12

ELYNA

15 ans plus tôt

J'ai passé une sale journée.

Il n'y a pas d'autres termes pour définir l'état dans lequel je me trouve en cette fin d'après-midi pluvieuse d'octobre. Vous savez, le genre de journées qui commencent mal dès votre réveil et qui prédisent tout un tas de malheurs pour les heures à venir ? Eh bien, c'est exactement ce qui m'est arrivée aujourd'hui.

Ça a commencé avec mon réveil qui a décidé de se mettre en grève, me mettant en retard d'une bonne demi-heure. Alors je m'habille le plus rapidement possible, mais toujours avec classe. En retard peut-être, mais hors de question de négliger son apparence. Ce serait quand même le comble pour une descendante d'une des plus grandes maisons de couture. Enfin bon, là n'est pas le sujet.

Donc après ça, je me suis dit foutu pour foutu, autant prendre le temps de faire couler un café. Sans ma dose habituelle, je risque d'être inutile, inefficace et tous les synonymes de complètement sans intérêt. Mais bien évidemment, un malheur en entraînant un autre, ma précieuse a choisi le bon jour pour rendre l'âme. J'ai donc dû me rendre à mon second cours de la journée (je ne serais jamais arrivée à temps pour le premier) avec l'énergie d'un rat mort.

Classe.

Après ceci, on aurait pu penser qu'il n'y aurait pas d'autres mésaventures, j'étais clairement utopique. Dans la précipitation du matin, j'ai oublié de mettre dans mon sac, le devoir à rendre pour mon cours d'économie. Résultat des courses : je pars avec moins deux points, pour quelque chose qui ne va déjà pas valoir grand-chose.

Merveilleux.

Le reste de la journée s'est passé sans encombre. Enfin, c'est ce que j'ai cru jusqu'à ce qu'il se mette à pleuvoir des cordes et que je n'ai pas pensé à prendre mon parapluie. Merci à la météo des iPhones qui annonçait de belles éclaircies pour la journée.

Enfin voilà, une délicieuse journée qui explique mon excellente humeur, en cette fin d'après-midi. Notez l'ironie, je vous en supplie.

Tout ce qui pourrait me remonter le moral aujourd'hui, c'est un bon sachet de chouquettes provenant de la meilleure boulangerie du campus. Un des propriétaires a passé quelques années en France et est revenu avec tout un tas de recettes extraordinaires. Dont les chouquettes qui sont actuellement ma chose préférée au monde.

Non, je n'exagère pas.

— Elyna, tu as l'air d'avoir passé une journée mouvementée, se marre Pietro lorsque j'arrive devant le comptoir.

Pietro travaille à mi-temps à la boulangerie, en parallèle de ses études. Comme je suis une cliente régulière, on a fini par se familiariser. Il n'a que deux ans de plus que moi, alors ça aide.

— M'en parle pas, il me faut à tout prix mon sachet de chouquettes ou je vais bien finir par dépérir.

Il s'esclaffe un peu plus fort face à ma mine abattue et à mon air de drama queen. Mais le mauvais pressentiment qui me submerge, lorsque sa mine enjouée se transforme en une grimace d'excuse, me fait froncer les sourcils.

Pitié dites-moi que ce n'est pas ce que je crois.

— Désolé, ma belle, je viens tout juste de vendre le dernier à ce gars-là.

Il pointe du doigt quelque chose derrière moi, m'obligeant à me tourner avec précipitation. Deux gars en pleine discussion sont en train de se diriger vers la sortie, mais c'est celui qui tient mon sachet de chouquettes, qui retient toute mon attention.

Ah nous deux, mon coco.

— Eh toi ! m'écrié-je en accourant dans sa direction.

C'est son ami qui me repère en premier et qui fait signe au voleur de chouquettes qu'un bulldozer arrive dans sa direction.

— Rends-moi ce qui m'appartient ! grondé-je en croisant mes bras sur ma poitrine, lorsque je me plante devant lui.

Je suis carrément en train de passer pour une folle devant une grande partie du campus, mais je m'en moque royalement. J'ai passé la pire journée de ma vie et la seule chose qui est en mesure de partiellement me remonter le moral, se trouve dans les mains d'un inconnu. Il est hors de question que je laisse passer ça.

— Euh... bonjour. On se connait ? demande le blond en lançant un regard paniqué à son pote.

— Non, on ne se connait pas et crois-moi, je n'en ai rien à foutre. Tout ce que je sais, c'est que tu as pris mon sachet de chouquettes et que tu vas me le rendre tout de suite.

Les deux écarquillent les yeux face à mon numéro. Bon, ce n'est pas tous les jours qu'une fille en pétard vous agresse pour une viennoiserie. Mais on ne va pas s'en formaliser. Je ne suis clairement pas dans mon état normal, pas de quoi en faire tout un plat.

— Ton sachet ? Il était réservé ? Parce que le serveur n'avait pas l'air de...

— Non, il n'était pas réservé, mais c'était le dernier et j'en ai vraiment besoin. Alors je vais te le racheter et on ne va pas en faire toute une histoire. Compris ?

À nouveau, il me regarde comme s'il m'était poussé une deuxième tête. Puis contre toute attente, les deux se mettent à éclater de rire, comme si j'avais raconté la blague du siècle.

On peut savoir ce que j'ai dit de drôle ?

S'apercevant sûrement que je suis on ne peut plus sérieuse, ils cessent leurs ricanements agaçants, afin de me dévisager longuement.

— Alors je ne sais pas à quoi tu tournes, ma belle, mais ces chouquettes sont à moi. Premier arrivé, premier servi, comme le dit le dicton, me nargue-t-il en agitant le sachet devant mes yeux.

Enfoiré.

— Je t'en prie ! J'ai passé une journée épouvantable et ces petites choses sont les seules choses en mesure de me remonter le moral.

Je lui offre mon meilleur air de chien battu, espérant l'attendrir. Néanmoins, cet idiot campe sur ses positions en secouant la tête comme un gamin de six ans.

— Non, non, non, c'est à moi. Mais si tu le souhaites, on peut les partager chez moi, dans mon lit, suggère-t-il en me reluquant sans vergogne.

Je mime une envie de vomir face à son jeu de drague à deux balles.

— Tant pis pour toi, je vais me régaler en mangeant ces petites choses bourrées de sucre. Oh et je penserai évidemment à toi, ma jolie.

Il se marre une dernière fois avant d'accélérer le pas, me laissant planter là comme une idiote. Je grogne de frustration avant de me résigner. Cette journée est officiellement maudite.

— Désolé pour Brendon, il peut se comporter comme un vrai con parfois, résonne une voix inconnue dans mon dos.

Je me tourne à nouveau pour faire face à deux billes d'un bleu azur ensorcelant. Je ne mets que quelques secondes à reconnaître le pote du connard blondinet. Il est maintenant seul et ne cesse de me fixer d'un air indéchiffrable. Que fiche-t-il encore là ?

— Tu voulais quelque chose ? demandé-je, une pointe d'agacement dans la voix.

Il ne s'en formalise pas et esquisse même un petit sourire en coin. Eh ben, tout le monde à l'air de se marrer autour de moi, aujourd'hui.

— Hmm, m'excuser pour ce désagrément et te proposer un café en échange.

C'est à mon tour de lâcher un rire amer.

— Super technique de drague, mais tu peux remballer. Je ne suis pas intéressée et ce n'est clairement pas la journée.

Puis sans demander mon reste, je tourne les talons pour sortir de cette maudite boulangerie. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de rentrer chez moi et de me prélasser dans un bon bain chaud. Si l'eau chaude décide évidemment de ne pas suivre ma terrible journée.

Cependant, au moment où ma main se pose sur la poignée, un bras vient agripper mon épaule, avant qu'une voix forte désagréable retentisse à nouveau dans mes oreilles.

— Allez un café n'a jamais engagé en rien. Et puis, ça pourrait un peu apaiser cette journée qui ne semble pas t'avoir fait de cadeaux.

Je dégage furieusement sa main tout en le fusillant du regard.

— Primo, ne me retouche plus jamais sans mon autorisation. Deuzio, ma journée de merde ne te concerne en rien. Et tertio, je n'ai pas l'énergie de discuter avec un piètre dragueur qui croit pouvoir me mettre dans son lit, à coup de regards mielleux et de sourires craquants.

— Alors tu trouves que j'ai un sourire craquant ? souligne-t-il d'une mine réjouie.

Je tente de réprimer un sourire face à cet air guilleret, qui m'insupporte autant qu'il m'amuse. J'en profite alors pour analyser l'homme face à moi : une petite tête de plus que moi, un corps fin mais plutôt musclé, un style vestimentaire assez classe qui le rend terriblement sexy. Sans parler de ces yeux bleus renversants, ce sourire à tomber et cette petite barbe taillée qui lui donne quelques années de plus.

Objectivement parlant, cet homme est plus qu'attirant et si je n'étais pas bien énervée, j'accepterais sa proposition sans broncher. Malheureusement pour lui, il m'a croisée le mauvais jour.

— Oublie, Roméo, je ne boirai pas un café avec toi, aujourd'hui.

— Alors un autre jour ? s'enquiert-il, ne prenant clairement pas non pour réponse.

Je hausse les épaules pour laisser planer le doute.

— Moi, c'est Easton. Easton Hathaway, poursuit-il en me tendant sa main.

J'hésite un instant, peu sûre que faire la conversation avec lui soit bien raisonnable. Mais bon, une mauvaise décision de plus ou de moins, qu'est-ce que ça peut faire ?

— Elyna. Elyna Lykaios.

Il penche la tête sur le côté d'un air perplexe.

— Elyna... Je n'avais jamais entendu ce nom auparavant. C'est de quelle origine ?

— Grecque. Je suis gréco-américaine.

— Hmm, tout s'explique. C'est très beau en tout cas. Est-ce que ça a une signification ?

J'hésite à répondre, peu certaine de la pertinence de la chose. Mais son regard insistant me pousse à faire le contraire.

— Éclat du soleil, d'après ce que m'ont dit mes parents.

Il m'observe longuement dans un mutisme total, me rendant complètement nerveuse, mais pas dans le mauvais sens du terme. Je ressens une étrange attraction envers cet homme, qui parcourt mon corps de frissons.

Alors après ce qui me semble une éternité, Easton me sort de ma transe en griffonnant quelque chose sur un bout de papier, avant de me le tendre.

— Voici mon numéro. C'était un plaisir de te rencontrer, douce Elyna. Si ce café t'intéresse, un de ces jours, passe-moi un coup de fil. Sache que je l'attendrai impatiemment.

Il dépose un tendre baiser sur ma main, puis tourne définitivement les talons, me laissant complètement sans voix.

***

Le lendemain, la chance a décidé de revenir de mon côté. Il fait beau, mon prof du matin est absent, me laissant tout le temps du monde pour me préparer et ma nouvelle machine à café est incroyable.

Qu'est-ce qui pourrait être mieux que ça ?

Ding, ding.

La sonnerie de ma porte d'entrée retentit soudainement. Bizarre, je n'attendais pas de visite. Alors la surprise s'accentue lorsqu'un homme inconnu, qui m'a tout l'air d'un livreur, se tient face à moi, deux énormes boites blanches entre les mains.

— Vous êtes bien Elyna Lykaios ? demande-t-il.

J'acquiesce d'un mouvement de tête, pour seule réponse.

— J'ai ces deux paquets pour vous. Il me faudrait simplement une signature.

Je le débarrasse rapidement de sa marchandise, puis signe sur sa petite tablette avant de lui souhaiter une bonne journée et de regagner mon appartement.

— Qui c'était ? me demande Brooke, ma coloc et amie.

— Un livreur, mais je n'ai absolument rien commandé.

Je m'empresse alors de rejoindre la cuisine pour ouvrir les boîtes mystère et ce que j'y retrouve me coupe le souffle.

— C'est quoi tout ça ? s'exclame ma coloc, d'un air ébahi.

Et honnêtement, je fais exactement la même tête. Deux grosses boites pleines de chouquettes fraîches se présentent à nous, et je manque de tomber à la renverse tellement la vision m'éblouit.

C'est quoi ce délicieux bordel ?

— Ça vient d'un certain Easton, m'informe Brooke en agitant une petite carte devant mes yeux.

Easton ?

J'attrape le papier et démarre rapidement la lecture.

Chère Elyna,

Pour excuser le comportement de mon meilleur ami et le mien. J'espère qu'elles te plairont et qu'elles apaiseront tes prochains jours. Je les ai achetées chez le meilleur pâtissier français de la ville, alors je prie pour avoir visé juste. Dans l'attente de ton appel.

Tendrement,

Easton Hathaway.

— Eh ben, je ne sais pas qui est ce Hathaway, mais je t'en prie, épouse-le de ma part.

Je ne réponds rien, mais le sourire qui s'épanouit sur mon visage en dit bien plus que de simples mots.

⚖️⚖️⚖️

Voilà le premier flashback qui marque la première rencontre d'Elyna et Easton !

Et elle était mouvementée 😂

On note cependant qu'Easton est parfait depuis le premier jour 😌 il a su comment charmer Elyna

Je vous met le prochain chapitre de suite ☺️

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