21
14 ans et demi plus tôt
ELYNA
Le bruit de clé, tournant dans la serrure, parvient à mes oreilles au moment où j'allume la dernière bougie posée sur ma table.
Juste à temps.
Je me débarrasse de mon tablier, me regarde une dernière fois dans le miroir pour vérifier que tout va bien, puis la silhouette de mon copain se matérialise enfin devant moi. Il ne me remarque pas tout de suite, ce qui me laisse l'occasion d'apercevoir sa triste mine. Celle qu'il a tenté de me cacher toute la journée.
— Elyna ? Qu'est-ce que...
Il se fige face à la petite surprise que je lui ai réservée, sans aucune expression sur le visage. Je sais qu'il ne va pas apprécier, Brendon m'a prévenu, mais j'ai confiance en moi et je suis intimement convaincu qu'il aimera ce que je lui ai préparé pour la suite.
— Surprise !
J'essaye de ne pas montrer le stress qui m'envahit, au moment où son regard détail méticuleusement le moindre recoin de son appartement, transformé pour la soirée. J'espère simplement qu'il me laissera le temps de lui montrer l'élément le plus important de cette soirée et qu'il ne me renverra pas chez moi, à coups de pied au cul.
— Si c'est pour mon anniversaire, je ne le fête pas alors...
— Je sais que tu ne le fêtes pas. Brendon m'en a parlé, mais...
— Mais tu t'es dit que si c'était toi qui préparais une surprise, tout changerait. Désolé de t'avoir fait perdre ton temps, Elyna, mais je ne suis pas d'humeur à m'amuser aujourd'hui, déclare-t-il sèchement.
Je ravale ce sentiment de déception qui m'envahit. Je savais qu'il ne capitulerait pas sur le champ. Je savais aussi qu'il risquait d'être froid, mais ça fait toujours un petit choc d'en attester. Heureusement pour lui, je ne suis pas du genre à abandonner aussi facilement.
Aujourd'hui, c'est son anniversaire, un jour que tout être humain sur Terre devrait fêter. Mais le jour de naissance d'Easton signifie aussi le jour de la mort de sa mère. Lorsque Brendon m'a dit qu'Easton n'aimait pas son anniversaire, il ne m'a pas fallu très longtemps pour additionner un plus un. Je l'ai compris et au départ, je comptais évidemment respecter sa décision. Et pour être honnête, je l'ai à moitié respectée. J'ai simplement voulu être présente pour lui avec un bon repas. Aucune fête, pas de gâteau. Uniquement lui et moi entourés de chandelles et de bonne nourriture.
Alors au moment où il s'apprête à tourner les talons, j'attrape son poignet pour l'arrêter.
— Reste, s'il te plaît. Pas d'anniversaire, pas de surprise de mauvais goût, on n'est même pas obligé d'en parler. J'ai juste besoin d'être là pour toi.
— Je n'ai pas envie que tu me voies ainsi. Demain, tout ira mieux, m'avoue-t-il en baissant le regard.
Sa douleur me comprime l'estomac et me donne envie de le prendre dans mes bras, pour le restant de ses jours. De le protéger et de l'aimer comme il le mérite. Je ne comprends pas comment son père a pu rejeter cet homme incroyable, toute sa vie. Putain, Easton est l'homme le plus bon qui ait un jour croisé ma route et pour rien au monde je ne voudrais m'en débarrasser.
J'attrape alors son visage entre mes deux paumes, l'obligeant à plonger ses deux petites billes bleues dans les miennes.
— Et moi, je veux tout voir, East. Tout. Le beau comme le laid. Le superficiel, ça ne m'intéresse pas. N'aie pas peur d'être toi-même avec moi. Laisse ta douleur sortir, je te promets d'en prendre la moitié pour te soulager.
Ses yeux brillent de surprise, puis tendrement, ses lèvres viennent effleurer les miennes dans un baiser réparateur.
— Est-ce que je vais me réveiller, un jour ? demande-t-il sa bouche contre la mienne.
Je n'ouvre pas les yeux en l'interrogeant à mon tour.
— Te réveiller de quoi ?
— De ce rêve où la femme la plus parfaite et la plus bienveillante, partage ma vie depuis maintenant six mois ? Parce que ça me semble surréel que quelqu'un d'aussi bon, ne me voit pas comme un foutu monstre.
Je m'éloigne de quelques centimètres, une lueur de colère traversant le vert de mes yeux.
— Parce que ce monstre n'existe pas, Easton. Si ton père n'a pas été foutu de le comprendre, c'est son problème. Je t'ai choisi et je continuerai de te choisir, tous les jours. Intègre le bien.
Un doux sourire vient étirer ses lèvres qui me rendent dingue. Alors sans plus rien ajouter, je comble à nouveau l'espace entre nous, dans un baiser beaucoup plus appuyé et passionné que le précédent. J'agrippe fermement sa nuque en laissant ma langue glisser entre ses lèvres, allant retrouver celle à qui elle s'assemble si bien.
Lorsque nous retrouvons nos positions initiales, la main d'Easton rejoint la mienne.
— Allons voir ce que tu nous as préparé, déclare-t-il dans un large sourire, étirant le mien davantage.
Je le guide jusqu'à la cuisine. Brendon a accepté de nous laisser l'appart ce soir, afin que nous en profitions pleinement. J'avoue que ma rencontre avec le meilleur ami de mon copain, n'a pas été la plus conventionnelle. Mais lorsque j'ai commencé à fréquenter Easton plus sérieusement, nous avons appris à nous connaître et je dois avouer que ce type est assez cool. Un humour un peu pourri, mais un cœur en or.
Easton semble admiratif du travail que j'ai préparé. Il faut dire que j'ai passé tout mon après-midi dans le repas. J'ai téléphoné à Lucía, la femme qui a pris soin de lui toute sa vie, pour lui demander conseil. Je l'ai rencontrée, il y a quelques semaines et ça a été un vrai coup de foudre. Cette femme est si douce, si merveilleuse. J'ai pu voir tout l'amour qu'elle voue à Easton, ce qui nous a tout de suite fait un point commun. Bien qu'East et moi ne nous le sommes jamais dit, je n'ai jamais douté de mes sentiments. Je l'aime, comme je n'avais encore jamais aimé auparavant et j'espère que ce soir sera le bon moment pour le lui avouer.
J'ai donc préparé un plat qu'il affectionne beaucoup : un gratin dauphinois avec un rôti de veau. C'est une valeur sûre, d'après la mexicaine. Alors j'ai supplié Brooke, mon cordon bleu de coloc, de me donner un coup de main en me passant ses meilleures recettes. Je n'ai pas encore goûté le gratin, mais le rôti était vraiment pas mal. J'espère simplement que ça lui plaira.
— C'est toi qui as préparé tout ça ? me questionne-t-il sincèrement épaté.
J'aime le fait qu'il ne pense pas que, parce que je suis une femme, savoir cuisiner et lui préparer de bons petits plats est quelque chose de logique et naturelle.
— Brooke m'a filé quelques tuyaux, mais oui, c'est moi qui ai tout fait.
— Tu n'aurais pas dû, c'est beaucoup trop.
— Tstst, ton bonheur n'aura jamais rien d'excessif.
La joie qui illumine son visage, me donne envie de le combler jour après jour. Parce que c'est la vérité, son bonheur fait le mien et si je dois passer ma vie à le lui prouver, je le ferai sans la moindre hésitation.
***
— Le repas était délicieux, mon soleil. Merci encore d'avoir été là pour moi. De ne pas avoir abandonné, me gratifie-t-il en déposant un doux baiser sur le dos de ma main.
— Jamais je n'abandonnerai, East. Prêt pour le dessert ? demandé-je sur un ton joueur.
Il me reluque sans retenue. Son regard brûlant de désir me donne presque envie de tout oublier et de terminer la soirée à jouir entre ses bras, encore et encore. Malheureusement, j'ai encore des choses à lui dire avant de me perdre définitivement en lui.
— Non, pas ce dessert-là. Pas tout de suite, en tout cas.
Il se marre avant d'esquisser une petite moue de déception.
— Alors qu'est-ce que tu nous as préparé de bon, pour cette fin de repas ?
— Hmm, moi rien, mais Romain de ta sublime pâtisserie française...
J'ouvre la boîte d'un air fier.
— ...m'a vendu ces merveilles.
— Des chouquettes, j'aurais dû m'en douter, s'exclame-t-il en secouant la tête.
— Ne critique pas la meilleure chose sur cette Terre, le menacé-je, très sérieusement.
Il rit un peu plus fort, avant de s'excuser rapidement. Je préfère ça.
Je lui propose d'aller manger le reste sur le canapé, afin d'être un peu plus confortable. Je récupère le paquet que je prévois de lui offrir, au passage, puis m'installe contre lui.
— Je sais qu'on avait dit pas d'anniversaire, mais je tenais à t'offrir ceci.
— Elyna...
— Je t'en prie, ouvre-le et fais-toi ton propre avis.
Il me sonde un instant, luttant contre lui-même pour prendre sa décision. Mais un dernier regard suppliant de ma part achève de le convaincre. J'espère sincèrement que ça lui plaira et qu'il n'estimera pas que c'est un geste déplacé de ma part.
Son visage se fige au moment où il découvre le présent, abordant un air que je peine à déchiffrer.
Parle, mon amour, je t'en prie.
Mais comprenant qu'il ne dira rien tout de suite, je lui explique ce que cela signifie.
— Je sais que tu t'en veux, que tu te crois responsable de la mort de ta mère. Et avec le comportement de ton père, la chose a empiré. Mais ce n'est pas le cas, et chaque fois que tu l'oublieras, j'ai besoin que tu regardes cette pierre, et que tu te souviennes de ce que ta mère ressentait.
Je passe un doigt sur la gravure.
— Lucía m'a parlé d'une lettre que ta mère t'avait laissé. Elle m'a permis de la lire, je sais que j'ai dépassé les limites et je m'en excuse, mais j'en avais vraiment besoin. Et cette phrase-là, m'a réellement marquée. Alors, j'ai décidé de la faire graver en grand.
« Tu t'es battu pour survivre. N'oublie jamais que tu es le plus brave des guerriers. Tu peux tout accomplir, tant que tu ne baisses jamais les bras. »
La grossesse de Diane, la mère d'Easton, était à risque. D'après ce que m'a dit Lucía, Diane savait que l'accouchement pourrait lui être fatal. Alors, elle a préféré assurer ses arrières en lui écrivant une longue lettre, afin de lui faire part de ce qu'elle ressentait pendant sa grossesse. Je l'ai lu et j'ai lâché de chaudes larmes. C'était émouvant et si poétique. Cette femme avait l'air sensationnelle et j'aurais tellement aimé qu'Easton la rencontre.
C'est un être bon, qui a simplement besoin qu'on lui rappelle qu'il est innocent et que sa mère l'aimait, sans même avoir besoin de le rencontrer en personne.
Alors, j'ai eu l'idée de choisir une espèce de cadre en pierre lisse et grise, d'y faire graver cette citation, d'y ajouter des photos de Diane, avec sa fameuse chaîne en or qu'elle ne quittait jamais. Un mémorial qui accompagnera Easton de partout et qui lui donnera la force nécessaire d'accomplir tout ce qu'il entreprend.
— Dis quelque chose, le supplié-je en encadrant son visage de mes mains.
Ses prunelles se rivent enfin aux miennes et c'est là que je les vois : ses larmes. Une multitude de larmes incessantes. Easton pleure, il pleure réellement et je me sens tellement impuissante face à sa détresse.
Son père l'a vraiment brisé et à chaque fois qu'Easton s'écroule, mon envie de tuer Kenneth Hathaway s'accroît. C'est lui le monstre et personne d'autre.
— Easton...
— Merci, me coupe-t-il en appuyant sa bouche sur la mienne. Merci.
Il passe les cinq prochaines minutes à alterner entre m'embrasser et me remercier, comme si par ce simple acte, j'avais ramené la vie en lui. Comme si je lui avais apporté la pièce manquante à cette sérénité qu'il recherchait tant.
— Je t'aime, lâche-t-il brusquement.
C'est à mon tour de lâcher un hoquet de surprise. J'avais prévu de lui avouer ce que je ressens pour lui, mais je n'étais pas certaine qu'il le ferait à son tour. Sûrement pas le premier.
— Putain, je t'aime tellement, Elyna. Je t'en supplie, ne m'abandonne jamais. Je ne pourrais jamais aimer une autre femme avec autant d'intensité. Je brûle d'amour pour la femme époustouflante, épatante et prodigieuse que tu es.
Mes yeux s'embuent et c'est à mon tour de fondre sur ses lèvres. Sans s'en rendre compte, il a prononcé exactement les mots qu'il fallait.
— Je t'aime, Easton. Je t'aime et je te promets de continuer de t'aimer jusqu'à ce qu'il m'en soit humainement impossible.
⚖️⚖️⚖️
Ah un petit chapitre à la fois adorable et émouvant, comme on les aime 🥲
Si vous vous demandiez comment Elyna pouvait être encore plus incroyable, vous avez la réponse 🫶🏼
Et vous allez voir que le chapitre suivant est étroitement lié à celui là ! Après je vous garantie pas que vous ne serez pas énervé 🤭
On se retrouve tout de suite pour le prochain chapitre !
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