15

ELYNA

Le procès battait toujours de son plein. Malgré les objections d'Alicia, Lopez a poursuivi son interrogatoire et savait appuyer là où ça faisait mal. Je pense que la meilleure amie de Shelby a eu le temps d'être briefée avant son audience. Je n'arrive pas à croire qu'elles aient accusé Easton de viol. Putain, l'accuser de violence était déjà d'une énorme gravité, surtout quand on connait le personnage. Mais de viol ? Merde, Easton a toujours été l'homme le plus respectueux que j'ai connu au lit. Bien que nous étions en couple, il s'assurait toujours que son désir était réciproque. Et jamais, au grand jamais, il n'aurait pu coucher avec une femme non ou à demi consentante.

J'ai bien failli objecter moi-même, mais heureusement Alicia a été aussi rapide. Elle m'a sûrement évité pas mal de problèmes, mais pas sûre que je parviendrai à me contrôler la prochaine fois. Parfois, j'aimerais me lever et aller foutre une bonne claque à tous ces jurés et tous ces témoins corrompus, afin de leur remettre un peu d'aplomb dans le cerveau.

Ils ne connaissent pas Easton aussi bien que toi. C'est normal que le doute fuse dans leur esprit, me rappelle ma conscience.

Hmm, mouais pas faux. Mais quand même, j'aimerais qu'on puisse trouver les preuves ultimes pour le sortir de là. Si cet imbécile avait fait mettre des caméras chez lui, on aurait pu démentir les propos de Shelby à la vitesse de l'éclair. Mais ce n'était pas quelque chose qui lui plaisait. Ni à sa femme, d'ailleurs, et je comprends pourquoi maintenant.

C'est maintenant au tour d'Alicia d'interroger Cassidy, et en voyant son regard meurtrier et défiant, je sais que l'avocate n'ira pas de mains mortes. Je n'en attends pas moins d'elle.

— Madame Howard, vous avez précédemment déclaré que certaines relations intimes entre mon client et son épouse n'étaient pas consenties, est-ce exact ? la questionne Alicia d'une voix posée.

Le regard de Cassidy balaye la pièce du regard, se pose sur Shelby, passe par Easton avant de rencontrer finalement celui de l'avocate.

— Effectivement, Shelby m'a parfois confié qu'Easton était insatiable, surtout dans ses longues journées et qu'il lui en demandait beaucoup en termes de sexe, confirme-t-elle d'un ton assuré.

Je lève les yeux au ciel en imaginant Easton attraper de force les poignets de sa femme, tout en s'enfonçant en elle comme un camé en manque de son addiction. Complètement délirant.

— Pouvez-vous nous en dire plus ? Qu'est-ce qu'il exigeait d'elle, exactement ?

Elle triture ses doigts en détournant le regard pour le poser sur le pupitre face à elle. Un peu trop mal à l'aise pour une femme pleine d'assurance, habituellement.

— C'était surtout les jours où il avait eu une longue journée au boulot. Il rentrait fatigué, se lamentait de sa dure journée auprès de sa femme et lui faisait comprendre que seul un moment privé dans leur chambre pourrait lui remonter le moral. J'en ai rapidement déduit que tout cela ressemblait à du chantage affectif et que Shelby n'avait pas d'autre choix que de le satisfaire.

— Déduit ? Si ma mémoire est exacte, vous aviez affirmé que madame Hathaway s'était confiée à vous, avouant qu'elle ne savait pas comment dire non à son mari. Vous a-t-elle expressément exprimé ce manque de consentement ou n'était-ce qu'une supposition de votre part, madame Howard ?

Eh ben, si Alicia m'impressionnait déjà, la voir agir comme une louve prête à défendre sa meute, sans rien lâcher, est subjuguant. Avec le temps, j'ai acquis une certaine assurance, mais rien qui ne lui arrive à la cheville. J'ai toujours été admirative des avocats à la télévision. Il est facile de constater que certains sont vraiment dans leur élément, et c'est le cas de la femme face à moi.

Classe, sournoise, intelligente, tempérée.

Désolée, East, mais je vais finalement tomber sous le charme de ton avocate.

— Objection, votre honneur, harcèlement, s'écrie Lopez.

— Je demande simplement au témoin de confirmer ses propos, se défend Alicia.

Le regard de la juge alterne entre les deux avocates.

— Rejetée, madame Howard veuillez répondre à la question.

Je ne suis pas en mesure de voir le visage d'Alicia, mais je devine aisément un sourire narquois s'y dessiner. En tout cas, c'est exactement ce qui se passe de mon côté.

— Eh bien, elle ne l'a peut-être pas dit avec ces mots-là, mais elle me l'a fait comprendre, reconnaît la meilleure amie de Shelby.

— Donc il ne s'agit que de suppositions de votre part ?

La concernée la fusille du regard, avant de hocher la tête à contre cœur.

— Oui.

Easton se tourne à nouveau dans ma direction, tandis que nous échangeons un regard complice.

On va y arriver. On a une bonne défense, une avocate qui ne se laissera jamais faire. Rien n'est perdu.

— Par ailleurs, vous avez assuré que mon client était entreprenant, mais vous est-il venu à l'esprit que ça aurait pu être le cas de sa femme ?

Alicia marque une pause en allant récupérer un tas de feuilles, qu'elle distribue aux jurés, à la juge ainsi qu'aux avocats de Shelby.

Je me demande quel tour peut-elle avoir dans son sac, cette fois.

— J'ai en ma possession un extrait du journal intime de mon client. Cet extrait décrit les sentiments de monsieur Hathaway concernant le caractère entreprenant de sa femme. Le journal a été saisi lors de la perquisition, ce n'est donc pas un élément trafiqué.

Elle plonge son regard dans celui d'Easton, afin de lui intimer de garder la tête haute. Savoir que ses pensées les plus intimes vont être dévoilées au public ne va pas le laisser indemne. Je suis au courant de l'existence de ces carnets. Il en possédait déjà lorsque nous étions ensemble. Easton a toujours préféré s'exprimer à l'écrit. Ça lui permettait de mettre ses pensées en ordre et de ne pas les laisser avoir raison de lui.

Je n'avais pas le droit de les lire et je n'y tenais pas plus que ça. Je savais qu'Easton ne me mentait pas et qu'il avait besoin de son jardin secret. Chaque être humain en a besoin et ces journaux, c'était le sien.

Mais aujourd'hui, si Alicia vient à les partager, c'est qu'il n'a plus le choix. Il doit se défendre coûte que coûte. Même si ça signifie se dévoiler dans sa totalité.

— Mon client a écrit ceci, il y a deux ans : « Ce soir, je suis rentré du bureau totalement éreinté. Ça fait des semaines que nous bossons sur un contrat très important. Je dors peu et je travaille comme un dingue. Alors quand j'ai mis les pieds chez moi, je pensais enfin pouvoir me reposer, après un bon repas. Mais j'avais oublié ce que la vie conjugale entrainait. Shelby était très en forme. Trop en forme, sans doute. Je lui ai dit être fatigué, mais elle a continué à m'allumer en m'adressant ce petit regard qui me fait toujours craquer. J'ai résisté, mais à quoi bon ? Il s'agit de ma femme, je pense avoir un devoir envers elle. Je suis déjà un mari minable, à cause de mon travail et de mon manque de sentiments envers elle. Alors si mon corps peut la satisfaire, rien qu'un instant, qui suis-je pour le lui refuser ? Ai-je envie de coucher avec elle dans un moment pareil ? Sûrement pas, et je suis persuadé qu'elle s'en doute. Vais-je tout de même le faire ? Bien sûr que oui, comme à chaque fois. »

Je tente de rester forte, tandis que l'envie de prendre Easton dans mes bras se fait plus forte. J'ai encore du mal à réaliser qu'il a écrit ces mots.

Ce sentiment de culpabilité qui le ronge jour après jour. Sa vie ne se résume qu'à ça depuis son enfance : penser que tous les malheurs du monde existent par sa faute. Il culpabilise tellement qu'il en souffre comme personne, et pourtant, jamais il ne s'en plaint. Il veut tout faire pour satisfaire autrui, sans penser une seconde à ses propres sentiments et émotions. Et vous voulez me faire croire que c'est un homme pareil qui battrait sa femme ?

Shelby était sa femme, elle aurait dû le voir, le comprendre. Et au lieu de l'apaiser, elle ne lui laissait aucun répit. Et honnêtement, sans vouloir être mauvaise langue, je suis persuadée qu'elle savait, la plupart du temps, qu'Easton ne voulait pas baiser quand elle le décidait. Et pourtant, elle insistait. On parle souvent du viol envers les femmes, mais très peu envers les hommes. Et même si ces mots seuls ne suffiront pas à le prouver, Shelby a abusé de son mari, d'une certaine manière.

Et ça me donne une furieuse envie de la cogner.

— Est-ce que ce comportement ressemble à quelqu'un d'abusif, de pervers et de manipulateur ? Ces mots vous semblent-ils faux ? s'exclame Alicia en direction des jurés, la voix emplie de douleur.

Elle capture ensuite le regard de l'aristocrate, qui, elle, continue de baisser les yeux. Sûrement prise de remords ou au piège.

— Vous pensez vraiment qu'un homme pareil aurait pu forcer la main à sa femme ?

— Objection, votre honneur : elle demande une opinion et ne pose pas de question, s'oppose Lopez.

— Retenue. Maître Atwood, formulez une question précise.

Alicia balaye son regard entre chaque partie avant de clamer :

— Je n'ai plus d'autres questions.

Puis elle se rassied, chuchotant quelque chose à l'oreille d'Easton. Ce dernier acquiesce en murmurant des mots que je suis incapable de percevoir, évidemment.

J'espère simplement qu'il va bien.

***

La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées et lorsque j'aperçois le nom de mon interlocuteur, je pousse un long soupir.

Il fallait bien que ça arrive un jour.

Après l'audience, je n'ai pas attendu qu'Easton sorte. Je savais qu'après une telle épreuve, il aurait préféré rester seul. Il était consentant, car cela aidait son cas, mais je sais que voir ses pensées intimes être lues à voix haute de la sorte, peut faire terriblement mal. C'est comme se dévoiler entièrement nue face à une assemblée. Ce qui a quelque chose de terrifiant.

Alors j'ai salué la famille de mon ex en leur demandant de m'avertir si ce dernier avait besoin de moi. Puis j'ai rejoint l'appartement de mon frère. J'en ai profité pour prendre une bonne douche, puis à nouveau, je me suis repassée l'audience en boucle. Me souvenant de la moindre réaction faciale de Shelby ou de sa défense. La femme d'Easton observait sa meilleure amie exceller avec admiration. Elle était presque satisfaite de chacun de ses mots. C'était à peine perceptible, car elle cachait parfaitement son air malicieux derrière un visage chagriné. Mais il y avait ces moments où une réaction contraire se dessinait sur ses yeux ou sa bouche. Ça ne durait qu'une nanoseconde, mais assez pour que je l'aperçoive. Je ne pourrais jamais le prouver, mais ça me suffit à ne jamais douter de sa culpabilité.

— Papa ?! m'exclamé-je en feignant l'enthousiasme.

— N'utilises surtout pas cet air innocent et interrogateur, Elyna. Je te connais mieux que ça.

Me connaître ? Ça, c'est sa meilleure blague. Mais comme à mon habitude, je ne dis rien et le laisse poursuivre.

— Tu pensais me berner combien de temps, au juste ?

Plus qu'une semaine, en tout cas. Habituellement, on se voit toutes les trois semaines pour un bilan. Mais il faut croire que cette fois-ci, la chance n'a pas tourné en ma faveur.

— Je comptais t'appeler, mais tout s'est enchaîné très vite. J'ai déjà pris mes précautions au travail...

— Oui en te faisant remplacer par ta simple assistante. Mon Dieu, Elyna, qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? aboie-t-il, alors que la colère boue en moi.

C'est toujours pareil avec lui. Il prend cet air supérieur et le reste n'est que grain de sable sur son passage. Il ne connaît aucun de ses employés, il n'en a rien à foutre. Tout ce qu'il regarde, c'est le post qu'ils occupent et ça lui suffit à se faire un avis.

Quel putain d'enfoiré.

— Ioanna est très compétente. Elle m'assiste depuis des années et je ne l'aurais jamais nommée remplaçante, si j'avais le moindre doute. Alors arrête de me traiter comme la dernière des imbéciles.

Il ricane amèrement.

— Si tu arrêtais d'agir comme telle, on s'en sortirait peut-être. Merde Elyna, tu ne peux pas tout quitter pour cet homme. Ça a déjà failli arriver lorsque...

— Non, je t'interdis de parler de ça.

Cette fois, j'ai hurlé. Parce qu'il peut m'insulter autant qu'il veut. Il sait pertinemment qu'un seul sujet est tabou et qu'il franchirait la limite en le mentionnant.

— Très bien. Mais ça ne change pas ce que je pense. Easton Hathaway est accusé d'un crime et il va sûrement passer les prochaines années de sa vie en prison. On n'a pas besoin de ça, Elyna. Tu te rends compte des répercussions que ça pourrait avoir sur Lykaios Empire ? Les gens ne doivent pas te voir cautionner de tels actes

Toujours sa précieuse entreprise. Il ose me parler de réputation, alors que le destin d'un homme innocent est en jeu. Parce qu'il est vrai que chaque plainte portée aux autorités est véridique. Je ne vois même pas pourquoi on se casse la tête à faire un procès, dans ce cas. Une vraie perte de temps.

— Je ne cautionne absolument rien. Easton est innocent et si je suis là, c'est pour le prouver, objecté-je fermement.

Il rit à nouveau. Comme si tout ce que je disais n'était qu'une énorme blague.

J'aimerais bien le voir dans un cas similaire. Il serait bien content que les gens qui l'aiment, le soutiennent.

— Tu es bien trop naïve, ma fille. Ça fait dix ans que tu n'as pas revu cet homme. Tu penses réellement que les gens ne peuvent pas changer ? C'était un gamin quand vos chemins se sont séparés. On est tous différents, après autant d'années. Réveille-toi.

Je suis consciente que les gens changent. Et pourtant, même si physiquement, mon ex s'est transformé. Il ne m'a fallu que quelques minutes pour comprendre que son cœur était resté intact. Que rien ne le changera. Pas même une salope arriviste telle que Shelby Harper.

— Tu as raison, papa. Les gens changent. Et c'est pour ça que je vais te dire d'aller te faire foutre et de ne plus jamais parler d'Easton de cette façon, devant moi. Il sera toujours un meilleur homme que tu ne seras jamais. Je vais prouver qu'il est innocent, même si je dois tout perdre pour ça. Alors tu sais quoi, tes reproches, je n'en ai rien à foutre. Vire-moi si ça te chante, mais ne m'appelle plus.

Puis sans lui laisser le temps d'argumenter, je raccroche et balance avec fureur mon téléphone sur le lit.

Connard.

Mon père et moi, ça n'a jamais été la grande joie. Il n'est pas méchant en tant que personne, réellement. Il est juste nul au job de parent. Et ce, depuis toujours.

Je n'ai jamais osé lui tenir tête, je suis d'ailleurs plutôt surprise par ma réaction, mais tout de même assez fière. C'est la première fois que je défends mes opinions et bizarrement, ça fait un bien fou. Il me fallait simplement ce bout de courage.

Une nouvelle sonnerie retentit, mais cette fois-ci, je reconnais aisément celle de la maison.

Et ma surprise s'accroît lorsque la silhouette se matérialise devant moi, au moment où j'ouvre la porte.

— East ? Tout va bien ? le questionné-je, essayant de lire sur son visage.

Il m'adresse un petit sourire sans me lâcher du regard.

— C'est surtout à toi qu'il faut poser la question. Je pensais que tu allais rester après l'audience.

Son ton était légèrement peiné, comme s'il avait espéré que je sois là, à sa sortie. Et moi qui pensais qu'il avait besoin d'espace, surtout après un tel affront. Il se pourrait que j'avais tout faux.

— Je... Je savais que l'épisode du journal intime allait te foutre un coup au moral. Je pensais que tu avais besoin d'être seul.

Il fronce les sourcils, avant de secouer la tête. Il avance ensuite d'un pas, afin de pénétrer dans l'appartement, m'obligeant à reculer au fur et à mesure qu'il avance. Mais lorsque mon corps but contre le mur derrière moi, je ne peux plus empêcher le sien de s'approcher. Il me sonde un instant, me détaillant de la tête aux pieds, avant de remonter jusqu'à mes yeux et d'accrocher ses pupilles aux miennes, tandis que ses mains viennent encadrer mon visage.

— Je suis capable de repousser tout le monde, dans ce genre de situation, Elyna. Mais pas toi. Mon Dieu, jamais je ne pourrais te repousser. J'aurais toujours besoin de toi à mes côtés. Si ces dix dernières années m'ont appris quelque chose, c'est bien ça.

Il dépose un long et doux baiser sur mon front, alors que mon cœur fond à l'entente de ces quelques mots.

Oh Easton, si tu savais à quel point c'est réciproque. À quel point j'ai envie d'envoyer valser toutes mes responsabilités et ne faire à nouveau qu'un avec toi.

Mais je ne dis rien, parce que ça compliquerait tout. Et qu'en ce moment, ni lui, ni moi n'avons besoin de ça.

— Ne doute jamais de ça, mon soleil. Jamais.

⚖️⚖️⚖️

Argh quel amour cet Easton 🥹

Alicia n'a fait qu'une bouchée de cette pimbêche ! That's my girl 😌

Petit aperçu du cher papa Lykaios ! Non, on ne l'aime pas 🙄

Samedi vous aurez à nouveau le droit à deux chapitres, dont un flashback plutôt intéressant 🤭

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