31

ELYNA

— Kallias ?

— Kalispera, agapi mou.

Mon cœur s'accélère en réalisant ce qu'il se passe réellement : Kallias est ici, à Chicago, alors qu'il est censé se trouver à des milliers de kilomètres, sur un autre continent.

Putain, c'est quoi ce bordel ?

Mes yeux dévient mécaniquement sur ma droite, où se trouve Easton. Ce dernier est immobile et toise mon ex-fiancé d'un mauvais œil. Kallias, quant à lui, nous observe tous les deux, un sourire narquois ourlant ses lèvres. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête, à ce moment-là, mais je sens que ça ne va pas bien se terminer.

— Le fameux Easton, j'ai beaucoup entendu parler de toi, poursuit mon ex en souriant plus largement.

Mais ce sourire n'a rien d'amical ou de sincère. Il ne veut qu'enrager Easton par sa simple présence et c'est en train de fonctionner, car je sens la poigne d'Easton sur ma main se raffermir.

— Je voudrais pouvoir en dire autant, rétorque ce dernier.

Kallias s'esclaffe, peu impressionné par la pique de l'américain. On va vraiment avoir affaire à un combat de coqs aussi tard ?

— Qu'est-ce que tu fous là, Kallias ? finis-je par demander, plus agacée qu'autre chose.

Ses yeux se posent enfin sur moi. Il fait alors un pas en avant, mais mécaniquement, Easton se place devant moi, stoppant Kallias dans son élan.

— Mais je suis là pour toi, ma puce. Il est temps de rentrer à la maison, maintenant.

Je hausse les sourcils, surprise par son culot. Jusqu'à preuve du contraire, je ne lui dois plus rien.
Easton m'interroge du regard, ne comprenant pas l'attitude d'une personne qui est censée être mon ex.

— Tu te souviens qu'on a rompu toi et moi ? répliqué-je en croisant les bras.

Il rit à nouveau en levant les yeux au ciel.

— Oh Elyna, tu pensais sérieusement que c'était le cas ? Je t'ai accordé la pause dont tu avais besoin, loin de moi. Mais tu savais très bien que ce n'était pas définitif.

Les yeux d'Easton doublent de volume, alors que son regard empli de douleur se pose sur moi. Putain, il ne va quand même pas croire ce qui sort de la bouche de cet enfoiré ? Mais à voir la tête qu'il tire, je pense qu'on peut dire adieu à notre fin de soirée à deux.

— Elyna, c'est vrai ce qu'il raconte ? me questionne Easton.

— Bien sûr que c'est vrai. Elle est simplement venue jouer la justicière, afin de sauver tes misérables fesses, mais c'est terminé. Sa vie est en Grèce, mon pote.

Progressivement, la colère se dessine sur les traits d'Easton, et je peux le comprendre. Kallias se comporte comme un vrai enfoiré, me faisant questionner les raisons qui m'ont poussée à partager sa vie.

Un rire nerveux s'échappe alors de la gorge d'Easton, tandis qu'il s'approche dangereusement de mon ex-fiancé. Putain, on n'a pas besoin d'une nouvelle raison de le défoncer lors du procès. Il ne doit surtout pas en venir aux mains.

— Petit un, je ne suis pas ton pote. Petit deux, c'est à elle que je parle, enfoiré. Alors ferme-la.

Le grec ne semble pas plus impressionné que ça et continue de narguer Easton de son air supérieur.

Connard.

— Elyna ? insiste-t-il.

— Easton, je... Rentrons, allons parler au calme.

— Ce n'est pas une réponse, ça. Vous savez quoi, tous les deux ? J'ai actuellement des problèmes plus importants à gérer, que votre petite crise d'amoureux transis. Alors je vais me casser, avant d'avoir envie de refaire le portrait de ce blondinet ridicule, crache Easton.

Mon cœur se serre en le voyant si mal. Mais il a raison, s'il reste ici, Kallias va continuer à le provoquer et ça risque de tourner au vinaigre pour lui. Alors à contre cœur, je ne rajoute rien. Il vaut mieux qu'il s'en aille pour ce soir, le temps que je règle cette merde moi-même.

— C'est ça, mon vieux, n'oublie pas les raisons qui poussent ma fiancée à être ici. J'ai entendu dire que tu n'avais pas un tempérament très calme, continue de le provoquer Kallias.

La rage bout en Easton, mais contre toute attente, il se contente de le fusiller du regard avant de tourner les talons. Ses yeux s'ancrent au mien, tandis qu'il s'approche à nouveau de moi.

— Je rentre chez moi. Règle tes problèmes, mais entre-temps, fou moi la paix.

Puis sans un regard, il grimpe dans sa voiture et nous fausse compagnie, à une vitesse impressionnante. Je retiens mes larmes, sentant encore son regard déçu et abattu. À la place, je relève la tête pour planter mon regard sur le connard responsable de cet incident, essayant de contrôler ma colère du mieux que je peux.

— Quel est ton problème, putain ? Toi et moi, c'est fini, il faut te le dire en quelle langue ? vociféré-je dans notre langue commune, cette fois-ci.

— Ce n'est pas fini, non. Viens avec moi à l'hôtel, ce sera plus confortable pour discuter.

C'est à mon tour de rire nerveusement. S'il croit que je vais le suivre où que ce soit, il peut se fourrer le doigt dans l'œil.

Il s'approche alors de moi, avant de tendre son bras pour caresser délicatement le mien.

— Tu m'as manqué, Elyna. Rentre avec moi et laisse-moi te montrer à quel point ça fonctionnait entre nous, murmure-t-il contre mon oreille.

Je me dégage brusquement de son emprise, en lui lançant un regard meurtrier.

— Même pas en rêve. Fou moi la paix, putain.

Puis en le fusillant une dernière fois du regard, je tourne les talons et remonte dans mon appartement à vitesse grand V. Si je reste une minute de plus dans le même périmètre que lui, c'est moi qu'on arrêtera pour coups et blessures.

***

Je n'ai pas dormi de la nuit, trop occupée à cogiter sur les événements de la veille.

Pourquoi Kallias est-il venu ? On s'était mis d'accord en Grèce, quelques semaines avant toute cette histoire avec Easton : notre relation ne pouvait pas continuer.

Nous avions deux visions différentes de la vie et sur le long terme, notre mariage n'aurait pas fonctionné. Pour être honnête, je ne suis pas sûre de l'avoir réellement un jour aimé.

Notre rencontre n'a pas été la plus romantique. Pour faire court, nous étions tous les deux invités à une soirée sur un yatch. On avait beaucoup picolé, il avait attiré mon regard comme j'avais attiré le sien. En étant parfaitement objective, Kallias est un très bel homme : châtain très clair tirant sur le blond, aux yeux gris, sans parler de son corps méticuleusement travaillé. On a clairement couché ensemble le premier soir, et au lit, ça fonctionnait parfaitement bien.

Nous n'étions pas des amoureux transis. On ne passait pas nos journées ensemble. On dînait le soir à deux, il me parlait de son boulot, je lui parlais du mien. On baisait quasiment chaque jour. Tout était très physique entre nous. Pas de vulnérabilité, pas d'échanges de sentiments profonds. Pas le quart de ce que je partageais avec Easton.

Je crois qu'en réalité, je cherchais plus à combler un vide qu'à réellement tomber amoureuse. Mon cœur a toujours refusé de laisser Easton s'en aller et d'accorder sa chance à quelqu'un d'autre. C'était lui. Uniquement lui à jamais.

Puis Kallias a rencontré mon père et ça a tout de suite fonctionné entre eux. Deux connards ambitieux et amoureux de leur entreprise, ça ne pouvait qu'être un coup de foudre. Mon père a suggéré des fiançailles et je crois avoir simplement suivi le mouvement. Je commençais à prendre de l'âge et avec cette pression sociale, qui pousse les femmes à se marier avant de devenir vieille fille, je n'ai pas réfléchi.

Kallias était là, c'était simple. Mais je n'ai jamais eu aussi tort de ma vie. Il n'y a pas d'âge pour tomber amoureuse ou pour se marier. Cet engagement, c'est quelque chose de sérieux, qui doit être mûrement réfléchi. On est au vingt et unième siècle, bordel, la société ne doit plus dicter nos choix.

Je n'avais pas envie de passer ma vie avec un égocentrique, dont je n'étais pas amoureuse. Je voulais une vraie famille, des enfants. Et ce n'était pas dans les projets de mon fiancé.

Alors un soir, j'ai tout arrêté. Je ne pouvais plus continuer. Il était d'accord, enfin, c'est ce qu'il m'a fait croire, jusqu'à aujourd'hui.

Et en cogitant, j'ai compris qu'une seule personne pouvait être à l'origine de tout ce bazar.

— Allo ! s'exclame mon père, après deux sonneries.

Midas Lykaios. L'emmerdeur égoïste de première. Si une personne a pu monter la tête à Kallias, concernant notre relation, c'est bien lui.

— Qu'est-ce que tu manigances ? l'agressé-je, sans prendre la peine de le saluer.

— Bien le bonjour à toi aussi, ma fille.

Je retiens un juron et me contente de soupirer très fort. Je suis en mesure d'entendre son sourire moqueur dans sa voix et cette sensation me donne des envies de meurtre. Ou de me nourrir jusqu'en vomir. Honnêtement, je ne sais pas quelle option est la meilleure.

— N'essaye même pas de jouer à l'innocent. Pourquoi Kallias est à Chicago ?

C'est à son tour de souffler. Oh non, mon coco, ne retourne pas la situation.

— Il est là pour te ramener à la maison.

— Me ramener à la maison ? aboyé-je en envoyant valser l'oreiller face à moi. Tu crois que je suis quoi ? Une gosse perdue ? Un animal de compagnie ? Réveille-toi, Midas. J'ai passé l'âge de me laisser dicter ma conduite.

Un petit rire s'échappe de sa bouche. Ai-je l'air d'un clown ?

— Pourtant, tu te comportes comme telle. Tu as un travail ici, des responsabilités. Tu représentes une grande partie de notre entreprise. Une entreprise que j'ai bâti à la sueur de mon front. Et toi à la place, tu vas fourrer ton nez dans un procès. Comme si notre famille avait besoin de ça.

— N'as-tu pas pensé que moi, j'avais besoin de ça, merde. Notre famille n'a aucun rapport avec cette histoire. J'ai choisi de mettre ma vie sur pause. Jusqu'à preuve du contraire, je fais ce que je veux. Easton est ma famille, il l'a toujours été. Et ni toi, ni Kallias ne changerez jamais ça.

— Kallias est ton futur. C'est l'alliance de nos deux noms qui fera de toi une personne invincible. Easton est fini. Même si par magie il venait à gagner ce procès. Son nom est souillé, les rumeurs circuleront toujours. C'est ça que tu veux pour ta future descendance ?

C'est à mon tour de rire nerveusement. J'ai l'impression d'être en plein rêve. Je ne suis même pas sûre qu'il s'entende. Impossible qu'il cautionne de telles paroles en étant complètement sain d'esprit. On ne peut pas être aussi dérangé, n'est-ce pas ?

— Je préfère mille fois porter le nom d'un homme qui assume ses responsabilités, qui sait rester humble et qui se battra toujours pour protéger les siens, plutôt que d'épouser un homme qui n'aime que son propre reflet. Maman l'a fait et ça a été sa plus grande erreur.

Je marque une pause, pour empêcher mes larmes de couler. Ça suffit, plus jamais cet homme n'aura d'emprise sur moi.

— C'est fini papa. J'arrête de vouloir t'impressionner, j'arrête de rechercher ton approbation. J'ai fini par comprendre que tu ne seras jamais fier de celle que je suis, au fond de moi. Tu es un homme bien, je le sais. Mais tu n'es pas un père, tu ne l'as jamais été.

— Elyna...

— Au revoir, Midas.

Je raccroche, avant qu'il n'ait le temps d'ajouter quoi que ce soit. Je tente de rester forte, mais lorsque la silhouette de mon frère se matérialise devant moi, j'arrête de lutter et fonds dans ses bras. Il m'enlace de toutes ses forces, en caressant mes cheveux avec soin.

— Je suis fier de toi, Elyna.

***

— Merci d'être venue, m'accueille Kallias, lorsque j'entre dans sa chambre d'hôtel.

Il tente d'embrasser ma joue, mais je m'écarte avant qu'il n'en ait le temps. Je ne suis pas venu ici pour rattraper le temps perdu ou une connerie dans le genre. Je sais parfaitement où je me situe avec lui, et il doit l'entendre de ma bouche, une bonne fois pour toutes.

— On doit parler, déclaré-je en croisant les bras sur ma poitrine.

— Dînons avant ça, je t'en prie.

Son regard suppliant ne m'attendrit pas. Mais j'ai faim. C'est donc pour cette unique raison que j'accède à sa requête.

Une table a été dressée, à l'intérieur de sa suite. Divers plats y sont entreposés. Sûrement une bonne surprise pour quelqu'un qui n'est pas habitué à tant de luxe, mais ça fait bien longtemps que ce genre de choses ne m'impressionne plus.

Je prends tout de même place sur une des deux chaises et Kallias s'installe face à moi. Son sourire de connard n'a toujours pas disparu et me donne simplement envie de le lui faire bouffer.

— Je suis content que tu sois venue. Nous avions besoin de parler à tête reposée.

Sur ça, je ne peux le contredire. J'ai mûrement réfléchi et je sais désormais où me situer, en ce qui concerne toutes mes relations.

— Voilà ce que je te propose : nous rentrons en Grèce et commençons sérieusement la préparation de notre mariage. L'idéal serait de planifier cela pour la fin de l'été. Nous partirions ensuite en lune de miel, nous avons tous les deux besoins de prendre du bon temps. Tu auras tes vacances, nous passerons les trois quarts de notre temps au lit, profitant du corps de l'autre comme nous savons si bien le faire.

Un petit sourire étire le coin de sa lèvre, alors que ses yeux dévisagent ma poitrine avec envie.

— Par la suite, on fera tout pour que tu tombes enceinte et nous débuterons l'engendrement de notre puissante descendance.

Je manque de m'étouffer sur cette dernière partie. Quel soudain retournement de situation. Je n'arrive pas à croire que c'est cette même bouche qui m'annonçait que les enfants le dégoutaient et qu'ils n'avaient pas sa place dans sa vie.

— Où est passé ta répulsion envers les enfants ? ne puis-je m'empêcher de le questionner.

Honnêtement, je sais ce qui l'a fait changer. Ou qui, pour être plus précise. J'ai néanmoins très envie d'entendre ses explications bancales.

— Je n'aurais pas dû dire une telle chose. Je crois avoir exagéré quelque peu. Après y avoir réfléchi, ne pas procréer signerait la fin de mon empire, à ma mort. Hors de question que cela se produise. De plus, avoir un enfant qui descendrait de deux puissances telles que les nôtres, ne peut être que bénéfique pour notre futur.

Oh oui, c'est définitivement Midas qui lui dicte sa conduite.

Il dépose sa main sur la mienne en plongeant ses iris dans les miens.

— Rentre avec moi, mon amour. Ensemble, nous serons invincibles, conclut-il avec le plus grand des sérieux.

Je garde le silence un instant, faisant mine de réfléchir à sa proposition. Honnêtement, s'il m'avait sorti le même discours, il y a quelques semaines, j'aurais pu craquer. À l'époque où je ne pensais à rien d'autre qu'à mon boulot. À l'époque où toute lucidité avait quitté mon cerveau.

À l'époque où il n'était plus dans ma vie.

— Où est l'amour dans tout ça ? lâché-je soudainement.

Il fronce les sourcils, ne s'attendant clairement pas à ce genre de réponse.

— Que veux-tu dire ? Tu sais que je t'aime, ma puce.

— Mais tu n'es pas amoureux de moi. Tu ne t'empresserais pas de commander des tonnes de chouquettes, lorsque j'ai un coup de mou. Tu ne m'emmènerais pas regarder les étoiles, au beau milieu de la nuit. Tu ne danserais pas avec moi dans notre cuisine. Tu ne pique-niquerais pas avec moi, lors d'une après-midi ensoleillée. Tu ne me répéterais pas à longueur de journée que tu m'aimes, que tu es chanceux d'être à mes côtés et que l'avenir serait beaucoup trop sombre, si je n'étais plus auprès de toi.

— Elyna, qu'est-ce que tu racontes, voyons ? Depuis quand...

— Depuis toujours, Kallias. Depuis que mon chemin à croisé celui de ma véritable âme sœur. Au fond de moi, je l'ai toujours su, je me suis simplement égarée en route. Mais aujourd'hui tout est si limpide. Je ne suis pas amoureuse de toi et je ne le serai jamais. Ce futur que tu t'imagines, ça n'est clairement pas celui dont je rêve.

Je souris sincèrement, pour la première fois, tout en me levant.

— Mon futur s'appelle Easton Hathaway. Il est celui qui fait frémir mon corps, à la simple entente de son nom. Il est celui qui a capturé mon cœur sans jamais me le rendre. Il est ma destinée.

Je m'approche lentement de Kallias, jusqu'à arriver à sa hauteur. D'un geste doux, je caresse sa joue avant d'y déposer un simple et furtif baiser.

— Toi aussi tu trouveras la femme qu'il te faut. Celle qui t'offrira cet empire dont tu rêves tant. Mais elle ne sera pas moi.

— Tu fais une erreur, Elyna.

Mon sourire s'élargit.

— Non, je répare celle commise dix ans plus tôt.

⚖️⚖️⚖️

Rahhhhh si fière de cette femme qui a enfin trouver un sens à sa vie 🥹

Ah il nous aura bien énervés ce Kallias !

Mais maintenant il va s'en aller pour de bon... Ou presque 😬

Je vous poste le court prochain chapitre de suite ! Et il y en aura également deux demain !

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