à trouver un compromis.
J'acquiesce à nouveau dans le vide. C'est ce que je souhaite aussi. Il va lui falloir du temps, mais East finira par m'écouter et réfléchir correctement. Je ne suis pas tombée amoureuse d'un idiot impulsif. Il prendra la bonne décision. J'espère juste que dans le lot, il acceptera de me reprendre dans sa vie. Malgré tout, je ne pourrais pas affronter les prochaines années sans lui. Je l'ai déjà fait et j'ai cru en mourir.
N'abandonne pas tout de suite, agápi mou.
***
Pas d'audience pour Easton, aujourd'hui. J'ai donc choisi de me rendre chez lui, bien décidée à avoir une conversation d'adulte. Je l'ai blessé, j'en suis consciente. Néanmoins, je dois vraiment connaître son point de vue sur la situation et ce qu'il envisage de faire, maintenant qu'il connaît la vérité. Pour le bien de notre enfant.
Cependant, la déception se lit sur mon visage lorsque la silhouette de Lucía se matérialise devant moi. Le stress m'envahit alors que mon corps se tend mécaniquement. Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler, depuis que la vérité a éclaté. Honnêtement, j'avais peur de sa réaction. Lu est une femme que j'aime et que j'admire, et j'ai bien peur que la belle opinion qu'elle avait de moi, s'est envolée ce jour-là. Ça non plus, je ne sais pas si je le supporterai. On a toujours été proches et la voir me détester serait trop difficile. Mais Easton est comme son fils, il aura toujours la priorité. Ce que je respecte.
— Salut, Lu ! Je... je dois parler à East, bredouillé-je sans oser croiser son regard.
— Il n'est pas là. Il... il a décidé de passer quelques jours seul dans son appartement de Chicago, m'informe-t-elle.
Seul... Easton est de nature solitaire, mais quand il s'isole entièrement, c'est qu'il est vraiment au fond du trou. Et je me déteste davantage pour ça.
— Euh ok... Je vais y...
— Tu veux entrer ? J'ai fait de la limonade, me coupe-t-elle sur un ton plus doux.
J'ose alors relever les yeux et un fin sourire vient étirer ses lèvres, me redonnant un peu d'espoir quant à son opinion sur ma personne. J'hésite un instant, sachant pertinemment qu'Easton ne me voudrait pas chez lui, sans son accord. Mais il n'est pas là et je suis incapable de refuser la limonade de Lucía.
Alors d'un hochement de tête, j'accepte et la suit jusqu'à la cuisine. Je m'installe à mon siège habituel, pendant que la maîtresse de maison nous sert deux verres. Elle vient ensuite s'installer à mes côtés. Mais encore une fois, j'ai du mal à la regarder dans les yeux. Trop effrayée d'y déceler la moindre trace de déception.
— Je... je tenais à m'excuser pour ce que j'ai fait...
— Regarde-moi dans les yeux, quand tu t'adresses à moi, chica, me somme-t-elle.
J'exécute, ne souhaitant pas la contrarier davantage et étonnement, ce qui se dégage de son regard, lorsque j'y ancre le mien, n'est en rien de la colère. De la peine, du chagrin, de l'inquiétude, mais aucune trace d'amertume, de rancœur ou de déception.
— Pourquoi as-tu fait ça, querida ?
Je déglutis en essayant de contrôler les larmes qui me montent mécaniquement aux yeux. Chose qui arrive de manière récurrente, ces derniers jours.
— J'étais perdue... J'ai fait un déni de grossesse, je n'ai pas réalisé tout de suite ce qu'il m'arrivait. Je... je ne voulais pas gâcher la vie toute tracée d'Easton et j'avais simplement peur qu'il soit déçu de moi. Et aujourd'hui, je réalise que la seule chose qui le déçoit, c'est le peu de confiance que j'ai eu en lui. J'ai vraiment été une idiote.
Elle attrape ma main dans la sienne en caressant tendrement ma joue de son autre.
— Tu étais jeune, querida. Je comprends ce qui t'as poussé à agir ainsi, même si j'aurais voulu que tu fasses un autre choix. Tu n'étais pas idiote, tu as eu peur et c'est naturel. Easton était loin, tu as eu peu de temps pour te préparer au plus important des rôles. Je n'ai jamais eu d'enfants, mais j'ai élevé deux garçons et ça n'a pas été qu'une partie de plaisir. C'est une responsabilité, des sacrifices... Easton a du mal à le comprendre aujourd'hui, mais il ne sait pas comment il aurait réagi, neuf ans plus tôt. On ne peut pas le savoir tant qu'on n'y est pas confronté.
Je sais trop bien de quoi elle parle. J'ai toujours rêvé d'avoir des enfants et j'imaginais que la première fois que je tomberais enceinte, je serais la plus heureuse des femmes. Mais la vie est pleine de surprises et on ne peut rien prédire à l'avance. Malheureusement, j'ai dû l'apprendre à mes dépens.
— Tu l'as confié à ta sœur, c'est ça ?
J'opine. À l'époque ça me semblait le choix le plus judicieux, aujourd'hui ça l'est encore.
— Je n'avais confiance en personne d'autre pour prendre soin de mon enfant. Elle a fait un travail extraordinaire avec Loukas, lui confié-je dans un maigre sourire.
Loukas est heureux, en bonne santé et il est aimé. C'est tout ce qu'une mère peut souhaiter à son enfant. Oui, ça a été dur de ne pas assumer ce rôle, en le voyant tous les jours. Mais j'ai préféré assurer sa sécurité et son bonheur en premier. Je préférais être une tante présente plutôt qu'une mère absente.
— Easton doit encaisser, je pense que tu peux comprendre ça. Mais il finira par réaliser que tu n'avais aucune intention de lui nuire. Il t'aime et ne cessera qu'une fois ce monde réduit à néant. Ça je peux te l'assurer. Laisse simplement le temps se charger de tout ça, m'assure-t-elle, avant d'embrasser le dos de ma main.
J'acquiesce en la remerciant. J'avais peur qu'elle me juge, qu'elle me rejette, mais j'ai fait l'erreur de sous-estimer cette femme. Lucía a le cœur le plus pur qu'il m'ait été donnée de rencontrer et avoir une telle femme dans ma vie est un cadeau.
— Je peux voir d'autres photos ? demande-t-elle, les yeux pétillants d'espoir.
Un tendre sourire vient ourler mes lèvres.
— Évidemment.
Je dégaine alors mon téléphone et me rend directement dans l'album dédié à mon petit trésor. J'ai capturé chaque moment de sa vie. Au fond, une part de moi espérait un jour tout montrer à Easton.
— Mon Dieu, c'est son portrait craché à son âge, s'exclame la mexicaine, alors que les larmes lui montent aux yeux.
Je sais, j'ai vu tellement de photos d'Easton enfant, que je peux affirmer sans la moindre hésitation que Loukas et lui étaient de vrais jumeaux.
Je suis prête à laisser du temps à Easton. C'est la moindre des choses. J'espère simplement qu'il ne sera pas trop tard pour tout réparer. Je veux un futur à ses côtés. Je veux qu'il rencontre notre fils et je veux lui en offrir d'autres. C'est mon désir le plus cher et je me battrai pour l'obtenir.
***
C'est éreintée et après avoir pleuré l'équivalent d'une rivière, que je rentre chez moi. J'ai passé une bonne partie de l'après-midi à montrer des photos et vidéos de Loukas à Lucía. Chaque fois, elle était un peu plus impressionnée par sa forte ressemblance avec Easton, et chaque fois, la nostalgie l'envahissait un peu plus. On a beaucoup ri, beaucoup pleuré aussi. Mais contrairement à ce que je pensais, je ressors de cette entrevue, le cœur un peu plus léger. Elle ne m'en veut pas et je ne pouvais pas demander mieux. Mis à part le pardon de l'homme que j'aime, évidemment.
Des éclats de rire provenant du salon attirent mon attention. Je suis surprise de trouver mon jumeau et Brendon étendus sur le canapé, blottis l'un contre l'autre. Cette scène m'arrache un petit sourire. Ces deux-là, pourtant connus pour leur côté séducteur et frivole, semblent avoir tissé des liens solides. Ce qui est à la fois étonnant et touchant
C'est Brendon qui me remarque en premier. J'avoue que je suis anxieuse quant à sa réaction. Après tout, il est le meilleur ami d'Easton. Il a donc le droit de m'en vouloir et de me boycotter
— Joins-toi à nous, sœurette ! me propose Hélios dans un large sourire.
Je jette un regard hésitant à Brendon, qui n'a pas prononcé le moindre mot depuis que je suis entrée dans la pièce. Mais contre toute attente, il m'adresse un hochement de tête, me signifiant son accord.
Hélios m'ouvre une place entre son chéri et lui, à laquelle j'accède sans plus tarder. J'en profite pour me tourner vers Brendon et lui adresser des excuses.
— Tu ne m'en dois aucune, ça ne me regarde pas. Easton est mon meilleur pote, mais ça ne concerne que vous deux.
— Et puis je lui ferai la grève du sexe s'il osait te blâmer, alors on est bon, ajoute Hélios, ce qui nous arrache un éclat de rire à Brendon et moi.
— Easton me déteste, soufflé-je après avoir repris mes esprits.
Brendon passe son bras autour de mes épaules en plongeant son regard dans le mien.
— Il ne te déteste pas, Ely. Il a juste besoin d'assimiler tout ce qui lui est tombé dessus récemment. Il finira par te pardonner, je le connais.
Du temps... Je crois que c'est définitivement la solution.
— Et en attendant, tu peux compter sur les deux mecs les plus sexy de cette planète, pour te remonter le moral.
Je ris à nouveau, suite aux remarques idiotes de mon jumeau. Il est con, mais la vie n'aurait pas la même saveur sans son humour incroyable.
⚖️⚖️⚖️
Personne ne parvient à en vouloir à cette petite Elyna.
Bon mis à part Easton mais c'est une autre affaire.
Pensez vous qu'Easton va réclamer Loukas ? Va-t-il faire la guerre aux Lykaios ?
Le prochain chapitre est un de mes préférés et je sens que certains de mes lecteurs seront ravis 🙈 je n'en dis pas plus
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