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EASTON

— Pour cette nouvelle audience, les avocats de Shelby ont prévu d'interroger Cassidy Howard. Tu la connais ? me demande Alicia, sa feuille de notes en mains.

— Évidemment que je la connais. Parmi la bande d'hypocrites que ma femme prénomme « amis », Cassidy est celle qu'elle préfère.

— Ce qui signifie qu'elle serait prête à tout pour t'enfoncer, quitte à mentir et à inventer des choses.

Elle insiste bien sur cette dernière partie, mais j'avais déjà compris. En devenant ma compagne, puis ma femme, Shelby est parvenue à entrer dans le cercle de la haute. Ses amis ne le sont pas vraiment. Si elle venait à perdre son argent, ils lui tourneraient tous le dos. Cependant, lorsqu'il s'agit de défendre des causes importantes, afin de se faire bien voir, ces vermines n'hésiteraient pas à user de leur plus belle voix. Cassie est aussi vicieuse que Shelby, ce qui pourrait sortir de sa bouche serait bien capable de m'anéantir. Alors autant se préparer et rester sur mes gardes.

— J'en suis parfaitement conscient, Alicia.

— Très bien, alors ne réagit pas et laisse-moi faire. Si tu venais à être appelé à la barre, tu ne dois jamais hésiter. Tu traitais ta femme comme une reine. Tout ce qui était à toi était à elle. Elle ne travaillait pas, alors tu étais le gagne-pain de la maison. Ne laisse pas les paroles de cette femme te toucher. Quoi qu'il arrive, tu ne dois croire qu'en toi. Et en moi à la rigueur. J'avoue que ce serait pas mal.

Elle ajoute cette dernière phrase en esquissant un léger sourire amusé, étirant le mien au passage.

Je trouve que ces petits moments d'humour sont importants et carrément sains, dans ce genre de situation. Dans le cas contraire, on deviendrait probablement fou.

Les jours d'audience sont les plus stressants, que ce soit pour Alicia ou pour moi. On ne sait jamais à l'avance quelle en sera l'issue, quels arguments ma femme et ses avocats ont dans leurs sacs, quel témoin viendra faire pencher la balance. Je sais pertinemment que ces longues semaines de procès sont nécessaires, pour prêcher le vrai du faux.

Néanmoins, parfois, j'aimerais qu'on tranche tout de suite. Être enfin en paix et ne plus se lever avec cette boule au ventre. Mais il ne faut pas se leurrer, je sais très bien que si le procès s'arrêtait là, c'est en cellule que je passerais les dix prochaines années. Alors je chasse ces pensées et me prépare mentalement à affronter la bête.

— Pars toujours avec un esprit gagnant et tu auras déjà cinquante pour-cent de chances de parvenir à tes fins, Easton.

La fameuse devise de mon grand-père résonne dans mon esprit. Cet homme était un leader, il affrontait ses épreuves la tête haute et il savait quoi dire pour remonter le moral de ses troupes. Oui, ça lui arrivait de tomber, comme n'importe quel être humain. Cependant, il se faisait un point d'honneur à toujours se relever et à se battre pour ses croyances.

Avoir été élevé par cette légende sera toujours ma plus grande fierté. Toujours.

Plusieurs sons de talons retentissent et je n'ai pas besoin de me tourner pour les associer à leur propriétaire. Ça fait des semaines que ce bruit résonne dans mon esprit. Avec le temps, j'ai fini par le mémoriser.

Un réflexe m'oblige cependant à relever la tête dans leur direction et c'est le regard de femme qui croise le mien en premier. Shelby a toujours été une femme forte qui savait garder la tête haute et regarder ses ennemies dans les yeux, sans flancher une seule seconde. Elle possède ce quelque chose d'intimidant, qui pousse ses interlocuteurs à détourner le regard dans la minute. Sauf qu'avec moi, ça n'a jamais pris. En moi, elle a trouvé un adversaire à sa taille et c'est ce qui l'excitait le plus, à une époque.

Elle me scrute longuement avant d'esquisser un sourire en coin. Un sourire qui me promet une audience spectaculaire. Alors comme pour lui prouver qu'elle ne m'atteint pas, je lui rends son sourire de peste, avant de détourner le regard, lui prouvant toute l'indifférence que je ressens à son égard. Shelby déteste pas mal de choses dans la vie, mais l'ignorance envers sa personne est placée en tête de liste. Elle a besoin de se montrer, de se prouver qu'elle est importante, enviée, adulée. Une vraie narcissique, défaut qui a su parfaitement noircir son âme.

— Ne lui accorde pas la moindre attention, East. Elle cherche juste à te déstabiliser.

— T'en fais pas. Je te rappelle que j'ai vécu avec la bête pendant des années, je connais ses tactiques. De plus...

Une silhouette entrant dans la cour attire mon attention, et lorsque mes yeux reconnaissent parfaitement ma personne préférée, la suite de ma phrase se meurt à jamais.

Putain.

Elyna avance dans ma direction, plus sexy que jamais. Aujourd'hui, elle a opté pour un haut en soie blanc laissant apparaître un décolleté plongeant, mettant l'eau à la bouche de n'importe quel individu possédant des yeux qui fonctionnent. Avec ça, elle a choisi un pantalon noir près du corps qui met en valeur sa longue silhouettes et ses jambes interminables, moulant son cul à la perfection.

L'effet qu'elle produit sur mon corps est immédiat et je suis bien obligé de placer ma mallette contre mon entrejambe, pour dissimuler cette érection naissante qui n'a absolument pas sa place dans ce lieu.

Putain, ce n'est vraiment pas le moment.

Elle a relevé ses cheveux en une queue de cheval haute, laissant sa frange retomber de chaque côté, tandis que sa sublime nuque est totalement dégagée.

Cette femme est d'une beauté naturelle à couper le souffle. Je pourrais littéralement passer mes journées à la contempler, sans m'ennuyer un seul instant.

Seule Elyna Lykaios est capable de me mettre à genoux, totalement à sa merci. Je ne tenterai même pas de me défendre.

— Quelle femme, s'extasie Alicia à mes côtés.

Mon avocate reluque mon ex fiancée sans aucune retenue, à deux doigts de baver.

Eh oui Alicia, c'est l'effet qu'elle produit sur chaque personne croisant sa route.

— N'essaye même pas de l'approcher, la préviens-je dans un murmure qu'elle seule peut entendre.

Elle esquisse un petit sourire malicieux sans détourner le regard d'Elyna, avant de répliquer :

— T'en fais pas, je l'ai carrément allumée. Mais tant que tu seras dans les parages, je n'ai malheureusement aucune chance.

Pourquoi le fait qu'Alicia ait dragué mon ex, fait ressortir un sentiment qui ressemble grandement à de la jalousie ?

— Peut-être que je devrais finalement tout faire pour t'envoyer en prison. J'aurais le champ libre pour la mettre dans mon lit, après ça. Elle aura sûrement besoin d'une épaule attentive pour pleurer la perte de ce pauvre Easton, plaisante mon avocate.

Je souris davantage en approchant lentement ma bouche de son oreille.

— Aucune femme n'est sexy au point de te faire perdre une affaire, murmuré-je d'une voix suave.

Nos prunelles s'accrochent, laissant place à un regard complice. J'adore Alicia, c'est une femme à la fois intelligente, fourbe et déterminée. Mais jamais je ne verrais en elle plus qu'une amie. En réalité, je ne serai plus jamais capable de donner mon cœur à une autre femme. Shelby ne l'a jamais eu. Elle le savait, mais a tout de même décidé de m'épouser. C'est comme ça que j'ai rapidement compris que seule ma position dans l'échelle sociale l'intéressait.

Je profite alors du fait que la juge ne soit pas encore parmi nous, pour aller saluer la bombe qui nous fait honneur de sa présence. Je ne le dis peut-être pas, mais savoir qu'elle est ici, dans le public, près de moi, ça m'aide à tenir.

Elle m'accueille avec un large sourire que je ne peux m'empêcher de scruter comme un obsédé. Cette femme a les lèvres les plus attirantes qu'il m'ait été donné de croiser. Et elles ont aussi le goût que je préfère, mais ceci est encore une autre histoire.

— Cette tenue, c'est pour me tuer ? chuchoté-je contre son oreille.

Elle sourit un peu plus largement et me lance un regard narquois. La peste, elle l'a fait exprès.

— Oh, East, ce n'est qu'un décolleté. Rien de bien méchant.

Sa voix était peu audible, mais la proximité de nos deux visages m'a permis d'assimiler chaque mot à la perfection. Elle est à nouveau trop proche de moi, si bien que son parfum envahit tous mes sens. Elle ne peut toutefois, pas être la seule à perturber l'autre et s'en tirer comme si de rien n'était.

Je m'avance encore plus près, effleure sa taille de mes doigts en prenant garde à ne pas la toucher, bien que j'en crève d'envie. Je laisse mes pupilles analyser la moindre de ses courbes, je la dévore littéralement du regard et je sens, à la manière dont son corps se tend, que je commence à l'atteindre. Alors je poursuis mon manège en caressant son oreille de mon souffle, accélérant progressivement la respiration de ma brune.

— Oh, mon soleil, si tu savais toutes ces méchantes choses que j'aimerais faire à ce décolleté. Toutes les marques, attestant du bien que je t'aie procuré, que j'aimerais laisser sur ton corps. Faire taire cette bouche insolente qui ne vise qu'à me tourmenter, jour après jour.

Elle agrippe le siège à ses côtés et le serre si fort que ses jointures en deviennent blanches. Sa respiration irrégulière, ses yeux rivés sur mes lèvres, tout la trahit et tout m'excite davantage. C'est un jeu dangereux, un jeu auquel aucun de nous ne ressortira gagnant.

— East...

Mais le fracas d'une porte qui s'ouvre, l'empêche de venir à bout de ses pensées. Nous sursautons en simultané, alors que la voix annonçant l'arrivée de la juge parvient à nos oreilles.

Elle sait choisir son moment, celle-là.

— On reprendra cette discussion plus tard, signalé-je à Elyna avant d'accourir auprès d'Alicia.

C'est l'heure de se battre.

***

— Pouvez-vous déclarer votre nom complet ? demande maître Lopez à notre témoin.

— Cassidy Madeline Howard, mais vous pouvez m'appeler Cassie, ricane la meilleure amie de Shelby.

Elle a revêtu son meilleur sourire diabolique et l'air de peste qui va avec. J'ai déjà envie de me tirer. Je déteste cette femme, je déteste sa voix aiguë, ses manières d'aristocrate de mes deux, son putain d'air supérieur. Son père possède l'entreprise pétrolière la plus importante du pays, alors tout lui a toujours été servi sur un plateau d'argent. Elle n'a jamais travaillé et préfère passer son temps à frimer auprès des bourges coincés de son genre.

Je ne crache pas sur l'argent, après tout je suis multimilliardaire. J'ai aussi grandi dans un environnement privilégié et jamais je ne m'en cacherai. Cependant, je ne suis pas du genre à m'allonger comme un pacha, à frimer en affichant mes millions partout où je passe. À la place, je bosse et je donne tout ce que j'ai pour préserver l'empire créé par mon grand-père. C'est ce qui compte le plus pour moi.

— On restera sur mademoiselle Howard, indique Lopez en esquissant un sourire qui n'atteint pas ses yeux.

Je parie qu'elle est déjà en train de regretter son choix. Personne n'a envie de s'infliger ça. Écouter Cassidy, c'est comme écouter une porte qui grince, s'ouvrir et se fermer : insupportable.

Alicia mime discrètement une envie de se tirer une balle, m'arrachant un rire silencieux.

— Bien, mademoiselle Howard, quelles sont les relations que vous entretenez avec la victime ?

Elle lance un sourire complice à ma femme, avant de poser à nouveau son regard sur l'avocate.

— Shelby est ma meilleure amie depuis plus de quatre ans. On est comme des sœurs.

Je suis incapable de rester impassible face à ce cinéma.

Le jour où ta sœur sera fauchée, bizarrement, ce mot aura fui ton foutu dictionnaire déjà bien vide.

— Vous êtes donc proches. Se confiait-elle à vous sur sa relation avec monsieur Hathaway ?

Cette fois, Cassidy me lance un regard noir avant de hocher la tête.

— On parlait de beaucoup de choses. Mais Shelby n'était pas du genre à ressasser le mal. On se racontait plus souvent nos exploits sexuels qu'autre chose.

Elle rit à nouveau, mais personne ne l'imite. Comme très souvent.

— Nous pensions toutes que Shelby avait eu le meilleur parti de cette ville : riche, canon et important. À vrai dire, nous l'avions toutes enviée. Alors pour compenser, on la suppliait de nous raconter ce qui se passait dans leur lit.

Eh bien, ravi d'apprendre que ma vie privée ne l'était finalement pas.

— Et je peux vous dire que...

— Objection, votre honneur ! Qu'est-ce que la vie privée de mon client a à faire dans cette histoire ? objecte Alicia.

Merci, j'ai bien cru qu'on allait diffuser une sextape me mettant en scène, après ça.

— Retenue. Les détails de la vie sexuelle de l'accusé ne sont pas pertinents.

— Bien, madame Howard. Avez-vous déjà remarqué des traces ou marques étranges sur le corps de madame Hathaway ?

À nouveau, l'aristocrate hoche la tête en prenant son air le plus peiné. Allez, quelle connerie va-t-elle nous sortir encore ? Parce que bien que je doute de moi, dû à mon manque de souvenirs, je sais pertinemment que jamais avant cette soirée-là, je n'ai levé la main sur Shelby. Autant crevé que faire une chose pareille.

— Si vous m'aviez laissé terminer, j'aurais pu aller au bout de ma pensée. Effectivement, il m'est arrivée de voir d'étranges marques sur la nuque de Shelby. Mais elle affirmait toujours qu'Easton et elle, avaient une vie sexuelle plutôt active et que leurs ébats étaient plutôt sauvages et violents. Nous rendant à nouveau envieuses et absolument pas méfiantes.

Cette femme est vraiment dérangée. Comment peut-on être à ce point obsédée par la vie sexuelle des autres ?

Il est vrai qu'entre Shelby et moi, ça n'a jamais été très doux. Ma femme était entreprenante, au même titre que j'aimais dominer, alors ça donnait souvent quelque chose de passionné, brut et bestial. Et oui, nous gardions tous les deux des marques de ces ébats. Mais ça n'a jamais été plus que ça. : du sexe brutal et consenti.

— Mais maintenant que j'y pense, les marques étaient vraiment prononcées. Et bien que Shelby ne s'en plaignait pas, je comprends aujourd'hui qu'elle était sous l'emprise d'Easton. Vu la violence qu'il renferme, il devait user de sa puissance pour la soumettre au lit et profiter de cette excuse pour la violenter. Depuis ce fameux soir, Shelby s'est confiée à moi. Elle m'a avoué qu'elle ne savait pas comment dire non à son mari, alors elle le laissait faire.

— Alors monsieur Hathaway aurait commis un viol ?

— Objection, votre honneur ! Accusation avec faits non prouvés.

— Retenue, déclare la juge.

Non mais j'hallucine. M'accuser de violence est une chose déjà horrible, mais m'accuser de viol. Envers ma propre femme qui plus est ? Mais putain qu'est-ce qui ne va pas chez eux ? Jamais de ma vie, je n'aurais pensé à toucher une femme sans son consentement. C'est une chose primordiale quand deux personnes ont envie d'aller plus loin, putain. Et entre Shelby et moi, celui qui n'avait pas forcément envie de coucher avec l'autre, c'était bien moi. Cette femme était entreprenante et allait même parfois jusqu'à me déshabiller, sans confirmation de ma part. Ça ne me dérangeait pas. J'étais déjà un mari minable, je pouvais au moins la satisfaire en lui offrant mon corps, durant quelques heures. Mais la forcer ? Putain rien que d'y penser, j'en ai la gerbe.

Et un coup d'œil à Elyna me suffit à comprendre qu'elle pense la même chose. Elle mieux que personne, peut en témoigner.

— Avez-vous déjà surpris monsieur et madame Hathaway en pleine dispute ? l'interroge Lopez.

— En effet, oui.

— Et j'imagine à votre tête que ce n'était pas tendre.

— Objection, argumentation. Aucune question n'est posée, s'écrie à nouveau Alicia.

— Retenue, maître Lopez soyez plus clair dans vos questions.

Je sens le corps de Lopez se tendre, augmentant ma satisfaction. Si tu souhaites me descendre, fais-le correctement.

— Très bien, avez-vous perçu un acte violent de la part de monsieur Hathaway ?

Cassidy hésite. Son regard balaye entre Shelby et la juge. Elle sait que mentir sur quelque chose qu'elle aurait vu, peut la conduire à un faux témoignage. Mentir sur quelque chose que Shelby lui aurait dit ne peut pas être prouvé, alors elle ne craint rien de ce côté. Mais dans cette situation, elle est perdue.

— Non, il lui criait dessus, mais n'a jamais levé la main sur elle publiquement.

— L'aurait-il poussé ? Effectuer un geste qui pousse à croire qu'il allait la frapper ? L'a-t-il attrapé de façon brusque ?

— Objection, votre honneur : questions multiples, proteste à nouveau mon avocate.

J'observe cette louve se battre avec admiration. Elle ne laisse rien passer et me prouve jour après jour à quel point j'ai fait le meilleur choix, en l'engageant.

— Retenue.

Un sourire mauvais étire les lèvres d'Alicia, alors que Lopez nous maudit de l'intérieur.

Échec et mat, ma belle.

⚖️⚖️⚖️

Une nouvelle audience mouvementée ! La partie 2 aura lieu dans le prochain chapitre !

Mais Alicia ne laisse rien passer 😌

Sans parler de la tension entre Elyna et Easton un peu plus tôt 🤭

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